
Chapitre 55 - 2024060719H
[02/03/2022]
Bonjour bonjour !
J'espère que vous allez bien malgré les temps qui courent.
Dernier chapitre du premier arc. Comme dit il y a quelques semaines, le livre sera ensuite en pause le temps que je boucle le deuxième, afin de pouvoir vous faire des updates régulières et pas une par mois.
Je vous souhaite donc un beau printemps, un bel été, bon courage pour vos examens de fin d'année, etc.
J'essaie de revenir au plus vite, c'est promis !
J'espère que ce dernier chapitre vous plaira.
Bonne Léocture ! ♥
~~+~~
En revenant de sa pause déjeuner avec son mari, Sun Hae était venue me voir pour récupérer les coordonnées de l'artiste. Elle m'avait remercié et était repartie aussi vite qu'elle était arrivée. Vu la situation, je m'étais longuement questionné sur l'utilité de faire le dossier comme elle me l'avait demandé en début de matinée, et reprendre le travail de modélisation que je faisais depuis la veille, même si ce dernier n'allait plus servir. Je n'avais pas envie de la déranger, et j'avais hésité pendant un moment à demander à Virginie ce que je devais faire, mais j'avais finalement opté pour la rédaction du dossier sur l'artiste. Que Sun Hae réussisse à nous l'avoir pour le mois d'août ou pour plus tard, cette documentation pourrait toujours servir.
La fin de la journée passa rapidement, et ce n'est que lorsque ma tutrice rentra dans notre bureau sur le coup de dix-sept heures pour nous saluer que je me souvins que je devais retrouver son mari à la sortie.
« Ne tardez pas trop ! nous sourit-elle. À demain !
– À demain ! »
Elle tourna les talons, puis quitta la galerie. Sans mon dossier. Virginie ne tarda pas à faire de même, puis en voyant l'heure avancer, mes deux collègues commencèrent à ranger leurs affaires pour partir à leur tour. Je restai bientôt seul dans notre bureau, et comme la veille, Bastien fit le tour de la galerie et s'étonna d'encore me trouver ici. Je rangeai rapidement mes affaires, réalisant qu'il était dix-neuf heures sept et que, normalement, le mari de ma tutrice devait m'attendre à l'extérieur. Si Bastien le voyait, il fallait espérer que mon ancien amant soit capable de mentir avec conviction ; ce n'était pas comme s'il ne le connaissait pas, et qu'il ne travaillait pas avec sa femme tous les jours depuis des années.
« Je vais finir par mettre un réveil sur le coin de ton bureau pour que tu t'en ailles à l'heure, Jungkook, rigola-t-il. Tu aurais dû partir il y a une heure, déjà.
– Je n'aime pas être coupé dans ce que je fais, fis-je la moue.
– Et c'est tout à ton honneur. Mais je n'ai pas envie que tu t'épuises au travail non plus. Tu as beaucoup de route jusque chez toi ?
– Non, entre trente et quarante minutes en métro et RER. Le plus dur est de réussir à sauter dans le premier qui passe.
– Alors raison de plus pour ne pas partir si tard !
– Mais plus tôt, c'est justement impossible de monter dedans, il y a trop de monde. »
Il me jeta un regard soupçonneux, puis tapa le code de la porte arrière avant de la claquer dans son dos.
« Tout va bien chez toi, Jungkook ?
– Quoi ? Comment ça ? arquai-je les sourcils.
– Tu n'as pas de problème, chez toi ? Des colocataires bruyants, ou... je sais pas, violents ?
– Quoi ? Non ! Non, ne t'en fais pas ! démentis-je tout de suite. Au contraire, je vis avec mon... meilleur ami, me rattrapai-je de justesse. Pour tout t'avouer, venir travailler demain va être très dur parce que lui, il va rester au lit. Il est aussi en stage, mais il a ses weekends.
– Je vois.
