Les sirènes hurlant à travers la capitale, Jimin arriva bien plus rapidement qu'espéré à l'hôpital. Durant le trajet, l'officier de police avait remarqué l'inquiétude de son passager et avait tenté de le rassurer comme il le pouvait, cependant rien n'effaçait ses craintes.

À son arrivée aux urgences, le médium fut immédiatement remarqué et pris en charge par une jeune infirmière qui nota son état de fatigue et ses blessures. Après moult négociations, le blond accepta d'être soigné à condition d'avoir des nouvelles de son compagnon. Comme Jimin l'espérait, les examens ne montrèrent aucune lésion interne, ce qui lui permit, après plus de deux heures, de rejoindre enfin Jungkook.

Depuis qu'ils étaient sortis du building, Jimin ne s'était pas arrêté une seule seconde pour réfléchir ou laisser le temps à son esprit de divaguer. Il ne pouvait pas, non, il ne voulait pas, car une part de lui savait qu'à partir du moment où il y penserait, tout deviendrait réel.

Requinqué grâce au soin de l'infirmière, le médium monta à l'étage où se trouvait son petit ami et se rendit jusqu'à sa chambre. Sans toquer, il abaissa la poignée et pénétra dans cette pièce faiblement éclairée par une lampe sur pied. En plein centre, allongé sur le lit, Jungkook dormait paisiblement. Son visage présentait de nombreux hématomes, mais il semblait serein. Selon les dires de l'infirmière, sa vie était hors de danger.

D'un pas lent, il s'approcha du lit jusqu'à arriver à sa hauteur. Avec tendresse, il posa sa main contre son front et se pencha pour y déposer un baiser. Le contact des lèvres contre la peau brûlante du brun suffit à l'extirper de son inconscience.

— Hey, souffla le plus jeune avec un sourire tendre en prenant sa main dans la sienne.

Dans le gaz à cause des médicaments ingérés, Jungkook cligna plusieurs fois des paupières avant de retrouver une vision et reconnaître enfin le visage de son bien-aimé.

— Tu vas... bien ? demanda-t-il d'une voix chancelante.

— Oui, je vais bien, ne t'inquiète pas. On va tous les deux bien, mon cœur. C'est terminé, souffla le blond en déposant un baiser sur ses phalanges meurtries.

Le commandant arbora un sourire rassuré, mais malgré toute sa volonté de rester éveillé, ses paupières ne cessaient de se fermer.

— Repose-toi, murmura Jimin en caressant sa tignasse noire.

— Tu restes avec m...moi.

— Je ne bouge pas bébé, je te le promets, promit le plus jeune.

Jungkook se mit à sourire alors que son esprit retournait dans les abysses du sommeil. De nouveau seul, le médium ne bougea pas d'un poil. Assis sur une chaise près du lit, il garda la dextre de son compagnon dans sa main, pendant que sa main libre caressait sa tempe, faisant des allers-retours dans ses cheveux. Peu lui importait d'être dans une position inconfortable, tout ce qu'il désirait à l'heure actuelle, c'était être près de cet homme qu'il aimait plus que tout.

Il ignorait combien de temps il était resté dans cette position à admirer le profil de son amant, mais sa bulle fut brisée par un coup à la porte. Celle-ci s'ouvrit sur l'infirmière qui l'avait pris en charge à son arrivée.

— Je viens aux nouvelles, comment vous sentez vous ? demanda-t-elle, un stylo dans une main et un bloc papier dans l'autre.

— Ça va, je suis un peu fatigué. Les anti-douleurs font leurs effets.

— Nous pouvons vous trouver une chambre, après tout, vous êtes un patient.

— Non merci, je veux rester à ses côtés.

La jeune femme l'observa quelques secondes, un sourire chaleureux sur les lèvres.

— Je vais vous apporter une couverture dans ce cas et un fauteuil un peu plus confortable.

— Merci.

L'infirmière hocha simplement la tête tout en s'approchant de Jungkook. Elle vérifia que tout allait bien pour lui et gribouilla quelques mots sur le document. Après cela, elle porta à nouveau son attention sur Jimin qui scrutait ses moindres faits et gestes.

— Vous semblez tenir énormément à lui, fit-elle avec douceur.

— Je l'aime plus que tout, confessa le médium, les joues faiblement teintées.

— Ça se voit, lui sourit cette dernière. Je vous ramène la couverture et le fauteuil dans quelques minutes. Si jamais vous avez besoin d'autre chose, n'hésitez pas.

Le médium acquiesça et l'observa quitter la pièce. L'épuisement physique qu'il ressentait n'était rien comparé à sa fatigue psychologique, néanmoins, il ne voulait pas y penser pour le moment. Il resta donc près de son compagnon, le regard perdu sur son visage et l'esprit ailleurs, attendant simplement qu'on vienne lui ramener ce que l'on venait de lui promettre.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Le calme qui régnait dans la chambre d'hôpital était brisé par les faibles ronflements du commandant. Près de lui, penché sur le lit, sa tête reposant sur ses bras, Jimin avait enfin trouvé le sommeil, cependant ce dernier était beaucoup moins serein que celui de son amant. Les sourcils froncés, la mâchoire et les poings serrés, le médium était prisonnier d'un cauchemar dont il ne parvenait pas à sortir. Son corps tressautait régulièrement jusqu'à ce qu'une détonation qui lui semblait bien trop réelle ne le réveille pour de bon.

Ouvrant subitement les yeux, le blond se redressa, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Il avait la sensation que la moindre goutte de son sang avait quitté ses veines alors qu'il sentit les vertiges le traverser et que les perles de sueur ruisselaient sur son front. Son corps tremblait bien plus que de raison, tandis que sa respiration hachée n'arrangeait en rien son pouls qui tambourinait dans ses tempes.

Grimaçant de douleur, il se leva difficilement de son fauteuil et alla s'enfermer dans la salle de bain. Sans lever la tête vers le miroir, il ouvrit le robinet et aspergea son visage d'eau fraîche. Les mains de part et d'autre du lavabo, il fixait le fond de celui-ci, inspirant et expirant le plus lentement possible.

S'il avait essayé de ne pas penser à ce qui s'était passé cette nuit, son sommeil ne l'avait pas épargné. Prisonnier de son inconscient, il avait revécu tous ces évènements que son esprit avait soigneusement scellés dans un coin de sa tête. Tel un cycle sans fin, il avait de nouveau senti toute la violence qu'il avait subie, mais surtout, il avait vu le visage de son père et ce qu'il avait fait.

Lorsque Jimin releva la tête et croisa son regard dans le miroir, toutes les émotions qu'il avait anesthésiées le frappèrent de plein fouet et la douleur qu'il ressentit fut aussi grande qu'un coup de poignard. Les yeux larmoyants, il bougea la tête de gauche à droite, tentant d'effacer ces images qui le hantaient.

Il avait tué son père d'une balle dans la tête, ne lui laissant ainsi aucune chance de survie. Il avait appuyé sur la détente pour mettre fin à sa vie et ce qui le brisait encore plus était l'absence de regret. Il l'avait fait pour sauver Jungkook, mais, la culpabilité d'avoir pris une vie était insupportable.

Les larmes ruisselant à flot sur son visage, le médium perdit le contrôle total de ses émotions. Une tempête faisait rage en lui et son corps était le bouc émissaire de tout cela. Sans la moindre précaution, Jimin frappa sa tempe, espérant ainsi chasser le souvenir du corps sans vie de son père, pendant que sa main droite infligeait le même sort à sa poitrine.

Il le détestait. Il haïssait cet homme, alors pourquoi se sentait-il si anéanti ? Il ne devait pas, Jae-sok ne méritait pas une telle souffrance, cependant, prendre la vie d'un être humain était la pire chose au monde. En une fraction de seconde, il était, lui aussi, devenu un monstre comme celui qu'il avait chassé durant tant de temps.

À bout de force, Jimin s'écroula à genoux. Ses mains parvinrent à soutenir son corps, mais alors qu'il tentait d'être le plus silencieux possible, un cri de douleur le quitta pendant qu'il frappait violemment le sol avec ses poings.

Dans la chambre, Jungkook fut extirpé de son sommeil lorsque la voix de son compagnon arriva à ses oreilles. Surpris et désorienté, il se redressa comme il put sur son lit et observa les alentours. Son regard se posa sur la porte de la salle de bain et le halo de lumière qui passait sous celle-ci prouvait sa présence dans la pièce.

— Jimin ? appela-t-il.

