𝐈𝐈𝐈 | 𝐂𝐮𝐫𝐢𝐨𝐬𝐢𝐭𝐲
𝐔𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐭𝐞́ 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐭𝐢𝐠𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞 𝐝'𝐈𝐧𝐜𝐡𝐞𝐨𝐧-𝐄𝐬𝐭
𝐋𝐮𝐧𝐝𝐢 𝟏𝟎 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟔 𝐡 𝟓𝟕
Le temps s'était éclairci pendant le week-end. Ce matin, lorsque Taehyung arriva en cours, il ne s'attendait pas à ce que Beomgyu et ses copains – sauf Ye-Ji qui bouillonnait ferme – lui rendent tant d'hommages. Oui, oui ; ils avaient passé la journée à le vénérer et toute la fac semblait s'être rangée à leur avis, bien que personne ne sache exactement à quoi tenait ce titre.
À dix-sept heures tapantes, la sonnerie réveilla Beomgyu en sursaut – ayant été, pendant tout ce temps, éperdu dans la contemplation d'un Taehyung au bord de la crise de nerfs, sa paupière frétillant sous l'irritation. Son voisin de table se redressa promptement, tous les élèves étaient tournés vers eux.
« Taehyung ! l'apostropha-t-il abruptement. Accepterais-tu de te joindre à nous ? Nous nous rendons chaque lundi soir dans le club au bas de la rue... »
Le brun aux yeux semblables à l'azurée ne le laissa pas finir et se leva nonchalamment, son sac sur son épaule. Un coup d'œil à la ronde lui apprit que tous le fixaient avec admiration. Il leva un sourcil dubitatif avant de soupirer, las.
C'était une blague ?
« Non merci, j'ai des courses à faire, ce soir. »
Les élèves retinrent de justesse un hoquet de surprise. Lui ? Des courses ? Et où étaient donc les domestiques ?
« Une autre fois, peut-être ? tenta son voisin de table.
— Peut-être oui », répondit Taehyung en espérant de tout son cœur avoir quelque chose à faire tous les soirs jusqu'en fin d'année.
Les élèves sur les talons, il sortit de l'amphithéâtre d'un pas pressé. Cette nouvelle admiration sur sa personne avait du bon, comme du mauvais. Malheureusement, ce n'était pas du tout équilibré. En effet, les inconvénients se comptaient par dizaines et le seul avantage résidait dans le fait que toutes les filles – brunes, pâles et belles – se pavanaient pour lui.
Un bon point pour sa fierté.
Lorsqu'il passa le portail d'entrée de l'université, il accueillit le temps resplendissant. Tout en marchant à pas lents, ses yeux divaguèrent vers le ciel, se sentant plus serein. Il clôt les paupières et inspira un bol d'air avant de rouvrir les yeux. Soudain, il s'arrêta net sur le trottoir. Les élèves qui le suivaient s'étaient tout d'un coup agglutinés – et surtout les filles – qui se mirent tout à coup à glousser comme des dindes lorsqu'elles suivirent le regard de leur idole sur le trottoir voisin.
Les yeux écarquillés et figés dans cette direction, Taehyung sentit son cœur s'affoler.
Son inconnu subliminal était là. Plus si subliminal que cela, puisqu'il lui apparaissait bel et bien réel. Les mains plongées dans les poches de son pantalon sombre, appuyé contre le mur du bâtiment voisin, il semblait en pleine recherche active dans la marée d'étudiants de ses yeux noirs abyssaux. Il semblait si peu conscient des regards fixés sur lui, l'air très décontracté. Il était de nouveau tout de noir vêtu et sa peau opalescente n'en paraissait que plus tentatrice.
Le cœur au bord du gouffre et la respiration sifflante, Taehyung songea à s'éclipser tant qu'il était encore temps. Pourquoi cherchait-il à s'enfuir ? Il ne le savait pas lui-même.
Mais c'était sans compter sur la perspicacité de son inconnu sub...sistant.
En effet, ce dernier braqua soudainement son regard sur le sien, donnant à Taehyung l'effet d'une bombe lui ayant explosé au visage. De nouveau, le temps se suspendit, le monde avec lui. Une seconde s'écoula, puis deux, trois et l'inconnu se redressa, s'éloignant du bâtiment.
Le reste des étudiants cherchèrent un instant ce qui le captivait ainsi, puis remarquèrent Taehyung, immobile près d'eux, le regard dans le vague. Le pâle soleil faisait scintiller la peau hâlée de leur idole, ses rayons se reflétant sur ses cheveux sombres, les rendant châtains. Un ange tout droit tombé du ciel. Face à un ange suprême, sans doute.
