Jimin s'était absenté depuis plus de quinze minutes maintenant. Assis devant son ordinateur, Jungkook n'avait cessé de fixer la porte du bureau, guettant l'arrivée de son cadet, qui ne vint pas. Agacé, le brun se leva d'un bon et quitta la pièce.

— Quelqu'un a vu Jimin ?! demanda-t-il à l'attention de ses collègues.

— Il était en bas, il y a une minute. Je l'ai vu discuter avec une femme, répondit Rose qui venait de revenir de sa pause déjeuner.

— Une femme ? Qui ça ?

— Je n'en sais rien, je l'ai vu de loin, je quittais notre parking.

— Merci, répliqua Jungkook.

Sans rien ajouter, le tatoué se précipita hors du QG à la recherche de son cadet. Qui était cette femme ? Un mauvais pressentiment tordit ses tripes alors qu'il descendait les escaliers en troisième vitesse. Une fois dans le hall, il poussa la grande porte et se figea. Devant lui, sur la première marche, Jimin se tenait droit comme un piquet. Deux marches plus bas, le regard du brun se posa sur une femme qu'il reconnut sans problème, Park Hee-sun.

— Hé Jimin, fit-il d'un ton prudent, pour ne pas surprendre le plus jeune.

Le concerné pivota brusquement et l'expression que Jungkook lut sur son visage réveilla en lui une vague de colère. Ses yeux qui étaient légèrement humides, le fixaient avec surprise. Il ne s'attendait pas à le voir, mais une part de lui était heureuse qu'il soit là.

— Est-ce que ça va ? demanda le tatoué en s'approchant de lui.

D'un geste rassurant, mais également de protection, il vint poser sa main sur la base de sa nuque. Ce contact fit frissonner Jimin qui laissa échapper un petit souffle de soulagement. Pour répondre à la question, il hocha doucement la tête avant que le regard de Jungkook ne se pose sur cette femme qui les fixait.

— Que faites-vous ici ?

— Bonjour commandant, je suis venue voir mon fils, répondit Hee-sun d'une voix douce.

— Je ne suis pas sûr que Jimin ait envie de vous voir.

En entendant cela, Jungkook put sentir la nuque de son cadet se raidir contre sa main.

— Je suis désolé, mais je crois que c'est à mon fils d'en décider, répliqua madame Park tout en gardant sa voix douce et calme.

— C-c'est bon Jungkook. Je veux bien entendre ce qu'elle a à dire, intervint Jimin en levant les yeux vers lui.

Durant de longues secondes, les deux hommes se regardèrent, communiquant en silence à travers leurs regards.

— Ok, mais tu restes au poste, se résigna Jungkook d'une voix plus basse.

— D'accord, acquiesça le médium.

— Installe-toi dans notre bureau, tu pourras y discuter tranquillement.

— Et vous pourrez me surveiller, intervint Hee-sun.

Le tatoué quitta son cadet des yeux pour les poser sur la femme qui l'avait mis au monde.

— Exactement.

Sans rien ajouter, Jungkook rompit le contact avec Jimin, lâchant enfin sa nuque qu'il avait délicatement massée jusqu'à maintenant. Faisant signe à leur invité surprise de passer devant eux, le brun ouvrit le chemin jusqu'aux locaux de la criminelle.

Une fois en haut, ils tombèrent sur Lian et Rose qui quittaient les bureaux. Les deux amis se stoppèrent, regardant à tour de rôle leurs collègues ainsi que la femme qui les accompagnait. Jimin savait qu'ils attendaient de savoir qui était cette étrangère qui venait de faire irruption dans leurs locaux.

— Rose, Lian, je vous présente Park Hee-sun, ma mère.

Les yeux des deux policiers s'écarquillèrent avant qu'ils ne s'inclinent poliment.

— Bonjour madame Park, je suis Rose Barnes, se présenta cette dernière.

— Bonjour, je suis Peak Lian, ravi de vous rencontrer.

— Enchanté, répondit Hee-sun avec un grand sourire. Je suis ravie de rencontrer les amis de mon fils.

À côté d'eux, Jungkook leva les yeux au ciel avant de mettre fin à ce moment qu'il trouvait débordant d'hypocrisie.

— Hé les gars, vous n'avez pas du travail ? intervint le commandant d'un ton plus dur.

— Oui, on était sur le point d'aller au labo, annonça Lian.

— D'accord, à plus tard alors.

Rose et son coéquipier hochèrent la tête avant de s'incliner une dernière fois devant Hee-sun, puis de quitter la pièce. À ce moment-là, Jimin fit signe à sa mère d'entrer dans le bureau où Jungkook venait se trouvait déjà.