– Je suis juste trop travailleur et trop perfectionniste. Mais si vraiment ça t'embête que je finisse si tard, je ferai un effort pour mieux gérer mon temps.
– Ça ne m'embête pas, me répondit-il en secouant la tête. J'étais juste étonné au premier abord, puis un peu inquiet. Avec tout ce qui se passe, il y a de quoi.
– Mmh, je comprends. Mais non, je t'assure que tout va bien chez moi, lui répondis-je avec un grand sourire.
– Alors c'est tant mieux. Mais tu sais, autrement je dis ça pour toi. Non seulement on ne peut pas te payer des heures sup, mais surtout, s'il t'arrive quelque chose sur le chemin du retour ou même à la galerie alors que tu n'es pas censé être là, ça sera compliqué.
– Je comprends. Je ferai attention alors.
– Ça marche », sourit-il en posant sa main sur mon épaule.
Je lâchai un rire en le regardant, puis en réalisant que nous allions tous les deux en direction du métro et que moi je devais rester là, je freinai.
« Ah, je viens de me souvenir que j'avais des courses à faire. Je te laisse, on se voit demain !
– Bon courage alors. À demain, Jungkook, et rentre bien !
– Merci, toi aussi, bonne soirée !
– Également ! »
Après un dernier sourire, il continua son chemin et disparut en direction de la bouche de métro. Je remontai alors mon poignet gauche à mon visage et vis qu'il était dix-neuf heures treize. Je regardai alors autour de moi, mais je ne le vis pas. M'avait-il posé un lapin, après avoir tant insisté ? Ça serait la meilleure. Cependant, même si ça me soulagerait dans un sens, une petite voix à l'intérieur de moi ne pouvait cesser de me dire que ça pourrait régler cette histoire une bonne fois pour toutes et que c'était nécessaire. Que devais-je faire ? L'attendre, ou m'en aller ? Je soupirai, puis me posai dans une petite ruelle à côté de la galerie. Si Bastien repassait, on ne savait jamais, mieux valait qu'il ne me voie pas traîner dans le coin.
Une minute plus tard, je vis quelqu'un passer en courant près de moi, remontant le trottoir en direction de mon lieu de stage. Je bougeai alors discrètement et jetai un coup d'œil. Je le reconnus alors. Debout devant les grandes portes vitrées désormais grillagées, il pestait contre lui-même avant de se tourner et de regarder autour de lui. Je sortis alors de ma cachette et m'approchai lentement.
« J'ai fini sept minutes plus tard que prévu donc je ne retirerai pas ça de ton temps, dis-je alors en croisant mes bras sur mon torse. Il te reste donc deux minutes. J'espère que tu pourras être concis. »
Il se retourna vers moi avec de gros yeux après avoir sursauté, visiblement encore un peu surpris.
« Heureusement que tu n'es pas arrivé à l'heure soit dit en passant, ta femme aurait trouvé ça bizarre que tu sois ici si ce n'était pas pour partir avec elle. »
En réalité, Sun Hae était déjà partie depuis deux heures, mais peu importe. J'aurais pu parler de Bastien, mais ça aurait eu moins d'impact. Il se rapprocha alors de moi et j'eus un léger mouvement de recul.
« On peut aller ailleurs ?
– Il te reste une minute, c'est toi qui vois.
– Jungkook. »
Je levai les yeux au ciel. Bon. Calme-toi, Jungkook. Ça va être plié rapidement. Alexis t'attend. Il ne travaille pas demain. Tu vas passer une super soirée. Oh.
« Okay, okay, très bien, capitulai-je. Mais grouille. »
Je tournai les talons pour repartir en direction de la station de métro. Je voulais surtout m'éloigner au plus vite de la galerie. J'entendis alors ses pas me rattraper rapidement, et quand nous arrivâmes près du passage piéton, il reprit la parole.
« Le parc, ça te va ?