Soudain très intéressés, les étudiants – surtout les étudiantes – se concentrèrent sur l'échange entre leur camarade et ce parfait inconnu.
Taehyung le fixait toujours, incapable de s'en détacher, se délectant secrètement de ce contact visuel intense et exaltant. Au fond de sa poitrine, il sentait son cœur s'affoler, battre à tout rompre pour s'arrêter brusquement et recommencer. En effet, son Apollon transcendant venait de lui sourire. Un putain de sourire aux lèvres carmin qui lui apporta de violents frissons et des papillons dans le ventre. Il fut mis en déroute par toutes ces sensations nouvelles et salvatrices.
Décidément, Taehyung ne se reconnaissait plus.
L'inconnu traversa la rue, se précipitant avec grâce à sa rencontre. Aucun des deux ne sembla se rendre compte de la marée estudiantine qui recula révérencieusement à cette approche. Il était maintenant face à lui, l'éblouissant de son sourire. Au même moment, l'astre solaire se cacha derrière un immeuble, les plongeant dans une légère ombre. Cet homme n'en était que davantage fascinant.
Encore et toujours incapable de se détacher de ses prunelles sombres et envoûtantes, Taehyung sursauta lorsque le son magnifique de sa voix se fit entendre.
« Bonjour », ronronna l'inconnu.
Oui, ronronna. Au plus grand malheur de Taehyung qui ne savait plus où se mettre.
« B-bonjour... »
Voilà qu'il bégayait ! Le comble !
Le sourire de son inconnu gagna en luminosité – ce qui semblait pourtant impossible. Très mal à l'aise, ne sachant guère pourquoi, Taehyung jeta un coup d'œil à ses camarades. Bien entendu, ils les fixaient avec une grande curiosité malsaine.
« Je suis vraiment heureux de te rencontrer, poursuivit l'homme transcendant. Je t'ai désespérément cherché dans toute la ville, j'ai cru que je ne te retrouverais jamais. Et je ne connais guère ton nom. »
Sa voix... Du pur velours. Mélodieuse à souhait, tessiture idyllique. Charmeuse, sans être provocatrice. Taehyung réussit de justesse à reprendre ses esprits, s'empêchant de plonger dans une admiration sans faille devant l'être divin qui venait à sa rencontre.
Enfin, que se passait-il, nom d'un petit scout en pétard ? Ce n'était tout de même pas parce qu'un type ayant l'apparence d'une divinité grecque ou de l'incarnation de la perfection qu'il allait se laisser rouler dans la farine ! Que nenni !
Foi de Kim Taehyung, il ne laissera pas avoir par ses beaux yeux !
Et son fichu cœur qui faisait encore des siennes... ! Décidément, il avait bien choisi son moment, cet inconnu.
« Figurez-vous que pour ma part, j'avais réussi à oublier jusqu'à votre existence même, lâcha subitement Taehyung, les esprits retrouvés. Je peux savoir ce que vous me voulez ? Et il est plus poli de donner son nom avant de demander celui de quelqu'un d'autre. »
L'inconnu resta figé un instant avant de hausser un sourcil surpris et de détailler son vis-à-vis de ses obsidiennes curieuses. Puis, sans que Taehyung s'y attende, il éclata de rire. Un magnifique son, clair et limpide comme une cascade d'eau fraîche.
« M'as-tu réellement oublié ? s'étonna-t-il.
— Oui, rétorqua trop vite Taehyung. Et vous, il me semble que vous avez oublié votre politesse, en venant ici. À moins que ce soit de naissance avec votre égocentrisme. »
Sans lui accorder un regard de plus, Taehyung pivota et s'en alla. Un élancement au cœur le fit grimacer, mais c'était d'autant plus rapidement qu'il continua son chemin. À peine avait-il dépassé l'hôpital qu'une douce odeur d'ambre envahit son odorat. Il se retourna sec.
Face à lui, l'inconnu souriait avec amusement, semblant le regarder avec un intérêt sans équivoque.
« Tu me vois navré, admit-il. Tu peux m'appeler Jungkook.
— Je peux ? Oh, vraiment ? Eh bien, appelle-moi "va te faire voir" ».
Il tourna les talons, bien décidé à fuir cet Apoll... cet enquiquineur de première. Mais ce dernier ne semblait pas avoir la même vision des choses.
« Visiblement, c'est toi qui n'es pas très poli, fit remarquer Jungkook en lui emboîtant le pas, légèrement hébété par la hargne de son vis-à-vis.