Le visage fermé, ce dernier referma tous les dossiers contenant des informations confidentielles ainsi que son ordinateur qu'il prit avec lui.

— Je serai à côté si tu as besoin de quoi que ce soit, fit-il en regardant Jimin droit dans les yeux.

— Merci, murmura ce dernier.

Le brun lui offrit un sourire rassurant puis s'en alla, refermant la porte derrière lui pour leur laisser un peu d'intimité. Embarrassé, le médium fit signe à sa mère de s'asseoir sur sa chaise de bureau tandis qu'il s'installa sur celle de son supérieur.

— Vous êtes trois dans ce bureau ? demanda-t-elle en regardant la place de Taehyung.

— Oui, mais mon collègue n'est pas là aujourd'hui.

— Tu sembles t'être bien intégré ici.

— C'est le cas, répondit Jimin.

Hee-sun lui offrit un sourire chaleureux que son fils ne put lui rendre.

— Le commandant... quel est son nom déjà ?

— Jeon Jungkook.

Les réponses du blond étaient brèves, mais madame Park ne lui en tenait pas rigueur. Elle était bien trop heureuse que son garçon ait accepté de la voir.

— Eh bien, Jungkook a l'air de tenir beaucoup à toi. Est-ce que vous deux vous-

— Je ne crois pas que ce soit pour parler de ma vie privée que vous êtes venue jusqu'ici. Alors allons droit au but, la coupa froidement Jimin.

— Je suis venu pour te voir, prendre de tes nouvelles et oui, si tu le souhaites, nous pouvons parler de ta vie. Tu es mon fils, tu peux-

— Arrêtez de dire que je suis votre fils ! ordonna le médium en élevant la voix. Arrêtez de dire ça comme si nous étions proches, comme si vous aviez été la mère parfaite !

Jimin détestait ce qu'il faisait. Il détestait ce sentiment qui tordait ses entrailles, mais surtout, il haïssait ce que cette femme faisait ressortir en lui. Face à elle, il n'était que colère. Elle faisait ressortir toutes ces horreurs qu'il avait vécues, tous ses traumatismes qui le réveillaient encore en pleine nuit. Elle faisait ressortir toute la rage qu'il avait accumulée au cours de sa vie.

— Comment pouvez-vous utiliser ce terme alors que vous m'avez abandonné aux mains de parfaits inconnus ?! Est-ce que vous avez la moindre idée de ce que j'ai vécu pendant que vous et père continuiez de vivre votre petite vie parfaite dans votre palais de cristal ?! Avez-vous idée de ce que j'ai enduré pendant ces sept longues années durant lesquelles vous avez fait comme si vous n'aviez plus de fils ? Est-ce que vous imaginez une seule seconde ce qu'ils m'ont fait ?! cingla Jimin les yeux inondés de larmes. Ils... ils m'ont brisé, drogué et abusé ! Tout ça parce que vous avez été trop lâche pour tenir tête à votre mari ! Je ne suis pas votre fils, je crois même que je ne l'ai jamais été ! Comment pouvez-vous prétendre être ma mère alors que vous ne m'avez jamais protégé de lui ?! J'ai été battu toute ma vie et vous n'avez jamais rien fait pour arrêter ça ! Une vraie mère aurait tout fait pour protéger son enfant des mains de son mari violent ! Une mère aurait donné de l'amour à son enfant, chose que vous n'avez jamais faite ! Tout ce que vous avez fait pendant les quinze premières années de ma vie, c'était de faire acte de présence, laissant le monstre que vous avez épousé, se servir de moi comme punching ball.

À présent, les larmes roulaient sur ses joues. Son cœur battait si vite dans sa poitrine et ses poumons étaient si comprimés qu'il avait l'impression de suffoquer. Essuyant rapidement son visage avec la manche de son pull, le blond reprit la parole d'une voix tremblante.

— J'avais besoin de vous. J'ai prié chaque soir pour que vous veniez me sortir de ce cauchemar. J'ai... vous m'avez abandonné, vous n'êtes jamais venu me voir, pas une seule fois en sept ans. Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un tel traitement ? J'ai toujours été un bon fils. J'ai encaissé les coups sans me plaindre. J'ai toujours tout fait pour avoir ne serait-ce qu'un mot doux de votre part, mais je n'ai jamais eu le droit à rien d'autre qu'à de l'ignorance. Vous... vous ne m'avez jamais dit que vous m'aimiez, vous ne m'avez jamais pris dans vos bras, comment pouvez-vous revenir maintenant et espérer que j'accepter de vous faire une place dans ma vie ?