– Va pour le parc. »
Je traînai le pas, mais je me dirigeai quand même en direction du parc. Il resta dans mon dos ; je sentais son regard sur moi. Ça me mettait mal à l'aise. J'accélérai alors le pas sans vraiment m'en rendre compte, et nous passâmes l'entrée du carré de verdure. Il y avait du monde, et c'est seulement en manquant de me faire écraser par un vélo que le bruit ambiant parvint à mes oreilles. Il y avait des cris d'enfants, de chiens, des joggeurs qui couraient. Le monde continuait de tourner. Pourtant, depuis cinq minutes, il s'était arrêté, chez moi. Tout était devenu gris, et tout était devenu silencieux. Le mari de Sun Hae arriva alors à ma hauteur, puis se dirigea vers un banc avant de s'y asseoir. Sceptique, je finis pourtant par le suivre. Je me laissai tomber à sa droite et croisai les jambes avant de prendre une grande inspiration en regardant devant moi. Allez, Jungkook. Finissons-en. Je tournai donc la tête vers lui, et alors que j'allais ouvrir la bouche, je sentis mes lunettes glisser sur mon nez. Je les retirai donc, réalisant que je n'en avais plus besoin, et je les rangeai avant de remonter mes yeux dans les siens.
« Je t'écoute. De quoi tu veux qu'on parle ?
– Ce n'est pas très compliqué. Il y a un truc que je dois te dire. Il faut que tu me répondes et point barre. Mais je ne pouvais pas faire ça là-bas.
– J'imagine.
– Ne m'interromps pas.
– D'accord. »
Bon, s'il voulait juste m'annoncer un truc sans rien attendre en retour, je m'en fichais. Ça n'impliquait rien pour moi et ça serait vite plié. Il inspira alors profondément et reprit la parole.
« Je ne sais pas ce qu'il en est pour toi. Comment tu l'as vécu, ce que tu as vécu après et tout le reste, mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. Depuis ce jour-là... »
Oula. Ça ne me plaisait pas trop, en fin de compte.
« J'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à t'oublier. Je ne sais pas pourquoi. Et te revoir... m'a complètement retourné, je ne peux pas mentir. Et je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais plus quoi faire. Tout est remonté d'un coup, et dès que je te vois, ça recommence. Donc j'ai besoin de ton aide. »
Une angoisse était montée d'un coup chez moi. J'avais mal au ventre. Il avait eu du mal à m'oublier ? Sérieusement ? Après une seule nuit ? Et... mais quoi ? Il s'en souvenait encore ? Et il avait besoin de moi ? Pour quoi donc ? Que me voulait-il ? Il ne pouvait pas me demander de ne rien dire à sa femme et point barre ?
« Et en quoi je peux t'aider ? finis-je par lui demander en essayant de ne pas montrer que je n'étais pas serein.
– Hier soir, j'étais déterminé à te demander de me rejeter. Mais depuis tout à l'heure je ne sais plus. Vraiment plus.
– Te rejeter ? Qu'est-ce que tu racontes ? » écarquillai-je les yeux.
Il était sérieux, là ? Il était en train de me dire qu'il me... Mais quoi ? Mon cerveau planta. Il détourna les yeux et s'assit plus confortablement contre le dossier du banc.
« Est-ce que je serais fou de penser que tout pourrait recommencer ? »
Recommencer ? Quoi donc ? Qu'on couche de nouveau ensemble ? Carrément, oui, il était timbré. Pourquoi je voudrais faire ça ? Enfin, il ne parlait pas de coucher avec moi... Il voulait que je le rejette... Il parlait de sentiments, non ? Mais comment c'était possible ? Je ne comprenais pas. Il était... Il était beau. Mais il était marié. Et moi, j'avais Alexis.