— Et on se demande pourquoi... haleta-t-il sous la pression de son torse.
— Tu n'es pas originaire d'Incheon, n'est-ce pas ?
— En quoi ça te regarde ? s'écria Taehyung en traversant une rue, Jungkook collé à ses talons. Et qu'est-ce que tu me veux, à la fin ?
— Simplement m'entretenir avec toi, murmura-t-il, penaud.
— T'entretenir avec moi, voyez-vous ça. Eh bien, c'est fait. Au revoir et merci. Ce fut un moment très... pénible. »
Taehyung était à mi-parcours et désespérait encore de voir ce Jungkook lui lâcher la grappe. Il n'avait fait aucun effort pour paraître agréable. Mais il était toujours là, comme une...
« ... Espèce de sangsue », marmonna-t-il, en fronçant les sourcils.
Il avait mal au cœur, il marchait trop vite. Jungkook se planta devant lui, l'empêchant de passer.
« De quelle manière viens-tu de me définir ? s'enquit-il, les prunelles irradiantes d'un doux amusement.
— Quoi ? Il faut qu'on t'insulte pour que tu passes ton chemin ? Si ce n'est que ça, j'en ai de bien mieux, en réserve, grogna-t-il, les dents serrées et les sourcils froncés, assombrissant ses saphirs.
— En aucune façon, je te remercie, ricana-t-il, ricanement qui parut une douce mélodie aux oreilles de Taehyung qui se maudit d'en être profondément enchanté, son cœur y réagissant, battant différemment. Tu as bien dit "sangsue" ?
— Et alors ? Tu es collant ! Je reconnais que tu as plutôt l'air d'une statue grecque, voire un Apollon superbement mieux foutu, même, mais ce n'est pas pour autant que tu as un cerveau, hein. Du moins, tu n'es pas d'agréable compagnie. Et je ne sais même pas pourquoi tu me suis. »
Sa voix mourut sur les derniers mots, brisée par une forte douleur. Ledit Jungkook pencha la tête de côté, comme s'il réfléchissait à ses paroles. Un sourire coquin étira ses lèvres, faisant de nouveau basculer le cœur de Taehyung avant qu'il se reprenne brusquement, son visage n'exprimant rien d'autre que de la suspicion.
« Pour quelle raison m'as-tu appelé "sangsue" ? », réitéra Jungkook, passablement amusé.
Taehyung le regarda un long moment dans les yeux, l'air de se demander si ce type n'était pas un échappé de l'asile. Levant les mains au ciel, il reprit sa route – plus posément, cependant – l'autre le suivant de près.
Taehyung fit tiquer sa langue contre son palais, agacé.
« Je t'ai déjà dit que tu étais chiant ? Je t'ai traité d'espèce de sangsue parce que tu ne fais que me coller. Content ? Je peux espérer rentrer chez moi, maintenant ?
— Bien entendu, murmura-t-il, sans se départir de son sourire hautement diverti par ce phénomène qui titillait davantage sa curiosité.
— "Bien entendu" qu'il dit, en me suivant », bougonna Taehyung, ignorant que le noiraud dans son dos s'était mordu la lèvre afin de retenir un doux rire.
Les minutes défilèrent, sans qu'une seule parole de plus soit échangée entre les deux hommes, Taehyung passablement irrité et Jungkook fort amusé, mais surtout curieux. Arrivé au carrefour de sa rue, Taehyung prit la direction des villas, parfaitement conscient que sa sangsue le suivait vers sa maison. Ce dernier reprit la parole de son intonation enchanteresse.
« Ne m'apprécies-tu pas ? » demanda-t-il d'une petite voix.
Taehyung poussa un profond soupir qui relâcha quelques secondes la pression compressant son cœur.
« Tu veux bien arrêter de prendre ce ton pleurnichard avec moi, s'il te plaît ? Et comment j'en suis venu à te tutoyer, d'abord ? Et non, je ne t'apprécie pas. Il faudrait d'abord que je te connaisse, que j'aie un avis sur toi, pour décider si je t'apprécie bien ou non. Qu'est-ce qui cloche, chez toi ? On s'est vus qu'une fois, et encore ! C'était sous la pluie avec un vent de cent cinquante kilomètres et on a dû se regarder deux secondes ! Franchement ? Quand un inconnu vient me chercher à ma fac et me raccompagne jusque chez moi, j'ai toutes les raisons de ne pas l'apprécier, tu ne crois pas ?
