Shiganshina, 15 novembre 851

Mikasa sortit de la réserve de la Garnison. Ils avaient dû déménager : la transformation subite de Reiner, il y avait de cela vingt jours, avait complètement détruit le bâtiment central de la base du Bataillon. Wilson et l'escouade de Mike y était passés.

Annie avait bien tenté de poursuivre l'ennemi, mais il avait été plus rapide qu'elle. Eren lui-même avait voulu s'en mêler. Il avait été retenu de justesse par le caporal-chef. Ils ne devaient pas perdre plus de monde que cela. La mort de Marion les avait assez découragés pour perdre d'autres piliers du salut de l'Humanité.

Désormais, ils dormaient à cinq par chambre. Le réfectoire, par contre, n'était pas si bondé que ça : les morts de la dernière bataille l'avaient considérablement allégé. Un mal pour un bien. Elle réajusta son écharpe rouge autour de son cou, et regarda autour d'elle.

Les quelques titans qui avaient envahi la ville avaient été rapidement décimé, mais Reiner avait fait des dégâts. Les maisons, si elles étaient déjà bien abîmées, frôlaient la ruine. Elle posa ses yeux dessus. Même pour elle, le spectacle était triste à voir.

Du paysage à la tronche des troupes en passant par le temps qu'il faisait dehors, tout était devenu morne. On aurait presque dit que la Mort se préparait à abattre sa fauche sur eux. A chaque instant, une merde pouvait arriver... Mais ils se tenaient prêts.

Armin, Eren, Sasha elle-même, qui avaient bien connu la scientifique, arboraient un regard bien plus dur qu'avant. Hansi était devenue terriblement sérieuse, et l'expression de Livaï, si s'était seulement possible, s'était faite encore plus grave. Les yeux d'Annie, quant à eux, brillaient d'un désir de vengeance qu'elle ne tentait même pas de dissimuler.

Les soldats avaient encaissé le choc. Ils avaient mis du temps – c'était le second assassinat en moins de deux mois, mais ils en étaient ressortis deux fois plus hardis. Ils voulaient gagner la guerre. Ils allaient gagner la guerre.

« Mikasa. » Mike venait d'arriver. « Je vais m'absenter quelques temps. Va au sud, je... » Mais elle ne put entendre le reste de sa phrase : une déflagration tonitruante recouvrit tout autre bruit. Les yeux de l'homme se posèrent sur le Mur, puis s'écarquillèrent. Elle regarda à son tour. Le choc lui coupa le souffle.

Le Titan Colossal venait d'apparaître.

« Changement de plan », murmura-t-il. Il se saisit d'une grenade sonore, et tira. L'asiatique ignora parfaitement le son aigu qui lui brisa les tympans. La scène était terriblement familière. Une tête rouge et gigantesque, un nuage de vapeur qui dissimulait les trois oiseaux qui passaient là, des doigts immenses qui compressaient la pierre. Le Mur Maria allait de nouveau tomber.

Non. Elle serra les dents. « Soldats ! » tonnait le chef d'escouade à sa droite. Un sentiment qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps l'envahit. « Équipez-vous ! » Une sourde envie d'éliminer... « Relayez l'information ! Préparez-vous au combat ! »

... qu'elle ne comptait pas mettre de côté.

Livaï débarqua bientôt. Le choc modela brièvement ses traits. « Mikasa, accompagne Eren. Allez au sud-ouest. Ne vous occupez pas de Reiner : focalisez-vous sur Bertolt ou le Titan Bestial. Il ne devra se transformer que lorsque vous serez prêts à les tuer. Ne les épargnez pas », lâcha-t-il.

« Armin », dit-il ensuite au stratège qui passait par là, « va nous concocter un plan avec Erwin. Tu n'as pas plus de cinq minutes. » Il continua à distribuer les ordres. L'adolescente s'éloigna sans attendre, et chercha son frère adoptif du regard.

Elle croisa l'escouade de Rico, qui se divisa en deux et courut vers le front. Autour d'elle, tout le monde se hâtait. Elle fut surprise de voir qu'il n'y avait que peu de visages apeurés. C'était désormais sûr : tous s'étaient considérablement aguerris.

Elle repéra enfin le brun, et se précipita vers lui. « Eren, il faut qu'on aille au sud-ouest. » Il hocha la tête. La haine pointait déjà dans son regard vert. Sans perdre une seule seconde, ils se dirigèrent vers l'entrepôt déjà grouillant de monde.