« Oui, tu es fou, répondis-je après quelques secondes. Je pourrais même dire que tu es complètement maso. Pourquoi quelqu'un voudrait encore s'infliger ça ? »
Je tournai la tête vers lui. C'était une vraie question. Pourquoi se torturait-il encore avec moi ? Il tourna alors la tête vers moi et m'observa en silence. Je fis donc de même, passant de ses yeux sombres aux longs cils à son front qui n'était toujours pas marqué par les années. Ses cheveux bruns bien coiffés, son long nez, ses lèvres pleines, sa peau impeccable et bien rasée. Il était vraiment beau. Je comprenais pourquoi j'avais pu faillir malgré tout, il y a deux ans. Sa voix, son sourire, même si je ne l'avais pas revu depuis... et ce physique. Il avait tout pour réussir dans le monde du divertissement. En Corée, il aurait facilement pu être idol ou acteur.
« Je ne sais pas. Je n'arrive pas à contrôler ça », déclara-t-il alors.
Je voulus lui répondre, mais rien ne sortit. Je ne le comprenais pas.
« Ça t'a fait quoi de me revoir ? »
Je le regardai longuement, puis je me rassis contre le dossier de bois. Je soupirai et laissai ensuite mes yeux se perdre dans le paysage en face de nous. Honnêtement ? La première fois, ça m'avait mis vraiment mal. C'était quoi, il y a deux mois ? Mais c'était passé. Que devais-je lui répondre ? Est-ce que je devais être honnête ?
« J'ai été surpris, finis-je par répondre calmement. Je ne m'attendais pas à te revoir pour être franc, après deux ans... Si j'avais reconnu Sun... ta femme, quand j'ai visité la galerie pour la première fois, je n'aurais jamais postulé ici.
– Je me disais aussi...
– Mets-toi à ma place, j'imagine que dans la situation inverse, tu aurais fait pareil.
– Oui.
– Donc voilà, j'ai été surpris.
– Et pourquoi tu as fait semblant de ne pas me connaître tout à l'heure ?
– Je t'ai vexé ? Pauvre petit chou.
– Dans mes souvenirs, tu n'étais pas aussi sarcastique, me fusilla-t-il du regard.
– C'est parce que tes souvenirs sont faux.
– Comment ça ? fronça-t-il les sourcils.
– Il y a deux ans, je t'ai montré ce que je voulais. Aujourd'hui, la situation est différente. Je suis comme ça, c'est tout.
– Je vois. Et donc, pourquoi tu as agi comme ça ?
– Comme je te l'ai dit, tu voulais que je fasse quoi ? roulai-je des yeux. Tu ne crois pas qu'ils auraient pu se poser des questions ? Imagine que son assistante vienne à lui parler de notre "accrochage" : si on avait dit qu'on se connaissait, elle aurait trouvé ça bizarre. Et je pense que devoir répondre à des questions de ta femme sur moi est la dernière chose que tu souhaites faire.
– Tu as raison. »
Je baissai légèrement la tête et soupirai.
« Enfin bref. Tes dix minutes sont bientôt écoulées. Tu as d'autres questions ou je peux y aller ?
– En fait, tu n'as pas totalement répondu à ma première question. Tu as dit que j'étais fou. Je suis fou parce que c'est impossible, ou parce qu'il ne faut pas ? »
Je serrai les dents. J'étais partagé. J'avais envie de mentir et d'être blessant pour qu'il me laisse tranquille, mais il y avait quelque chose qui me touchait malgré tout dans son ton, et dans ses mots. Est-ce que c'était sa voix et que je tombais bêtement dans la panneau une fois de plus ? C'était possible.
« Les deux, finis-je par répondre.
– Les deux ?
– Oui, les deux...
– Tu pourrais être plus clair ? »
J'en étais sûr. Bon. Allez, Jungkook. Finissons-en. Je soupirai donc en fermant les yeux, puis je repris la parole pour lui répondre ce qu'il voulait entendre.