Aucune réponse, tout ce qu'il pouvait entendre était les sanglots et les cris déchirants qui émanaient de son petit ami. Malgré ses blessures et la douleur qu'elles lui infligeaient, le brun repoussa la couverture et découvrit sa jambe blessée, dont la plaie était entourée par un bandage et un pansement. Les membres tremblants, Jungkook se glissa jusqu'au rebord du lit et chercha où s'accrocher. Ne trouvant rien, il prit une grande inspiration et se mit sur pied.

— Putain de merde, grommela-t-il lorsqu'une douleur vivre se propagea sur son membre meurtri.

Réunissant son courage, il avança à cloche pied jusqu'à la salle de bain. Si pour les autres mortels ce trajet n'aurait duré qu'une seconde, pour lui, cela lui sembla une éternité. À chaque saut, il avait l'impression qu'une lame déchirait à nouveau sa peau, mais malgré cela, il ne pensait qu'à une chose, trouver Jimin.

La souffrance qu'il avait entendue à travers son cri avait brisé son âme. Son devoir était d'être à ses côtés, même si pour cela, il devait ramper pour y parvenir.

Quand il fit coulisser la porte de la salle de bain et que son regard se posa sur son compagnon, Jungkook sentit quelque chose s'effondrer en lui. Assis dans un coin de la pièce, recroquevillé sur lui-même et tremblant comme une feuille, Jimin peinait à respirer tant ses pleurs broyaient sa trachée. Sans même avoir besoin d'une explication, le commandant comprit la raison de son état et même s'il s'attendait à ce que cela se produise, il ne pensait pas voir une telle détresse dans ses yeux.

— Microbe, souffla-t-il.

En entendant la voix, le médium releva la tête, les yeux écarquillés, avant de pleurer de plus belle. Le cœur en berne face à un tel spectacle, Jungkook s'approcha de lui comme il put et s'aida du mur pour s'asseoir sur le sol.

— Eh, ça va aller, murmura le commandant en tendant sa main vers lui.

Lorsqu'il effleura sa joue, il eut l'impression de voir l'âme de son amant se briser. En pleine détresse émotionnelle, ce dernier s'approcha de lui et se jeta à son cou.

— Je suis là bébé, je te lâche pas, le rassura Jungkook en caressant son dos. Je suis là. Tout va bien.

— Je... je l'ai... je l'ai tué, sanglota Jimin, accroché à la blouse de son petit ami. Il... il est mort et je... c'est moi qui...

Le médium était incapable de parler. Son cerveau refusait de coopérer. Tout ce qu'il était capable de faire était d'évacuer sa peine, espérant que cela suffisse à lui rendre la paix.

— Chut, calme-toi. Ça va aller, assura le tatoué sans cesser ses caresses. Tu n'avais pas le choix.

Jimin s'accrochait à lui comme un naufragé à sa bouée. À cet instant, Jungkook était la seule chose qui l'empêchait de sombrer et ils étaient tous les deux conscients que les répercussions psychologiques de cet acte seraient durs à affronter. En appuyant sur la détente, Jimin avait perdu une partie de son âme et son amant était bien placé pour le savoir. La première fois qu'il avait tué quelqu'un, il s'était senti vide, et encore aujourd'hui, chaque vie volée continuait de le hanter.

— On va s'en sortir, je te le promets.

Jungkook prononça ces paroles en serrant davantage le corps frêle de son bien-aimé contre lui.

Installé entre ses jambes, le médium continua de pleurer jusqu'à tomber d'épuisement. Étant incapable de le porter à cause de sa blessure, le commandant fut obligé de le réveiller. La crise passée, Jimin l'aida à se mettre debout et le remit au lit. Ne voulant pas être séparés, les deux amants partagèrent le lit une place, trouvant le sommeil blottis l'un contre l'autre. Le reste de la nuit risquait d'être du plus inconfortable, mais tout ce qui leur importait, c'était d'être ensemble.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Le lendemain, dès la première heure, Taehyung avait déboulé tel un boulet de canon dans la chambre d'hôpital, suivi du capitaine Lim. Les traits tirés par la fatigue et les yeux cernés, le lieutenant semblait rongé par l'inquiétude, et quand son regard se posa sur les deux amants qui dormaient encore profondément, il ne put retenir ses larmes plus longtemps.

— Putain, regarde-les, ils dorment comme des bébés, alors que j'étais au bord de la crise cardiaque à cause d'eux, souffla-t-il en essayant ses joues.

— Je t'avais dit qu'ils allaient bien. Jake m'a assuré que leur vie n'était pas en danger, répondit Lim en pressant l'épaule de son subordonné.

La veille, le lieutenant de Séoul avait contacté Taehyung, comme le lui avait demandé Jimin. Toutefois, étant de garde, ce dernier n'avait pas répondu. Jacob Hills avait alors appelé Lim qui avait transmis la nouvelle à son employé.

En apprenant l'hospitalisation de son frère, Taehyung avait annoncé son départ imminent pour la capitale. Refusant qu'il fasse le trajet seul et de nuit, le capitaine avait pris la décision de l'accompagner.

Jungkook fut le premier à ouvrir les yeux lorsque les voix des deux hommes parvinrent à ses tympans. Clignant plusieurs fois des paupières, il eut besoin de quelques secondes avant de réaliser qui se tenait au pied de son lit.

— Salut, murmura-t-il d'une voix rauque.

— Comment tu te sens ? demanda Taehyung en s'approchant de lui.

— Ça va, j'ai mal partout, répondit Jungkook d'une voix basse.

Lové contre lui, Jimin continuait de dormir, et la dernière chose qu'il désirait, c'était le réveiller. Il ignorait dans quel état d'esprit il allait être et voulait éviter une deuxième crise. Il tenta alors de bouger le moins possible et fit signe à ses visiteurs de ne pas élever la voix.

— J'ai appris pour son père, commença le capitaine. Comment il va ?

— Mal. Cette nuit, il a complètement craqué. J'ai l'impression que cette fois, il va vraiment avoir du mal à s'en remettre.

— Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? questionna Taehyung.

— Jae-sok allait me tuer. Jimin a tiré le premier. Il n'a pas eu le choix.

Sa réponse planta un silence pesant dans la pièce et en voyant la mine grave de son supérieur, Jungkook comprit que quelque chose n'allait pas.

— Jung, qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il, le cœur battant à tout rompre.

À la demande de Jake, les deux hommes avaient dû passer par le poste de police avant de se rendre à l'hôpital. Là-bas, Lim s'était entretenu avec plusieurs officiers qui supervisaient l'affaire et à son retour, Taehyung avait remarqué que quelque chose n'allait pas.

— Jimin va être poursuivi pour homicide involontaire, annonça le capitaine.

— Pardon ? s'exclamèrent les deux frères, pantois.

Cette fois, les deux policiers n'étaient pas parvenus à garder leur calme. Contre son amant, Jimin sursauta, surpris par ces éclats de voix, et ouvrit les yeux. Déboussolé, il observa les alentours avant de sentir les lèvres de Jungkook contre son front.

— Excuse-moi microbe, je ne voulais pas te réveiller.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il encore somnolant.

— Salut, Min, souffla Taehyung en apparaissant enfin dans son champ de vision.

— Tae ? marmonna le médium en se redressant. Capitaine ? Qu'est-ce que...

Le jeune consultant se tut lorsqu'il se rappela où il était et la raison de sa présence. Il se souvint également des évènements de la veille, et la douleur qui avait disparu pendant son sommeil comprima de nouveau sa poitrine.

— Eh, tout vas bien, murmura Jungkook en embrassant de nouveau sa tempe.

Sentant les larmes comprimer son œsophage, Jimin prit une grande inspiration puis expira lentement. Il ne voulait plus craquer, il n'avait pas le droit, car après tout, il était conscient de ses actes lorsqu'il avait appuyé sur la détente. Désormais, il n'y existait plus aucun moyen de faire machine arrière.

— D-de quoi vous parliez ? demanda-t-il en quittant le lit afin que Jungkook puisse être plus à l'aise.

Le tatoué porta son attention sur son supérieur, le suppliant silencieusement de ne rien dire, mais Lim n'en tint pas compte. Les choses allaient très vite s'accélérer et même si leur cadet était encore bouleversé, ils devaient rapidement prendre les choses en mains.

— Je suis passé au commissariat ce matin. J'ai discuté avec les policiers chargés de l'enquête et malgré la vidéo, tu es accusé d'homicide involontaire, déclara le capitaine de police.

Le cœur de Jimin tomba à ses chevilles et il fut traversé de sueurs froides alors que sa vision devint trouble.

— Q-quoi ?

— Je suis désolé, ajouta Jung, compatissant.

