𝐕𝐈𝐈𝐈 | 𝐁𝐮𝐫𝐧𝐢𝐧𝐠 𝐌𝐚𝐝𝐧𝐞𝐬𝐬
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐉𝐞𝐮𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟖 𝐡 𝟏𝟑
Il l'aida à sortir du cercueil de marbre. Lorsqu'elle posa un pied chaussé d'une légère sandale à talon aiguille haut sur le sol pavé, un frisson la parcourut.
Légère.
Elle était si légère.
Un sourire fleurit sur ses lèvres lorsqu'elle se vit vêtue d'une simple robe verte. Elle se souvenait de l'avoir achetée pour une fête organisée par son petit ami.
Elle ne s'y était jamais rendue, pourtant.
L'homme à côté d'elle lui offrir un sourire épris et passa un bras autour de sa taille. Ils sortirent de la pièce. Émerveillée, son regard se posait sur tout ce qu'il lui était possible de voir.
C'était étrange ; sa vision était si aiguisée qu'elle distinguait sans mal tous les grains de poussière logés entre deux pavés. Elle parvenait à différencier les pierres, celles posées plus de dix siècles auparavant et celles – pourtant rigoureusement identiques – posées quatre siècles plus tôt.
Son odorat lui apportait tous les parfums merveilleux qui entouraient ceux de sa race, désormais.
L'odeur d'un rat galopant dans le couloir. L'odeur vieille et humide des galeries. L'odeur des parfums mêlés. L'odeur d'énormément de choses. Choses dont elle n'en avait jamais perçu la senteur.
Elle était émerveillée.
Un rire cristallin lui échappa lorsqu'elle prit conscience qu'elle entendait absolument tout ce qui grouillait dans Elveszett Vàros, parce que...
« On est bien dans Elveszett Vàros ? »
De nouveau, sa propre voix carillonnant et enchanteresse la surprit. Elle se tourna vers l'homme à ses côtés.
« Oui, salang, je t'avais promis de te la faire visiter, un jour, lui sourit-il.
— Visiter ? N'est-ce pas ma ville, désormais ? Autant que la tienne et tous les autres Vampires appartenant à la cour de... Mère ?
— Bien sûr », souffla-t-il, la couvant d'un regard si tendre et amoureux qu'elle en fut intimidée.
Elle l'étudia un moment, arrêtée dans le couloir seulement éclairé par une toute petite bougie. Elle ne servait pourtant à rien pour des Vampires ayant une vision nocturne irréprochable.
En revanche, une bougie dans un couloir signifiait qu'on se trouvait bien à Elveszett Vàros. Il y avait nombre de galeries inhabitées où les Vampires n'avaient aucun besoin de se rendre.
« Comment ça se fait qu'on ait besoin de prononcer des mots pour nous comprendre ? On n'est pas censés échanger par télépathie ? s'enquit-elle, curieuse et confuse.
— Tu refuses de me laisser entrer dans ton esprit. Tu viens de naître, tu n'as pas encore l'habitude », souffla-t-il, les orbes complètement perdus dans la contemplation de la nouvelle version de sa bien-aimée.
Elle est si belle. Plus belle que n'importe quelle personne qu'il avait croisée dans sa longue vie.
« Comment on fait ? », demanda-t-elle de sa voix à présent irréelle.
Il sourit et posa son front contre le sien. Fermant les yeux, il murmura.
« Laisse-toi aller. Fais le vide dans ton esprit, ne pense plus à rien si ce n'est à moi. Concentre-toi sur ma présence. »
Fermant les paupières à son tour, elle tenta d'exécuter ce qui lui était demandé. Faire le vide... ce n'était pourtant pas si simple. Ce nouveau monde était si beau ! Elle avait le désir de tout connaître de lui ! Comment pourrait-elle résister à son appel ?
Refusant de se laisser aller, elle se concentra sur la respiration de l'homme. Son homme... Quel était son nom, déjà ? Elle ne savait plus... Sa vie humaine lui semblait floue. Elle revoyait des images, des fragments de vie où une jeune fille semblait parfois triste, parfois débordante d'amour pour un jeune homme aux magnifiques yeux azur et au sourire éblouissant.
Mais il y avait lui, cet homme si beau qui la touchait amoureusement. Il lui semblait qu'il était son petit ami de l'époque. Oui, c'était bel et bien à sa fête qu'elle devait se rendre. Cette robe qu'elle portait actuellement, elle aurait dû la mettre pour lui.
Quelle vision floue de lui elle avait gardée ! Il était un million de fois plus beau, alors qu'elle le regardait avec sa vision vampirique.
Ainsi occupée à penser à lui, elle ne se rendit compte qu'elle partageait ses pensées avec lui uniquement lorsqu'elle eut une vision d'elle-même.
Elle en tant que Vampire.
La stupeur la fit reculer brusquement, remontant aussitôt les barrières autour de son esprit. Une main chaude sur sa joue ainsi que deux lagons noirs rassurants lui permirent de se calmer et se concentrer avant de disparaître derrière ses paupières closes.
Elle s'était vue ! Elle était si... belle ! Son corps semblait plus délié, plus gracile. Son visage s'était tout autant affiné, envolées les rondeurs de son jeune âge. Elle avait les lèvres d'une envoûtante couleur rose pâle. Ses cheveux qu'elle avait si souvent teints en parme, brillaient de tout leur éclat. Un rire monta à sa gorge, pensant qu'elle ne reverrait plus jamais sa couleur naturelle, l'améthyste éternellement accrochée à sa fibre capillaire.
Elle s'émerveilla encore devant sa peau blanche à la texture si douce sous la main de son homme. Elle ne semblait pas froide, mais chaude. Peut-être était-ce parce qu'ils étaient deux Vampires ? Elle se souvenait de la peau froide de son petit ami. Elle se souvenait adorer cela.
Son étonnement ne cessa de grandir lorsqu'elle observa plus attentivement ses propres yeux dans l'esprit de son homme. Leurs iris, autrefois d'un vert magnifique, ressemblaient désormais à l'émeraude la plus pure. Il lui semblait aussi que ses paupières s'étaient légèrement bridées et ses pupilles rétrécies.
Jamais elle n'avait pensé un jour devenir aussi belle, merveilleuse, aussi... transcendante. Et dans l'esprit de l'homme, elle avait l'impression de vivre, d'exister. Il ouvrit les yeux et lui sourit avec amour.
« Je t'aime, salang, murmura-t-il dans son esprit, l'âme désormais de nouveau complète.
— Je t'aime aussi, honey. Je t'aime. »
Emprisonnant sa main dans la sienne, il se détacha d'elle et lui offrit un large sourire, un de ces sourires qu'elle avait toujours adoré, éblouie par sa luminosité. Il partit en courant. Elle le suivit, ébahie. Ses jambes n'éprouvaient aucun effort. Elle n'avait nullement besoin de respirer. Elle avait l'impression de voler.
En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, ils poussaient une lourde porte richement décorée et entrèrent dans une pièce où, semblait-il, plusieurs Vampires s'étaient déjà installés. La pièce était ronde et aurait tout aussi bien pu contenir pour diamètre, trois terrains de stade dans leur longueur.
Des fauteuils et des canapés étaient disposés de façon conviviale, quelques tables basses en leurs centres.
Une large cheminée s'érigeait devant deux fauteuils à bascule et un long tapis à la texture doucereuse reposait juste devant. Une cheminée qui ne servait à rien d'autre qu'à éclairer un minimum la pièce propageait la chaleur de son feu. De l'autre côté, il était possible de deviner une porte tout aussi immense que la première.
La nouveau-née s'avança dans la pièce, étroitement suivie par l'homme. Du coin de l'œil, elle vit deux silhouettes se lever vivement d'un canapé et se diriger vers eux. Elle reconnut deux hommes d'une haute stature, à la démarche souple et déliée.
L'un d'eux paraissait félin, comme s'il n'avait jamais renié l'animal en lui. Lorsqu'ils furent à quelques mètres d'elle, elle put les détailler plus amplement. Sa première impression était la bonne.
Le premier large d'épaules et au cou robuste, se tenait les mains dans les poches, comme indifférent à ce qui l'entourait. Il la fixait toutefois avec de grands yeux gris métallique. Ses cheveux anarchiques retombaient sur son front et ses tempes, une mèche indisciplinée se dressant entre ses deux yeux.
Le second, plus fin, mais de même taille que son camarade, arborait une peau sombre, chocolatée. Il s'était figé dans une posture animale, les épaules voûtées, le menton levé. Il la détaillait de la tête aux pieds, crocs découverts.
Elle réagit aussitôt, grondant à sa provocation implicite. Son homme derrière elle posa une main sur sa taille et colla son torse à son dos, l'apaisant quelque peu alors qu'elle reprenait son inspection. Des yeux d'un brun chatoyant et des cheveux plus broussailleux encore que ceux de son compagnon.
Il était magnifique, splendide. Tout en lui respirait l'animal.