« Je ne vais pas mentir là-dessus non plus, on a passé un super moment, dis-je, même si je ne m'en rappelais pas trop. Tu sais que j'aurais voulu que cette nuit ne se termine jamais, sans aucun doute encore plus que toi. Mais c'est la définition de "coup d'un soir". De plus, tu avais déjà ta vie. Tu l'as continuée et maintenant tu es marié. Et moi j'ai fait de même. Il vaudrait mieux laisser ça derrière nous, tu ne crois pas ? »
Il resta silencieux et je vis un voile triste passer sur ses yeux. Mon cœur se serra étrangement. Ça me rappelait Markus lorsque j'étais reparti de chez lui, trois ans plus tôt. Cet idiot s'était laissé tomber amoureux de moi alors que je l'avais prévenu dès le début qu'il n'y aurait rien d'autre que du sexe entre nous deux. Je m'étais malgré tout senti coupable. Et là, c'était pareil, même si je ne comprenais toujours pas comment ce type pouvait dire qu'il m'aimait alors qu'il ne me connaissait pas et qu'il avait dû me fréquenter pendant trois heures à tout casser il y a deux ans de ça.
« Tu as raison. Merci », finit-il par répondre.
Je laissai chuter mon visage en avant, puis finis par sourire tristement. Après réflexion, cette discussion n'avait rien résolu. J'aurais préféré qu'il me dise de ne rien dire à sa femme et de faire comme si nous ne nous connaissions pas. Cette incartade aurait été définitivement réglée. Au lieu de ça, il venait me dire qu'il m'aimait toujours ? Je me sentais mal.
« De rien. Si j'ai pu t'aider... » murmurai-je.
Je savais qu'il n'en était rien. Mais peut-être avait-il eu besoin de me voir pour régler les choses de son côté également ? Peut-être que maintenant que je venais de le repousser, il allait passer à autre chose ? Peut-être que nous pourrions ensuite nous revoir sans aucun sous-entendu, qu'il continuerait de rentre sa femme heureuse, et que ça règlerait aussi les choses de mon côté ? Je n'en savais rien. Il fallait espérer. Mais... est-ce qu'il rendait sa femme heureuse ?
« Sun... soufflai-je.
– Je vais te laisser du coup, me coupa-t-il sans le faire exprès, tu as dit que tu étais occupé.
– Mmh... Oui, merci, je vais y aller.
– Moi aussi.
– Oui, elle t'attend aussi. »
Sun Hae l'attendait. C'était une femme géniale. Elle avait l'air heureuse. J'avais eu ma réponse, dans le fond, je n'avais pas besoin de lui demander. Je frottai nerveusement mes cuisses, l'atmosphère pesante me mettant encore plus mal à l'aise, puis je me levai. Il fit alors de même et je me tournai vers lui.
« Bon... Eh bien, à un de ces jours peut-être... lui dis-je avec un léger sourire.
– Sans doute... Ton stage se termine quand ?
– Il me reste encore trois mois.
– Je vois... On sera sûrement amenés à se revoir du coup.
– Je pense aussi. »
Aïe. Un blanc. Je détournai les yeux. J'étais mal à l'aise.
« Mais du coup ne t'inquiète pas pour moi, ça va aller, reprit-il pour briser ce silence gênant entre nous. Merci d'avoir pris du temps pour me répondre.
– De rien, vraiment.
– Si je passe à la galerie et qu'on se croise, ne te sens pas obligé de me parler. "Bonjour/au revoir", ça sera amplement suffisant, m'assura-t-il avec un sourire.
– Je ne prévoyais pas de te demander de tes nouvelles à chaque fois de toute manière. »
Je vis son visage changer d'expression et je pinçai mes lèvres immédiatement. Jeon Jungkook, le tact, tu connais ? Sa main se tendit alors vers moi et je la regardai un instant, ne sachant pas ce que je devais en faire. Je relevai la tête, puis finis par faire de même. C'était étrange, je n'avais jamais serré la main à personne. Enfin, voilà, en dehors d'Alexis ou en dehors d'un lit.
« Je ne sais pas si on se reparlera comme ça un jour, reprit-il. Alors je te souhaite une bonne continuation. Et j'espère que tout ira bien pour toi.
