"yo judy toujours pas mort?"

nul besoin de réfléchir pendant des heures à qui était l'auteur de cette lettre, sans même s'en rendre compte il avait lu cette première phrase avec la voix et surtout l'intonation sarcastique typique de notre joueur à la crête préféré. jude était vraiment perturbé, lui qui prend de ses nouvelles c'est déjà une surprise mais alors caleb stonewall? écrire des lettres? le châtain s'avoua même trouver son écriture sublime. le numéro huit avait donc ce genre de talent caché. ses yeux dérivèrent sur le petit paquet d'enveloppes posé à la vas vite sur la table du salon, est-ce que toute l'équipe lui en avait écrit une? ou venaient-elles toutes de lui? jude penchait plus pour la première option, mais même en choisissant celle-ci il voyait mal caleb se laisser convaincre. des lettres, le joueur était ému, voila un présent qui respectait sa demande de solitude et qui s'alliait à sa passion pour la littérature. qui avait bien pu proposer cette idée, david peut-être? non, plutôt nathan.

touché par l'effort, il s'installa dans son joli canapé de velours bleu pour commencer une longue lecture: il y en avait une par jour depuis le lendemain de leur retour au japon, mais heureusement pour lui, elles étaient toutes datées. celle qu'il avait maladroitement ouverte était la cinquième, il la reposa donc pour saisir la plus ancienne.

"et bien, ça ne te ressemble pas de partir sans dire au revoir, judy."

          « — quoi? »

encore caleb? il n'y avait que lui pour l'appeler par ce surnom ridicule.. jude fut cependant encore plus perturbé, si toutes ces lettres venaient bien de lui, c'était possiblement un signe de fin du monde à prendre très au sérieux.

"la prochaine fois que ça te gonfle de jouer un match dit le clairement. sérieusement, ne pas être emballé par les idées improvisées de mark c'est une chose mais de là à tirer une gueule pareille. et puis, entre nous, t'es vraiment naze quand t'es triste."

ça lui faisait mal de donner raison à son imbécile de coéquipier mais jude ne pouvait pas faire autrement. son capitaine avait eu la bonne idée de lancer à peine arrivé au japon un dernier match en guise d'au revoir en divisant l'équipe nationale en deux, et ce match avait surement été — et sera — le plus médiocre de sa carrière. honnêtement, si ce jour là jude avait été remplacé par willy, une poutre en métal ou encore un ours en peluche le résultat aurait été le même, voir peut-être mieux! il avait été une véritable gêne. mais personne ne disait rien, et ça rendait fou le numéro 14 qui n'avait qu'une hâte: rentrer chez lui au plus vite pour fuir tous ces regards gênés. il n'y avait que caleb, fidèle à lui-même, qui ne s'était pas gêné pour lui crier dessus et l'insulter de minable. ce fut bien la seule fois où la vulgarité du joueur lui fit du bien, elle fut utile au point de le faire se sentir un peu plus humain.

"ce bon viel arbitre n'avait même pas sifflé la fin du match que tu avais déjà commencé à fuir. tu aurais vu leurs têtes qui se décomposaient en te regardant filer sans même te changer. je me suis bien fait engueuler dans les vestiaires d'ailleurs, l'autre con de david ne faisait que de me répéter que je n'avais ni compassion ni respect pour toi. vous êtes vraiment amis ? parce que je suis prêt à parier que j'ai eu le meilleur des comportements. j'en suis sur, parce que tu es comme moi jude, parce que tu ne supportes pas cette pitié à vomir dans les regards, elle donne envie de tout foutre en l'air."

donner raison à caleb stonewall deux fois en moins d'une minute ça, ça, ça lui donnait tout autant des nausées! décidément, qu'est-ce qu'il avait bien pu manger au petit déjeuner pour se mettre à écrire des lettres pleines de bon sens?

"ton départ leur a tous cloué le bec, voir cette bande de surexcités silencieux ça m'a fait un de ces chocs. je te jure. mark qui baisse de trois décibels ça a été la goute de trop. quand je suis sorti du vestiaire, je leur ai dis qu'ils faisaient tous pitié, que si ils avaient quelque chose à te dire tu devais sûrement pouvoir encore être rattrapé en courant. david ne s'est pas gêné pour me recracher dessus, « blabla tu ne comprends rien, tu ne ressens rien, tu ne respectes rien et sûrement pas jude. » je lui ai rit au nez et lui ai répondu que je t'écrirai une lettre d'amour pour me faire pardonner."

le châtain comprenait mieux la lettre recouverte de parfum, décidément ! une odeur forte, mais loin d'être désagréable, elle devenait même plus douce à force de s'habituer à l'odeur, comme un mélange de poivre et de vanille. ça sentait caleb.

"puis à y réfléchir, l'idée était pas si pourrie. je ne vais pas rester planter des heures à chouiner devant ton palace pour te forcer à sourire à la vie, mais je peux t'emmerder à aller chercher ton courrier tous les matins pour te rappeler ma douce et splendide existence. à moins que tu te sois enfermé pour toujours. si c'est ça, je te bombarderais de lettres stupides jusqu'à ce que ta boite aux lettres explose en petits morceaux."

du caleb tout craché. il aimait le taquiner sur le luxe de son quotidien, des murs qui l'entouraient. il n'était pourtant venu exceptionnellement qu'une petite dizaine de minutes chez le châtain mais il lui avait dressé toute une vie sorti tout droit de son imagination avec cent majordomes à tous les étages, une fontaine au milieu du salon, quelqu'un qui goûte ses plats avant lui, un autre qui choisit ses vêtements.. c'était quelque chose d'amusant de voir le brun parler de la situation aisée de jude. de simples piques envieuses absolument pas cachées. il reposa la première lettre sur le bord de la table pour s'étirer. un long soupir traversa ses lèvres. depuis quand était-il aussi minable? minable au point d'être attendri, apaisé par les mots de cet imbécile de caleb stonewall? il ne pourra malheureusement pas prendre la défense de son ami au cache œil pour une fois, sa réaction, son humour, son idée des lettres.. ses mots, c'était bel et bien une véritable bouffée d'air frais à son égard.

"soit pas trop con et reviens, judy. ray dark n'est pas mort pour que tu foutes ta vie en l'air."