— Comment c'est possible ? intervint Jungkook d'un ton dur. C'était de la légitime défense. J'ai tué Murphy, pourquoi je ne suis pas poursuivi ?

— La situation est différente et tu le sais. Tu seras entendu par Interpol, mais tu étais dans l'exercice de tes fonctions. Jimin n'a pas de plaque, c'est un civil qui a pris une vie, celle d'un sénateur qui plus est. Il va devoir en assumer les conséquences.

— Assumer les conséquences ? s'emporta le commandant. Il m'a sauvé la vie ! Sans ça je serais mort ! Pourquoi tu sembles accepter si facilement la situation ?

Le ton accusateur de son subordonné surprit Lim qui fronça les sourcils. Debout près du lit, Jimin fixait ses mains tremblantes et tenta d'encaisser la nouvelle. Il avait tué son père et si le châtiment psychologique ne suffisait pas, il allait très certainement passer le restant de ces jours en prison.

— Est-ce qu'on peut faire quelque chose ? intervint Taehyung en s'approchant de son ami pour l'enlacer. Jae-sok n'était pas un saint, il y a forcément des circonstances atténuantes.

— C'est de la légitime défense putain ! Il est hors de questions qu'il soit condamné ! Je mettrai le feu à ce tribunal s'il faut ! s'énerva Jungkook.

L'idée de perdre sa moitié lui était insupportable, surtout lorsqu'il savait qu'il s'était mis dans cette situation pour lui.

— Tu vas commencer par te calmer, imposa Jung d'une voix autoritaire. Personne ne sera condamné. Jimin fait partie de la police de Busan, il aura le droit à notre avocat et tu sais aussi bien que moi qu'il est le meilleur du pays. Ce sera long, mais il gagnera ce procès comme il a gagné tous les autres. En attendant, tout ce qu'on peut faire, c'est coopérer et prier pour que ça suffise.

Le silence de plomb qui s'installa dans la chambre était assourdissant. Jimin ne savait pas quoi dire, de toute manière, qu'est-ce que ça changerait ? Il devait assumer les conséquences de ces actes.

Perdu dans ses pensées, il fut ramené à lui lorsqu'il sentit une main saisir la sienne. Il tourna la tête et fit face à son amant qui le tira jusqu'à lui. Entrelaçant leurs doigts, il tentait par ce contact de le rassurer comme il le pouvait.

— Est-ce que je vais aller en prison en attendant le procès ? demanda le médium.

— Non, le capitaine Hikari est un bon ami à moi. Pour me remercier d'avoir recruté Kuina, il a accepté de me rendre un service. Je me suis porté garant pour toi, alors tu n'iras pas en prison, mais tu as interdiction de quitter la ville, expliqua Jung.

— Je ne peux pas rentrer à la maison ?

— Pas pour le moment.

— De toute façon, je suis coincé ici pendant au moins une semaine, annonça Jungkook en caressant de haut de sa main avec son pouce. Je reste avec toi.

Jimin lui offrit un sourire sans joie et hocha simplement la tête. Il se rappela ensuite un détail qu'il avait totalement oublié. La veille, il avait laissé un message vocal à sa mère. Si cette dernière l'avait entendu, alors elle devait être en panique. N'ayant pas son téléphone ni même son portefeuille sur lui, il était dans l'incapacité de la rassurer.

— Ma mère...

— Je l'ai déjà appelé, déclara Taehyung avec douceur.

— Elle devait être complètement paniquée.

— Oui. Elle m'a parlé d'un message vocal que tu lui avais laissé. Je lui ai dit que tu allais bien, mais elle va quand même prendre le premier avion. Elle devrait arriver dans la journée.

— Merci Tae, souffla Jimin, les yeux brillants.

— C'est normal, lui sourit ce dernier.

Conscient que son annonce venait de mettre un coup au moral de ses hommes, Lim décida de changer de sujet et de relativiser.

— Maintenant, Lilith et Rose vont pouvoir rentrer à la maison et vous n'avez plus rien à craindre. Je sais que toute cette situation est effrayante, mais Jimin, je te promets que nous n'allons pas te laisser tomber. La police de Busan est une famille et tu en fais partie.

— Merci capitaine, répondit le concerné en s'inclinant profondément.

— C'est moi qui te remercie d'avoir sauvé notre grincheux national. Je suis fier de toi et du courage que tu as eu.

Courageux ? À cet instant, Jimin se sentait tout sauf courageux, bien au contraire. Il se sentait faible, honteux et surtout, il se sentait perdu.

— Bon, arrêtons de broyer du noir. Tout le monde est en vie et c'est tout ce qui compte. On affrontera le reste au jour le jour, intervint Taehyung, en voyant la mine déconfite de son frère et son ami. Jimin, tu dois avoir envie de prendre une douche non ? Où sont vos affaires ?

— À l'hôtel. Je n'ai pas mon téléphone, encore moins mon portefeuille, donc je ne pouvais pas me payer un taxi.

— Très bien, je t'emmène dans ce cas, proposa le lieutenant.

Jimin posa son regard sur son amant. Ce dernier hocha la tête en signe d'encouragement et se pencha vers lui pour l'embrasser. Le médium répondit à son baiser avant de l'enlacer, plongeant son visage dans son cou.

— On va s'en sortir, je te le promets. Personne ne t'emmènera loin de moi, lui murmura Jungkook.

Pour unique réponse, le blond acquiesça et déposa un baiser contre la peau fine de son cou.

— Je t'aime, chuchota ce dernier.

— Je t'aime aussi.

Sans plus de formalité, Jimin s'éloigna de son compagnon et suivit Taehyung hors de la chambre. Avant de partir l'hôpital, le médium fut obligé de passer par l'accueil qui lui présenta la facture des soins qu'il avait reçus. N'ayant pas d'argent sur lui, son ami régla sa dette pour lui puis ils quittèrent enfin les lieux.

Le trajet se passa dans le silence le plus total. Jimin observait le paysage urbain qui défilait sous ses yeux. Les fois où il avait mis les pieds à la capitale n'avaient pas été source de bonheur. La seule chose positive qu'il en avait tiré était cette journée qu'il avait partagée avec Jungkook la veille.

Derrière le volant, Taehyung se rongeait les sangs quant à l'état psychologique de son ami. Il pouvait sentir à quel point il était vide et empli de tristesse. Le voir ainsi était un réel supplice, mais il avait beau tourner la question dans tous les sens, il ne trouvait aucune solution qui pourrait apaiser sa tristesse. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était être présent pour lui.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

En tant que mère, Minji et Hee-sun s'étaient plus qu'inquiétés pour leur fils respectif. Si madame Kim avait écouté les conseils de ses deux garçons et ne s'était pas déplacé jusqu'à Séoul, l'ancienne madame Park, elle, n'avait pu rester loin de son unique enfant.

Morte d'inquiétude quant à sa santé, Hee-sun était restée à ses côtés les jours qui avaient suivi l'agression. Ensemble, ils avaient affronté la vague de journalistes qui avait fait de Jimin leur principale cible dans cette affaire. Si certains croyaient en son innocence, d'autres le traitaient comme la bête noire à abattre, comme un monstre qui avait commis un parricide sur Jae-sok, le sénateur adoré du peuple.

Ne voulant plus vivre dans une chambre d'hôtel, le médium était parvenu, grâce aux contacts de son compagnon, à louer un loft non loin de l'hôpital. Malheureusement pour lui, les reporters n'avaient mis qu'une journée à trouver son adresse, le harcelant perpétuellement au pied de l'immeuble.

Aux premiers abords, Jimin n'affichait aucune émotion, que ce soit regret, tristesse ou culpabilité. Il ne voulait pas que les journalistes puissent se servir de cela contre lui, cependant, une fois seul, dans la pénombre de sa chambre, les larmes et les cris de douleur continuaient de hanter les murs de son logement.

Depuis cette nuit qui avait volé une partie de son âme, le jeune busanien n'avait pas eu de contact avec Yoongi. S'il s'était d'abord inquiété de son absence, il avait rapidement compris qu'il devait très certainement reprendre des forces quelque part. Il était persuadé que, tant que Dae-kun ne serait pas jugé, son meilleur ami ne trouverait pas la paix.

Le procès de Jimin n'avait toujours pas eu lieu. Lorsqu'il n'était pas avec Jungkook à l'hôpital, il s'entretenait avec maître Song. Entouré par les enquêteurs de son cabinet, l'avocat complétait son dossier qui grossissait chaque jour en faveur de son client. L'affaire était délicate, toutefois, il avait bon espoir de remporter cette bataille.