– Merci. J'espère que pour toi aussi. »
Il relâcha enfin ma main et j'eus le sentiment de pouvoir de nouveau respirer.
« Bonne soirée ! me dit-il avec un faux sourire.
– À toi aussi. »
Il resta face à moi quelques secondes, puis me fit un léger signe de tête avant de se retourner et de commencer à s'éloigner. Je le regardai parcourir quelques mètres, sa longue silhouette bien proportionnée vêtue d'un costume et de chaussures de villes en cuir, laissant derrière lui une légère eau de toilette et des traces de pas dans le sable clair de l'allée. Et étrangement, plus il s'éloignait, plus quelque chose me pesait. Il fallait que je lui demande quelque chose avant qu'il parte.
« Taehyung ! »
Il s'arrêta mais resta dos à moi. Peut-être se demandait-il comment j'avais pu me souvenir de son prénom également. Ou peut-être espérait-il que je change d'avis ? Non, il ne serait pas si idiot. Si ?
« J'ai moi aussi une question. Tu pourrais y répondre ? »
Je baissai la tête et pinçai mes lèvres. Je joignis mes deux mains devant moi et commençai à triturer mes doigts. Je devais savoir une chose.
« Je t'écoute. »
J'inspirai et relâchai mes mains qui trahissaient très clairement ma nervosité, et je remontai la droite sur mon bras avant d'enfoncer doucement mes doigts dans le tissu de ma veste.
« Ce soir-là. Ce que tu m'as dit... Tu le pensais ? »
Il ne répondit pas tout de suite et je laissai mes yeux repartir vers lui. Malgré tout, je ne parvins pas à remonter à son visage. J'avais trop peur.
« Oui, finit-il par répondre. J'ai encore du mal à comprendre comment et pourquoi. Mais oui, je le pensais. »
Je fermai les yeux en expirant par le nez, et je secouai doucement la tête. Je ne comprenais pas. Mais pourtant, ça me fit du bien. Au moins, ces mots n'avaient pas étés prononcés dans le vent. Il ne fallait jamais les dire sans les penser. Ils étaient trop précieux pour ça.
« Merci, lui répondis-je en souriant doucement.
– Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait parce que je le pensais. Et je le pense encore aujourd'hui. »
Quoi ? Mes sourcils se froncèrent et je remontai enfin mes yeux dans les siens. "Encore aujourd'hui" ? Il venait clairement de me dire qu'il m'aimait encore ? Alors que nous ne nous étions pas vus plus que la fois d'avant ? Et qu'il était marié ? Pardon ?
« Mais ça n'a plus d'importance maintenant. Je te laisse. Passe une bonne soirée ! »
Il se retourna alors pour reprendre sa marche et je resserrai mes doigts sur mon bras. Ça n'avait peut-être pas d'importance pour lui mais...
« Ça en a pour moi », chuchotai-je.
J'avais été tellement mal ce soir-là, et j'avais tellement souffert par la suite de ce que j'avais fait. Et même si je n'avais pas voulu entendre ses mots d'amour, ils m'avaient fait du bien. Ils avaient troublé mon cœur et l'avaient un peu guéri, au moins temporairement.
« Enfin bref. Merci de m'avoir répondu. Passe une bonne soirée toi aussi. »
Je m'inclinai, même s'il ne me voyait peut-être plus, et je tournai les talons. Je remontai l'allée de sable clair, totalement perdu dans mes pensées. Si cet homme était réellement amoureux de moi, et encore aujourd'hui, alors je m'en voulais davantage, et ça allait être compliqué par la suite s'il n'arrivait pas à m'oublier. Et moi, je ne pourrais plus regarder ma tutrice en face. Déjà que je me sentais horriblement coupable...