— Tu caricatures, il ne pleuvait pas encore, le vent ne soufflait pas aussi fort. Et je ne suis pas un inconnu, je m'appelle Jungkook, prononça-t-il, les sourcils froncés sous l'incompréhension.
Taehyung se stoppa et planta ses saphirs dans les obsidiennes confuses, surpris par ses propos qu'il jugeait... innocents. Innocents ? Il ne manquait plus que cela, tiens !
« Et comment je peux savoir si c'est ton vrai nom ? », s'enquit Taehyung en reprenant sa marche sans quitter le visage sublime du noiraud.
Son vis-à-vis se figea de nouveau, ne sachant que répondre.
« ...À l'évidence, tu ne peux pas le savoir, reconnut-il, déstabilisé.
— Exactement. Maintenant, si on oubliait cette fin d'après-midi cauchemardesque et qu'on allait gentiment se coucher chez soi, qu'est-ce que tu en dis ? Au revoir, bonne nuit et surtout, adieu. »
Un petit rire mélodieux l'arrêta alors qu'il était sur le point de pousser le portail de sa demeure. Une moue amusée sur le visage, Jungkook lui renvoyait un regard pétillant de joie, comme s'il avait ri à une blague que lui seul connaissait.
Oubliant son cœur douloureux et son soudain intérêt à éviter cet homme, Taehyung se perdit dans la contemplation de ses traits, les yeux à présent avides face à tant de beauté pure et de splendeur. Il n'y avait rien à redire, il était l'incarnation de la perfection. Même cette petite fossette sur sa joue creuse à la mâchoire saillante était diablement fascinante. Mais ce qui l'attirait le plus furent ses lèvres semblant colorées de pourpre. Mais il ne voyait aucune trace de rouge à lèvres ou d'une quelconque coloration.
Que de pigments naturels.
Invraisemblable.
Ensorcelant.
Irrésistible.
« Écoute, reprit Jungkook d'un ton doux, se retenant de se mordre la lèvre inférieure face au regard de son vis-à-vis posé sur elles. Je n'ai pas vraiment d'ami et je suis un peu reclus dans cette ville. Lorsque je t'ai vu vendredi soir, essoufflé avec tes vêtements débraillés et ton pack de lait, pouffa-t-il sans moquerie apparente, j'ai pensé avoir trouvé un ami. Je t'ai aussitôt affectionné. Je ne te demande rien, simplement une petite soirée en ta compagnie. Ensuite, si tu ne veux plus me voir, je comprendrai et m'en irai... »
Sans comprendre pourquoi il faisait cela, Taehyung poussa le portail d'un geste de la main, après l'avoir fixé un court instant suite à son petit monologue. Cet Apollon collant semblait sincère. Alors, sans réfléchir et ignorant le léger remords l'étreignant en songeant à ses nombreuses invectives et propos acerbes qu'il ne méritait guère, il l'invita à entrer dans la villa d'un simple coup de tête, silencieux.
Le magnifique sourire sincère et ravi que lui adressa Jungkook le bouleversa et lui fit mal au cœur. Au sens propre. Il devait vraiment faire attention à ses activités, désormais.
Plus question de courir un marathon sous la pluie.
Sinon, il n'y aurait pas que le docteur Ahn qui serait mécontente.
☾
𝐕𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐋𝐮𝐧𝐝𝐢 𝟏𝟎 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟕 𝐡 𝟒𝟏
En remontant l'allée de sa propriété, Taehyung se demandait comment il en était arrivé là. Sa rencontre avec ce Jungkook semblait floue, comme s'il n'arrivait pas à se souvenir de tous les détails. Cet être trop parfait pour exister dans le monde des humains l'intriguait autant qu'il l'intimidait.
Maintenant qu'il marchait aux côtés de cette statue grecque vivante et qu'il percevait son léger sourire serein au coin des lèvres, le fait qu'il l'avait vu si impassible sous la pluie, quelques jours plus tôt, lui semblait irréel. Il ne se figurait pas non plus la raison pour laquelle cet être sublime était venu le voir – l'avait cherché désespérément, selon lui – ni comment il pouvait se retrouver à deux pas de franchir le seuil de sa demeure avec lui.
Et pourtant, un autre problème l'attendait de l'autre côté de la porte. D'un geste fluide de la main, il invita Jungkook à entrer. Ce dernier détailla le hall d'un regard attentif, ne manquant pas de gêner Taehyung, alors qu'il était sûr qu'ils venaient de la même classe sociale...
« Taehyung ! », s'écria soudainement une voix féminine.