En ce dimanche 24 décembre, le jeune médium était de nouveau seul. La veille, sa mère avait repris l'avion pour Jeju. Dans son état psychologique, il ne se sentait pas de bonne compagnie, il lui avait alors conseillé de rentrer auprès de sa famille et de profiter ainsi des fêtes de fin d'année à leur côté.

Comme les autres jours, Jimin se sentait vide. En se réveillant, il n'avait pas allumé la télévision, il évitait de le faire depuis que son visage était placardé dans tous les journaux d'information. Il avait également réduit de complet son temps sur internet, laissant son réseau accessible seulement pour les appels. En résumé, il s'était coupé du monde extérieur, aussi bien physiquement que mentalement. La seule personne que son esprit acceptait, était l'homme qu'il aimait.

Il était plus de quinze heures lorsqu'il avait quitté son domicile provisoire. D'ordinaire, il rejoignait Jungkook dès le matin, mais aujourd'hui, le commandant devait passer des examens. Ce fut donc après une sieste pour rattraper sa nuit blanche que le médium quitta le loft, une casquette noire recouvrant sa tignasse blonde et un masque chirurgical sur le visage.

Comme toujours, Jimin commanda un taxi qui vint le chercher au seul endroit où il pouvait échapper au journaliste, l'arrière de l'immeuble. Le trajet jusqu'à l'hôpital fut calme, le chauffeur n'était pas un grand bavard, et cela convenait parfaitement au passager. Est-ce qu'il l'avait reconnu ? Très probablement, mais contrairement au reste de Séoul, il ne fit aucun commentaire.

Arrivé à destination, le médium remercia le chauffeur et paya sa course. Sans perdre de temps, il entra dans l'immeuble et partit vers les ascenseurs, empruntant ce chemin qu'il connaissait par cœur. En arrivant dans le couloir qui menait à la chambre de son amant, il entendit des éclats de voix, dont une qui attira son attention.

— Mais je m'en contre fou ! J'ai trente ans, vous n'allez pas m'obliger à rester au lit comme si j'en avais cinq !

— Monsieur Jeon, vous devez comprendre, vos plaies ne sont pas encore cicatrisées.

— Je m'en tape ! Je passerai pas Noël enfermé dans cette chambre de la mort. Je me tire d'ici, alors donnez-moi le formulaire et on n'en parle plus.

Désormais dans l'encadrement de la porte, le regard de Jimin tomba sur l'infirmière qui semblait au bout de sa vie, puis sur son petit ami qui afficha une mine sérieuse.

— Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda-t-il en entrant dans la chambre.

— Monsieur Park, vous tombez à pic ! lança la jeune femme soulagée. Pouvez-vous le raisonner ? Votre ami veut s'en aller aujourd'hui, mais le médecin pense qu'il n'est pas encore prêt. La blessure est encore trop récente.

— Ce toubib n'est pas dans mon corps ! Je vais bien, pesta le commandant, une moue boudeuse sur les lèvres.

Jimin était entre les deux, incapable de faire un choix. Le personnel soignant savait ce qui était le mieux pour leur patient, mais quand il le voulait, Jungkook pouvait être des plus insupportables.

— Est-ce que c'est vraiment nécessaire qu'il reste ici ? Peut-être qu'il peut recevoir des soins à domicile ? proposa le médium.

L'infirmière soupira, exaspérée.

— Écoutez, reprit le jeune consultant. Je connais mon petit ami, si vous le forcez à rester ici, il fera de votre vie et celles des médecins un véritable enfer. Si sa vie n'est pas en danger, laissez-le sortir.

La jeune femme sonda son vis-à-vis de longues secondes avant de lever les yeux au ciel et de soupirer. À cet instant, le couple sut qu'il avait gagné.

— Très bien, je vais chercher le médecin afin qu'il vous donne son aval, annonça-t-elle.

— Merci beaucoup, répliqua Jungkook, un sourire vainqueur sur les lèvres.

La jeune femme s'inclina poliment et quitta la pièce. Une fois seul, Jimin s'approcha de son amant qui était assis sur le bord du lit, puis lui offrit un baiser chaste en guise de salutation avant de s'éloigner. Surpris par ce manque de tendresse, le policier fronça les sourcils et l'attira de nouveau à lui, l'emprisonnant entre ses jambes.

— Comment tu te sens aujourd'hui ? demanda-t-il en caressant l'os de sa mâchoire.

— Pareil qu'hier, répondit simplement le médium en prenant soin d'éviter son regard. On devrait réserver ton billet d'avion. Avec un peu de chance, tu seras à la maison pour le dîner du réveillon.

Troublé et confus par les paroles de son cadet, Jungkook se pencha légèrement en arrière pour avoir une vue d'ensemble sur lui et chercha son regard.

— Attends, tu penses que je vais rentrer à Busan ?

— Hm, ce serait la meilleure chose à faire. Ce n'est pas bon pour ton image d'être près de moi en ce moment.

Prononcer ces mots était douloureux pour Jimin, mais il ne pouvait pas être égoïste. Le pays entier l'avait dans le collimateur et être vu avec lui ferait de Jungkook une cible pour leur attaque. Même si l'idée d'être loin de lui broyait sa poitrine, il devait faire ce qui était le mieux pour lui.

— Mon image ? Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de ce que disent ces journalistes ?

— Tu devrais, répliqua le médium d'un ton plus dur. Je suis la bête noire du pays. Les journaux ne parlent que de ce qui s'est passé. Ils me traitent de monstre parce que j'ai tué leur sénateur adoré. Je... je ne peux pas sortir sans recevoir des insultes gratuites et je refuse que tu vives ça à cause de moi. Tu vas rentrer à Busan et te rétablir dans le calme.

— Il faudra me passer sur le corps pour que je quitte cette ville sans toi, martela le commandant. Pour le meilleur et pour le pire, tu as oublié ? fit-il d'une voix plus douce en entrelaçant leur doigt. Pour rien au monde, je te laisserai tomber microbe. On va affronter ça ensemble, d'accord ?

Jimin fut touché par le comportement et le soutien de son bien-aimé. Depuis le début de la semaine, il craignait d'être abandonné dans cette ville immense qu'il ne connaissait pas, mais encore une fois, son compagnon lui avait prouvé son amour inconditionnel et il lui en était reconnaissant.

Les yeux larmoyants et épuisé par toute la situation, le jeune médium s'approcha de lui et fondit contre son torse, quémandant silencieusement une étreinte réconfortante. Sans la moindre hésitation, il l'enlaça et déposa un baiser sur sa tempe.

— Ça va aller, bébé. Tout ne sera bientôt qu'un lointain souvenir.

Jimin hocha simplement la tête en inspirant l'odeur de son ainé. Contrairement à d'habitude, son corps n'émettait pas cette odeur boisée qu'il aimait tant. Ayant passé trop de temps entre ces murs qui sentaient le désinfectant, son parfum naturel avait fini par s'évanouir, laissant cet effluve désagréable prendre le dessus.

— Tu sens le désinfectant, signala-t-il en riant faiblement.

— Désolé, les parfumeries de l'hôpital sont fermées.

La répartie du plus vieux les fit rire pendant qu'ils mettaient fin à leur étreinte. Une vibration se fit entendre dans la chambre, attirant l'attention de Jungkook qui se mit à regarder autour de lui, cherchant la source de ce bruit. Jimin, quant à lui, ne bougeait pas, et pour cause, c'était son téléphone qui sonnait.

— Arrête de chercher, c'est le mien, annonça-t-il d'un ton las en sortant l'appareil de sa poche.

Il tourna l'écran vers son amant qui y vit plus de vingt appels en absence. Certains venant de leurs amis, d'autres de parfaits inconnus.

— C'était Tae, pourquoi tu ne réponds pas ?

— Je n'ai pas envie, répondit simplement le plus jeune en haussant les épaules. J'ai l'impression d'entendre la pitié dans leur voix quand ils me parlent. Ils me répètent constamment la même chose. Ils disent tous que tout ira bien, mais personne ne voit l'avenir.

— Ils s'inquiètent pour toi.

— Eh bien ce n'est pas nécessaire. Je vais certainement passer le restant de mes jours en prison et personne ne pourra changer ça.

Avant que Jungkook n'ait le temps de répliquer, un coup contre la porte se fit entendre et celle-ci s'ouvrit sur le médecin. Ce dernier salua Jimin puis porta son attention sur son patient. Son dossier en mains, il récita les conditions qu'il devra respecter s'il voulait sortir et le commandant accepta sans rechigner.

Une heure plus tard, le couple avait quitté l'hôpital et était en route vers leur logement provisoire. Une fois arrivé, Jungkook se laissa tomber sur le canapé tandis que son amant déposait son sac dans leur chambre.