Assise face à son enfant, Hee-sun le regardait, le cœur en berne et les yeux larmoyants. C'était la première fois qu'elle voyait son fils dans cet état. Il avait toujours été un garçon calme, qui parvenait à contenir et à dissimuler tout ce qu'il ressentait. Elle avait écouté tout ce qu'il venait de dire et savait qu'il avait raison. Elle avait été une mère horrible, elle en avait conscience, mais maintenant, elle souhaitait se rattraper. Elle ne voulait plus laisser son mari dicter sa vie, elle voulait retrouver son garçon qu'elle avait, malgré elle, dû abandonner.

— Je suis désolé, fit-elle, la gorge nouée par les larmes.

— Vos excuses n'effaceront pas ce que j'ai vécu ! cracha Jimin. J'ai besoin de savoir pourquoi ? Pourquoi vous l'avez laissé m'enfermer là-bas ? Pourquoi vous ne vous êtes pas opposé à lui ?

— J'ai... j'ai cru que tu serais plus en sécurité là-bas. Loin de lui.

— En sécurité ? pouffa amèrement le médium en sentant de nouveau la colère l'envahir. J'ai été violé. Deux fois ! Vous entendez ?! On a abusé de moi, pas une, mais deux fois ! On m'a drogué et utilisé comme si je n'étais qu'un vulgaire pantin manipulé par un marionnettiste ! Mon corps a été sali par une femme qui ne sera jamais punie ! C'est ça que vous appelez être en sécurité ?

En entendant les mots de son fils, Hee-sun hoqueta de surprise, venant plaquer sa main contre sa bouche tandis que les larmes roulaient sur ses joues. Jimin qui était assis face à elle, se leva brutalement, avant de quitter le bureau en claquant la porte derrière lui. Il avait besoin d'air, il avait besoin d'espace.

Jungkook qui était installé devant la table tactile, avait entendu toute la conversation. Son cœur s'était comprimé dans sa poitrine face à la détresse présente dans la voix de son cadet. Lorsqu'il le vit quitter la pièce, il prit son portable et se précipita à sa poursuite. Dans le couloir, il vit le médium prendre la direction du toit alors, sans attendre, il accéléra le pas pour le rattraper avant de croiser Rose et Lian qui revenaient du labo.

— Hé, qu'est-ce qui lui arrive ? demanda Lian inquiet.

— Je n'en sais rien, je m'en occupe, surveillez madame Park, qu'elle ne touche à rien, ordonna Jungkook.

Sans attendre une réponse de leur part, il prit les escaliers qui menaient au toit. En haut, il y retrouva Jimin qui faisait les cent pas. Une main contre sa poitrine, il semblait avoir des difficultés à respirer. D'un pas prudent, le brun s'approcha de lui.

— Hé, appela-t-il d'une voix basse.

Sentant une main chaude s'enrouler autour de son poignet, le médium pivota légèrement pour faire face à son aîné qui le regardait avec douceur et compassion. Instinctivement, Jimin se jeta contre lui, venant enfouir son visage contre son torse, entourant son corps de ses bras fin.

Même s'il n'était pas friand de ce genre d'embrassade, Jungkook le prit dans ses bras. Il voyait bien qu'il avait besoin de réconfort alors, même si cela allait à l'encontre de ses barrières, le brun le garda contre lui.

— Je suis là, murmura le tatoué en caressant tendrement son dos, son menton posé contre le haut de sa tête. Tout va bien.

Le médium ne pouvait plus contenir ses larmes. Le commandant regarda autour d'eux, cherchant un endroit où ils pourraient s'isoler jusqu'à ce que Jimin ne reprenne ses esprits.

— Viens par là, fit-il, glissant ses mains sous ses cuisses pour le soulever.

Automatiquement, le médium enroula ses jambes autour de la taille de son aîné qui l'emmena derrière les murs en pierre qui entouraient la porte en métal. Sans le lâcher, le tatoué vint s'asseoir sur le banc en bois qui se trouvait là et installa son cadet à califourchon sur ses cuisses.

Le visage dorénavant enfoui dans le cou du commandant, Jimin tentait de calmer ses pleurs et sa respiration. L'odeur fraiche et boisée qui se dégageait de son vis-à-vis l'aidait beaucoup et en quelques minutes, il parvint à reprendre ses esprits.

— Est-ce que ça va mieux ? demanda le tatoué en venant masser derrière de sa nuque.

Le médium hocha la tête et se redressa. Tendrement, Jungkook essuya les larmes sur ses joues et lui offrit un sourire compatissant.

— T-tu as entendu la conversation, pas vrai ? murmura Jimin, gêné.