Pétrifié, ce dernier assista à l'entrée fracassante de sa mère dans le hall. Celle-ci, dans son élan, manqua de percuter Jungkook et se recula précipitamment avant que cela ne se produise. Surprise par la présence d'un autre individu, elle l'examina un long moment, silencieuse, plantant ses prunelles indéchiffrables dans ceux sérieux du noiraud.
Si Taehyung s'attendait à ce qu'elle se pavane et roucoule comme toutes les filles de sa fac – et comme il la connaissait –, il fut extrêmement déçu.
Aussitôt, la peau blanche de Hana pâlit et ses grands yeux sombres s'écarquillèrent. Puis, avec un sourire crispé, elle dirigea son regard vers son fils. Jungkook en fit de même, lui présentant un visage serein et amusé, comme il lui connaissait, désormais.
« Bonsoir, maman... hésita-t-il, confus par son étrange comportement.
— Bonsoir, mon chéri, fit-elle d'une voix quelque peu enrouée après s'être raclé la gorge. C'est ton ami ?
— Appelez-moi Jungkook, répondit-il à sa place en s'inclinant respectueusement. Enchanté, madame.
— Moi de même », souffla-t-elle.
Une fois de plus, son sourire fut forcé et elle le fixait d'un air embarrassé. Alors, comme ça, sa propre mère n'avait pas eu le coup de foudre pour ce type aussi magnifique que troublant ?
« Je suis navré de m'inviter chez vous, madame. Il n'y a personne chez moi, ce soir et Taehyung s'est gentiment proposé de m'héberger pour la nuit. Il affirmait que cela ne vous dérangerait pas. J'espère que cela ne vous importune guère.
— Non, non, c'est bien ! s'exclama Hana. Tu... vous avez des affaires ?
— Oui, tout est là. Merci beaucoup, madame. »
Il fit glisser de son épaule un petit sac à dos noir. Trop occupé à le rembarrer et à éviter de le fixer trop longtemps, Taehyung n'avait pas remarqué ce petit effet qu'il fixait en fronçant les sourcils. Elle avait tout prévu, la sangsue !
D'ailleurs ! Comment ça, il l'avait invité pour la nuit ? Pas du tout !
Résigné, las, abattu, roulé dans la farine et ne pouvant dorénavant plus faire machine arrière, Taehyung se dévêtit de son blouson et rangea ses chaussures avant de gagner sa chambre. Jungkook le suivit – pour changer – et ce fut sous le regard gêné de Hana qu'ils disparurent au bout du couloir. L'hôte forcé ouvrit la porte de son dortoir et entra sans cérémonie. Sans même regarder son invité, il jeta son sac sur le lit, marchant déjà vers une porte située sur la droite.
Debout sur le seuil, Jungkook prit le temps de détailler la pièce à coucher.
Dans les tons clairs, elle resplendissait de soleil grâce à une immense baie vitrée qui prenait tout le mur face à la porte. À gauche, un lit duveteux aux lourds draps immaculés sur lesquels étaient déposés quelques coussins apportant une touche de couleur – et le sac noir de Taehyung.
Sur sa droite se tenait une commode de bois clair de cerisier, de la même teinte que le parquet et les murs en lambris. Devant la baie vitrée, un tapis blanc cassé supportait un petit meuble sur lequel était posée une télévision à l'écran plat, une table basse et quelques coussins vert et marron.
Dehors, deux saules pleureurs encadraient la baie vitrée et, plus loin, Jungkook apercevait une rangée de cerisiers et une mare à l'eau claire où quelques poissons nageaient allègrement.
La porte dans laquelle avait disparu Taehyung était située entre la commode et le meuble de la télévision. En s'approchant, Jungkook découvrit une salle de bains lumineuse, aux tons tout aussi clairs. Dans le fond, entourée d'un carrelage blanc cassé, reposait une baignoire aux allures de piscine.
Sur la gauche, face aux nombreux lavabos et miroirs rutilants, il y avait une porte à doubles battants de bois clair. En y jetant un coup d'œil, il découvrit une pièce plus grande que la chambre et la salle de bains réunies. Un dressing. Les teintes sombres de ses vêtements détonnaient avec la luminosité de la petite suite.
Taehyung se trouvait là, piochant une tenue.
Jungkook rejoignit la chambre, attiré par un store en bois posé entre le lit et la baie vitrée. En le déplaçant, il découvrit une porte tout aussi vitrée. Une petite terrasse avec table et sièges en bois lui apparut. Le sol était carrelé, de ce même blanc cassé que la salle de bains et dans le coin, il était facile de deviner deux transats verts. Le toit de cette terrasse n'était qu'un amas de paille savamment tressé, mais qui apportait une ombre suffisante pour générer de la fraîcheur.