« Alors, c'est toi la petite nouvelle, ronronna-t-il de sa voix mélodieuse.
— Quel est ton nom ? demanda le premier.
— Non qu'on y prête attention... continua le second.
— D'ici quelques jours nous l'aurons certainement oublié, compléta le premier.
— Il y a des choses beaucoup plus intéressantes à retenir qu'un prénom anodin », roucoula le second.
La jeune femme était perdue. Quel était son nom ? Comment diable s'appelait-elle ? Tout était si flou...
« Je vous présente Hazel. »
Elle sursauta.
Oui ! Hazel ! Le magnifique jeune homme aux yeux bleus de ses souvenirs l'avait appelée Hazel !
« Salang, je te présente deux de nos amis Vampires. Je ne saurais te dire leur véritable nom, ils l'ont certainement oublié, reprit son homme dans son dos, ses lèvres proches de son oreille, la faisant frissonner.
— Exactement, approuva le second tout en s'ébrouant. Quoique mes appartements se nomment "Gaye". Crois-tu que cela puisse être mon nom ? demanda-t-il à son compagnon.
— Alors je m'appellerais "Silver" puisque c'est aussi écrit devant mes appartements ? Quel drôle de nom... approuva le premier. De toute manière...
— Nous l'aurons bientôt oublié », rit le second en donnant un coup de poing amical contre l'épaule de son compagnon de race.
Ce dernier rit à son tour et leurs voix merveilleuses et rauques emplirent la pièce. Tous les Vampires présents relevèrent la tête, bien qu'ils aient suivi la conversation depuis son commencement.
« Le premier, celui avec les yeux gris, est américain. Il se fait appeler Isaac Davis à la surface, reprit son homme. Du moins pour les quelques années à venir. Le second vit sous l'identité de Thiaw Ddjibril.
— Ils ont l'air... Ils ne te ressemblent pas, avoua-t-elle.
— C'est parce qu'ils ont longtemps vécu en solitaire. De plus, ils sont Fondateurs, ils ne montent pas souvent à la surface. Ce n'est pas comme moi, qui suis habitué à vivre parmi les humains. »
Elle approuva silencieusement et, alors que les deux Vampires s'éloignaient, deux autres vinrent à sa rencontre. Elle pensa furtivement que si elle avait pu respirer ou eut encore un cœur, elle serait certainement tombée inanimée devant ce qui se tenait sous ses yeux.
Le couple qui s'approchait était d'une beauté indescriptible. Il y avait d'abord cette femme aux longs cheveux or blanc dont le corps était moulé dans un fourreau orangé, renforçant l'éclat de ses yeux oscillant entre le cobalt et l'indigo.
Elle se tenait aux bras d'un homme de grande taille à la carrure robuste. Ses cheveux caramel tombaient en boucles douces sur son visage fin à la peau pâle et ses yeux d'un or magique, brillant de mille feux.
« Enchantée, Hazel, chantonna avec douceur et bienveillance la nouvelle venue. J'espère que nous deviendrons de grandes amies.
— Comment trouves-tu ton premier jour vampirique ? demanda l'homme dans un sourire éblouissant sans lui laisser le temps de répondre. Est-ce dépaysant ? Je me souviens qu'en ce qui me concerne, ma soif fut intenable.
— Voyons, min elskede, ne la brusque pas », rit-elle.
L'homme sourit de plus belle et passa un bras autour de sa taille pour l'attirer à lui. Il huma ses cheveux, en gardant une longue mèche entre ses doigts. La jeune Vampire se sentit mal à l'aise, ainsi témoin de leur complicité intime.
« As-tu des appartements dans lesquels tu pourras dormir ? reprit la femme. Ou te permet-il de loger dans les siens en attendant ? »
Hazel devina qu'elle parlait de l'homme derrière elle et se retourna.
« Je ne sais pas. Où vais-je aller ? Mais... les Vampires n'ont pas besoin de dormir, si ?
— Oh, non ! rit l'homme aux boucles caramel, attirant de nouveau son attention sur lui. Sjelevenn faisait simplement allusion aux activités auxquelles certains Vampires s'adonnent entre eux.
— Min elskede, tu la rends mal à l'aise...
— Hazel a déjà ses propres appartements, reprit l'homme derrière la nouveau-née.
— Bien sûr, approuva la grande blonde. J'espère vous recroiser bientôt. Au revoir », les salua-t-elle, leur offrant un sourire sincère et lumineux.
L'homme aux yeux dorés les salua d'un signe de tête avant de passer vivement un bras derrière les genoux de sa compagne pour la porter avant de sortir de la pièce sur l'éclat de rire féerique de celle-ci, faisant sourire Hazel et son compagnon.
« L'homme se fait appeler Niklas Solheim, il est Fondateur, dit-il en perçevant aussitôt son regard. Sa compagne est connue par sa "famille" en tant que son épouse et se fait appeler Iselin Solheim.
— Ils sont toujours ainsi ? souffla-t-elle, encore éblouie par leur beauté et leur complicité.
— Oui ! Tu apprendras à les connaître, mais il leur arrive d'être adorables, rit-il. Tiens, voilà les trois petits Français.
— Hé ! Qui invectives-tu de petit, ici ? », gronda une délicieuse voix féminine.
Hazel tourna la tête dans cette direction, découvrant trois Vampires plus beaux les uns que les autres. Néanmoins, à ses yeux, elle remarqua qu'aucun d'entre eux n'égalait la beauté d'Iselin et Niklas.
Le petit groupe était composé d'une femme et de deux hommes.
« Je suis ravie de te rencontrer, Hazel ! », s'exclama la jeune femme.
Ses cheveux blonds attachés en un chignon savamment décoiffé lui donnèrent un air coquin sur un visage pourtant fin et adulte. Ses grands yeux chocolatés soulignés de noir pétillaient de malice et, de ses lèvres carmin et pulpeuses largement ouvertes sur un sourire éblouissant, deux canines aiguisées pointaient de tout leur éclat.
Elle était vêtue d'une jolie jupe droite et d'un top tous deux verts pomme, soulignant ses courbes voluptueuses.
« Tu peux m'appeler Jade, si tu le souhaites ! Je suis Fondateur dans la famille Weber. Mais je dois t'avouer que mon véritable nom m'échappe complètement. Il me semble pourtant qu'il ressemblait à quelque chose comme Ambre ou Ambrine... En tout cas, je suis absolument ravie de te savoir parmi nous ! Tu nous auras fait quelques frayeurs...
— Comment ça ? voulut savoir Hazel, confuse.
— Tu as bien failli ne jamais naître », avoua un des deux hommes.
Hazel le détailla rapidement. Grand, brun, peau pâle, les yeux d'un brun chaleureux, il aurait pu sembler banal, comme n'importe quel Vampire, si des cicatrices ne lui barraient pas le visage en tous sens.
Malgré le fait que son visage soit ainsi strié, il n'en restait pas moins d'une grande beauté. Que lui était donc arrivé pour que ces cicatrices subsistent même après sa transformation ?
« Je me fais appeler Gabriel, à la surface. Je suis le frère de sang de Jade. Voici notre petit frère, que nous nommons Eliott. »
Le dernier de la bande, un rouquin plus petit en taille et en carrure, redressa hypnotiquement la tête. La jeune Vampire resta un moment stupéfaite devant ses grands yeux d'un inhabituel vert anis. Ils ressortaient divinement bien sur sa peau pâle parsemée de douces taches de rousseur.
Difficile d'oublier pareille beauté.
Hazel se reprit néanmoins et se tourna vers son homme derrière. Elle se fit la réflexion de lui demander son « prénom », plus tard.
« Honey... J'ai failli ne jamais naître ?
— Tu es restée plus d'un mois dans ton cercueil. Ta transformation a été très lente. J'ai mis énormément de temps à te ramener à Elveszett Vàros, où un membre de l'Élite t'a mordu afin de procéder à ton ascension », murmura-t-il de sa voix irréelle en baissant les yeux alors qu'il se remémorait la folie qui avait failli lui coûter la Mort, tant il perdait espoir de la revoir en vie.
Elle prit son visage en coupe, ne se lassant guère de le contempler. Comment avait-il dit que cela s'appelait ? Ce souvenir était si flou...
Des moitiés. Ils étaient des moitiés. Ensemble, ils étaient plus forts. Ils ne craignaient plus rien.
« Je suis là, maintenant. C'est tout ce qui compte », lui souffla-t-elle.
Il lui sourit, heureux qu'elle ait pu surmonter cette épreuve difficile.
« Bon, nous n'avons pas que cela à faire, mes frères ! J'ai une soif monstrueuse, moi ! s'exclama la blonde aux jolis yeux mordorés. Hazel, j'aimerais que nous nous revoyions, j'ai beaucoup de choses à te faire découvrir. À bientôt, les amoureux ! »
Ignorant le sourire gêné de Hazel et celui ravi de son compagnon, elle s'éloigna comme elle était venue, d'une démarche hypnotique. Ses frères la suivirent sans paroles, pressés d'aller déjeuner, sans oublier de les saluer d'un signe de la tête.