— Putain de béquilles, pesta le tatoué.

— Sois plus gentil avec elles, c'est grâce à ça que tu peux te déplacer, gloussa Jimin en revenant dans le salon. On devrait se faire livrer des courses, les placards sont vides.

— Tu n'avais pas fait les courses pour toi ?

— Non, je n'avais pas faim. Quand c'était le cas, je descendais à l'épicerie.

— Eh bien heureusement que je suis rentré, maintenant, tu vas manger trois repas par jour.

— Hm, répondit simplement le médium, le regard rivé sur ses mains.

Voyant que toute trace de joie ou d'amusement avait quitté ses traits, Jungkook se rapprocha de lui, et l'enlaça.

— Allez, commandons plein de cochonneries pour ce soir, fit-il en déposant un baiser sur le haut de sa tête.

— Je ne t'ai même pas acheté de cadeau, soupira le plus jeune en sortant son téléphone.

— On s'en fiche, microbe. On est ensemble, c'est ça mon cadeau.

Jimin ne répondit rien. Il se contenta de se lover davantage contre lui et ouvrit l'application qui leur permettrait de faire leur course.

Une heure plus tard, le livreur déposa les cabas de nourriture et autres produits, puis le médium s'attela à tout ranger, tandis que son amant tentait, tant bien que mal, de se doucher. Lorsque le soleil se coucha enfin, le couple se retrouva dans leur lit devant Home Alone soigneusement choisi par Jimin qui était très silencieux.

Installé contre la tête de lit, sa tête reposant sur l'épaule de son bien-aimé, le jeune consultant fixait la télévision sans vraiment la voir. Il voulait profiter de cette soirée, il le désirait réellement, mais son esprit était totalement parasité par ces souvenirs qui ne le quittaient pas. Il repassait en boucle les paroles de ces journalistes et d'autres inconnus qui le blâmaient sans même connaître la vérité.

À mesure que les jours passaient, il avait l'impression de suffoquer encore plus que la veille. S'il était dit que le temps guérissait toutes les blessures, ce n'était pas le cas pour les traumatismes. Il se demandait chaque jour s'il serait capable de surmonter cette épreuve et à tous les lever de soleil, il avait la sensation que c'était pire que le précédent.

Près de lui, l'esprit de Jungkook était tout aussi distrait, mais pour d'autres raisons. Même s'ils n'en parlaient pas, le commandant suivait chaque jour les informations, et l'animosité que ces individus avaient à l'encontre de son amant le dépassait. Comment était-ce possible de haïr une personne aussi douce et pure que Jimin ? Comment ces personnes pouvaient-elles porter un jugement sans savoir à quel point il avait souffert au cours de sa vie à cause de cet homme qu'ils idolâtraient ? Par Jae-sok était un monstre et si la justice n'arrivait pas à prouver cela, il s'était juré de passer le restant de ces jours à le crier haut et fort pour que tout le monde le sache.

Son cœur refusait d'imaginer sa vie sans Jimin, il ne survivrait pas. Ce jeune homme était devenu sa raison de vivre et si quelqu'un venait à le lui prendre, il ne savait de quoi il était capable. Son âme avait besoin de se raccrocher à quelque chose, un détail quelconque qui lui assurait que sa moitié resterait avec elle pour l'éternité. C'était vital pour qu'elle continue de vivre en paix, alors sans se laisser le temps d'hésiter, Jungkook prononça des paroles qu'il était certain de ne jamais regretter.

— Épouse-moi.

Pris de cours et étourdi par ces mots, Jimin se redressa et porta son attention sur son compagnon qui le regardait déjà.

— P-pardon ?

— Épouse-moi.

— J-Jungkook tu-

Le médium fut coupé dans son élan par la bouche de son aîné qui s'entrechoqua à la sienne. Ce dernier lui offrit un baiser profond, presque désespéré, auquel il répondit sans hésiter. Quand il rompit le contact, Jimin plongea ses prunelles sombres dans celle de son vis-à-vis qui le sondait avec intensité.

— Je sais que c'est surement la demande en mariage la plus pourrie du monde et loin d'être celle que tu mérites, mais est-ce qu'il y a vraiment de moment parfait pour ça ? Je t'aime plus que tout dans ce putain de monde alors pourquoi attendre ?

— On ne peut pas faire ça, murmura Jimin la gorge nouée par l'émotion. Jungkook si... si maitre Song perd le procès, je vais très certainement passer le restant de mes jours en prison. Tu ne vas m'attendre toute ta vie, tu... tu mérites d'être heureux et je-

— Ferme là, imposa le commandant, les yeux brillants. Je t'en supplie, arrête de dire ça. Pourquoi tu baisses les bras ? On n'y est pas encore. Maitre Song est le meilleur avocat qui puisse exister, en plus il est confiant quant à la victoire. Tu penses vraiment que je vais abandonner aussi facilement ? Si toi, tu ne te bats pas, je le ferai pour nous deux, mais je refuse de te perdre, tu m'entends ?

Les mains tremblantes, Jungkook prit le visage de son petit ami en coupe et colla leur front.

— S'il faut, on partira à l'autre bout du monde, mais personne ne t'arrachera à moi, murmura-t-il, la voix tremblante par les sanglots qu'il tentait de retenir.

— Alors quoi, on deviendrait Bonny et Clyde ? plaisanta Jimin pour cacher son angoisse.

— Oui, sauf que nous, on va s'en sortir. On va l'avoir notre happy end, bébé. Je te l'ai promis.

Cette fois, le médium fut incapable de retenir ses larmes. Les yeux fermés, il renifla doucement en essuyant ses joues et son nez rougis. Il buvait les paroles de son bien-aimé, cependant, même s'il voulait y croire, une petite voix dans sa tête faisait son possible pour rester connecté à la réalité. Malgré tous ces malheurs qui s'abattaient sur lui, il voulait croire en l'avenir, à ce rêve qui l'animait depuis plusieurs mois. Ils méritaient tous les deux une fin heureuse et de fonder leur famille. Jungkook avait raison, il ne pouvait pas baisser les bras.

— Je le veux, souffla Jimin en se reculant pour observer son vis-à-vis. Je veux t'épouser.

Un large sourire naquit sur les lèvres de Jungkook qui fondit contre la bouche de son compagnon. Le couple échangea de longs baisers débordants de tendresse et de promesses silencieuses. Ils passèrent ainsi la soirée l'un contre l'autre, s'embrassant et se câlinant jusqu'à ce que le sommeil les gagne enfin.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Noël était passé rapidement pour le couple. La demande en mariage de Jungkook avait créé un cocon de bonheur qu'ils voulaient préserver du reste du monde. Ils s'étaient donc enfermés au loft, sous leur couette, passant la journée devant la télévision, à se câliner ou simplement à rattraper leurs heures de sommeil perdues.

Mercredi 27 décembre, le procès de Jimin pour homicide involontaire débuta et s'étala sur deux longs jours. Quarante-huit heures de pure angoisse autant pour l'accusé que pour son entourage.

L'audience était ouverte au public, ameutant tous les curieux et journalistes qui couvraient cette longue et macabre affaire. Maître Song avait construit un dossier en béton et avait un objectif bien précis, et la contre-attaque avait commencé dès les premiers instants.

De nombreux témoins s'étaient présentés à la barre, plaidant ainsi en faveur de Jimin. Il avait été surpris de trouver madame Mim, la gouvernante qui l'avait élevé une grande partie de sa vie. Cette dernière avait, au cours de sa carrière, assisté à d'innombrables crises de colère de son défunt employeur. Elle avait donc témoigné de la cruauté dont il avait fait preuve envers son fils et son épouse. Deux médecins avaient également été convoqués. Chacun d'eux avait reçu l'accusé après que son géniteur l'ait battu, brisant parfois ses petits os d'enfant, toutefois, croyant en sa bienveillance, aucun d'eux n'avait trouvé ces blessures suspectes. Le témoignage le plus surprenant fut celui de Madame Choi, la directrice de l'asile. Cette dernière fit part du manque d'empathie que le sénateur avait à l'égard de son fils, le traitant comme un simple objet dont il était le propriétaire.

Le deuxième jour, maître Song décida de montrer aux jurés les images enregistrées par la caméra du collier de Jimin. Chaque personne dans la salle put alors voir le véritable visage de Jae-sok, et son manque d'amour et de bonté lorsque son fils se faisait battre sous ses yeux. Il avait ensuite montré l'élément qui avait poussé le jeune médium à appuyer sur la détente et sauver la vie de son amant. Afin de ne pas empiéter sur l'enquête qui concernait Yoon Dae-kun, l'avocat ne divulgua pas l'entièreté de l'enregistrement, mais le peu que le public put voir, suffit à créer la stupeur totale.