Mais au moins, si ses sentiments envers moi étaient réels à cette époque, même si je ne me l'expliquais toujours pas, alors je pouvais peut-être essayer de me convaincre que ça avait été nécessaire. Que nous n'aurions pas pu faire autrement. Il ne s'était pas juste éclaté en tirant son coup avec un mec avant son mariage ; il était tombé amoureux, avait été troublé, confus, et comme dans toutes les bonnes histoires d'amours dramatiques, c'était l'instant, le seul. Bon, ça c'était pour lui et pas pour moi, moi je m'étais juste servi de lui mais... Bordel. Je ne savais pas ce que je racontais, je devenais fou. J'essayais de me convaincre de quoi, en réalité ? J'avais couché avec le mari de ma tutrice de stage quelques jours avant leur mariage. Comment je voulais continuer de vivre avec ça, moi ? Je me tapais d'obtenir la rédemption pour cette fois-là, il y avait bien plus important : mon avenir scolaire, professionnel, et la vie entière d'une femme que j'estimais beaucoup, même si je ne la connaissais que depuis quelques semaines.
Je passai ma main dans mes cheveux et tirai dessus en grognant, puis je me laissai tomber sur le premier banc libre que je vis. J'avais fait ce qu'il voulait : je lui avais répondu, et je l'avais repoussé. Il allait passer à autre chose. Nous nous étions dit au revoir. Il allait continuer de vivre comme jusqu'ici. Sun Hae serait heureuse. Il ne ferait plus jamais rien contre elle. Et moi, j'allais être en paix. Leur silhouette disparaîtrait de mes cauchemars. Il ne resterait plus que Jaeheon et Haejoon.
Je vins frotter mon poignet gauche qui me démangeait soudain, et en sentant ma montre, je remontai ma manche pour regarder l'heure. Il était presque vingt heures. Je me relevai d'un bond, sortis mon téléphone de ma poche et vis qu'Alexis m'avait envoyé un message. Je m'empressai de lui répondre que je rentrais et que je faisais au plus vite. Je regardai ensuite autour de moi pour trouver la sortie du parc afin de m'en aller d'ici et de rentrer chez moi.
[...]
Lorsque je poussai enfin la porte de l'appartement, il était un peu plus de vingt-et-une heures.
« Je suis là ! Pardon ! m'écriai-je depuis l'entrée en me déshabillant.
– Ne t'excuse pas, je comprends que tu aies eu du travail jusque tard. Ça m'arrive aussi.
– Mmh. »
Je longeai la grande bibliothèque qui couvrait tout le mur gauche et je tournai dans la chambre pour poser mon sac au pied de son bureau.
« Ça va ? me demanda-t-il.
– Mmh. »
Je revins au salon et me laissai tomber à côté de lui avant de passer mes bras autour de ses épaules et d'enfouir mon visage dans ses cheveux qui sentaient le gel douche.
« Tu t'es déjà lavé ? murmurai-je.
– Oui, j'ai cherché à tuer le temps en attendant que tu rentres, je ne voulais pas manger sans toi.
– Mais je voulais un câlin.
– En quoi c'est dérangeant ? rigola-t-il en me repoussant doucement.
– Ou deux. Ou trois. Comme tu ne travailles pas demain.
– Tu crois vraiment que tu tiendrais aussi longtemps ? continua-t-il de rire en se levant.
– Aleeeeeeeeeex', geignis-je.
– Ça sera pâtes bolo, ce soir.
– Change pas de sujet !
– Je ne change pas de sujet ! rit-il depuis la cuisine. On dirait que tu n'as pas dormi depuis trois jours. Ah merde, c'est presque froid.
– Passe au micro-ondes !
– Merci du conseil, je n'y avais pas pensé !
– Gnagnagna ! grognai-je en me laissant tomber sur le côté, me retrouvant ainsi allongé sur le canapé. M'en fous de pas avoir dormi. Je veux mes câlins.
– Ta libido est effrayante.
– C'est pas comme si tu t'en plaignais, répondis-je avec un sourire aux lèvres.