« Au fait, l'apostropha Hazel en entourant le cou robuste de ses bras. J'ai oublié ton prénom... murmura-t-elle, légèrement embarrassée.
— Je me nomme Hoseok. C'est mon véritable nom, je ne l'ai jamais désappris.
— Comment se fait-il que tu te souviennes de ton nom contrairement aux autres ?
— J'ai côtoyé beaucoup d'humains, je l'employais sans cesse chaque jour. Et je n'ai pas oublié le tien, ma Hazel, finit-il en lui embrassant tendrement le front. Prête à rencontrer Mère ?
— Aussi vite ? Non, je ne suis pas prête ! Que va-t-elle penser de moi ?
— Que tu es absolument ravissante, salang. De plus, j'ai senti un grand intérêt chez notre ami Issac.
— Celui aux cheveux gris ? Pourquoi ?
— Il ressent les pouvoirs qui habitent chacun de nous. Tu lui as plu.
— Comment ça se fait que je ne sois pas au courant ? J'étais pourtant avec vous, j'aurais dû l'entendre, n'est-ce pas ?
— On va t'entraîner, salang, ne t'en fais pas. Tu as encore du mal à assembler toutes les pensées qui t'environnent. Viens, allons-y. »
Il lui prit tendrement la main et ils traversèrent la pièce ronde pour rejoindre la deuxième porte. En chemin, Hazel croisa le regard de deux Vampires installés dans un même fauteuil, plongés dans le noir.
L'un, un homme aux muscles souples, se tenait sur un accoudoir, les jambes ne touchant que du vide. Ses cheveux coiffés en épis lui retombaient au-dessus des oreilles et quelques mèches laissaient entrevoir un regard d'une noirceur meurtrière.
L'autre, une femme au corps peut-être trop maigre, était assise en travers dans le creux du fauteuil, la tête sur les genoux de l'homme. Ses cheveux bruns étaient rassemblés en deux nattes savamment tressées, retombant de part et d'autre de son buste. C'était là, la seule trace de sa féminité, si l'on ne comptait pas sa poitrine emprisonnée dans une large brassière en cuir noir.
Le reste de sa personne était recouvert d'un jean étroit et de bottines hautes à talons aiguilles. Le tout, en cuir. Ses yeux, tout comme ceux de son compagnon, étaient d'une noirceur macabre.
À son approche, ils découvrirent les crocs. Elle frissonna et se raccrocha à la main de Hoseok, devant elle. Les pensées qui émanaient d'eux étaient meurtrières, sanglantes, effrayantes. Hoseok se retourna en avisant les deux personnes dans le fauteuil et entraîna Hazel avec plus d'entrain vers la porte.
Alors qu'ils passaient dans le couloir, la jeune femme ne put s'empêcher de frémir d'effroi.
Jamais... Jamais elle n'avait vu des crocs aussi épouvantables. Ils étaient si longs que même les lèvres pulpeuses dévoilaient leurs pointes rutilantes. Elle avait beau avoir assisté au spectacle à une vingtaine de mètres, elle savait que leurs crocs étaient plus aiguisés que n'importe quelle arme jamais humainement fabriquée.
L'émail en devenait miroitant, hypnotisant quiconque les regardait, elle devinait sans mal la douleur qu'ils lui causeraient s'ils s'enfonçaient plus profondément dans sa chair pour en extraire le sang par litres.
« Qui... C'était qui ? », murmura-t-elle, la voix légèrement tremblotante.
Hoseok se tourna vers elle et l'emprisonna étroitement de ses bras, dans une tentative d'apaiser sa moitié.
« Je suis désolé que tu aies dû assister à ce spectacle, ma Hazel. Tu n'aurais pas dû les croiser dès ta naissance. Je te demanderai de ne pas les approcher, sauf si tu en as reçu l'ordre de Mère, mh ? finit-il en prenant son visage en coupe avant de lui adresser un sourire tendre et lumineux.
— D'accord... souffla-t-elle, éblouie par tout l'amour qu'il lui vouait.
— Ils ne sont ni Fondateurs ni Gardes. Mais ils ne sont pas libres comme moi ou d'autres. Ils font partie de l'Élite. »
Hazel réprima un frisson. Elle se souvenait de sa dernière année humaine ou Hoseok lui avait révélé tout ce qui incombait de sa nature vampirique. Elle se souvenait aussi de lui avoir arraché la promesse qu'il la transformerait un jour, même si elle avait préféré que ce jour ne vienne pas si tôt.
Sa mère la croyait morte... Elle secoua la tête, refusant de penser à cela.
« L'Élite, murmura-t-elle.
— Oui, la femme s'appelle Bijes et l'homme se nomme Krv. C'est leur véritable nom, personne n'oublie celui d'un membre de l'Élite. Ils sont Croates. Ils n'ont pas de pouvoirs propres à eux-mêmes, mais tu ne rencontreras jamais de combattant plus redoutable qu'eux.
— Et les deux autres membres de l'Élite ?
— Tout leur contraire.
— C'est-à-dire ? Ils sont laids, mais gentils ?
— Oh, non, fit-il en secouant la tête, avant de lâcher un petit rire attendri. Ils sont aussi beaux que leurs deux compagnons. Ce sont néanmoins le jour et la nuit. Lorsque tu les rencontreras, tu comprendras. Mais maintenant, nous devons rejoindre Mère. »
Il lui prit la main et ils traversèrent le couloir vivement éclairé dans lequel ils venaient de déboucher. Au bout de celui-ci trônait une grande porte. Elle s'ouvrit avant même qu'ils l'atteignent.
Une silhouette apparut dans l'embrasure.
En approchant, Hazel découvrit un homme aux cheveux roux, appuyé sur le chambranle de la porte. Ses vêtements se résumaient à un pantalon de cuir noir étroitement serré et une chemise déboutonnée. Il était nu-pieds.
Sur son cou d'une blancheur attirante ressortaient deux petites cicatrices. Hazel fit tout de suite le lien avec les cicatrices du dénommé Gabriel, mais n'en trouva pas l'origine.
L'homme se redressa lorsqu'ils s'arrêtèrent devant lui. Ses cheveux lisses encadraient un regard rubis qui était à la fois las et sensuel. Il transpirait la luxure et la débauche. Hazel sut tout de suite à qui elle avait affaire.
Grâce aux descriptions de Hoseok, même si ses souvenirs restaient plus ou moins flous, elle se souvenait que chaque garde de la Mère, d'une force et d'une beauté exceptionnelle avait aussi un défaut.
Tous tirés des péchés capitaux.
𝐄𝐥𝐥𝐞 𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐝𝐞𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐞𝐥𝐥𝐞, 𝐥𝐞 𝐃𝐞𝐮𝐱𝐢𝐞̀𝐦𝐞 𝐆𝐚𝐫𝐝𝐞, 𝐘𝐨𝐨𝐧𝐠𝐢 𝐥'𝐈𝐧𝐜𝐮𝐛𝐞*.
☾
𝐔𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐭𝐞́ 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐭𝐢𝐠𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞 𝐝'𝐈𝐧𝐜𝐡𝐞𝐨𝐧-𝐄𝐬𝐭
𝐉𝐞𝐮𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟕 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬
« Jungkook ! »
Ce dernier eut à peine le temps de se redresser du mur sur lequel il était adossé qu'une bombe humaine lui sautait dans les bras. Il accueillit et serra doucement le corps cramponné à lui, tout sourire. Les yeux d'un bleu pâle incontournable se rivèrent dans les siens.
« Où tu m'emmènes, aujourd'hui ? demanda-t-il, tout sourire.
— Ne retravailles-tu pas tes leçons, en amont ? », souffla-t-il, ébloui par l'expression lumineuse que lui offrait l'humain.
Étaient-ce des vibrations de bonheur qu'il percevait à son égard ? À en juger ses saphirs pétillants, son sourire immense, son expression heureuse ; c'était bel et bien le cas. À cette vue enchanteresse, l'âme du Vampire se souleva d'euphorie.
« Pas envie, lâcha-t-il, sans se départir de sa gaieté.
— Taehyung...
— Ce ne sont que des révisions en management, c'est vite fait !
— Toi qui exècres cette matière, tu en as au moins pour une heure ou deux, le taquina-t-il.
— Sympa », grommela le plus jeune en dardant sur lui un regard noir.
Devant la moue vexée qu'il affichait, Jungkook ne put s'empêcher de lâcher un bref rire sincère. Ce son fit se retourner toutes les personnes présentes et les étudiants ouvrirent de grands yeux ronds lorsqu'ils virent leur « héros » littéralement cramponné à un Adonis au rire ravissant.
Et le mot était faible.
« Je te propose quelque chose, vilain garnement.
— Quoi ? marmonna Taehyung, toujours aussi boudeur.