« Tu as fini d'explorer ma chambre ? Ou je dois en conclure qu'en plus d'un imposteur, tu es aussi un voyeur ? »
Il se retourna et vit que Taehyung avait troqué son jean et sa chemise pour un survêtement confortable et un débardeur, tout aussi sombres que le reste de sa collection, semblait-il. Il était nonchalamment appuyé contre le chambranle de la porte du dressing, les mains dans les poches.
« Ne t'habilles-tu donc qu'en noir ? s'étonna Jungkook, en posant son sac au sol, le calant contre le coin du lit.
— Je te pose la même question, moi ? fit-il en lui lançant un regard torve, le détaillant de haut en bas, se détachant de l'encadrement et entrant dans sa chambre, les mains toujours enfouies dans les poches de son survêtement.
— Il m'arrive de mettre d'autres couleurs. Il me semble posséder une chemise bleu nuit et une violette, dans mes affaires. Il y a aussi ce sweat rouge. Oh, également cet ensemble blanc que j'ai acquis pour un bal costumé, explicita-t-il.
— Tout ceci est vraiment intéressant, mais je peux savoir pourquoi tu as squatté pour la nuit ? Je n'aime pas mentir à ma mère. Et encore moins partager mon lit avec un inconnu doublé d'un névrosé, siffla-t-il, le visage fermé.
— N'as-tu pas de chambre d'ami ? », questionna-t-il d'un air trop innocent pour que ce soit réel.
Taehyung fronça les sourcils et l'étudia un moment. Comme le jour où il l'avait vu pour la première fois, il portait des chaussures de marque et un pantalon léger. En revanche, aujourd'hui, il avait troqué son pull à col V par une chemise griffée Dior. Et il la portait comme un mannequin, si ce n'était mieux.
« Tu travailles pour une agence de mannequinat ? », demanda abruptement Taehyung.
D'abord surpris, Jungkook laissa échapper un petit rire amusé. Décidément, ce jeune homme à la repartie plus qu'agressive l'amusait énormément...
« Nullement.
— D'où te viennent toutes ces fringues, alors ? Ce sont tes parents qui te les payent ?
— Non plus. Mes parents ne sont plus de ce monde il y a bien longtemps, continua-t-il calmement. Je gis avec l'argent qu'ils m'ont laissé, le temps de... trouver un accomplissement.
— Tu n'as pas l'air pressé. Tu as quel âge ?
— Est-ce un interrogatoire ? demanda-t-il diverti, souhaitant également détourner la question.
— Réponds-moi, lui enjoignit-il en levant les yeux au ciel.
— Vingt-quatre ans, messire, ironisa-t-il en se retenant de lever les siens.
— Tu vis près d'ici ? poursuivit-il en ignorant sa petite pique.
— Disons que je ne vis pas dans la ville même.
— Tu habites dans les nouvelles maisons qu'ils se construisent à la limite ? marmonna Taehyung en faisant un geste de sa tête vers les champs à l'horizon, les sourcils froncés.
— Vraisemblablement, répondit-il sans hésiter.
— Comment ça, "vraisemblablement" ? Tu te fous de ma gueule ? questionna-t-il, un tantinet agressif.
— Moi ? En aucun cas... », sourit-il, attirant l'œil de Taehyung sur sa petite fossette qui le rendait d'autant plus sensuel.
Et sexy, il devait bien l'avouer... Face à cette constatation interne, il leva les yeux au ciel et grogna dans sa barbe, sous le regard curieux de Jungkook, avant de se pincer les lèvres sous l'agacement de ses propres pensées contradictoires. Elles allaient toutes dans le sens de cet abruti de statue grecque vivante !
« Bref, éluda-t-il d'un geste nonchalant de la main en tentant de masquer son trouble. Et tu arrives encore à te payer des fringues comme ça ?
— Assurément, lâcha-t-il en haussant une épaule, diverti.
— Vous deviez être super riches... fit-il en levant un sourcil dédaigneux.
— Cela changerait-il ta vision de moi ? demanda-t-il malicieusement en avisant son changement d'expression.
— Absolument pas. Tu es tout aussi égoïste que ces gosses de riches que je côtoie à longueur de journée.
— Tu en fais également partie, rétorqua Jungkook, dubitatif.
