cinquième lettre
un élan de fierté pour son équipe l'avait poussé à rallumer la télé. non pas pour relancer ce fichu journal télévisé qu'il se jura de laisser au fond de la corbeille qu'il venait de sélectionner, mais pour regarder quelques-uns de leurs matchs qu'il avait pris soin d'enregistrer.
que ce soit ses matchs sous les couleurs de la royale, de raimon mais aussi du japon, jude aimait garder une trace des efforts de son équipe pour pouvoir retrouver les images de leurs efforts puis de leurs sourires victorieux après des moments difficiles. ses archives étaient souvent un excellent moyen de trouver de nouvelles techniques, d'observer l'échec d'un coéquipier pour l'aider à s'améliorer, de prendre exemple sur le jeu adverse.. jude restait le génie stratège de l'équipe même hors du terrain, c'était important d'observer sous un autre angle, on y découvrait des surprises difficiles à percevoir dans l'effort d'un match. mais aujourd'hui ils ne les regardaient pas pour ça, en fait c'était même tout l'inverse, il s'accordait une pause ! ça avait quelque chose de réconfortant, leurs matchs. c'était la seule chose dont il pouvait se féliciter pleinement, lui et seulement lui, sous aucune influence. ça ne lui viendrait jamais à l'esprit de lancer le petit film de la dernière réception ou de se regarder jouer du piano pour aller mieux. ça n'avait rien de gratifiant de le voir faire semblant même si il brillait de toute part.
le hasard voulu que sa rétrospective du jour se porte sur la finale de la sélection asiatique — le « hasard » étant la télécommande que jude maltraitait depuis dix minutes pour retrouver le dit match —
c'était le premier match qu'il avait joué avec caleb.
en voyant son visage apparaître sur l'écran, jude se rappela soudainement qu'il avait ses lettres stupides à terminer ! alors, laissant tout de même le match défiler sur l'écran, il s'empara de l'enveloppe suivante, une enveloppe qu'il avait déjà déchirée.
"yo judy, toujours pas mort?"
hors de question de se priver de son petit rituel pour les insultes du numéro 7 à son égard.
"je ne voulais pas être aussi cash dans ma dernière lettre, mais plutôt crever que de m'excuser, au point où tu en es y'a plus que des vérités crues qui vont te bouger. t'as pas le choix de faire avec de toute façon, c'est les conséquences du malaise que t'as créé tout seul comme un con."
jude lisait ses mots alors que la caméra filmait justement l'entrée inattendue du joueur sur le terrain, lui et son sourire infernal. à première vue, on pourrait croire que caleb n'avait pas du tout évolué entre le ton sarcastique de sa lettre et ses images datant déjà de plusieurs mois où il dévisageait sa propre équipe avec un dédain fou. mais c'était faux, le brun ne faisait plus rien au hasard. il calculait tous ses gestes, toutes ses paroles. il était devenu un joueur indispensable à l'instant où il s'était rentré dans le crâne qu'il n'avait pas besoin d'une quelconque force extérieur pour l'être.
"putain. c'est pas comme ça que je veux te dire les choses mais je n'arrive pas à m'adresser à toi autrement qu'en colère."
caleb excelle dans tout ce qu'il choisit d'entreprendre sérieusement. c'est un très bon joueur, un stratège hors pair qui réfléchi différemment de lui — jude joue toujours parfaitement avec les capacités de ses amis, et caleb n'hésite jamais à pousser leurs limites pour s'emparer de la victoire —. mais il est aussi le meilleur de sa classe en physiques, un excellent orateur, un grand nageur aussi... ce sont des choses pour lesquelles il s'est battu, et jude redevient souvent le petit enfant privilégié à qui on ouvre certaines portes parce qu'il porte le doux nom sharp. alors, il se prenait en pleine face les efforts du brun pour devenir — quelqu'un de — meilleur.
"je resterai sûrement longtemps à tes yeux l'imbécile qui a cru aux mensonges de ce connard de dark. alors vu cette reput' ça sert à rien de me lancer dans de grands discours philosophiques. les condoléances et les « tout arrive pour une raison » je les laisse à ce niais de david."
mais c'est là que les derniers doutes sur caleb se lèvent. il ne s'arrêtera jamais de le vanner en hyperbolisant chaque détail de son quotidien pour en ressortir le luxe. mais le châtain savait pertinemment qu'il ne pensait plus ainsi. il avait eu du mal à se l'avouer, mais caleb ressentait un profond respect à l'égard de jude. caleb avait finit par entendre de la bouche de mark le chantage qu'il avait subi par son père pour retrouver sa petite sœur. ça l'avait mis dans une colère noire ! comment on pouvait mettre en jeu des vies humaines ? et puis surtout, comment jude faisait pour faire comme si de rien n'était ? lui, il s'était écroulé lorsque ray dark l'avait jeté, et pendant des jours il s'était ressassé des dizaines de doutes et de conneries.
"les prières ne ramèneront pas nos morts, n'apaiseront pas nos colères, et toi et moi on ne le sait que trop bien."
mais pas jude. pas lui. il était toujours aussi fort, et il brillait encore plus ! et pendant ce temps, il encaissait ses piques stupides qui taclait son « quotidien paisible ». alors, caleb s'était senti vraiment stupide, assez pour se dire qu'il aurait mérité une sacrée baffe depuis le temps.
"bordel rien qu'en écrivant ça j'ai l'impression d'être dans un film, on passe en noir et blanc avec plan serré sur moi qui zoom en avant bon sang c'est ridicule je vais gerber."
mais jude s'était toujours contenté de lui répondre par un simple sourire qui rendait dingue.
"après tout, je paierai déjà assez cher pour découvrir la tronche que tu a dû tirer en découvrant que je t'avais écrit des putain de lettres parfumées, alors si je me mettais à te faire des citations positives dignes d'une story instagram faux cul d'une influenceuse beauté c'est l'avc assuré."
jude revoyait ce moment décisif du match, ce moment où il avait décidé de faire confiance à caleb, de se dépasser pour mettre en marche sa stratégie. cette passe entre eux n'avait pas seulement changé le cours du match, mais tout ceux qui allaient suivre. parce que pour la première fois, ils se regardaient dans les yeux sans se haïr, mais en marchant dans la même direction, vers le même rêve.
"bref, c'est déjà la cinquième lettre que j'écris. j'te jure que la prochaine fois qu'on se croise je te réclame un chèque. toi qui a toujours un temps d'avance sur tout, t'es vraiment à la traîne là !"
oui, cette fichue passe avait bien créé toute une nouvelle cohésion d'équipe, mais surtout, ce fut l'instant où jude s'avoua enfin qu'il avait pardonné à caleb depuis longtemps.
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