— Allons à ta demeure, tu retravailles tes cours... Écoute-moi, grogna-t-il avec amusement en le voyant prêt à exprimer son mécontentement, les sourcils froncés. Ensuite, si Hana nous le permet, je t'emmène te restaurer et nous irons nous installer dans le parc du Sud pour admirer les étoiles. Es-tu partant ? Ta mère m'a confié que tu aimais les contempler pendant un long moment. »
Jungkook assista alors à une explosion d'étoiles, à la création de l'univers aux creux des orbes céruléennes. Un sourire éclatant et adorablement carré se peignit instantanément sur son visage. Taehyung rit, absolument ravi, avant de se reculer de l'étreinte à la fois douce et forte et d'attraper le poignet pour le tirer derrière lui.
Inconsciemment, sous l'effervescence de la joie, il se mit à courir pour rentrer chez lui le plus vite possible, mais à peine arrivé au premier carrefour, il chancela. Jungkook le rattrapa de justesse, un air sévère et inquiet sur le visage.
« S'il te plaît, prends garde à ton cœur. Il ne semble pas aussi heureux que ton esprit pour se rendre à ce rendez-vous.
— Rendez-vous... répéta le plus jeune en haussant un sourcil, reprenant son souffle, un œil ouvert. C'est vrai que ça y ressemble.
— Ce n'est pas que ça y ressemble, Taehyung. C'en est un, affirma-t-il, un léger sourire fendant ses lèvres.
— Oui, mais ce n'est pas pareil, on est deux garçons. Ce n'est pas comme si après, je te demandais de venir dormir avec moi pour faire des choses pas très catholiques, lança-t-il en se redressant à l'aide du noiraud.
— Oh, pourquoi ? Cela t'est-il arrivé, antérieurement ? Serais-tu en train de m'avouer que tu as invité des demoiselles à partager ta couche et pratiquer ce que tu appelles "des trucs pas très catholiques" ? plaisanta malicieusement le Vampire, ignorant la pointe de jalousie brûlant dans sa poitrine.
— Pas... pas du tout ! », s'exclama vivement Taehyung, aussi rouge qu'il aurait pu l'être la veille.
Jungkook sourit. Il adorait le rendre aussi pourpre qu'une rose rouge.
« Ôte-moi d'un doute ; tu n'es certainement pas en train de m'avouer que tu es un garçon vierge ? le taquina-t-il de plus belle.
— Jungkook, ça suffit ! », s'écria-t-il, indigné.
D'un pas vif, il se dépêtra des bras de son ami et traversa le carrefour pour s'enfuir sur le trottoir voisin. Jungkook ne mit pas longtemps à le rejoindre. Un sourire tendrement mutin peint sur les lèvres.
« Allons, je ne voulais pas t'embarrasser, murmura-t-il. De toute manière, je suis conscient que ta vie sexuelle est plutôt bien remplie. N'en parlons pas, cependant, finit-il en grognant sa dernière phrase, non heureux de ce fait.
— Quoi ? Tu es en train de me dire que tu m'espionnais ? s'exclama-t-il, outré.
— Taehyung, souffla-t-il en soupirant, amusé. Je ne te connaissais guère. La raison pour laquelle j'en suis informé est ton sang. Il me le prouve. Le principe est identique concernant les femmes vierges, il n'a pas la même odeur.
— Oh, je vois. Une raison de plus pour ne pas me mordre, je ne dois pas avoir un goût très alléchant.
— Oh, tu te trompes, rit Jungkook. Tu aurais été vierge, ton sang n'en aurait été que meilleur. Il est déjà divin, cependant. Tu es à mes côtés dans une rue bondée de passants, d'automobiles et de maisons où l'odeur de leur propriétaire n'en est que plus forte. Pourtant, je ne sens presque rien. Si je ferme les yeux et que je me concentre les effluves que tu dégages, je suis certain de croire que nous sommes seuls dans un monde totalement désert de tout autre parfum. »
Tout en marchant jusque chez lui, Taehyung l'avait attentivement écouté. Il n'en revenait toujours pas. Un Vampire s'était attaché à lui. À lui, pauvre humain déjà pas bien vaillant.
Les paroles échangées le matin même lui revinrent à l'esprit et il rougit aussitôt.
Des paroles si...
« Jungkook, ça t'est déjà arrivé de rencontrer une personne comme moi ?
— Qu'entends-tu par-là ? Tu es unique.
— Une personne vis-à-vis de laquelle tu te sens aussi attiré », murmura-t-il en rosissant.
Le Vampire gronda. Si la rue n'était pas pleine de passants, Taehyung était certain que Jungkook aurait laissé pousser ses canines d'instinct.
« Jamais, grogna-t-il. Je te l'ai déjà dit, Taehyung. Je ne saisis pas la raison pour laquelle mon âme réagit à ton essence. Néanmoins, je suis au fait d'une chose ; si par malheur, je te perds, je ne ne vivrai pas une minute de plus dans ce monde privé de ta personne.
— ...Jungkook, souffla-t-il, je ne pense pas que...
— Il s'agit de mon choix. Si tu n'existes plus, je n'existerai plus. Tu as émis le souhait de me soutenir dans mes choix, ce matin. »
Taehyung baissa le regard, regrettant d'avoir abordé ce sujet. Il savait qu'il était peine perdue de lui faire entendre raison.
Comme il aurait voulu ne jamais être atteint d'une telle maladie ! Sans cela, Jungkook aurait vécu quelques années de plus. Juste quelques années...
« Jungkook... ?
— Oui. »
Sa voix grave et ensorcelante était chargée de colère. Taehyung soupira. Il n'en tirerait rien, maintenant, il vaudrait mieux éviter de l'irriter davantage.
« Non, rien... »
Jungkook ne chercha pas à en savoir plus. Le trajet jusqu'à la villa se fit dorénavant en silence.
Une fois seul dans sa chambre – Jungkook discutait avec sa mère de leur soirée prévue –, Taehyung ouvrit la baie vitrée puis sortit son ordinateur portable et s'installa devant la table basse. Un coude sur le meuble, le menton au creux de la main, il admirait les saules pleureurs se balançant de manière hypnotique de droite à gauche, sous la faible haleine du zéphyr, taquinant sa peau en de doux et agréables effleurements.
Il sursauta lorsqu'il sentit une brise dissemblable et aérienne caresser sa peau et ses cheveux avant que Jungkook vienne souplement s'asseoir à ses côtés. Sans le regarder, il reporta son attention sur son écran. Décidément, il ne comprenait rien à ce qu'il lisait, il n'en avait aucune envie, manquant de concentration.
Il s'agita, mal à l'aise.
Il voulait entamer une discussion avec Jungkook, mais il craignait sa réaction.
« Es-tu contrarié ? demanda le noiraud en murmurant, le devançant.
— Moi ? Non, c'est plutôt toi, souffla Taehyung, surpris.
— Nullement, réfuta-t-il, confus.
— Je sais que je t'ai énervé lorsque je t'avais demandé si tu avais déjà aimé quelqu'un comme m... »
Taehyung se figea.
Tout naturellement, il l'avait lâché.
Le mot aimer.
Il n'avait jamais été question de cela, mais plutôt d'attirance, de présence, de sentiments... Avec horreur, Taehyung se rendit compte que ce n'était que la solution logique aux évènements.
Lentement, il se retourna. Jungkook était figé telle une statue parfaite baignant sous les rayons du soleil qui cascadaient sur sa personne.
Lui aussi était surpris par le terme employé. Pourtant, il paraissait impassible aux yeux de son ami. Ami qui se sentait horriblement gêné.
« J-je... je suis désolé. Écoute, faisons comme si cette conversation n'avait jamais eu lieu. Tu es d'accord ? »
Comme le noiraud ne répondait pas, Taehyung le fixa un court instant, ses rougeurs volatilisées. Il agita sa main devant les obsidiennes dont les paupières ne s'abaissaient guère. Il ne réagit toujours pas, se contentant de fixer un point sur le mur de ses prunelles fébriles, profondément perdu dans ses pensées, les sourcils légèrement froncés.
Le plus jeune, ne sachant que faire, se demandait comment il pouvait bien l'obliger à réagir, lorsque subitement, Jungkook fondit contre lui.
Lâchant un petit cri surpris, Taehyung tomba à la renverse. Le Vampire l'enjamba, plaça ses mains de part et d'autre du corps étendu sous lui et sa tête au même niveau que la sienne.
Dire que son vis-à-vis rivalisait avec les coquelicots était un pur euphémisme.
« Aimer... », murmura Jungkook, gênant davantage Taehyung qui devint aussi muet qu'une carpe.
Toujours perdu dans ses pensées, l'attention du noiraud n'était plus focalisée sur lui alors qu'il le surplombait.
L'amour.
Certes, il s'était senti attiré, il avait soudain eu le désir de connaître Taehyung et de partager sa vie, mais de là à dire qu'il l'aimait...
