Les jours s'enchaînent, les lunes défilent, Hyunjin apprend à sourire, à nouveau. Car Jeongin, le garçon nuage, il échappe aux conventions, aux lois de malchance, il n'est pas comme ses précédents, tout simplement. Ces éphémères d'une fois, ces espoirs d'un soir, qui promettent le monde mais n'ont, en réalité, que maux à offrir. Non, Jeongin est un gars de confiance, il est revenu le lendemain, le surlendemain et n'a cessé depuis, sans jamais faiblir.

Aujourd'hui le voilà de nouveau, on est le sixième soir. Comme de coutume, c'est à l'inverse de l'aube qu'ils se retrouvent. Là où l'océan avale le soleil et la nuit la lumière, là où l'un se confie et l'autre esquisse. Jusqu'à ce que la toile vienne à bout, jusqu'à ce que Jeongin n'épuise ses mots. Hyunjin redoute cet instant, l'inévitable fin, il aime bien trop sculpter les traits du jeune homme. Donner vie à son souvenir d'avenir, en couleurs brume, perle ou écume, est devenu sa nouvelle passion, son refuge des beaux jours.

Seulement voilà, on ne contrôle ni le temps, ni l'aquarelle dansante. Aussi vint le dernier coup, l'ultime touché irisée, la plus belle œuvre du garçon océan qui voit le jour, au détriment de leur idylle nocturne. Alors ils parlent, s'émerveillent, sourient et rient, échangent des mots doux, peut-être amoureux, dans le secret de l'ultime aurore.

Amoureux, oui. Comme on peut l'entendre habituellement, non. Huit jours c'est court pour aimer, s'attacher, découvrir. Huit jours, cependant, ça reste assez pour apprécier, se remémorer, créer un lien. Une relation où on ne pose pas de mots, pas de soucis, pas de questions. Une relation où on aime dans son sens le plus pur, avec le cœur. Les vagues capricieuses, les notes du vent, l'horizon changeant, le soleil doux, les sourires, les rires, les traits de pinceaux, l'admiration réciproque, les secrets qu'on construit, ceux qu'on dévoile ou qu'on ignore, mais construisent l'autre malgré tout. Soi-même, au milieu de la tempête. Tout ça, c'est aimer. Tout ça, c'est l'art de Hyunjin, ce soir. Ce qu'il a tenté de retranscrire, tant bien que mal. Ce qu'il souhaite archiver de cette histoire.

Parce qu'il le sait, il le sent : l'inéluctable arrive. Jeongin n'a plus aucune raison, pour rester. Ce n'est peut-être pas un éphémère, mais il reste le garçon des nuages, léger et libre, volatile. Et puis, c'est aussi le gars qui n'est pas d'ici. Le voyageur dont Hyunjin est une escale, qui s'est déjà trop éternisée. Celui promis à plus, exactement à l'instar de la fille des nuages, tout compte fait.

Mais aujourd'hui, Hyunjin ne répétera pas son erreur. L'aurore fait son entrée et de silencieux adieux planent, lorsqu'il énonce sa résolution.

— J'irai te retrouver.

— Quoi ? Comment ça ?

Le peintre inspire un grand coup, expire et fige son regard dans l'horizon. Ça l'aide à se concentrer, pense-t-il.

— Ne reviens pas. T'as autre chose à faire que perdre du temps ici, et honnêtement... moi aussi. J'peux pas continuer à me laisser aller comme ça, j'vais vraiment finir comme tous les vieux du coin, sinon.

— Alors... je vais te servir de motivation ? sourit le brunet.

Et qu'il est beau son sourire, dans le soleil naissant.

— En quelque sorte, ouais. T'es trop précieux pour jamais se revoir, j'peux pas risquer ça. Enfin, si t'en as pas déjà marre de ma gueule, évidemment.

— Pour l'instant, tout va bien, pouffe l'autre, se levant du quai. Alors on se dit ça ? Je continue mon voyage et toi, tu me retrouveras ?

— C'est ça.

— Comment tu feras, sans aucune information ? J'habite nulle part, je sais pas où je vais. Tout ce que j'ai et tout ce que t'as, c'est mon nom. Même ta peinture, tu me la donnes.