– Ce n'est pas le sujet.
– Mmh. »
J'attendis quelques minutes qu'il termine de faire réchauffer le repas, et lorsqu'il revint au salon, je me redressai pour qu'il puisse se rasseoir.
« Ça sent bon.
– Ça sent la bolognaise, quoi, pouffa-t-il doucement.
– Tu fais chier. »
Il continua de rire et saisit la télécommande pour naviguer dans le catalogue de programmes.
« Une envie en particulier ?
– Si je te réponds, tu vas me taper.
– Alors je vais mettre la suite de notre série.
– Je m'en contenterai. »
Il ricana une seconde, puis lança l'épisode auquel nous étions rendus. Je me redressai pour prendre mon assiette et je commençai à manger. Petit à petit, je me rapprochai de mon compagnon et vins me lover contre lui. Il me prit dans ses bras sans rétorquer, puis il finit par se coucher sur l'accoudoir et je m'allongeai sur lui, la tête sur sa poitrine. Alors que nous étions en plein milieu du deuxième épisode, j'ouvris la bouche.
« J'ai fini en retard et Bastien m'a encore foutu dehors. Il dit qu'il va me mettre un réveil avec alarme sur mon bureau pour que j'arrête de faire des heures sup.
– Je valide cette idée. Déjà qu'on ne se voit plus beaucoup, alors si en plus tu rallonges tes journées...
– Je suis trop sérieux.
– C'est tout à ton honneur, souffla-t-il en resserrant son bras sur moi.
– Mmh. Mais en sortant... »
Je pris mon courage à deux mains. Je ne voulais pas lui cacher ça.
« Je suis tombé sur un ancien plan cul. Il voulait qu'on parle.
– Ah oui ?
– Mmh.
– Mais ça doit dater, non ?
– Oui, rigolai-je doucement en comprenant sa peur. Mais les mecs qui tombent amoureux, tu sais...
– Je vois.
– Du coup, il voulait que je le repousse pour qu'il puisse m'oublier.
– Ah oui ?
– Oui. Donc je l'ai fait. Mais ça m'a fait... cogiter ?
– Sur quoi donc ? »
Je sentis son cœur accélérer contre ma joue. Il n'aimait pas cette discussion, ça l'angoissait. Je me redressai alors légèrement sur mes coudes et regardai son visage. Il détacha ses yeux de la télévision et les plongea dans les miens.
« Quoi ? me demanda-t-il.
– Tu m'aimes ?
– Quoi ? écarquilla-t-il les yeux.
– Hein ?
– Oui, pourquoi tu me demandes ça ? » fronça-t-il les sourcils.
Je lui souris et remontai vers son visage, mais lorsque je voulus l'embrasser, il recula.
« Réponds-moi, Kook.
– Je t'aime aussi.
– Et ?
– Et tout ça pour dire que j'ai pris conscience d'une chose ; c'est le plus important. Je ne dois penser qu'à ça, et si mon passé continue de me hanter, alors j'espère que tu continueras de m'aimer aussi fort que maintenant pour ne pas me laisser replonger. »
Il me regarda longuement dans les yeux, sceptique.
« Tu le feras ? demandai-je.
– Évidemment. Je t'aimerai même encore plus fort, si c'est nécessaire.
– Parce que c'est possible ? » m'étonnai-je.
Il se contenta de soulever l'un de ses sourcils rapidement tout en m'adressant un sourire en coin. Je pinçai alors mes lèvres, puis je vins l'embrasser. Cette fois, il me laissa faire, et après de longues secondes, je revins me blottir contre lui et il me serra dans ses bras. J'eus du mal à me remettre dans l'épisode, et probablement lui aussi, mais ce n'était pas grave.
Dans le fond, tant pis si mes cauchemars continuaient, tant pis si ce mec revenait dans ma vie et me mettait des bâtons dans les roues. J'avais Alexis. Je pouvais tout surmonter s'il était à mes côtés.
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