Pourtant, maintenant qu'il était mis face à l'évidence, il comprit que rien n'était plus vrai et plus pur. Il n'avait jamais été amoureux, comment aurait-il pu comprendre ce qu'était réellement l'amour, justement ? Cette Isa... Iselin... Snø... blonde... Vampire complètement dépendante de son homme s'était bien gardée de lui dire !
Il reporta son regard sur Taehyung. Ce dernier, allongé sur le sol de sa chambre, le regardait avec de grands yeux inquiets, plus que rouge.
« Jungkook ? », l'appela-t-il timidement.
Le noiraud eut comme une étrange impression que son cœur reprenait vie sous le regard de Taehyung. Délicatement, il se laissa glisser sur lui, se retenant sur ses coudes afin de ne pas l'écraser et le petit cri rauque et étranglé que poussa son ami lui tira un sourire.
« Serait-ce notre posture qui t'incommode ? murmura-t-il près de son oreille, mutin.
— Eh bien, oui, espèce de sangsue ! Tu ne trouves pas qu'on est un peu trop collés, là ?
— Je trouve plutôt que je ne suis pas assez près... », souffla-t-il en nichant son nez dans le cou du brun en ricanant du surnom qu'il trouvait assez recherché pour sa condition vampirique... et peut-être son comportement collant. Un tantinet.
Ce dernier rougit davantage, se demandant furtivement s'il reprendrait sa belle couleur hâlée, un jour.
À ce train-là ? Certainement jamais.
Foutues réactions incontrôlables.
« Taehyung ?
— Quoi ? croassa-t-il, l'âme en émoi face au corps le surplombant et au visage caché au creux de son cou.
— Ne trouves-tu pas cela étrange ? murmura-t-il.
— De ? fit-il, tentant de calmer son cœur en respirant plus profondément, son torse butant doucement contre celui de Jungkook à chaque inspiration.
— Qu'un Vampire s'attache à un humain.
— Oh... C'est l'intrigue de tous les livres et les films sur les Vampires, répondit-il, les yeux rivés sur le plafond en haussant une épaule.
— Pas celui que nous sommes allés voir, cependant, intervint Jungkook.
— C'est clair. Mais en même temps, ça racontait la vie de cette folle de Bàthory. Il n'y a pas idée de se baigner dans le sang de jeunes filles vierges pour rester éternellement jeune et belle ! C'est n'importe quoi, cette histoire ! Il était gore, le film. Je ne voudrais pas me retrouver en face de cette femme, elle doit foutre les jetons ! Mais bon, elle n'a probablement jamais existé, comme certains mythes. N'empêche, je me demande, si elle avait réellement existé, que serait-elle pour vous ? Un traître, non ? Faudrait que l'Élite aille lui botter les miches, elle enfreint les règles ! Elle tue ses victimes, les torture ! Dommage qu'il n'y avait pas eu un membre de l'Élite qui vienne la tuer, dans le film. D'ailleurs, comment on tue un Vampire ? »
Parler.
Il avait besoin de parler pour ne plus penser à la situation et au Vampire étroitement blotti contre son petit corps frêle et fragile, en comparaison.
Il ne se doutait guère que ses paroles pourraient se réaliser dans un avenir proche.
Les jambes emmêlées aux siennes, confortablement installé sur son torse, Jungkook avait écouté son monologue, grimaçant à l'évocation de la Mère.
Il se redressa légèrement pour lui répondre.
« Le brûler vif, murmura-t-il, ignorant tout ce qui avait été prononcé avant la question.
— Oh... J'adore le feu ! Je trouve ça beau. Cette réaction chimique a quelque chose d'insaisissable, de supérieur. Je trouve que c'est l'élément le plus puissant... Non, mais écoutez-moi parler, je dis n'importe quoi, ce soir. Sinon, les Gardes et l'Élite tuent les Vampires juste en les brûlant ?
— ...Assurément, chuchota-t-il en le fixant avec hébétude, les sourcils froncés, assommé par l'étrange débit de parole de Taehyung. Ils les tuent ou les paralysent avec leurs capacités avant de les brûler pour qu'ils ne se régénèrent plus.
— Et quelle est la différence entre l'Élite et la Garde ?
— L'Élite se charge de tuer ceux qui enfreignent les lois, sur ordre de Mère. La Garde reste en permanence autour d'elle et la défend. Ils ne tuent que ceux qui lui portent atteinte.
— Tu les connais, ces gens ? Tu les as déjà vus ?
— Bien entendu, même si tout le monde ne peut guère s'en vanter. Pouvons-nous changer de sujet ? Nous étions à évoquer les Vampires amoureux des humains. »
Taehyung évita soigneusement de répondre, se perdant dans la contemplation du plafond blanc. De couleur blanche, voire blanche. Oh, et il y avait même du blanc, là. C'était très joli. Dans l'ensemble, ça donnait un joli blanc, vraiment.
« Crois-tu que ce serait immoral... ? poursuivit Jungkook, les lèvres contre son cou.
— Par rapport à quoi ? souffla-t-il, avant de se pincer les lèvres, de clore les paupières et de froncer les sourcils, sentant un léger vertige dû aux battements effrénés de son cœur. Au fait qu'on est issus de deux races différentes ou qu'on est deux hommes ?
— Les deux.
— Je ne vois pas en quoi. Mais c'est ta Mère qui ne va pas apprécier. La mienne, je ne peux pas te le dire, elle me surprend chaque jour, sourit-il, malgré lui.
— Elle s'en moque.
— Pardon ? s'exclama Taehyung en ouvrant les yeux tout en essayant de se redresser, vite plaqué au sol par une main froide et à la rigidité du marbre, mais douce dans son mouvement afin d'éviter de le blesser.
— Il me semble t'avoir déjà dit que je me suis entretenu avec elle. Maintenant que tu es instruit sur l'existence de mes pairs et moi, tout ce qu'elle souhaite est que je demeure à tes côtés. Tu n'étais pas censé l'être avant de reprendre la succession de ta famille. »
Taehyung s'agita. Il y avait quelque chose qui clochait, dans cette histoire. Sa mère souhaitait que Jungkook le colle au train alors que sa Mère exécrait les humains au point de les tuer tous les deux ?
Autrement dit, sa mère le donnait en pâture aux Vampires ?
Non, décidément, quelque chose ne collait pas. Il lui manquait une pièce du puzzle. Ou plusieurs.
« Certes, mais ce n'est pas pour autant qu'elle acceptera, souffla Taehyung.
— J'ai le sentiment qu'elle le savait bien avant nous », signala Jungkook.
Taehyung grimaça. Sa mère, alors...
« Attends, comment ça nous ? Ne t'emballe pas, Jungk... »
Du cou hâlé, le noiraud s'était brusquement relevé, les crocs à quelques centimètres de son nez. Taehyung déglutit péniblement, évitant soigneusement son regard d'une noirceur épouvantable en tombant sur les crocs. Il se fit la réflexion que ses lèvres étaient de nouveau pourpres.
Un pourpre étincelant.
Aurait-il enfin étanché sa soif ?
« Qu'est-ce que tu me fais, Taehyung ? Te mens-tu à toi-même ? grogna-t-il, la voix basse, les crocs sortis.
— Ne décide pas de mes sentiments. Je crois que je suis assez grand pour les comprendre, riposta-t-il non sans frémir légèrement sous la voix grondante, proche, si proche de lui.
— Ah oui ? gronda-t-il. Alors comment appelles-tu cela ? Nous avons besoin de l'autre. Nous ne l'expliquons pas, mais c'est ainsi depuis notre premier regard. Oui ou non ?
— Jun...
— J'aime ton regard perçant et pétillant, le coupa-t-il. Ta voix, ton odeur, ta présence. J'aime t'observer être en latence et te couver de mon regard. J'aime te voir au réveil, les cheveux complètement désordonnés en épi sur ta tête et ta mine chiffonnée. J'aime quand tu boudes, j'aime tes excès de colère, j'aime ton rire. Ton sourire unique », énuméra-t-il en l'intimidant de ses orbes intenses et sérieux.
Profondément épris.
Il s'approcha davantage, la voix toujours aussi profondément grondante.
« Et en ce qui te concerne ? poursuivit-il. Je t'attire. Ma voix te transporte. Mon odeur t'enchante. Mon corps fait se tendre le tien, certes, mais c'est uniquement parce que je suis un prédateur désigné pour te séduire et te dévorer. Hormis tout cela ? N'as-tu pas besoin de moi dans ta vie ? N'apprécies-tu pas ma présence, actuellement ? Ne peux-tu pas t'empêcher de répondre à mes étreintes ? N'es-tu pas constamment en train de me chercher du regard ? Ne me comprends-tu pas, ne parviens-tu pas à déchiffrer mes émotions là où personne ne réussit puisque j'érige un masque impassible ? »
Il prit une pause scrutant les prunelles de Taehyung dans lesquelles il décela une réalisation qui sembla le frapper en plein fouet. Il reprit d'une voix plus douce, tendre, aimante, rétractant ses canines.