— Oui, répondit le brun avec douceur.

Honteux que son aîné ait entendu de telles paroles, le jeune consultant détourna le regard. Il ne voulait pas que Jungkook l'apprenne de cette façon, même s'il en avait parlé lors de leur première fois, il ne lui avait jamais dit ce qui lui était réellement arrivé. Il savait qu'il n'était pas le responsable, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir honte.

— Tu veux bien me regarder, demanda le commandant.

Le blond obéit et replongea ses prunelles noires dans celles son vis-à-vis qui le sondait avec compassion.

— Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça.

La voix du plus jeune était si fragile et si tremblante que Jungkook ressentit un besoin urgent de l'enlacer, mais il ne fit rien.

— Est-ce que tu veux en parler ?

— Non, répondit simplement le garçon à la chevelure dorée.

— D'accord. Je sais que tu préfèrerais sûrement en parler avec Taehyung, mais si jamais un jour tu ressens l'envie d'en discuter, je serais là.

— Merci, murmura Jimin en regardant ses mains.

Pour réponse, le brun lui offrit un sourire rassurant et chaleureux avant de prendre la parole.

— Tu devrais redescendre et lui parler. Je sais que c'est dur, mais une fois que tu auras mis les choses à plat, tu pourras décider quoi faire. Si tu souhaites ou non qu'elle fasse partie de ta vie.

— Je ne sais pas si j'en ai envie. Je crois que le Jimin enfant voudrait avoir une chance d'avoir une mère, mais le Jimin adulte a du mal à lui pardonner, répondit-il, fixant ses mains.

— Seul toi peut décider.

— Que ferais-tu à ma place ?

— Je n'en sais rien. Je suis quelqu'un de très rancunier, je ne suis pas sûr que j'arriverai à lui pardonner, mais nous sommes différents. Tu as un cœur immense, je suis sûr que si tu le souhaites, tu arriveras à lui pardonner.

— Tu as du cœur aussi, même si tu le caches, moi, je le sais. Je crois que j'ai eu l'occasion de voir le vrai Jungkook.

Le commandant sentit ses oreilles se réchauffer sous les paroles de son cadet alors il détourna les yeux, ce qui fit rire Jimin.

— Tu rougis, le taquina gentiment le plus jeune.

— Tss, je ne rougis pas, nia Jungkook en jouant distraitement avec son nouveau piercing à la lèvre.

Voilà encore une facette du brun que Jimin ne connaissait pas. Cette moue boudeuse qui avait pris vie sur ses lèvres, lui donnant un air si enfantin qui contrastait avec ce visage séduisant, cette coupe undercut et ses nombreux anneaux qui ornaient ses oreilles.

— D'accord, d'accord, gloussa le plus jeune, ne voulant pas mettre son ami mal à l'aise

— On parlait de toi, je te signale. Alors si tu souhaites lui faire une place dans ta vie, reste sur tes gardes. On ne peut jamais réellement faire confiance à quelqu'un, surtout si ton père est encore dans les parages.

— En parlant de lui, tu as vu l'hématome sur la joue de ma mère ?

— Oui. C'est lui qui a fait ça ?

— Hm. Elle lui a dit qu'elle voulait venir me voir et il l'a battue.

— Quel enfoiré, grogna Jungkook, la mâchoire serrée.

— Je ne comprends pas pourquoi elle reste avec lui, murmura le médium.

— C'est parfois plus compliqué qu'on ne le pense pour les femmes battue de partir. Tu devrais lui poser la question. Peut-être qu'elle a simplement besoin d'un coup de pouce.

— Je n'en sais rien, soupira le plus jeune.

Leur bulle de complicité fut brisée par le téléphone de Jungkook qui se mit à sonner. Revenant brusquement à la réalité, le blond sentit ses joues prendre feu lorsqu'il réalisa la proximité de leur corps. Face à lui, le commandant se racla la gorge, incitant son cadet à descendre de ses jambes.

— Jeon, fit ce dernier en décrochant. Oui, on arrive.

Après avoir mis fin à l'appel, le brun se leva et rangea son téléphone dans sa poche.

— On devrait redescendre. Ta mère t'attend.

Le ton de sa voix avait changé. Il était devenu plus distant, mais Jimin s'y attendait. Au moment où leur cocon avait éclaté en morceau, le plus jeune savait que son aîné redeviendrait simplement son supérieur, rétablissant les barrières qu'il avait pourtant réussi à franchir durant ces quelques minutes.

— Oui, allons-y, répondit simplement Jimin lui offrant un sourire qui dissimulait sa déception.