— J'ferai des croquis pour remplacer et enquêter, t'inquiète pas j'suis débrouillard, se vante le plus grand, tirant la langue.

Puis, pour preuve immédiate, il griffonne en quelques secondes un portrait, effroyablement semblable malgré les traits peu nombreux et brouillons à souhait.

— Oui, bon, on est pas tous doués hein.

— Tu me trouves doué ?

— T'es con, rétorque la muse, pas agacée pour deux sous.

Quelques rires, le silence les engloutit. Leurs voix tues par le soleil ou eux même, difficile à dire. Chacun désire s'exprimer, ajouter encore un peu de lui, dans la mémoire de l'autre, ça se lit sur les visages muets. Mais le cycle est sans fin et ils n'osent le briser, on se confie la nuit et on se quitte au jour, leur bout de monde s'est construit ainsi.

Mais tout de même, ils ne vont pas se quitter là, sur ça et rien d'autre. Ce serait une belle, douce injure à eux. Leur complicité mérite plus, mieux et plus beau. Pas vrai ? Des au revoir dignes, des au revoir destinés à se revoir.

— Bien sûr que oui, j'te trouve doué.

Le garçon nuage l'a compris dès qu'il l'a vu, comme il comprend que maintenant, c'est le temps des sentiments. L'heure n'est plus tellement aux secrets, faut bien risquer un peu de soi, pour délier tous les souhaits.

— Dès que je t'ai vu, ça m'a sauté aux yeux. T'es pas seulement un artiste, t'es aussi l'œuvre, celui qu'inspire par sa passion. Je... si ça tenait qu'à moi, je partirais pas, tu sais ? Je resterais des heures et des heures encore, parce que tu mérites d'être vu, admiré, apprécié pour qui t'es. Mais tu le sais tout ça, pas vrai ?

Une seconde passe, puis une deuxième. Les mots viennent difficilement à Hyunjin, trop de choses se bousculent, en lui.

— Sauf que tu dois partir.

— Mh. Mais tu me retrouveras, et sinon je reviendrai. Que tu le veuilles ou non, il ajoute, devançant le décoloré et ses protestations. On se reverra, Hwang Hyunjin, et pas dans dix ans. Tu me peindras à nouveau et j'me confierai encore, je t'en fais la promesse.

Une bise les enveloppe, Jeongin se redresse. Sourire aux lèvres, il relève aussi son ami, le garçon océan ne peut détacher les yeux de sa muse. Son inspiration salvatrice est bien trop belle, dos à la mer et le matin sur les joues, lumière de renouveau.

— T'es pas obligé, tu sais. Vraiment.

Il ne veut pas être un poids, Hyunjin.

— C'est pas le cas. Je me sens obligé à rien, mais te laisser ici... je refuse. Tu mérites mieux, j'ai dit. Mieux que cette mélancolie ambiante, on s'y sent bien j'te l'accorde mais tu sais, c'est tout aussi beau dehors.

Et peut-être bien l'été lancinant prend fin, l'océan se fait plus clément, plus vivant. Pour la première fois depuis des années, Hyunjin s'autorise à croire. Il veut faire confiance à Jeongin, sans retenue.

— C'est l'heure de vivre, Hyunjin.

ᨒ

Les nuages et l'océan dansaient
l'un peignait, l'autre riait
ça rayonnait et ça voulait pas se quitter.

🎐 end.!

✑ note de fin.| merci d'avoir lu, pour commencer !! c'est court mais j'espère que vous avez quand même enjoy baha, j'ai en tout cas pris beaucoup de plaisir à l'écrire ! (et c'est ce qui compte au final, non?)
j'sens que cette fic va vite me manquer enfin bon, l'important c'est qu'elle soit là :D

si certain.es se reconnaissent dans le personnage de hyunjin (qui est en dépression, même si ça n'a pas été dit clairement) courage, vous êtes incroyables et méritez le meilleur peu importe vos défauts, vos peurs, vos imperfections. hésitez pas à parler à des personnes de confiance si nécessaire, ça aide même si c'est pas forcément facile, je vous promets. love sur vous toustes et encore merci <3

𓆝 𓆟 𓆞 𓆝 𓆟