Suite à ça, vint le tour de l'accusé de passer à la barre. Il répondit sans la moindre hésitation aux questions de la partie adverse. Lorsqu'il sentait l'anxiété le gagner, il croisait le regard de Jungkook qui tentait par sa présence de le rassurer, et il y parvenait.

Après plus de trois heures, le juge annonça une pause pour les jurés, leur laissant ainsi le temps de délibérer. Jimin quitta la salle, suivi de son avocat, et retrouva son fiancé et leurs amis. Le groupe l'attendait dehors et la première chose qu'il fit, fut de se blottir contre son amant qui l'enlaça, embrassant le haut de son crâne.

— Tu as été génial, murmura-t-il.

— Espérant que tous ces témoignages suffisent, soupira Jimin. Merci d'avoir été là.

— Je suis toujours avec toi microbe.

Le concerné lui offrit un baiser chaste, puis se recula et pivota vers leurs amis qui les observaient avec douceur. Hee-sun, qui venait de les rejoindre, enlaça également son fils.

— Comment tu te sens ? demanda-t-elle en prenant son visage en coupe.

— Ça va, maman, ne t'en fais pas.

— Je suis persuadé que ce soir, tu rentreras avec nous, intervint Taehyung.

— Je suis d'accord avec lui, fit Lian. Tous les témoignages ont prouvé la même chose. Ton p-

— Monsieur Park ! s'écria une femme.

Le concerné n'eut pas le temps de pivoter qu'une tornade brune se précipita vers lui, un micro en main, suivie d'un homme qui tenait une caméra. Surpris par sa présence et se sentant menacé par sa proximité, Jimin recula d'un pas. Malgré ses béquilles, Jungkook se plaça immédiatement devant lui, le protégeant ainsi de son corps, et fut rapidement rejoint par son frère.

— Excusez-moi messieurs, je suis reporter au K-

— J'en ai rien à foutre pour qui vous travaillez, dégagez d'ici ! l'interrompit le commandant d'un ton dur

— Je fais simplement mon travail.

— C'est bien ça le problème. Vous les journalistes, vous vous nourrissez de la peine et du malheur des gens, cracha le policier, le regard brulant de mépris. Vous étiez dans ce tribunal, vous pensez vraiment que c'est le moment de venir poser vos questions ? Vous ne pensez pas qu'il en a eu assez pour aujourd'hui ? Je vous conseille vivement de faire demi-tour et de le laisser tranquille.

La jeune femme regarda chaque personne qui entourait le garçon qu'elle voulait interroger et vit toute l'affection qu'ils lui portaient. Chacun d'eux avait fait barrage, démontrant à quel point ils étaient unis.

Sans rien dire, elle tendit sa main vers son collègue et abaissa la caméra avant de lui faire signe de couper. Soulagé, le corps de Jungkook se détendit immédiatement.

— Je voulais vous dire que je n'ai jamais été une admiratrice de votre père et que je vous crois. Je suis désolé que vous ayez subi tant de choses sans que personne agisse. Vous ne méritiez pas ça, fit-elle en croisant enfin le regard de Jimin.

— Merci, répondit simplement le blond.

— Super, maintenant, tirez-vous, reprit le commandant, ses doigts entrelacés à ceux de son compagnon.

La journaliste offrit un sourire poli au groupe qui se tenait devant elle, puis s'éloigna, le caméraman sur ses talons. Quand ils furent loin d'eux, Jungkook se détendit enfin et se tourna vers son amant.

— Ça va ? demanda-t-il.

— Hm, acquiesça ce dernier. Je crois que peu importe l'issue de ce procès, les journalistes ne vont pas me lâcher de si tôt, soupira-t-il en se blottissant contre lui.

Ne sachant pas quoi répondre, le tatoué se contenta d'embrasser le haut de son crâne. En attendant le verdict, le groupe d'ami commença à discuter. Rose et Lilith qui étaient présentes, racontèrent au couple leur séjour en Suisse, changeant ainsi les idées à Jimin qui sentait son anxiété monter en flèche.

Il se passa presque une heure avant que la séance ne reprenne. Les mains moites, le médium avait pris place près de son avocat et attendait sa sentence. Allait-il passer le restant de ses jours derrières les barreaux ? Seul l'avenir pourrait répondre à cela et en voyant le juge se lever, il sut que le moment de vérité était arrivé.

— Park Jimin, vous êtes aujourd'hui jugé pour homicide involontaire sur la personne de Park Jae-sok. Après délibération, le tribunal de Séoul vous déclare non coupable.

Le juge continua de parler, mais Jimin n'écoutait plus. Dans son esprit, seul le verdict faisait écho alors que son corps était totalement paralysé. Toute la peur et l'angoisse qu'il avait ressenties venait de retomber si brutalement qu'il ne put contenir ses larmes. En une fraction de seconde, ses joues furent inondées de perles salées et plus il les essuyait, plus elles se densifiaient.

— La séance est levée, veuillez quitter la salle dans le calme.

Lorsque le chef de ce tribunal prononça ces mots, Jungkook, qui était assis derrière son amant, se leva, et malgré ses béquilles, contourna le banc avec précipitation. Quand il fut face à lui, Jimin se jeta à son cou, sanglota de joie tandis que son aîné ne put retenir son émoi.

— Tu vas rentrer à la maison, murmura le commandant en le serra davantage contre lui. C'est terminé.

Sa gorge complètement nouée, le médium était incapable de dire quoi que ce soit. Les larmes de soulagement continuaient de le quitter et lorsqu'il s'éloigna de son fiancé, il fut enlacé par sa mère qui lui répéta à quel point elle l'aimait et qu'elle était fière de lui.

— Nous devons quitter la salle, intervint doucement maitre Song.

Embarrassé, Jimin hocha simplement la tête et suivit son avocat hors du tribunal. Dehors, la neige s'était mise à tomber en abondance, recouvrant le sol d'un drap blanc.

— Merci pour ton travail, Joong-ki, intervint Lim en serrant fermement la main de l'avocat.

— Ne me remercie pas, je n'ai fait que mon devoir. Je connaissais le dossier de mon client, il n'avait rien à faire derrière les barreaux.

— Merci infiniment, parla enfin Jimin. C'est la deuxième fois que vous me sauvez la vie.

— Si vous voulez me remercier, restez loin des problèmes, d'accord ? J'aime voir mes amis hors d'un tribunal si possible, gloussa maître Song.

— T'en fais pas Joong-ki, je vais garder un œil sur lui, assura Jungkook en enlaçant son bien-aimé par-derrière

— Voilà une déclaration qui ne me rassure pas du tout, plaisanta l'avocat. Tenez-vous à carreau tous les deux, ok ?

— C'est promis. Merci encore.

Song Joong-ki s'inclina poliment devant son client et le reste du groupe, puis s'en alla. L'ambiance légère était propice aux étreintes et Jimin ne put y échapper. Chacun leur tour, ses amis vinrent l'enlacer, lui rappelant à quel point ils l'aimaient. Cette démonstration d'affection ne fit qu'accroitre ses larmes qu'il peinait encore à contenir.

Une nouvelle page de sa vie venait de se tourner, mais le médium était conscient qu'il était encore loin de la paix intérieure. Un démon venait d'être éliminé, cependant, il en restait encore un qui était en attente de jugement. Seule la condamnation de Dae-kun lui apporterait la paix, ainsi qu'à Yoongi.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Un mois plus tard
17 janvier 2024
Haeundae, Busan

Le retour à Busan n'avait pas été simple pour Jimin. Même si aux yeux de la justice, il avait été innocenté, la culpabilité d'avoir pris une vie le hantait encore. Au fils des jours, les informations télévisées avaient cessé d'évoquer cette affaire, laissant au principal concerné l'espoir de retomber dans l'anonymat.

Du côté de sa santé mentale, les choses ne s'arrangeaient pas. Malgré tous les efforts qu'il faisait, ses nuits étaient hantées par des cauchemars, le réveillant dans un hurlement de détresse la plus totale. Jungkook assistait à tout cela impuissant. L'amour et le réconfort qu'il lui offrait semblaient ne plus suffire et il voyait bien que son fiancé se noyait chaque jour un peu plus dans les ténèbres.

Ce choc avait aussi eu des répercussions sur la vie sociale du médium. Ne voulant pas entacher l'image de la police, il avait déposé sa démission suite au procès. Même s'il aimait ses collègues, ce milieu lui rappelait sans cesse ce qu'il avait fait et s'il voulait guérir, il était persuadé qu'il devait s'éloigner de tout cela.