Une fois à l'étage, Jungkook laissa son cadet se rendre jusqu'à leur bureau pendant qu'il se dirigeait vers les toilettes. Lorsqu'il fut dans la pièce, il referma la porte derrière lui et vérifia que toutes les cabines étaient vides avant de pivoter vers les vasques. Immobile devant l'immense miroir, il posa ses mains sur la surface en granit noir, les yeux rivés sur son propre reflet.

— À quoi tu joues mon vieux, soupira-t-il. Le consoler vraiment ? Arrête de te comporter comme un mec en couple. Putain d'idiot.

Voilà ce que Jimin lui faisait. Il brisait toutes ses barrières, aussi épaisses soit elles. Jamais de sa vie Jungkook ne s'était comporté ainsi. Il était quelqu'un de distant, qui n'aimait pas le contact physique en dehors de leur relation charnelle. Pourtant, avec ce garçon à la chevelure dorée, il aurait pu rester sur ce toit pour le reste de la journée. Sans vraiment comprendre pourquoi, il aimait le toucher, il aimait le sentir contre lui, mais il savait que c'était mal. Il avait déjà ressenti ça, et il ne se souvenait que trop bien à quel point c'était douloureux lorsque tout se terminait, que la vérité vous éclatait au visage. Il ne voulait pas revivre ça. Il ne voulait pas de nouveau être trahi, brisé, c'était hors de question. Pour cela, il devait se ressaisir et revêtir ce bouclier qui l'avait protégé durant tant d'années.

Son colocataire n'était qu'un moyen d'évacuer. Un corps qu'il voulait posséder, rien de plus. Il devait convaincre son cerveau de cela et s'y tenir. Jimin n'était qu'un homme qui finirait par se lasser de lui et partir comme il l'avait fait.

Pendant ce temps, dans le bureau, Jimin faisait face à sa mère sans se douter une seule seconde du tourment que son ami vivait.

Hee-sun n'avait pas bougé pendant l'absence de son fils. Elle avait réfléchi à tout ce qu'il avait dit et son cœur de mère s'était brisé en réalisant ce que son enfant avait subi. Par sa faute, il avait vécu un enfer et elle savait qu'elle ne pouvait rien faire pour prendre sa peine.

Gêné par le silence qui régnait dans la pièce, le médium fixait le panorama à travers la fenêtre. Il regrettait d'avoir dit toutes ses choses, même s'il se sentait plus léger maintenant, il avait tout de même confié des choses personnelles, dont il n'avait encore jamais parlé.

— Je suis désolé, commença prudemment Hee-sun.

Jimin se tourna doucement vers elle avant de venir s'asseoir sur le fauteuil de Jungkook.

— Je sais que, peu importe combien de fois je te demanderai pardon, cela ne changera rien à ce que tu as vécu par notre faute, mais je veux réellement faire partie de ta vie. J'ai fait beaucoup d'erreur, j'en suis consciente, je ne me suis pas comportée en mère, mais je peux te promettre une chose, je t'ai toujours aimé, plus que tout au monde.

Jimin pouffa par le nez avant de détourner le regard. Il sentait de nouveau les larmes brouiller sa vue, mais il ne voulait plus pleurer.

— Vous aviez une drôle de façon de le montrer.

— Je le sais, et encore une fois, je m'en excuse. J'aimerais que tu me donnes une chance de te prouver que je peux être une bonne mère. Je ne veux plus perdre aucun moment de ta vie, je suis prête à faire tout ce que tu voudras.

Jimin regarda sa génitrice de longues minutes. Il observait les traits de son visage et réalisa à quel point ils étaient semblables. Il avait hérité de son nez, de ses iris sombres et de sa bouche.

— Donne-moi une chance, implora Hee-sun en se levant.

La cinquantenaire vint s'agenouiller sur le sol et prit les mains de son fils dans les siennes. Surpris de la voir ainsi, le médium sentit son corps se comprimer dans sa poitrine. Sa conscience était divisée en deux. L'une d'elle voulait lui laisser une chance. Lui aussi souhaitait un jour avoir une mère comme celle de Taehyung. L'autre part de lui avait peur. Accepter que sa mère revienne dans sa vie ouvrait également la porte à son géniteur et cela, il en était hors de question. Jimin ne voulait plus jamais que cet homme fasse partie de sa vie.

— Je suis prêt à faire vous donner une chance, mais à une condition.

Les yeux de Hee-sun s'illuminèrent en entendant les mots de son fils. Un sourire débordant d'espoir, elle hocha la tête en serrant davantage ses mains.

— Tout ce que tu voudras.

— Vous devez le quitter.

