Naora s'énerva à l'autre bout du fil, me ramenant au présent.

-Angie! Tu ne m'écoutes pas! Je te dis que je suis perdue et toi.. Tu ne réagis même pas!

-Attends, comment ça "perdue"!?

-Euh.. Eh bien. J'ai pris le train.. Puis un autre.. Et je me suis arrêté... A Grigny je crois.. Mais je sais plus dans quelle ville tu as dit que tu habitais! Alors je me suis dis que comme ça y ressemblait peut être.. Je pouvais sortir de la gare...

Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines. J'avais un mauvais pressentiment. Et malheureusement mes impressions se révèlent souvent fondés. J'espérais de tout mon cœur me tromper.

-Naora retourne dans la gare! Maintenant!

J'avais crier ces mots. Je l'entendis acquiescer, et bondis de mon lit.
Ma sœur était magnifique. Des cheveux blonds, pareil a de l'or, des grands yeux, peu commun de par leur couleur; vert émeraude, exactement comme des bijoux. Des traits fins, et un sourire rayonnant. Une véritable allure de princesse. Et perdue comme elle l'était, une princesse en détresse, naïve, dont on voudrait bien profiter.
Jetant mes couvertures sur le côté, j'enfilai rapidement un jogging et un sweat -ma tenue habituelle- par dessus le short et le débardeur qui me servaient de pyjama. J'attrapai les clefs de la chambre d'hôtel et me dirigeai vers la porte. Je fis demi-tour ayant oublier de mettre mes chaussures.

-Ne crie pas sur moi!.. J'ai.. J'ai peur Angie.. Viens me chercher s'il-te-plait..

-Froussarde! Tu es dans la gare près de l'hôtel où je suis, j'arrive, dis-je la voix adoucie.

J'ouvrai la porte violemment, et la claquait sans le vouloir dans la précipitation j'entendis des voisins de chambre grogner et d'autres frapper dans les murs, pour me montrer leur mécontentement. Je marmonai rapidement un mot d'excuse et descendis les marches quatre a quatre.

-Angèle.. chuchota ma cousine. Je crois que des gens me suivent. Ils étaient dans le premier train que j'avais pris..

-Ne bouge plus! Et ne leur parle pas! Je suis presque là!

-Je sais, j'ai plus 10 ans!

J'entendais ses ongles taper frénétiquement sur l'appareil téléphonique.
Elle était sans aucun doute terrifié.
A l'orphelinat, on sortait rarement : l'école (jusqu'au lycée) se trouvait dans l'enceinte de l'établissement, et le centre ville était a deux pas.
Pas vraiment la grande aventure.
On n'avait pas besoin de prendre les transports en commun et tout nos amis vivaient dans l'orphelinat avec nous, alors les sorties improvisées étaient rarement inconnues d'Alain, notre directeur, ou papa adoptif/provisoire.
Des rires me parvenaient aux oreilles, tandis que j'entendis Naora sursauter.

-Ils se sont rapprochés...

-Deux petites minutes, je suis là!

-Mais attends! Tu cours??

-Faute d'avoir une voiture, j'ai pas trop le choix! répondis-je sarcastiquement.

-Bah t'as pas l'argent de toute fa...

Un bruit sourd retentit, comme si le téléphone venait de tomber brutalement au sol, et la communication fut coupé. Juste avant d'entendre le "biiiiip" signifiant cette fin, j'avais pu entendre cinq rires différents.

Une fille, quatre garçons. Plus jeune que nous, 14 ans, ou peut être même 15.
Comment je le sais? Aucune idée. Mais j'en étais certaine.
Une fois arrivée a la gare, je me précipitai en haut du grand escalier. En bas 2 groupes de gens différents.
Le plus proche, trois adultes fumant sûrement de l'héroïne ou de la cocaïne. De l'herbe en tout cas.
Le second groupe, six personnes. Trop de monde, ils auraient dû être cinq.
J'allai faire demi-tour pour les chercher dehors, quand un illumination se fit dans mon esprit.
Cinq personnes en plus de ma sœur. Avec elle six.
Je dévalai l'escalier et barrai la route au groupe.
Naora était au milieu des adolescents, dans les bras de la seule fille présente en dehors d'elle et moi, le visage en sang, et des traces de griffures sur les bras.
La fille continuait de lui planter ses ongles dans sa peau.

Ma légendaire bipolarité transforma mon inquiètude en une colère flagrante.
Je vis rouge.