Chap. 4: Tenir tête coûte que coûte
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Le jeune maître, confortablement assis à table, buvait bruyamment son thé et mangeait goulûment les tartines que le cuisinier lui avait préparé.
NamJoon, en fidèle serviteur, se tenait raide comme un piquet à côté de lui. De temps en temps, il jetait des coups d'œil à l'horloge murale accrochée au-dessus de la porte, menant à un dédale de couloir. Les mains liées dans le dos, il triturait nerveusement ses doigts, les emmêlant et les démêlant entre eux comme un noeud que l'on fait et défait à sa guise.
Le majordome était visiblement stressé et ne faisait pas beaucoup d'effort pour le cacher. Il avait l'impression d'avoir une boule dans l'estomac qui l'empêchait de respirer correctement. De plus, voir ainsi son hyung enchaîner petit pain après petit pain lui donnait presque la nausée.
Comment peut-il manger autant ? Se demanda le rose, relativement impressionné malgré son malaise.
Surtout que le moment ne se prêtait pas du tout à une telle activité. Il était une heure de l'après-midi et dehors, la journée était déjà bien avancée. Cependant, le jeune maître, lui, venait tout juste de se lever, ne se préoccupant pas le moins du monde de l'heure à laquelle un petit-déjeuner se consomme habituellement.
En plus de cela, le châtain avait très mal choisit son jour pour faire la grasse matinée. Aujourd'hui avait lieu un événement relativement important; quelques hommes d'affaire, ami du père de SeokJin, avaient été invités et pour l'occasion, une petite fête avait été organisée.
Tout autour de NamJoon, les domestiques s'activaient et arrangeaient les derniers préparatifs. Les servants passaient avec, dans les mains, des plats chargés de confiseries ou finissaient de mettre les couverts en argent sur la nappe en soie de la grande table, dans la salle à manger.
Le jeune majordome ne participait pas aux tâches car il devait s'occuper du jeune maître, ce dernier ayant exigé la présence du rose à ses côtés pendant qu'il mangeait –chose tout à fait inutile–, ce qui ne plaisait donc pas vraiment à NamJoon.
C'est ça qui le mettait dans un état de stress. Il se sentait terriblement inutile en ce moment même et il détestait ce sentiment. Alors que les autres suaient pour que tout soit parfait, lui il devait rester là, debout à ne rien faire. Et ça l'énervait passablement.
N'en pouvant plus de ne rien faire, NamJoon se risqua à parler, interrompant le petit-déjeuner de son maître. Tant pis s'il faisait une gaffe, il n'en pouvait juste plus.
« Veuillez m'excuser, jeune maître, mais je vais disposer... »
Le châtain releva soudainement la tête, de la confiture à la framboise sur le coin des lèvres et la tartine à mi-chemin entre sa bouche pleine et l'assiette. Ses prunelles noisette considéraient NamJoon avec attention.
« Qui a dit que tu pouvais partir ? marmonna-t-il après avoir avalé sa bouchée de pain. »
Le majordome se tendit un peu, contrarié que son maître oppose une résistance aussi idiote qu'immature.
« Si je puis me permettre, il me semble que je serais plus utile ailleurs qu'ici, dit le rose, contenant un agacement soudain.
– Je ne t'autorise pas à partir avant que j'ai finis de manger, affirma le châtain, un léger sourire étirant ses lèvres pulpeuses. »
NamJoon soupira discrètement avant de répondre sèchement:
« Vous n'avez pas besoin de moi pour finir votre repas.
– Si, j'ai besoin de toi ici et maintenant. »
Un autre soupir puis, une autre réplique, plus autoritaire cette fois.
« Je ne vois pas en quoi je suis utile. Sauf si vos pauvres dents n'arrivent même pas à mâcher du pain et que je dois le faire pour vous ? »
NamJoon n'avait pas pesé ses mots et il ne s'en rendit compte que lorsque le jeune maître le regarda avec des yeux ronds. D'un geste un peu maladroit, il tira un peu sur son col et s'éclaircit la voix par gêne.
« Je... Veuillez m'excuser, bredouilla-t-il en s'inclinant pour ensuite tourner les talons et entamer une marche. »
Un bruit sourd se fit entendre et NamJoon se retourna. Il fut surpris de voir le jeune maître qui le regardait fixement. Un couteau était tombé sur le tapis, à ses pieds. Ça ne semblait pas naturel.
SeokJin fit mine d'être étonné et plaça sa main devant sa bouche.
« Oups. »
NamJoon fronça immédiatement les sourcils. Il revint sur ses pas sans faire un seul commentaire et se baissa pour ramasser la vaisselle, la posant ensuite sur la table.