Cette fois, madame Park perdit toute joie pour laisser place à une peur notable.

— J-je ne peux pas faire ça, refusa-t-elle, la voix tremblante.

— Dans ce cas, vous pouvez retourner auprès de lui. Je suis prêt à vous donner une chance de vous racheter, mais il est hors de question que ce monstre fasse partie de ma vie. Il me déteste, il me méprise et je refuse d'être à nouveau sa chose.

— Jimin, tu ne comprends pas.

En effet, il ne comprenait pas et de nouveau la réalité le gifla en plein visage. Comment avait-il pu penser une seule seconde que cette femme serait prête à quitter son petit confort pour lui ? La déception sur le visage, il retira ses mains de celles de sa mère et se recula pour mettre de la distance entre eux.

— Non, je ne comprends pas. Vous dites m'aimer et vouloir revenir dans ma vie, mais vous refusez de quitter un homme qui vous maltraite depuis des années. C'est ma seule condition. Je refuse de prendre le risque qu'il revienne et si vous n'êtes pas prête à faire ça pour moi, alors nos chemins se séparent ici. Je n'ai pas besoin de vous. J'ai déjà ma famille.

Ces dernières paroles firent l'effet d'une gifle à Hee-sun qui sentit une larme rouler sur ses joues.

— C'est vous qui m'avez abandonné. À présent, j'ai des amis, une famille qui m'aime et qui prend soin de moi. Je ne veux pas qu'il vienne tout gâcher.

Madame Park hocha la tête avant de baisser les yeux. Assise sur ses talons, elle semblait en plein combat intérieur. Elle était face à un choix difficile, mais elle savait qu'elle risquait de perdre son fils, le seul qu'elle avait pu avoir et cela était impensable.

— J'accepte. Je... je vais le faire, pour toi, je suis prête à le faire.

Le cœur du médium bondit dans sa poitrine et sans qu'il ne puisse les retenir davantage, les perles salées déferlèrent sur ses joues rougies.

— Il est parti à Séoul pendant deux jours. Si je veux avoir une chance de pouvoir m'en aller, je dois le faire pendant son absence.

— Est-ce que vous avez un endroit où aller ? demanda Jimin.

— Non. Tout le monde connait ton père. Si j'appelle une amie, il finira par le savoir. Il... Jimin, j'ai déjà essayé de partir et...

Hee-sun fut incapable de terminer sa phrase. La peur qu'elle ressentait nouait sa gorge tandis qu'elle se mit à trembler comme une feuille en venant de nouveau s'asseoir sur le fauteuil qu'elle occupait depuis son arrivée une heure plus tôt. Le blond s'apprêtait à prendre la parole, pour tenter d'encourager sa mère, mais quelqu'un toqua à la porte avant qu'elle ne s'ouvre sur Jungkook.

— Est-ce que tout va bien ? questionna-t-il.

— Oui, j'ai besoin de te parler de quelque chose, répondit Jimin.

S'il y avait bien une personne qui pouvait l'aider, c'était lui.

— Bien-sûr, viens.

Le médium le remercia d'un sourire et fit signe à sa mère d'attendre. Ensemble, les deux hommes quittèrent la pièce et avancèrent jusqu'au bureau vide qui se trouvait plus loin.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai besoin de ton aide. Ma mère a accepté de s'en aller, mais elle n'a nulle part où aller.

Jungkook fronça les sourcils, ayant peur d'entendre la suite.

— Et tu voudrais qu'elle vienne chez nous ? supposa-t-il, espérant se tromper.

— Non, je ne te demanderais jamais ça, mais je n'ai aucun contact, je ne connais personne.

— Elle n'a pas une amie chez qui aller ?

— Non, elle ne veut pas prendre le risque qu'il la retrouve.

En voyant le visage dur et fermé de son vis-à-vis, Jimin se sentit subitement mal à l'aise et stupide de le déranger avec ces histoires de famille.

— Je... je vais me débrouiller. Excuse-moi de t'avoir embêté avec ça.

Il s'apprêtait à quitter la pièce lorsque le tatoué vint saisir son poignet pour le stopper.

— Tu ne m'embêtes pas. Il y a cet hôtel près de la maison, elle pourrait y louer une chambre. Elle ne serait pas loin en cas de besoin.

— Il ne pourra pas la retrouver ? demanda Jimin inquiet.

— Eh bien s'ils ont un compte commun, il pourra voir le paiement sur leurs relevés, mais si tu veux, je peux réserver la chambre à mon nom, proposa Jungkook.

— T-tu ferais ça ?

— Si ça peut éviter que cet enfoiré te retrouve, oui.

