Unions - Partie 2
Périphéries extérieurs de Shiganshina, 2 octobre 852
La longue face solide de Gelgar, éclairée par le soleil doré d'automne, reflétait tout de son malaise. Dans ses mains, des documents rangés sur un joli support. En face de lui, Mike et Marion. Le premier fronçait légèrement son nez épais et long ; la seconde, elle, se frottait le menton.
Elle balaya son environnement de son œil restant. Du faux champ de bataille qu'elle voyait, envahi par des soldats exotiques galopant çà et là et des mannequins d'humains ou de titans, émanaient cris, claquements frénétiques de sabots, et bruits métalliques de plaques d'armure s'entrechoquant. Les membres des différentes Divisions apprenaient vite de leurs erreurs, et se divisaient le travail bien différemment que la veille...
Cependant, leur formation était toujours trop maladroite.
Les bougres armurés du Moyen-Orient, et les camarades d'Oskar, Okabe et Fang, se focalisaient certes sur les faux humains. Les archers en mouvement s'entraînaient toujours plus à viser des cibles, et ceux de Piirissaar et ses alentours accompagnaient les soldats des Murs pour s'en prendre aux faux géants. Mais une seule flèche perdue, un seul coup d'épée maladroit, pouvait tuer leurs alliés – et elle ne parlait pas de la difficulté qu'ils avaient pour se retirer à temps afin de laisser la place aux autres.
Ce que Gelgar leur avait rapportés, à elle et le Résistant, était l'incident qui avait manqué de tuer Jules et Leonid. Ils avaient tenté de travailler de paire avec Kwamboka et compagnie ; néanmoins, la distraction qu'ont voulu mettre en place les seconds avait perturbé le géant en question. Ces escaladeurs ne peuvent pas s'en prendre à des titans trop vifs... Ils l'ont dit eux-mêmes, en cas de mouvement brusque, ils peuvent tomber et s'écraser à terre, aussi réactifs soient-ils pour se rattraper à la chair dudit titan. Alors, si des archers s'en mêlent, ça sera la foire aux morts.
Rebecca avait détruit l'usine à mastodontes de la base ouest. En prenant en compte le fait que beaucoup de ces monstres avaient été tués par les explorateurs et compagnie, et qu'Isaac avait ordonné aux restants d'attaquer les américains, il ne devait plus rester grand-chose d'autre que des soldats armés de fusils d'assaut et des fichus semi-géants.
Seuls nous, équipés d'équipements tridimensionnels, pouvons nous occuper de Gaby Braun, de Hannah Steel, ou de Wilson. L'aide des sentinelles d'Europe du Nord-Est peut nous être utiles, au vu de la vitesse avec laquelle ils peuvent attaquer. Mais ceux d'Asie, du Moyen-Orient, et j'en passe, eux, ne sont pas de taille, sauf cas exceptionnel. Cependant, on n'a pas le temps de s'y pencher, sur ceux-là.
Pour Marion, il était donc évident que tous ceux incapables de charcuter efficacement du titan devaient se concentrer sur des humains. Rien que de les voir tenter d'assaillir Eren ou Annie, ou de trancher de faux talons, la désespérait. Les quelques individus s'en prenant aux mannequins produisaient bien plus de résultats.
Elle se tourna donc vers Mike et Gelgar... lequel ordonnait encore et toujours son fichu pompadour couleur paille. Un peu plus, et elle aurait cru dur comme fer que sa nervosité était une constante chez lui.
« Il faut revoir la répartition des tâches », annonça-t-elle. « La dernière fois, vous avez eu du mal à vous occuper des américains et des titans, non ? Cette fois-ci, on a d'autres cartes dans nos mains. Ces personnes des Divisions peuvent s'en prendre aux fantassins. Quant à nous et les quelques natifs de Piirissaar, focalisons-nous sur les géants. »
Mike la dévisagea un instant de ses yeux pâles et plissés, puis passa brièvement un index dans son bouc épars. Il finit par acquiescer. Stratégie approuvée, on dirait. « Quant aux archers ? » demanda-t-il. « Ils peuvent tirer par mégarde sur notre armée. » Oh, c'est vrai...