Mais à peine s'était-il redressé que le jeune maître brandit sa tasse de thé à côté de lui, comme s'il menaçait de la faire tomber.
D'un geste atrocement lent, le châtain pencha la porcelaine et le liquide chaud s'écoula sur le tapis jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans la tasse.
« Oh, ma main a glissé ! »
NamJoon serra les dents. Ce gosse –accessoirement plus âgé– se moquait ouvertement de lui ? Sans aucune gêne ?
Le majordome dut se retenir de ne pas lui gueuler dessus et lui dire ce qu'il en pensait de 'ma main à glissé !'.
« Au moins maintenant tu sers à quelque chose, mh. »
NamJoon contint son énervement qui montait en flèche face au comportement plus qu'immature de SeokJin. Il avait juste envie de le baffer et de l'envoyer chier après.
Mais il ne pouvait pas. En tant que majordome, ce n'était absolument pas convenable.
Alors, en silence, il nettoya la bêtise du jeune maître. NamJoon se jura qu'après, il irait voir s'il n'y avait pas d'autres tâches à faire et ce, même si SeokJin faisait tout pour le faire rester. Il ne voulait pas attendre un instant de plus avec ce gamin joueur, sinon il allait exploser ou même imploser.
Mais SeokJin en avait décidé autrement.
Un bruit de verre brisé, de la porcelaine éparpillée sur le carrelage et un majordome à la limite de la crise de nerf.
« Ramasse, ordonna le jeune homme. »
NamJoon serra les poings et s'il ne portait pas des gants d'un blanc immaculé, il était certain que l'on pourrait voir la jointure de ses phalanges blanchir. Il tenta de refouler sa rage au fond de lui, de se calmer un peu et surtout, de ne rien laisser transparaître. Et il y arriva plutôt bien.
Sans un mot et d'un mouvement se voulant souple, il se baissa pour ramasser l'assiette en mille morceaux qui jonchait le sol de la salle à manger. Ramassant les pièces cassées d'une main et les portant prudemment de l'autre, le majordome ne prêtait pas attention au regard insistant que lui lançait son jeune maître. Assis tranquillement sur sa chaise, ce dernier attendait en bâillant que son domestique ait terminé sa tâche. Une fois que cela fut fait, NamJoon se redressa lentement, ses yeux sombres s'encrant dans ceux de son insupportable ainé.
« Veuillez m'excuser, dit-il sèchement, s'inclinant légèrement. »
Il était sur le point de prendre congé pour la énième fois lorsque le châtain l'interrompit subitement.
« Reste ici. »
NamJoon se figea et soupira discrètement.
« Si je puis me permettre, jeune maître, je me dois d'aller au moins déposer les débris en cuisine, affirma le rose bonbon sur un ton glacial et agacé.
– Si je te dis de rester, tu restes. Pourquoi tu veux tant partir ? Je ne suis pas assez beau à regarder ? répliqua SeokJin en affichant un sourire taquin. »
NamJoon ne dit rien et se contenta de poser les morceaux de porcelaine cassée sur la table.
« Vous avez une quelconque requête à me soumettre qui soit autre que vos idioties, jeune maître ? demanda amèrement le rose.
– Je t'ai dit que j'avais besoin de toi ici. T'es sourd ou quoi ? »
NamJoon, à bout de patience, le prit très mal.
« S'il y a bien quelqu'un de sourd ici, c'est vous, grinça-t-il entre ses dents. »
SeokJin arqua un sourcil, soudain intéressé par le répondant. Depuis le temps qu'il le provoquait, c'était bien le moment de réagir.
« C'est déjà la troisième fois que je vous le dis. D'autres tâches m'attendent certainement et je n'ai donc pas de temps à perdre avec vos bêtises. Alors vous allez me faire le plaisir de terminer votre repas, de décoller votre joli petit cul de cette chaise, de monter dans votre chambre et de vous préparez à recevoir les invités de votre père qui arrivent dans moins de trente minutes, continua NamJoon. »
Le châtain écarquilla les yeux, affichant une expression de surprise à la limite du choc. Il ouvrit la bouche pour répliquer mais le rose le prit de court.
« Sur ce, veuillez m'excuser mais je vais disposer à présent, que cela vous plaise ou non. »
Il s'inclina rapidement, tourna les talons et partit pour de bon sans un regard en arrière.
Marchant d'un pas bien trop rapide en direction des cuisines, le majordome n'arrivait pas à croire ce qu'il venait de faire; pour la première fois, il avait tenu tête à SeokJin.
Et étrangement, il ne regrettait absolument pas ce qu'il avait dit.
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