Yoongi n'avait pas refait son apparition. Jimin ignorait quelle en était la raison, mais il espérait que celui-ci n'ait pas disparu pour toujours. Malgré le nombre de fois où ils s'étaient faits leurs adieux, il n'était pas encore prêt à le laisser partir.

L'ancien consultant avait également mis les choses au clair avec Lilith, qui entamait son dernier mois de grossesse. Lors de son retour à Busan, les deux amis s'étaient retrouvés autour d'un café et la jeune femme avait confié sa tristesse quant à ce secret qu'elle avait été la seule à ignorer. Peu désireux de perdre celle qu'il aimait comme une grande sœur, Jimin s'était fondu en excuses, l'implorant presque de ne pas lui tourner le dos. Incapable d'être en froid avec lui, la jeune psychiatre lui avait assuré que cela ne se produirait jamais, cependant, elle espérait sincèrement qu'à l'avenir, il lui ferait assez confiance pour se confier à elle.

Le jeune médium avait profité de l'occasion pour lui annoncer ses fiançailles avec Jungkook. Même si aucun d'eux n'avait encore pris le temps d'acheter leurs alliances, les colliers qu'ils portaient autour du cou étaient, pour eux, représentatifs de leur promesse d'union. Bien entendu, Lilith avait crié de joie, enlaçant son ami et priant pour qu'ils puissent un jour s'unir véritablement.

Une fois le malentendu avec sa meilleure amie résolu, Jimin prit une décision qui, il espérait, l'aiderait à remonter la pente. Son humeur en dents de scie commençait sérieusement à chambouler l'harmonie de son couple alors, avec le soutien de Jungkook, le jeune médium s'était rendu au cabinet du docteur Hwang, qui avait par le passé aidé le commandant.

Suivant le conseil de son thérapeute, l'ancien consultant de police avait décidé de reprendre ses études. Après mûre réflexion et de longues discussions avec son compagnon, il s'était lancé dans des cours à distance de psychologie. Ce choix n'avait pas été anodin, une idée mijotait lentement dans un coin de son esprit, cependant, avant de se lancer, il voulait en savoir plus sur ce milieu, notamment la spécialité liée aux enfants et adolescents.

Même si les choses semblaient doucement s'arranger, un détail restait encore en suspens. Après un mois, le jugement de Dae-kun avait enfin lieu. Le plus grand nombre de ses crimes ayant été commis sur le territoire, l'ancien premier ministre était jugé à Busan. Encore une fois, Jimin avait été convoqué à la barre. Sous serment, il raconta la mésaventure qu'il avait eue avec cet homme. L'enregistrement récupéré dans les affaires de Jae-sok et la vidéo capturée par la micro caméra du médium suffirent à prouver ses dires.

Après trois jours de procès, le verdict allait enfin être révélé. Assis l'un à côté de l'autre, Jimin serrait la main de son compagnon avec une telle force, que celui-ci était persuadé que ses os finiraient par se briser. L'anxiété qu'il ressentait était extrême et même si les toutes les chances étaient de leur côté, le médium craignait que la justice ne soit pas faite. Près d'eux, madame Min assistait également à toute la séance.

— Microbe, si tu continues de me serrer la main avec autant de force, tu vas me briser les doigts, chuchota Jungkook. Respire. Tu as entendu l'avocat, les jurés semblent tous de notre côté. Avec toutes ces preuves contre lui, Dae-kun n'a aucune chance.

Vêtu d'un costard hors de prix et les menottes au poignet, l'accusé était assis près de son avocat. Le regard rivé devant lui, il paraissait serein et c'était ce détail qui angoissait Jimin. Pourquoi avait-il l'air si sûr de gagner ?

— Il est beaucoup trop confiant. Je suis persuadé qu'il manigance un truc, répondit le médium, d'une voix basse.

— Impossible. Depuis cette affaire, tout le monde lui a tourné le dos.

— Silence dans la salle ! imposa le juge Cho qui venait de faire son entrée. Accusé, levez-vous.

Le concerné obéit, suivi de son avocat. Un air suffisant sur le visage, Dae-kun tourna la tête sur le côté et son regard croisa celui de Jimin. Le médium soutint ce contact, refusant de donner satisfaction à cet homme qu'il haïssait. L'heure de vérité était arrivée. La justice allait-elle faire son travail ?

Le juge fit son discours habituel, énumérant un à un les points qui avaient conduit l'ancien premier ministre jusqu'à ce tribunal, puis le greffier vint lui apporter le document qui contenait la décision des jurés.

Au même moment, Jimin ressentit un frisson traverser son échine et automatiquement, son regard chercha le responsable de cette sensation. Son attention se posa sur une silhouette dont la chevelure verte brillait tel un phare dans la nuit. Debout face à son tueur, Yoongi attendait lui aussi la sentence qui allait tomber.

— Il est là, murmura le médium.

— Qui ? Yoongi ? demanda Jungkook en regardant autour de lui.

— Oui, il... il est près de Dae-kun. Kook, si... si les jurés ne le condamnent pas, je ne sais pas de quoi il sera capable.

Alors qu'il fixait le fantôme de son meilleur ami, ce dernier pivota et plongea ses iris transparents dans les siens.

— Pour tous ces chefs d'accusation, la cour de Busan vous déclare coupable et vous condamne à la prison à perpétuité sans possibilité de libération. Les actes atroces que vous avez commis ne pourrons jamais être excusés et aucune demande d'appel ne sera acceptée.

Si quelques secondes plus tôt, un brouhaha silencieux se faisait entendre, à présent, un silence assourdissant avait envahi le palais de justice. Chaque personne présente, qu'elle soit du côté de l'accusé ou non, était ahurie par cette condamnation. Jimin était pétrifié. Cela faisait huit ans qu'il attendait ce jour et aujourd'hui, après l'anniversaire de la mort de son meilleur ami, ce dernier avait enfin obtenu justice. Après tant de malheur, de pleurs, de danger et de peine, ils avaient gagné. Yoongi avait été vengé.

— Oh mon Dieu, souffla une voix près du médium, le sortant de sa rêverie.

Les mains tremblantes, il pivota et fit face à madame Min qui pleurait à chaudes larmes. Désireux et surtout, ayant, lui aussi, besoin de réconfort, Jimin se leva et la prit dans ses bras.

— On a réussi, madame Min. Votre fils a enfin obtenu justice, murmura-t-il.

— Merci Jimin. Rien de tout ça n'aurait été possible sans toi.

— Ne me remerciez pas.

— Madame Min ?

Interpellée, la concernée et Jimin pivotèrent vers l'avocat. Ce dernier fit signe à la quinquagénaire de l'accompagner. Celle-ci s'excusa auprès du blond et obéit, quittant la salle pour de bon.

Le jeune médium la suivit du regard, les larmes de soulagement ruisselant sur ses joues. Il chercha ensuite Yoongi qui se trouvait plus loin, près d'une porte qui menait au toit. Est-ce que le moment des adieux était arrivé ? Non, il ne voulait pas, il ne s'en sentait pas encore capable.

— Eh microbe, appela Jungkook en caressant tendrement son dos.

— Il est là-bas, annonça-t-il.

— Yoongi ?

— Oui. Je crois qu'il m'attend.

Sans qu'il ait besoin d'en dire plus, le commandant comprit où il voulait en venir. Il pouvait sentir à quel point son amant était empli d'une grande tristesse malgré la victoire qu'il venait d'obtenir.

— Ça va aller, d'accord ? Tout est vraiment fini maintenant. Tu as réussi. Grâce à toi, Yoongi va enfin trouver la paix qu'il mérite, lui dit Jungkook en prenant son visage en coupe.

— Je ne suis pas prêt à lui dire au revoir, sanglota le médium, en se lovant contre lui.

— Je sais bébé, mais tu dois tourner la page. Rappelle-toi les paroles de Julian. Ça fait trop longtemps que Yoongi est parmi nous. Tu dois le laisser partir, tu en as besoin pour aller de l'avant.

Même s'il lui était difficile de l'accepter, Jimin savait qu'il avait raison. Même s'il était conscient que cet adieu briserait quelque chose en lui, cela lui permettrait aussi de trouver la paix qu'il méritait.

— J'y vais alors, annonça-t-il en prenant une grande inspiration.

Un sourire tendre sur les lèvres, Jungkook essuya ses joues humides et l'embrassa. Ce baiser avait pour but de lui donner le courage dont il avait besoin pour affronter cette épreuve seul.