Le cliquetis de leur équipement fut alors recouvert par un bruit assourdissant. « La porte a sauté ! » cria quelqu'un. Gelgar montra le bout de son nez, retrouva son équipe, et la mena dans la cité. « Les Titans débarquent ! » s'exclama une autre. Les deux jeunes explorateurs se frayèrent tant bien que mal un chemin dans la foule de combattants. Ils sortirent dehors, et passèrent immédiatement à la manœuvre tridimensionnelle.

Elle leva ses prunelles sombres sur le haut du Mur. Le Titan Colossal avait disparu, des gardes se battaient déjà contre leurs ennemis. Ils s'avancèrent encore quelques minutes, et elle plissa les yeux : ils portaient une étrange amélioration de leur équipement. En voilà une bonne.

Elle n'eut pas le loisir d'y réfléchir plus que cela. Un titan de dix mètres, à la face allongé et aux yeux globuleux, se ruait vers eux. Ils étaient déjà arrivés près du front. Elle accéléra sans attendre, prit un virage serré, et lui trancha la nuque avant qu'il n'ait pu faire le moindre mouvement.

Ils ignorèrent son cadavre qui s'écrasa à terre. Ils n'avaient pas le temps pour ça. Ils atteignirent le sud-ouest au bout d'une dizaine de minutes et de trois géants abattus. Ils se postèrent ensuite sur un toit, et scrutèrent les alentours.

Deux nouveaux éclairs fendirent le ciel. Le Titan Bestial descendit le Mur à toute vitesse, regarda autour de lui, et poussa un cri tonitruant. Ils virent avec horreur une horde entière de monstres foncer dans les rues.

Combien y en avait-il ? Combien de dizaines ? Elle se tourna vers Eren. Il venait de porter sa main à sa bouche.

« Eren ! Tu es sûr que c'est le bon moment ?

— Il est juste en face de nous ! C'est lui qui contrôle les Titans. Il faut l'abattre, ce sont les ordres ! »

Elle hésita quelques instants. Leur cible se trouvait à deux rues d'eux : elle ne put qu'hocher la tête. Il se lança donc dans le vide, et se transforma à son tour. Leur opposant se tourna vers le colosse au corps musculeux. Il est lent. Elle se posa sur l'épaule du brun. On peut l'avoir !

Il lui jeta un regard. Elle se retira à l'instant même où il se mit à foncer, et le suivit. Il brandit son poing vers la mâchoire de l'autre mastodonte ; celui-ci esquiva, et le boula de son épaule épaisse. L'allié se vit propulsé à quelques mètres, mais chargea de plus belle.

Il évita la mandale de la bête, et la saisit par le buste. Là, une ouverture ! Elle planta son axe dans un bâtiment à l'opposé, s'élança à pleine vitesse vers ses jambes, et trancha ses chevilles.

Est-ce que je peux avoir la nuque ? L'autre tomba à genoux. Il la vit toutefois, et tenta de l'attraper : elle dut esquiver.

Eren continua de compresser le torse de son adversaire. Un craquement sourd retentit. Il lui a brisé le thorax. Elle prit un détour. Mais ses chevilles se régénèrent ! Elle serra les dents. Il fallait qu'elle agisse.

Elle partit alors rapidement vers ses yeux, et y enfonça ses lames. Aveugle, et infirme. Le brun, une fois sûr d'avoir réduit les os de l'autre en charpie, se releva, et planta violemment son genou dans son visage. Du sang gicla.

Mais alors qu'elle s'élançait vers sa nuque, il la protégea de sa paume. Elle serra les dents, et changea de direction. Elle se rappela des mouvements de Livaï contre Annie. Elle lui sectionna les aisselles comme il l'avait fait ; ses bras retombèrent.

A cet instant précis, il se releva, et envoya bouler Eren. Celui-ci s'écrasa violemment contre une maison non loin. Seulement, il n'avait toujours pas recouvré la vue. Il est à moi ! Elle poussa un cri, s'élança vers l'arrière de son crâne, et hacha profondément sa nuque.

Est-ce que je l'ai eu ? Elle atterrit sur un toit non loin. De la vapeur s'élevait du cadavre. Il était mort. Mais avant qu'elle n'ait pu s'en réjouir, un hurlement déchirant s'éleva derrière elle.

Elle se retourna d'un bond : ses yeux s'écarquillèrent d'horreur. Le combat avait attiré les géants. Ils étaient en train de dévorer le colosse de son frère adoptif.

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