— Quoi ? Moi ? s'exclama-t-il en se pointant du doigt avant de croiser les bras sur son torse. Je ne porte pas de vêtements de marque. Et je ne compte pas me rabaisser à leur niveau en exploitant des domestiques pour me sentir supérieur aux autres. Je ne suis pas un attardé, non plus. Je veux faire mes courses, ma vaisselle et mon ménage », cracha-t-il.
Jungkook ne tint plus et éclata d'un rire franc et clair. Il le trouvait vraiment très drôle et diablement sexy lorsqu'il était irrité. Ces étranges saphirs qui s'assombrissaient jusqu'au bleu de Prusse... Véritable merveille à admirer.
« Pourtant, tu étais en leur compagnie, lorsque je suis venu te chercher, affirma-t-il, l'expression rieuse.
— OK. Pourquoi j'ai la désagréable impression que tu t'es vraiment incrusté dans ma vie ? Et je ne traînais certainement pas avec eux, ils ont décidé de me suivre. Apparemment, les bagarres les branchent, ces fils de riches.
— Bagarre... ? releva Jungkook, méfiant.
— Vendredi soir, j'ai cogné sur quatre brutes qui ennuyaient des gosses de riche. Pas pour les défendre, loin de moi cette idée. C'est juste que ça faisait longtemps que je ne m'étais pas autant défoulé. Et ceux qui m'ont demandé de les défendre se sont soudainement pris d'admiration pour moi. Et toute la classe a suivi, malheureusement. Le seul point positif c'est que les filles brunes, pâ... »
Jungkook était soudainement devenu livide. En un bond, il fut près de Taehyung qui se coupa dans son débit de parole. Son invité avait stoppé ses mains au-dessus de ses épaules, comme s'il hésitait à le toucher.
« Attends. Tu t'es battu avec quatre de ces types et tu trouves que ça défoule ? », murmura-t-il, son visage ayant perdu toute trace de gaieté, laissant place à une inquiétude démesurée.
Trop démesurée.
« Je vais parfaitement bien, merci. Je suis allé à l'hôpital, rétorqua Taehyung, les sourcils froncés d'incompréhension face au soudain changement de comportement.
— Pardon ? Était-ce si grave que cela ? »
Ce magnifique visage était déformé par la terreur, une grimace étirait ses lèvres parfaites et rouge sang. Décidément, Taehyung ne comprenait plus rien. Pourquoi autant d'inquiétude ? C'était exacerbé. Pourtant, l'homme en face de lui semblait sincère. En revanche, il était concentré sur le fait d'essayer de respirer lentement pour ne pas se retrouver avec le cerveau lobotomisé.
En effet, de cet être divin, émanait une odeur bien trop... envoûtante. Elle lui faisait un effet monstre.
« Non, j'y suis allé parce que j'avais un rendez-vous médical. Je vais bien, j'ai connu pire », lâcha-t-il d'une voix basse et rauque.
Il baissa son regard au souvenir de sa meilleure amie et de leurs petites « soirées » avec les types de Busan. Son cœur se serra. Instinctivement, il plaqua une main sur son torse et clôt fortement ses paupières, grimaçant de douleur. Il était hautement frustré de ne plus être capable de ressentir des émotions fortes sans que son cœur fasse des siennes ; il ne respirait désormais plus convenablement.
Une voix inquiète le ramena à la réalité. Et son cœur repartit de plus belle lorsqu'il ouvrit les yeux.
« Taehyung... »
Jungkook s'était légèrement baissé – ce dernier plus grand que lui d'une demi-tête –, planta ses yeux soucieux dans l'étendue des siens, voilés de douleur. Ses mains s'étaient posées sur ses épaules, légères, douces.
Froides.
Taehyung inspira profondément, son exquise odeur d'ambre lui fit agréablement tourner la tête, comme s'il avait été drogué. Il se sentit vaciller. D'une poigne étonnamment ferme pour des mains aussi douces, Jungkook le retint debout et le tira délicatement jusqu'à son lit, ne le quittant pas une seule fois des yeux, attentif et soucieux.
« Vire de là, tu as les mains trop froides », grogna Taehyung en reprenant ses esprits une fois qu'il fut assis.
L'invité se recula aussitôt, un sourire confus au bord des lèvres.
« Je suis navré, mais tu es brûlant de fièvre, souligna-t-il, le ton penaud.
— Juste un coup de chaud, ça passera, souffla-t-il les yeux clos et les sourcils froncés, concentré à réguler sa respiration et les battements douloureux de son cœur.
— Aurais-tu mal quelque part ? Au cœur ? », s'informa-t-il, désireux d'en savoir plus.
Taehyung le foudroya du regard.