« N'est-ce pas ton cœur qui bat plus vite que celui d'une mésange parce que je te surplombe, à cet instant ? Parce que tu es en train de prendre conscience que tu as eu tort ? Parce que tu t'avoues enfin que tu m'aimes, à cet instant et à jamais ? »
Il le fixa un instant avant de replonger dans son cou, perturbé par ses propres mots, tout en ressentant une forme de mélancolie lui étreindre l'âme. Une torture douce-amère.
Taehyung ne bougeait plus, interdit. Non parce que tout cela lui semblait irréel. Au contraire, parce que tout ce que venait de dire Jungkook était on ne peut plus avéré.
Il avait beau nier, esquiver, écouter son ego, cela ne changeait pas les faits. Venaient-ils de se condamner tous les deux à la Mort ?
Et pourtant, il y avait cette chose qui lui échappait encore...
« Jungkook... ?
— Mmh... ? ronronna-t-il de sa voix mélodieuse, chargée d'une désolation palpable.
— Tu ne trouvas pas ça étrange ?
— De ?
— Qu'un humain s'attache ainsi à un Vampire.
— Oh... souffla-t-il contre son cou. Le Vampire s'en moque, désormais. »
Taehyung sourit.
Et Jungkook se tut, soucieux du cœur malade battant sous sa poitrine immobile.
☾
𝐏𝐚𝐫𝐜 𝐝𝐮 𝐒𝐮𝐝 𝐝'𝐈𝐧𝐜𝐡𝐞𝐨𝐧
𝐉𝐞𝐮𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟏 𝐡 𝟏𝟑
« Comment vous transformez un humain en Vampire ? Si ceux que tu mords sont en vie, je suppose que la transformation se fait autrement ? »
Allongé dans l'herbe sous les épais feuillages d'un arbre centenaire, Jungkook poussa un profond soupir, bien qu'un sourire ornât ses lèvres vermeilles.
Voilà presque une demi-heure qu'ils étaient confortablement installés pour admirer les étoiles. Ils avaient échangé dans le plus grand des calmes, admirant les merveilles du ciel et s'émerveillant des connaissances de l'autre. Ils étaient sur la même longueur d'onde et appréciaient grandement cette complicité de plus en plus étroite. Du bout des doigts, ils avaient cherché des formes étoilées dans le ciel.
Jungkook avait affectionné ce moment intime, simple et calme, lui qui n'en avait jamais eu l'occasion. Et Taehyung venait de briser l'instant avec une question pourtant innocente.
« Taehyung... se plaignit-il.
— Quoi ? Je me cultive !
— Sommes-nous obligés de parler de cela maintenant ? J'ai l'impression que tu passes ton temps à me poser des questions sur mon mode de vie, plutôt que de t'empreindre de ma présence.
— C'est faux. Je profite de ta présence. Même si c'est justement pour te poser des questions. »
Le doux rire du Vampire lui tira un sourire. Il voulait écouter ce son tous les jours. À cette pensée, il rosit aussitôt.
« Alors ? le pressa Taehyung après s'être raclé la gorge.
— Tu n'es pas sans savoir que nos crocs sont rétractables, commença-t-il mollement, néanmoins intérieurement flatté par la curiosité dont faisait preuve son ami.
— Oui ! annonça-t-il, fier de lui.
— Si nous les laissons pousser à leur maximum, le venin se répand. Et lorsque nous mordons un humain, nous le contaminons.
— Le venin coule comme d'un robinet ?
— Comme d'un robinet, grogna Jungkook, affirmant ses propos. N'aurais-tu pas une métaphore un peu plus artistique, flatteuse ?
— Euh... non, lâcha-t-il, espiègle. Combien de temps met un humain pour se transformer ?
— Tout dépend des conditions d'injection du venin, répondit-il, levant les yeux au ciel sans pour autant se dessaisir de son air amusé.
— Et si tu me mordais, maintenant ? »
Comme Taehyung s'y attendait, Jungkook bondit pour se positionner au-dessus de lui avant même qu'il ait le temps de cligner des yeux.
« N'y songe même pas, gronda-t-il, les crocs à découvert.
— Je n'y pense pas, affirma-t-il, calme. C'était une simple question. »
Jungkook secoua la tête, essayant de chasser les images d'une possible morsure sur cet humain à l'odeur délicieusement dangereuse. En parallèle, il ne s'imaginait que trop bien un petit brun aux yeux bleus plus purs que le saphir, à la peau trop pâle et aux canines démesurément longues.
À l'absence de tout ce qui fait de lui un humain.
À l'absence de ses battements de cœur.
À l'absence de ses rougissements.
À l'absence de sa maladresse.
À l'absence de sa chaleur.
« Du coup ? le pressa-t-il de nouveau.
— Trois ou quatre levers de soleil, souffla le noiraud après un moment de flottement. Peut-être une semaine, voire plus, en avisant ton cœur malade.
— Et toi, tu as mis combien de temps avant de renaître ?
— Quatre jours, répondit-il en se rallongeant sur le dos, les mains croisées derrière son crâne.
— Pourquoi autant ?
— J'étais souffrant. À mon époque, un rien t'ôtait la vie. Mon frère avait également été dans le même état. S'agissant de nos parents... je ne saurais te dire ce qu'il était advenu d'eux. La dernière fois que je les ai vus, avant mon ascension, ils étaient en vie. Mais je ne me souviens plus de quelles personnes ils étaient. Seul leur visage est marqué dans mon esprit.
— Moi aussi... souffla Taehyung. Je ne me souviens pas de mon père. Tout ce que je sais de lui m'a été raconté par ma mère. Tu te doutes bien qu'elle m'en a fait le portrait d'un homme charmant, très élégant et de bonne famille.
— J'aime bien Hana », souffla-t-il, sincère.
Taehyung se tourna brusquement vers lui, le foudroyant du regard.
« Fais gaffe à ce que tu dis de ma mère, toi. »
Jungkook éclata de rire. Secrètement ravi, Taehyung ne put s'empêcher de sourire. Il se détourna des étoiles, les oubliant complètement pour l'admirer. Il avait une peau si pâle et des traits si nobles...
Un héritage de ses origines grecques, sans doute.
Néanmoins, ce qu'il aimait le plus chez Jungkook était ses yeux. Deux véritables obsidiennes. Parfois dures, mates et rêches comme de la pierre à l'état brut, souvent doux, brillants et beaux comme de la pierre polie. Et très souvent tendres et brillants comme la myriade d'astres étincelants les surplombant par milliers, lorsqu'ils se posaient sur lui.
« Que regardes-tu ? chuchota Jungkook, ayant parfaitement senti la caresse de son attention, l'ayant également aperçue en biais.
— Toi. »
Un sourire attendri étira les lèvres de Jungkook. Il clôt les paupières, se laissant dévorer du regard par deux yeux azur.
Taehyung, fasciné par une telle représentation de la beauté portée à son apogée parfaite, se redressa doucement sur un coude pour se pencher au-dessus de son visage. Du bout des doigts, il en retraça avidement chaque ligne, chaque parcelle, s'émerveillant encore et encore de cette peau de velours, pourtant si froide.
Un froid qu'il ne ressentait nullement, tant la chaleur de son propre corps lui faisait tourner la tête.
« Tes lèvres... », susurra-t-il, son souffle chaud se répercutant contre la peau statufiée.
Jungkook frémit légèrement.
« Qu'ont-elles ? », lâcha-t-il dans un murmure, les commissures légèrement étirées en un doux sourire, complètement serein.
Il sentit un pouce lui effleurer la lèvre du bas, il se retint de la capturer entre ses dents et de la perforer gentiment.
« Elles sont de nouveau rouges.
— Mmh... souffla-t-il, appréciant le doux toucher agréable.
— Tu t'es enfin nourri ?
— Oui. »
Taehyung se fit violence pour ignorer le pincement au cœur qu'il ressentit, refusant de se figurer qu'il était... jaloux.
« C'est fascinant.
— Quoi donc ?
— Les pigments qui les colorent, lâcha-t-il, les doigts déviant vers le menton fier, passant par l'angle de la mâchoire saillante et forte.
— Le rouge est signe de vitalité. Lorsque nous allons au-delà de trois nuits sans boire, tu peux le constater à notre peau qui devient légèrement grise et nos lèvres s'éclaircir jusqu'à devenir pâles.
— Qu'est-ce que vous devenez au-delà ?
— Nous nous asséchons quelque peu et nos instincts primaires dominent notre raison, nous ne pensons qu'à étancher cette soif monstrueuse.
— Et tu t'es laissé aller ! s'exclama-t-il, horrifié. Tu n'aurais jamais dû...
— Le sang des autres me paraît fade quand bien même je n'ai guère goûté au tien. Le sentir me suffit amplement, à la seconde même où j'aurais déjà dû perdre l'esprit et me repaître sur toi sans état d'âme. »
Le cœur de Taehyung rata un battement.