Elle jeta une œillade aux mentionnés. Ceux s'opposant aux mastodontes faisaient de leur mieux pour éviter de tuer leurs compagnons, et cela entravait drastiquement leurs mouvements. Il allait en être de même durant le réel assaut. Mais en voyant ces esquisses de chevaliers, et les bonhommes tirant des flèches, des scènes du Seigneur des Anneaux et de beaucoup de jeux qu'elle avait étudiés en streaming ou chez Antoine s'imposèrent avec force dans son esprit.
En hauteur, derrière ceux à terre... En hauteur. La base se trouvait dans une cuvette, dont les flancs étaient entourés d'arbres et de plateaux. Elle imaginait trop bien les membres de l'Asie de l'Est, et de l'Himalaya, grimper sur des sommets avant le carnage. Elle voyait déjà une pluie de flèches s'abattre sur des américains pris de court, puis la charge des cavaliers. Un sérieux tombal modela sa figure défigurée, pourtant vite agrémenté d'un sourire mitigé.
« S'ils savent faire un peu d'escalade... le tour sera joué. »
***
Shiganshina, 20 octobre 852
« Non », jeta Kenny. « Je prendrai pas votre truc. » Non seulement ces mots résonnèrent-t-il dans la réserve obscure et aux nombreuses poutres du Bataillon d'Exploration, mais en plus figèrent-t-il le Gelgar qui lui faisait face.
Il portait à bout de bras une veste du Bataillon, que l'ancien Résistant venait de refuser avec dégoût. La face au rectangulaire solide du pauvre explorateur pâlit à vue d'oeil. Il fronça son nez épais, et gratta son pompadour de très mauvais goût. Mon gars, tu serais mieux avec un chapeau.
« Mais si vous voulez entrer dans l'armée, insista-t-il pourtant, vous devrez y passer.
— Autant que je me mette à votre nouvel équipement tout de suite. Vous avez tant de temps à perdre que ça ? »
L'autre contracta ses mâchoires solides, manifestement irrité.
« Écoutez. On a la bataille ouest à organiser, des recrues à entraîner, la stratégie de Marion...
— Hein ? La petite Griffonds s'y met aussi ?
— Oui, laissa tomber Gelgar sur un ton d'évidence. »
Si elle est aux commandes, ça devrait bien se passer.
« Je disais, reprit le soldat, la stratégie de Marion, Antoine, et...
— Ce rat aussi ?! »
Cette fois-ci, le blond-châtain manqua de sursauter.
« Vous êtes bien lotis, alors ! se gaussa Kenny. Ces deux têtes, à vous manipuler comme des pantins... Vous leur faites confiance, au moins ?
— Naturellement, puisque Hansi aussi...
— Parfait, abrégea-t-il sèchement. Nouvel équipement, ou rien. »
Avec Hansi en plus, les 'ricains sont vraiment dans la merde. Même s'ils ont Rhys et Armin en face, se souvint-il en grimaçant. Pendant ce temps, le gentil pion posté en face de lui le fusillait du regard. Kenny plissa les yeux.
« Eh, Elvis Presley. C'est pas car j'ai une main et un pied en moins que je peux pas t'éclater la gueule. Va chercher le mec qui te tient en laisse avant que je perde patience.
— Vous êtes..., éructa l'explorateur.
— Maintenant. »
Il se raidit illico, et partit à grandes enjambées. Parfait. Le quinquagénaire observa un peu mieux les environs : sa face se fit de nouveau impénétrable. Des caisses de bois s'alignaient, contre les vieux murs de la réserve. Plusieurs stocks de lames, de brides pour chevaux, et d'équipements tridimensionnels, devinait-il sans mal.
Dans l'ombre trônaient cinq bonbonnes de gaz compressé ; elles grattaient même les poutres de pin du plafond pointu du bâtiment. Ce mobilier uniquement réservé aux armes et autres jouets était d'une densité affolante.
Des bruits de pas inégaux résonnèrent alors autour de Kenny. Il se retourna donc, la main dans la poche de son long manteau. C'était Hansi qui se rameutait désormais, elle et sa couette grasse et ses lunettes rectangulaires et cet air sérieux collé sur son visage ovale. Elle a perdu toute envie de vivre, ou quoi ? La dernière fois qu'il l'avait vue, cela avait été dans son bureau, un mois plus tôt, pour lui faire la grâce de lui prêter ses services car il « s'ennuyait à crever. » Elle avait certes moins de cernes qu'auparavant, mais son état restait pour le moins singulier.