« Et alors, qu'est-ce que ça peut te faire ? Demain, on ne se connaîtra plus ! Marre de tes questions ! », lâcha-t-il en se laissant tomber en arrière.
Étendu sur son lit et une main dissimulant ses yeux, Taehyung ne lui accorda plus d'attention, se reconcentrant sur ses battements de cœur en inspirant profondément. Debout face à lui, Jungkook le contempla quelques secondes, profondément concerné par l'état de son hôte. Il fit demi-tour et se posta devant la baie vitrée, observant les longues branches des saules pleureurs qui dansaient souplement, emportés par la brise du soir.
Parfaitement immobile, il en oublia les minutes qui défilaient, son ouïe dirigée vers le rythme anormalement lent et trop brusque de l'organe central affolé de Taehyung.
Quelques instants plus tard, un soupir et une respiration plus que laborieuse lui parvinrent.
« Bon, je dois bosser mes cours pour demain », dit-il soudainement en se relevant.
Il attrapa son sac et s'assit devant la table basse. Ses pas étaient lourds, difficiles, mais il ne semblait pas s'en rendre compte. Certainement une habitude. Il n'y avait qu'une oreille aiguisée qui pouvait comprendre à quel point il était difficile de marcher après une crise.
Jungkook se retourna, lui offrant ce petit sourire qu'il s'était confectionné depuis leur rencontre.
« Je peux t'aider, si tu le souhaites », proposa-t-il d'un ton doux à la prosodie mythique.
Taehyung lui envoya un regard contrarié avant de poser ses coudes sur la table basse.
« Et en quoi ? Tu vas me dire que tu es un intello ? Tu as laissé tes lunettes à la maison ?
— Non, répondit Jungkook en roulant ses yeux, mi-dépité, mi-amusé. Mais je peux te surprendre. J'ai aussi fait des études, tu sais. Et puis, je ne suis pas si vieux au point d'avoir oublié certaines bases. »
Ceci était complètement faux. Jungkook n'avait jamais étudié. Et il n'était pas vieux ? Oh, s'il savait... Lui-même ne comprenait pas la raison pour laquelle il avait souhaité retrouver Taehyung, ni ce qu'il faisait chez lui encore moins ce qui l'avait poussé à s'y inviter. Tout ce qu'il savait était qu'il avait suivi son instinct qu'il n'avait guère cherché à réfuter.
Il suivait toujours son instinct.
Si elle apprend que je suis ici, avec lui, elle me tuera... Pourquoi cela tombait-il sur ce jeune homme ? Il a le cœur aussi fragile que celui d'un colibri... Si anormalement lent...
« Vraiment ? lâcha Taehyung, le sortant de ses pensées. Ce n'est pas encore un de tes mensonges ?
— Pourquoi dis-tu cela... ? », murmura Jungkook en prenant gracieusement place près de lui, au sol avant de s'appuyer sur ses mains, fixant son hôte.
Taehyung le fixa un long moment avant de soupirer.
« Pourquoi ? Parce qu'apparemment, je t'ai gentiment proposé de venir dormir à la maison. Personne n'est chez toi ce soir. Et tu habites peut-être le nouveau quartier », énuméra-t-il en comptant sur ses doigts, le visage fermé.
Taehyung haïssait les mensonges. Et il sentait, il savait que cet homme ne lui dévoilait rien de réel. Ce fut au tour de Jungkook de le fixer. Son visage n'exprimait plus aucun amusement. Il était figé, impassible. Il essayait de démêler les pensées de son vis-à-vis, sans succès. Ses orbes bleus étaient brillants de confusion et d'une pointe de déception.
« Tu es fort en histoire ? demanda Taehyung en ouvrant son ordinateur portable, souhaitant mettre fin à cette discussion afin de préserver son cœur.
— Oui, plutôt », murmura-t-il.
Jungkook se pinça les lèvres, et songea :
« 𝑆𝑖 𝑗𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑠 𝑓𝑜𝑟𝑡 𝑒𝑛 𝘩𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒...
𝑄𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑞𝑢𝑒𝑠𝑡𝑖𝑜𝑛. »
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
Relu par Ostaraa_
Tu pensais que j'allais créer un JK sombre et taciturne ? Nope, un peu de changement dans ce qu'on lit habituellement !
(Puis faut faire le deuil de Requiem, hein... N'est-ce pas...)
Et oui, je sais, les chaps sont courts par rapport à ce que je vous ai habitués depuis BTM, mais c'est comme ça que j'ai envie de présenter cette ff ^^
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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