La gorge nouée et les mains tremblantes, Jimin partit donc en direction de la porte qui menait à l'escalier. En silence, Yoongi et lui montèrent sur le toit puis sans dire un mot, ils s'installèrent sur le rebord, le regard perdu sur le voile blanc qui s'étendait devant eux.

— Merci Min, souffla le fantôme.

— Pourquoi tu me remercies ? C'est grâce à toi qu'on a réussi à le coincer.

Un sourire sans réelle joie sur le visage, le médium posa ses iris sombres sur son voisin.

— Comment tu te sens ? questionna Jimin d'une voix douce.

— En paix. Serein. Je... je n'aurais jamais cru ressentir ça à nouveau, mais grâce à toi, c'est possible.

— Je suis heureux d'entendre ça. Après tout ce qu'on a traversé, je pense qu'on mérite un peu de bonheur.

— Et toi, comment tu vas ?

Depuis qu'il avait quitté l'asile, les deux meilleurs amis n'avaient plus jamais pris le temps de discuter aussi calmement. D'ordinaire, la colère du mentholé le consumait, mais à cet instant, toutes ces émotions négatives l'avaient quitté, sauf une, la tristesse de dire adieu à son ami d'enfance.

— Je ne sais pas trop. Je ne crois pas pouvoir y répondre. Je me sens mal, coupable, mais en même temps, je me sens soulagé. Maintenant, je sais qu'il ne pourra plus jamais me faire de mal, ni à qui que ce soit, mais je l'ai tué. C'est... c'est moi qui ai appuyé sur la détente et je n'arrive pas à me le pardonner. Je l'ai fait pour Jungkook et je ne le regrette pas une seule seconde, mais à chaque fois que je le regarde, je revis ce moment et j'ai envie de hurler. Je... je ne sais pas si j'arriverai à surpasser ça. J'ai l'impression d'avoir perdu une partie de moi et aujourd'hui tu...

Jimin fut incapable de finir sa phrase. Sa trachée totalement broyée par les larmes, il avait la sensation qu'un étau comprimait sa poitrine.

— On savait bien que ce jour arriverait Min, souffla Yoongi. Enfin, on l'espérait.

— Je sais, sanglota le médium. Mais je n'aurais pas cru que ça ferait aussi mal. Je pensais être prêt à te laisser partir, mais c'est faux. Ça fait trop mal.

— Tu n'as plus besoin de moi petite tête. Tu as Jungkook, ou devrais-je dire, ton fiancé, plaisanta le fantôme, pour détendre l'atmosphère. Et dire qu'il y a huit mois, tu voulais l'étouffer dans son sommeil.

— C'est fou, rigola tristement Jimin. C'est vrai, j'ai trouvé l'amour de ma vie, mais tu...

— Je suis mort Min. Ne vois pas les choses de façon négative. Tous les deux, on a eu un sursis de huit ans. J'ai pu rester à tes côtés alors que d'autres personnes n'ont pas cette chance, mais on sait bien que ce n'est pas une vie. Je n'étais pas prêt à partir, mais aujourd'hui, je le suis. Je me sens en paix.

Les pleurs du médium se firent plus intenses à tel point qu'il peinait à trouver son souffle. Étaient-ce seulement ces adieux qui le mettaient dans cet état ? Il n'en savait rien. Une chose était sûre, les valves étaient ouvertes et il avait la sensation qu'il ne parviendrait jamais à retrouver son calme.

— Tu vas... tellement me manquer.

— Je sais, mais quand ce sera le cas, rappelle-toi que je serai toujours à tes côtés. Tu ne me verras plus, mais je veillerai toujours sur toi. Tu m'as fait une promesse pendant la projection et tu dois la tenir. À partir d'aujourd'hui, tu dois vivre pour toi. Je veux que tu sois heureux. Que tu épouses cet imbécile de commandant. Que tu obtiennes ton diplôme et que tu aides les gens autour de toi. Je veux que tu fondes ta propre famille et que tu leur parles de leur tonton Yoongi. Aujourd'hui, tu as l'impression que tu n'arriveras jamais à remonter à la surface, mais même si je ne serai plus là, tu as une famille, des amis qui t'aiment et un fiancé. Repose-toi sur lui, ne te renferme pas et n'oublie pas ; je vivrai pour toujours à travers toi.

La voix de Yoongi était si douce, si réconfortante que Jimin ressentit une chaleur l'envahir. Il ignorait d'où elle provenait, mais la sérénité que le fantôme éprouvait semblait s'étendre jusqu'à lui. Le corps tremblant à cause des hoquets de ses sanglots, le blond hocha la tête avant de prendre une grande inspiration.

— Je te le promets.

— Tu as intérêt, sinon je trouve un moyen de revenir et je te botte le cul, plaisanta le mentholé.

Le médium laissa échapper un rire rauque avant de renifler profondément. Les pieds se balançant dans le vide, ils restèrent silencieux de longues secondes, se préparant mentalement pour la suite.

— Je peux te demander une dernière chose ?

— Oui.

— Tout l'argent que j'ai gagné avec la prostitution, je l'ai caché.

— Où ça ?

— Dans un casier à la gare. Le code, c'est ta date de naissance. Récupère le sac s'il te plaît. Prends la moitié pour toi, et le reste pour ma mère.

— Non, Yoon, je ne peux pas accepter.

— Cet argent, il était pour nous.

— Peut-être, mais je n'en ai pas besoin, contrairement à ta mère. Elle le mérite.

— D'accord.

Jimin lui offrit un sourire rassurant et inspira de nouveau. Ses sanglots s'étaient calmés, sans pour autant diminuer la douleur. Yoongi, quant à lui, se sentait bien, il avait accompli tout ce qu'il voulait et se sentait prêt à partir.

— C'est le moment, Min.

— Comment ça va se passer ? questionna-t-il.

— Je sais pas, je sens juste que mon âme est prête à passer de l'autre côté.

— Est-ce que tu as peur ?

— Non. Ça va aller. Je suis sûr que c'est magnifique là-bas.

— Tu m'attendras ?

— Bien sûr, mais prends ton temps, ok ? Rejoins-moi dans cinquante ans, voire même dans cent, plaisanta le mentholé. Je veux que tu sois heureux avant et que tu vives ta vie à fond.

— Je le ferai, je te le promets.

Yoongi se leva et lui offrit un véritable sourire. Un sourire rempli d'amour, de quiétude et de joie. Jimin l'imita et se planta devant lui.

— Je t'aime Jimin, commença le fantôme en tendant sa main pour effleurer sa joue, même s'il ne pouvait pas le sentir. Merci d'être venu à cette fête d'anniversaire, d'avoir accepté d'être mon ami et d'avoir embelli ma vie. Les années passeront, mais n'oublie jamais que même si je ne suis plus là, mon amour pour toi sera éternel.

— Je t'aime aussi Yoon. Merci d'avoir été mon roc pendant toutes ces années. Merci de m'avoir offert cette part de gâteau et d'avoir sacrifié ta vie pour moi. Je te promets de vivre pour nous deux et je ne t'oublierai jamais. Je ne sais pas s'il existe un paradis, mais si c'est le cas, j'espère que tu y seras bien. Tu vas tellement me manquer.

Yoongi observa son meilleur ami une dernière fois et remarqua que ce dernier portait sa veste en cuir. Son sourire s'élargit face à ce détail et il prit une dernière fois la parole.

— Prends soin de cette veste.

— Je te le promets, sanglota le médium.

De tous les esprits qu'il avait aidés, Jimin n'avait jamais vu aucun d'eux passer de l'autre côté. Cette fois, il fixa le visage de ce garçon à la chevelure verte jusqu'à ce qu'un halo de lumière ne prenne vie au creux de sa poitrine. L'intensité était si forte que le médium fut obligé de couvrir ses yeux, protégeant ainsi ses rétines.

Lorsqu'il baissa son bras, il fut accueilli par le silence et la brise marine.

C'était fini. Min Yoongi s'en était allé. Après huit longues années à errer sur terre, ce jeune homme à qui on avait volé la vie avait enfin trouvé la paix.

Son décès remontait presque à une décennie et pourtant, c'était à partir de ce jour que Jimin allait devoir faire son deuil.

— Jimin ? appela une voix derrière lui.

Le concerné tourna la tête et tomba sur son amant qui venait de passer la porte. Le regard plein d'interrogations, et d'inquiétudes, Jungkook s'approcha de lui et essuya sa joue avec son pouce.

— Il..., hoqueta le médium entre deux sanglots. Je ne l'entends plus. Je... je n'entends plus sa voix.