« Monsieur Ackerman, posa-t-elle. Gelgar m'a dit que vous ne voulez pas d'uniforme.
— Perspicace.
— Mais sans ça, on ne vous reconnaîtra pas sur le champ de bataille. »
Il se tourna complètement vers elle. Pragmatique.
« Me dites pas qu'il y en a deux comme moi, lâcha-t-il. Si vous voulez me repérer, vous avez qu'à chercher un gars avec un chapeau.
— Les ennemis aussi vous reconnaîtrons, alors. Nous voulons que vous vous mêliez dans la foule.
— D'accord, on enlève le chapeau. »
Il désigna le fond de la salle. « Là-bas. Y a vos nouveaux joujoux. Me semble que certains de vos soldats vont utiliser le nouvel équipement. » La major fronça les sourcils.
« Ils sont réservés à ceux qui peuvent s'y adapter rapidement, et ont besoin de plus d'aérodynamisme. Vous allez tirer.
— Je vais tirer, exactement. Je les fous où, mes munitions et mes armes, si j'ai deux fourreaux et des bouteilles en train de pendouiller au niveau de mon cul ? »
Hansi se frotta le menton, les paupières légèrement plissées.
« En effet, ce n'est pas possible. Mais vous allez pouvoir vous débrouiller, avec un attirail neuf ? s'étonna-t-elle.
— Il ressemble à celui que j'avais. La seule différence, ça sera les lames dans le dos. Mais je risque pas d'en faire grand-chose, avec une main.
— C'est vrai... Et votre pied ?
— J'ai la même prothèse que vous. »
Court silence. La haute-gradée finit par afficher un sourire mitigé.
« On se comprend au moins là-dessus..., rit-elle nerveusement. Quant à votre main ? Vous pouvez manœuvrer avec un seul axe ?
— Équipement neuf ou pas, le souci sera le même. Je me suis démerdé contre Wilson, alors qu'il m'avait explosé le poignet. À voir.
— Ou vous pouvez vous fondre dans la masse des membres des Divisions, murmura-t-elle subitement. »
Il haussa un sourcil.
« Ces baltringues sur leurs poneys ? Non merci. Faut que je fuie en cas de besoin.
— Oui... Ce qu'ils ne peuvent pas faire. Du moins, pas comme nous. »
Elle avança vivement jusqu'au fond de la réserve, et ouvrit un large coffre. Dedans, des uniformes de plusieurs tailles : elle en étudia un, puis un autre, puis jeta un coup d'oeil à Kenny.
« Quelle taille ?
— Un mètre quatre-vingt-dix.
— On a bien reçu deux modèles de cet acabit... Il y a Mike dans le tas, après tout..., se murmura-t-elle. »
L'ancien résistant la laissa étudier deux combinaisons brunes, l'œil plissé et les lèvres pincées. À elle de s'en occuper : il n'était pas ingénieur. « Celle-là », trancha-t-elle alors. « Et... » Elle posa l'uniforme en question, fourra les autres dans leur caisse d'origine, et extirpa ce fameux nouvel attirail dont Kenny avait déjà pu être témoin, en voyant Mikasa ou Antoine voleter par-ci par-là dans Shiganshina.
Ils font donc partie de ceux qui vont l'utiliser. D'ailleurs, ce rat a pas aidé à modéliser ce truc ? « Voici l'attirail complet », conclut Hansi. Elle le lui donna sans mot futile. « Puisque vous dites être habitué à ce genre d'équipement, vous n'aurez pas de problème pour l'enfiler, n'est-ce pas ? »
Une pénible demi-heure plus tard, il se retrouvait dans une allée encadrée de nombreuses cibles. Plastron sur la poitrine, bouteilles sur les cuisses, munitions autour de la taille... et, surtout, fusil d'assaut en main.
Lien vers l'image : https://www.deviantart.com/lindowyn/art/AoT-Gelgar-662453054, "AoT: Gelgar" par Lindowyn sur deviantart
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