Pourquoi le ressentait-il comme une déclaration ?
Ridicule, Taehyung.
« En parlant d'instinct primaire ! lâcha abruptement Taehyung afin d'ignorer ses pensées, faisant subitement ouvrir les yeux du Vampire.
— Quoi encore ? lâcha-t-il, feignant une mine ennuyée, bien qu'un éclat d'amusement brillât au fond de ses pierres d'onyx réfléchissant la pléthore d'étoiles au-dessus de leur tête.
— Pourquoi tu ronronnes ? C'est trop choupi. »
D'abord surpris, Jungkook ne put s'empêcher de rire aux éclats sous les yeux brillants de Taehyung et son expression admirative, souriant, fier de son fait.
« Je ne pense pas que ce terme soit approprié à un Vampire, mais soit, lâcha-t-il en tournant son regard vers l'humain, plongeant ses yeux dans les siens.
— Excuse-moi, mais quand j'entends ce son, je fonds, donc si, lâcha-t-il abruptement, faisant lever un sourcil amusé au noiraud. Alors ?
— Je n'ai pas de véritable explication. J'ai acquis cette faculté en devenant un Vampire. Nous l'avons tous.
— Donc, tu es une sangsue ronronnante, plaisanta Taehyung, souriant de toutes ses dents.
— Je vois, ironisa-t-il. Tu ne te figures guère que tu es face au plus grand prédateur que l'humanité ait porté », souffla Jungkook, fort amusé, bien qu'un tantinet dépité par son insouciance.
Mais il aimait cette insouciance à la fois candide et attachante. Puis, à sa manière, Taehyung était fort.
Un véritable roc.
« En même temps, tu ne me facilites pas la tâche. Et pourquoi tu me souffles dessus alors que tu n'es pas censé respirer ? »
Jungkook intensifia son regard, désarçonnant le plus jeune qui resta coi face au changement d'air les entourant, chargé d'un semblant d'électricité.
« ...Quoi ? maugréa Taehyung, intimidé.
— Il est coutume que les humains adorent les souffles et les soupirs. Je m'en amuse », lâcha-t-il, la mine suffisante et taquine.
Taehyung, mi-agacé, mi-troublé, prit une grande inspiration afin de cacher ses rougeurs.
« Tss... siffla-t-il, à court de mots.
— Tss, l'imita le Vampire, fort amusé.
— Arrête », sourit Taehyung malgré lui, avec la ferme intention de lui donner une tape.
Vif, Jungkook le stoppa, attrapant sa main au vol avant de l'approcher de ses lèvres et d'y déposer un long et doux baiser, le regard planté dans les saphirs troublés et fébriles.
À présent, Taehyung avait oublié le cosmos étoilé.
Oublié, son cœur qui ne finissait plus de rater des battements et d'accélérer la seconde qui suit.
Oubliée, sa maladie qui ne cessait de lui rappeler qu'il allait bientôt clore les paupières, éternellement.
Oubliée, sa moitié qui s'en était allée trop tôt, le laissant seul dans ce monde.
Oubliés, les mensonges tissés par la ville même, oubliée la présence de ses pantins de chair qu'elle manipulait sans vergogne.
Oubliée, sa mère et son chez-lui où l'attendait sa chambre apaisante et douillette.
Oubliées, morale et éthique.
Il se faisait l'impression de Prométhée dérobant le feu à Dieu pour le donner aux Hommes. Prométhée avait permis une progression dans la vie de l'Homme qui avait alors cessé d'être un animal, mais il s'était lui-même retrouvé enchaîné à une montagne, son foie dévoré chaque jour par l'aigle de Dieu.
Pour toute avancée, existait-il un châtiment ?
S'il posait ses lèvres sur celles obsédantes et corallines du Vampire, sa Mère surgirait-elle devant eux pour les punir par la Mort ?
Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Et si jamais elle apparaissait, il lui tiendrait tête.
Comment ? Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée, mais ce corps-là, ce Vampire-là, cet homme sous lui, ce Jungkook au regard de braise, intense et éloquent, jamais il ne le quitterait. Il ne pouvait tout simplement pas imaginer une vie sans lui. Imaginer qu'il n'existerait plus.
Qu'importent les obstacles, il voulait passer le peu de temps qu'il lui restait à ses côtés.
Ensuite, Jungkook serait libéré de lui et retrouverait une vie normale sans que cette Mère ne soit jamais au courant.
...N'est-ce pas ?
Il se rendit compte qu'il s'était penché jusqu'à effleurer ses lèvres lorsqu'un souffle froid caressa sa peau. Jungkook ne l'avait pas une seule seconde quitté des yeux, révélant peu à peu un noir charnel.
Dévoreur.
Tentateur.
Ardent.
Taehyung eut la nette impression de se faire aspirer par un tourbillon sans fin de plaisir. Il tressaillit lorsque deux bras puissants se refermèrent d'une douceur inouïe autour de sa taille pour l'attirer sur un torse de marbre, si doucement qu'il eut l'impression d'être fait de porcelaine.
Sa respiration se coupa.
Outre le geste si doux qui avait soulevé son âme, elle était plutôt due à ce regard diablement orgiaque.
Oublié, le temps qui leur avait volé quatre siècles d'existence.
Oublié, le temps qui leur volerait un futur rayonnant.
Seul le présent siégeait.
Lentement, Taehyung ferma les yeux, se livrant avec abandon au parfum affolant du Vampire. Ce dernier, gorgé de sa présence et de sa propre essence, fondit sur ses lèvres en un ronronnement éloquent de pure allégresse.
Explosion de couleur et de carillons.
Ils soupirèrent de concert, comme s'ils attendaient cette caresse intime depuis des siècles.
Leurs sens se confondaient, tous n'interprétaient que cette douceur infinie de ce plaisir grandissant et foudroyant. Le monde n'était plus que brume et eux, perdus en son cœur, un point de chaleur épanoui.
Rien d'autre ne semblait avoir d'existence tangible que le corps robuste de son Vampire sous ses doigts. Plus leurs lèvres se pressaient, se cherchaient, se caressaient, plus sa mémoire s'effilochait, son esprit s'éteignait. Seul restait le désir ardent de la volonté.
Tout. Jungkook voulait tout de lui. Puiser son essence même jusqu'à la moelle. Se repaître de lui jusqu'à le connaître par cœur.
Par corps.
Soudain, les mains et les gestes se firent plus désordonnés, plus frénétiques. À bout de souffle, Taehyung chercha à déboutonner sa chemise noire, désirant plus de contact. Pour lui, aucune fille ne lui avait fait pareil effet ni n'avait suscité en lui autant de perdition, autant de fébrilité, autant d'empressement.
Autant de concupiscence.
Du bout des doigts, Jungkook retraçait le contour de ses hanches. Lent et délicat, comme pour frustrer son ardeur dévorante. Mais il profita du fait que Taehyung se détache de ses lèvres afin qu'il reprenne son souffle.
« Taehyung... Nous ne devrions pas céder... murmura-t-il.
— Céder à quoi ? haleta-t-il de sa voix grave, en plongeant dans son cou opalin pour y déposer des baisers ardents.
— Tu sais très bien de quoi je parle... souffla-t-il en retenant un râle.
— Non. »
Jungkook grogna, essaya de se dégager, mais ne souhaitait pas risquer de le blesser. Un baiser dévastateur le cloua sur le sol, Taehyung le dévorait littéralement. C'est alors avec un entrain redoublé qu'il céda à Taehyung. La flamme de la passion le cueillit et, d'un mouvement de bassin, il fit basculer son humain sur le dos.
S'allongeant sur lui, il entreprit vivement de lui retirer son tee-shirt qui résistait. À défaut, il le déchira aisément. Torse nu, Taehyung enroula ses bras autour de la nuque pâle et l'entraîna dans un énième baiser vertigineux, désireux de sentir et de retrouver le goût exquis de ces lèvres fraîches pourtant brûlantes d'ardeur.
Jungkook embrassait divinement bien, chaque caresse propulsait Taehyung dans les abysses d'un désir dévoreur, chaque bruit de succion faisait naître en lui des vagues d'excitation, chaque baiser ne le rendait que plus dépendant du Vampire.
Jamais Jungkook n'avait connu pareille sensation. Rien n'était comparable, pas même le désir profond qu'il avait ressenti pour toutes ces femmes réunies qu'il avait séduit au cours des quatre derniers siècles d'existence.
À elle seule, l'odeur de Taehyung suffisait à lui faire perdre l'esprit, peu à peu.
Et il devait se contrôler.
Mais la peau bouillante de Taehyung étroitement collée à son torse glacial le brûlait comme un papillon s'approchant trop près d'une flamme. Une flamme débordante de luxure. Il entrouvrit les paupières. La vision qui s'offrait à lui était certainement la plus belle qu'il eut jamais vue.