Le tatoué avait répondu sans même réfléchir et lorsqu'il réalisa ce qu'il venait de dire, il eut une soudaine envie de se gifler. Quelques minutes plus tôt, il s'était dit qu'il ne ferait plus ce genre de chose, qu'il maintiendrait ses barrières, mais il venait encore de céder.

Face à lui, Jimin sentit une chaleur étrange l'envahir. Il ne s'attendait pas à ce que son aîné lui dise cela. L'éclair qu'il avait vu dans ses yeux l'avait fait frissonner, faisant naitre en lui une envie subite de l'embrasser. Il le désirait vraiment, mais ne fit rien. Il avait bien senti la distance que Jungkook avait installée entre eux, et ne voulait pas empiéter sur cet espace.

— Merci beaucoup. Bien-sûr, je te donnerais l'argent pour la chambre.

— Ne t'en fais pas pour ça, lui sourit Jungkook.

Les joues légèrement teintées, le médium quitta le bureau pour se rendre dans le sien, le brun sur ses talons. Lorsqu'ils entrèrent dans la pièce, Hee-sun leva les yeux vers eux et croisa le regard indifférent du commandant.

— Il y a un hôtel près de chez nous, vous pourrez y loger le temps que vous trouviez une solution, annonça le médium.

— Je ne peux pas aller dans un hôtel, nous avons un compte commun, il me retrouvera grâce à ma carte.

— Jungkook a accepté de vous aider. Il réservera la chambre d'hôtel à son nom.

Madame Park posa de nouveau les yeux sur le concerné. Ce dernier se tenait droit comme un piquet, toujours derrière son fils. En les regardant, la femme à la chevelure d'ébène avait l'impression d'y voir une posture débordante de protection, mais également de possessivité. Cet homme tenait à son enfant, et son cœur de mère, fut soulagé de voir que Jimin était protégé par ce garçon qu'elle ne connaissait pas.

— Merci, fit Hee-sun. Je vais aller chercher mes affaires, où puis-je te rejoindre ? demanda-t-elle à l'attention de son fils.

— Chez n-

— Je vais vous donner l'adresse de l'hôtel et mon numéro, vous n'aurez qu'à m'appeler quand vous y serez, le coupa Jungkook.

Le médium tourna la tête vers son aîné, confus par son intervention, mais décida de ne pas le contredire.

— Jimin ? appela une voix depuis le couloir.

Le concerné pivota pour faire face à Rose qui l'appelait depuis son bureau.

— Oui ? répondit-il.

— Est-ce que tu veux bien venir me donner un coup de main ?

Le blond hocha la tête et s'excusa auprès de sa mère avant de partir. Une fois seul avec madame Park, Jungkook ferma la porte du bureau et se tourna vers elle.

— Merci beaucoup Jungkook, fit Hee-sun en s'inclinant légèrement.

— Je ne l'ai pas fait pour vous, mais pour lui, parce qu'allez savoir pourquoi, il a bon espoir que vous puissiez encore être une bonne mère, répliqua le tatoué d'une voix dure. Mais que ce soit clair, je ne vous aime pas et je ne vous fais pas confiance, alors faites bien attention à ce que vous allez faire. Si vous avez une idée derrière la tête ou si c'est votre enfoiré de mari qui vous envoie, je vous déconseille de continuer sur cette voie. Je ne laisserai personne lui faire du mal, surtout pas vous. Si vous lui brisez encore le cœur, je vous le ferais regretter.

Contre toute attente, Hee-sun ne fut pas vexée par la menace du jeune homme. À la place, elle afficha un sourire rempli de tendresse qui déconcerta son vis-à-vis.

— C'est quoi cette manie que vous les Park, vous avez de sourire dans ce genre de situation ? lança Jungkook.

— Pourquoi ? répondit Hee-sun.

— Votre fils fait la même chose.

— Eh bien, je suis touchée d'entendre ça, cela veut dire que Jimin me ressemble. En ce qui concerne votre menace, est-ce que mon fils sait que vous tenez à ce point à lui ?

Encore une fois, le tatoué fut déstabilisé par la question de la femme qui se trouvait face à lui.

— Peu importe, retenez simplement ce que je vous ai dit. Jimin a assez souffert, il mérite d'être heureux.

— Ne vous en faites pas Jungkook, je ne compte pas faire de mal à mon fils. Je veux réellement faire partie de sa vie et me rattraper.

Leur conversation fut interrompue par Jimin qui ouvrit de nouveau la porte. En voyant le visage sérieux de sa mère et de son colocataire, il les regarda à tour de rôle, confus.

— De quoi vous parliez ? demanda-t-il.

— Je remerciais ton ami pour son aide, répondit Hee-sun avant de s'avancer vers son fils. Si je veux avoir une chance de partir tranquillement, je dois le faire rapidement alors, je vais m'en aller.

— D'accord, appelez nous quand vous serez devant l'hôtel, fit Jimin.

Pendant ce temps, Jungkook prit une feuille de papier sur son bureau pour y griffonner son numéro de téléphone ainsi que l'adresse de l'hôtel.

— Tenez, intervint ce dernier en lui donnant la note qu'il venait d'écrire.

— Merci encore, répliqua madame Park.

Le brun ne donna aucune réponse verbale, hochant simplement la tête.

— Je vous raccompagne, annonça Jimin.

Hee-sun acquiesça et suivit son fils à travers le bâtiment. Une fois dehors, le blond l'accompagna jusqu'à la rue principale où elle trouva un taxi. Lorsque le véhicule s'immobilisa devant eux, le médium ouvrit la portière arrière afin que sa mère puisse y entrer.

— Est-ce que je peux te prendre dans mes bras, demanda-t-elle d'un ton prudent.

Jimin n'eut pas besoin de réfléchir pour savoir qu'il n'en avait pas envie. Même s'il avait décidé de lui donner une chance, il n'était pas encore prêt à partager un moment complice avec elle. C'était trop tôt.

— Je ne veux pas. Je suis désolé, mais c'est trop tôt pour moi, répondit-il

Face à lui, Hee-sun lui offrit un sourire chaleureux et hocha la tête.

— Je comprends. Nous prendrons le temps qu'il te faudra.

Pour unique réponse, le médium acquiesça, lui faisant comprendre qu'il voulait simplement mettre fin à cette conversation et à ce moment qui l'embarrassait. Jetant un dernier regard à son enfant, les yeux de madame Park se posèrent plus loin derrière lui, sur une tête brune qui patientait près de l'immense porte en bois. Elle savait que Jungkook la surveillait, mais elle n'était pas offensée, après tout, il faisait cela pour protéger son fils et elle lui en était reconnaissante.

— À tout à l'heure Jimin, fais attention à toi, dit Hee-sun en montant dans le taxi

— Au revoir, répondit-il en fermant la porte du véhicule.

Le blond regarda la voiture orange s'éloigner. Un sentiment étrange l'envahit lorsqu'il se retrouva seul. C'était un mélange étrange entre de l'appréhension, de la peur, de la joie, mais aussi de la méfiance. Il avait peur d'être de nouveau déçu, mais il était prêt à prendre le risque si cela pouvait lui permettre de renouer avec sa mère. Il savait qu'il leur faudrait du temps pour qu'il arrive à lui pardonner, néanmoins, il voulait leur laisser une chance.

Laissant échapper un léger soupir, Jimin tourna les talons pour retourner au commissariat, mais se figea lorsque son regard se posa sur Jungkook. Ce dernier était assis sur les marches, une cigarette à la main et l'observait avec une telle intensité qu'il sentit un frisson parcourir son échine.

D'un pas lent, le médium parcourut la distance qui les séparait. À mesure qu'il s'approchait, il pouvait sentir ses joues se réchauffer tandis que son aîné ne le quittait pas du regard.

— Salut, murmura Jimin en venant s'asseoir près du plus vieux.

— Salut, répondit Jungkook en tirant une latte sur sa cigarette.

Un silence étrange s'installa entre les deux hommes. Les yeux rivés sur l'horizon, aucun d'eux ne savait quoi dire pour rétablir la conversation.

— Merci pour tout à l'heure, fit le médium après de longues minutes.

— Il n'y a pas de quoi.

— Je sais que tu ne lui fais pas confiance.

— C'est vrai.

Les réponses du brun étaient brèves, mais il n'était pas pour autant désagréable. Il s'était simplement renfermé dans son cocon, tentant de rester loin de ce garçon qui était une véritable tentation.

— Mais tu as tout de même accepté de m'aider.

— Je préfère que tu m'en parles plutôt que tu le fasses en secret et que tu te mettes en danger.

Cette fois, le plus jeune sentit son cœur louper un battement avant de se mettre à cogner contre sa poitrine.

— Bon, remontons, on a encore du travail, ajouta Jungkook pour mettre fin à la conversation.

Jimin hocha simplement la tête en se levant pour suivre son supérieur qui entra dans le bâtiment en pierre. Cette journée ne se passait pas du tout comme prévu, mais il s'en fichait, l'ambiance entre eux était sereine, c'était tout ce qu'il voulait.