Devant les joues empourprées par le plaisir, les lèvres rougies et gonflées, les yeux bleu Prusse lourds de convoitise, Jungkook se sentait défaillir. Il poussa un long grondement, affolant davantage Taehyung dont la chaleur montait dangereusement en lui.
Pendu à la nuque de Jungkook, il pencha la tête de côté, le laissant couvrir avidement son cou de baisers fébriles, de légères morsures ardentes, de succions aguicheuses, de lèches sensuelles. Des gémissements terriblement indécents s'échappaient de ses lèvres entrouvertes, quelques soupirs de volupté naissaient, affolant encore et encore les sens du noiraud qui basculait dangereusement vers le point de non-retour.
Jungkook resserra sa prise contre lui, à peine conscient qu'il perdait le contrôle de lui-même. Son ouïe ne se concentrait sur rien d'autre que les poussées de voix de Taehyung, rauques, douces, indécentes. Sa vue uniquement sur Taehyung. Son attention entièrement focalisée sur cette petite créature accrochée à son cou, en dessous de lui.
Pour la première fois de sa vie, il avait l'impression que ses oreilles avaient cessé d'être parasitées par les bruits environnants inconfortables. Il n'y avait plus que la respiration hachée et brûlante et le tourbillon bleu roi de ses iris assombris se posant sur lui de la plus belle des manières.
Il devait impérativement se contrôler.
Taehyung frémit lorsque Jungkook le rallongea de nouveau contre l'herbe fraîche, frottant lascivement son corps contre le sien. Leurs bassins se rejoignirent, réveillant davantage leur excitation emprisonnée dans leurs vêtements, faisant gémir Taehyung dont le râle voluptueux incendia davantage le Vampire. Il gronda en retour, emporté dans sa frénésie. Les yeux verrouillés, plissés par le plaisir les consumant, ils ne se lâchaient plus des yeux. Nul besoin de mot, tous leurs émois traversaient les prunelles de chacun, prouvant à l'autre combien leur flamme est grande.
Incandescente.
Fougueuse.
Sulfureuse.
Dangereuse.
Redoublant de frénésie, le Vampire ondula lentement son bassin contre celui de Taehyung, lui soutirant de nouveau un râle indécent, rauque, affolant Jungkook qui répondit encore par un grondement sourd, accélérant ses ondulations lascives. Les mains chaudes se perdaient entre ses mèches sombres et le cou hâlé se présenta à lui, son humain ayant rejeté la tête en arrière, mû par un plaisir grandissant.
Son souffle chaud erratique se perdait contre son visage lorsque Taehyung releva la tête, alors que les mains glacées recouvraient son corps, frissonnant sous la température différente. Le monde tournait, les étoiles tournaient, mais Jungkook restait là, sur lui, contre lui.
Les sons se mélangeaient, les images s'entrechoquaient et Taehyung ne pouvait se défaire de l'idée que ceci signait leur fin. Mais il était profondément pris dans cette étreinte qu'il n'eut aucun désir de l'entraver.
Passion démesurée. Envie surabondante. Hâte effrénée. Amour éclatant au grand jour. Désir dévorant.
Danger imminent.
Le ronronnement semblable à un grondement sourd scandaleusement érotique de Jungkook près de son oreille, mêlé aux ondulations de plus en plus rapides, fit bruyamment gémir l'humain qui arracha le dernier bouton de chemise afin de dénuder ce torse pâle et splendide, ravissant sa vue de cette sculpture vivante et parfaite.
« Jungkook... », soupira-t-il en caressant révérencieusement le corps d'albâtre enfin dévoilé devant ses yeux avides.
Le Vampire lui répondit par une ondulation plus puissante, faisant grogner l'humain de plus belle, le poussant à relever son bassin afin de ressentir cette délicieuse friction plus intensément.
Plongeant à deux mains dans sa chevelure soyeuse afin de s'agripper à son point d'ancrage, il s'abandonna dans les délicieuses sensations que procuraient les mains de Jungkook sur son corps, aux frottements lascifs et passionnés qui faisaient vibrer son bas-ventre, au regard noir de désir qui ne cessait de se confesser, le couvant de son attention extatique.
Les souffles se perdirent de nouveau pour reprendre de plus belle dans un désordre anarchique, du côté de Taehyung, lents et mesurés du côté de Jungkook, attisant la frénésie de son humain.
Les yeux étaient voilés. Les bouches entrouvertes. Les mains tremblantes. Les corps fiévreux.
Les âmes liées.
Fébrile, Jungkook sentait sous ses lèvres et son nez le sang de Taehyung qui pulsait fortement dans ses veines.
D'instinct, ses crocs s'allongèrent, rutilant dans la nuit noire.
Il voulut arrêter, comme il se le répétait sans cesse dans son esprit, comme un mantra, sachant pertinemment qu'il allait commettre une erreur.
𝑰𝒍 𝒅𝒆𝒗𝒂𝒊𝒕 𝒂̀ 𝒕𝒐𝒖𝒕 𝒑𝒓𝒊𝒙 𝒄𝒆𝒔𝒔𝒆𝒓.
𝐌𝐚𝐢𝐧𝐭𝐞𝐧𝐚𝐧𝐭.
Il ralentit la cadence, un éclair de lucidité le frappant violemment.
Mais un mouvement de bassin lascif de Taehyung le désarçonna, annihilant toute clairvoyance.
La bête longtemps maîtrisée prit le dessus sur la raison, heureuse de l'avoir enfin vaincue.
Il planta ses crocs dans sa chair et, aussitôt il poussa un long râle de pur plaisir. Ses yeux se révulsèrent en même temps que son bassin se stoppa sous la violente jouissance qui le frappa sans crier gare. Il fut pris de court dès que ses papilles se trouvèrent immensément enchantées par un goût ambrosiaque le plus savoureux qu'il ait pu boire de toute sa longue vie.
« Mmh... ! Jungkook... ! » s'exclama Taehyung, autant choqué par la forte douleur de la brusque morsure que par le plaisir mortellement substantiel qui l'étreignit sur-le-champ.
Taehyung n'avait jamais connu une telle extase auparavant ; une douleur mêlée à un plaisir foudroyant. Il devint immobile, les yeux écarquillés, ressentant avec une acuité effrayante le violent orgasme sur le point d'éclater en son sein. Il sentait, dans ses veines, son sang se faire aspirer, bouillant d'ardeur pour le Vampire qui s'en délectait allègrement, ses doux râles d'un plaisir immense résonnant à ses oreilles.
Jungkook reprit ses mouvements du bassin, sentant son humain sur le point de basculer et redoubla de vitesse, toujours pris dans son propre plaisir qui semblait durer. En réponse, Taehyung ouvrit la bouche sur un cri muet, les yeux écarquillés, le corps fortement crispé, aussitôt frappé par l'orgasme le plus puissant qu'il eut connu, multiplié par mille, l'emportant dans un tourbillon violent.
Enivré par les réactions du corps de sa proie, le Vampire enfonça davantage ses canines dans la chair déchirée afin de s'abreuver goulûment, poussant de nouveau un grondement d'allégresse, emporté dans sa frénésie vorace et dangereuse. Il accompagna la longue jouissance de son humain avec cette morsure passionnée, le sentant violemment trembler sous son corps. Il l'enserra plus fort contre lui, arquant son dos, l'humain répondant vivement en s'accrochant à sa chevelure de jais.
Peu à peu, le corps chaud fut pris de convulsions de plaisir et ses yeux se révulsèrent, comme s'il connût la félicité une seconde fois en un court laps de temps. Et ce fut le cas ; la morsure de Jungkook était empreinte de démence jouissive, se répercutant en Taehyung qui poussa un puissant gémissement douloureusement lascif. Le simple fait de sentir son sang se faire aspirer aussi voracement lui donnait la nette impression d'être un vulgaire gibier pris aux griffes de son prédateur.
Et quelle exquise sensation.
Puis, un souffle se coupa.
Une main tomba mollement au sol.
Des paupières se fermèrent lentement.
Un corps embrasé fut pris par de violents soubresauts nerveux avant de lâcher.
Inerte.
𝐸𝑡 𝑢𝑛 𝑐œ𝑢𝑟 𝑐𝑒𝑠𝑠𝑎 𝑑𝑒
𝑏𝑎𝑡𝑡𝑟𝑒.
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
Relu par Ostaraa_
* Yoongi l'Incube : à comprendre le péché capital de la Luxure. Si j'ai gardé son prénom coréen, c'est parce qu'il est Coréen, contrairement à la plupart des Onze Gardes.
* Salang : « chérie » en coréen.
J'aime beaucoup détailler mes Vampires et leurs attributs fjnckdcn 🥹
J'ai pris le temps d'expliquer la transformation de Hazel parce que c'est ultra-important pour la suite, huhu
Cette fin... don't hate meeee, ce n'est pas finiiiiiii 🌝
Alors, ce chap ? 🙈
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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