
Chapitre 𝟲𝟯 - Hotepamon
[29/11/2020]
Bonjour bonjour !
J'ai l'impression que ça fait 10 ans que je n'ai pas travaillé sur cette histoire, c'est dingue, je ne pensais pas que bosser sur le Calendar depuis deux jours me ferait totalement me détacher de cette fiction. Moi qui d'habitude attends impatiemment de poster, j'ai été bien occupée et j'y ai pas pensé un instant XD
Story time : je vais aller allumer la lumière parce qu'il fait super sombre d'un coup.
Voilà, maintenant c'est mieux XD
D'ailleurs j'ai ultra froid. Va falloir que je remonte le chauffage, j'ai failli décéder tout du long de ma correction, et je commence à avoir le bout des doigts gelé. Help XD
Comme vous pouvez le voir dans le titre, encore un chapitre passé, et c'est le dernier. À l'origine, il ne formait qu'un unique chapitre avec le précédent, mais vu la longueur, je me suis résolue à le couper en deux. Même si le chapitre 60 est dur à lire, y rejeter un œil pourrait vous aider à vous mettre dans celui-ci. Faites comme vous le sentez ^^
J'espère que cet avant-dernier chapitre vous plaira.
Bonne Léocture ! ♥
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Ses sanglots s'enchaînèrent, lui laissant à peine le temps de reprendre sa respiration. Après un moment, Aapep commença à entendre du bruit à l'extérieur de la pièce. Il réussit à se calmer et à reprendre son souffle. Ça y est, le tombeau allait être scellé. Il n'allait plus avoir aucun moyen de sortir de là. Était-il certain de vouloir finir comme ça ? Il posa les yeux sur la pierre et la caressa du bout des doigts doucement. Oui. Il voulait rester avec lui.
Le jeune homme savait qu'ils ne se retrouveraient jamais dans le monde des morts. Même s'il arrivait à atteindre Osiris, le dieu ne se donnerait pas la peine de juger son âme, et sans embaumement, sans son corps, jamais il ne pourrait renaître dans l'Au-delà ; il errerait pour l'éternité. Les dernières heures qu'il pouvait passer avec son ami, c'était maintenant.
Il entendit des bruits sourds, puis vit le bloc de pierre pivoter jusqu'à refermer complètement l'entrée. Ça y est, il était enfermé. Les ouvriers commencèrent à faire énormément de bruit, qu'ils scellent effectivement les portes, marchent et fassent tomber des objets ou volent certains d'entre eux. Il s'en fichait dans le fond. Aapep se laissa tomber au sol, son dos venant se poser contre la pierre, puis il ferma les yeux alors que des larmes coulaient de nouveau sur son visage.
« Tu avais dit que tu m'aimerais... que tu m'épouserais... que tu me ferais un fils ou que tu me laisserais t'en faire un... que tu rétablirais Amon et changerais de nom pour moi... Tu m'avais dit que tu m'emmènerais voir la mer... Tu n'as rien fait de tout ça. Tu n'as pas tenu tes promesses. Tu n'avais pas le droit de t'en aller en me laissant là... Tu sais combien de temps je t'ai attendu ? J'ai... J'ai cru que j'allais devenir fou. »
Il se recroquevilla sur lui-même et pleura dans ses genoux. Il avait tout perdu en le perdant lui. Il avait tellement de regrets que ça l'étouffait. Il aurait dû l'embrasser dans le lac au lieu de se questionner sur ce qu'il se passait. Il aurait dû le laisser couvrir sa peau de baisers et se retourner vers lui dans son lit au lieu de le repousser en lui demandant ce qu'il faisait. Il aurait dû lui dire qu'il l'aimait aussi et le retenir après sa déclaration. Ils auraient dû s'enfuir tous les deux, ou rentrer à Akhetaton ensemble, il n'aurait pas dû le laisser partir seul. Depuis qu'il avait commencé à douter et à se poser des questions sur le fonctionnement de son corps qui se déréglait de plus en plus au contact de son ami, il aurait dû agir, il n'aurait pas dû rester passif. Ils auraient pu vivre ensemble pendant de longues années, ils auraient pu être tellement heureux... Ils se seraient aimés plus que n'importe qui.
« On aurait parcouru le monde... souffla Aapep. La mer n'aurait pas suffi, j'en suis sûr. Je me connais, j'aurais voulu voir ce qu'il y avait de l'autre côté. On aurait pu aller jusqu'au bout du monde, on aurait pu en faire le tour en partant vers le nord et en revenant par le sud, avant de parcourir le monde d'est en ouest... On aurait pu visiter tous les pays, rencontrer tous les peuples... On aurait dû travailler pour avoir de quoi vivre, mais on aurait pu y arriver. Et puis, au fil du temps, on aurait peut-être eu des bouches à nourrir en plus si tu m'avais fait un fils, deux, trois... »
Il sourit à travers ses larmes et bougea doucement son crâne contre la pierre.
« S'ils avaient eu ton caractère, ça aurait été compliqué... mais je les aurais aimés autant que toi... On aurait pu être tellement heureux... alors... Alors pourquoi tu m'as laissé seul ? »
Ses lèvres tremblèrent de nouveau et il réprima un sanglot. Il avait vraiment soif. Après une bonne minute, il rouvrit ses paupières et regarda près de la sortie de la pièce. Il se releva difficilement et alla récupérer ses affaires. Il posa sa gourde et les fruits au sol près du sarcophage, puis se saisit des deux rouleaux, de son poignard et de sa petite lettre. Il posa cette dernière et la lame sur la cuve, puis chercha un endroit où ranger les rouleaux, avant de se raviser. Il se rassit près du sarcophage et les posa sur ses cuisses.
« Ton frère m'a donné ça... Tu ne m'en avais jamais parlé. Tu sais que tu as réussi à me faire pleurer ? Je ne pensais pas que tu puisses avoir retenu tant de signes. »
Il étouffa un petit rire et déroula le premier papyrus.
« Il y a certaines choses que tu m'avais cachées au fait. Tu as de la chance que je ne puisse plus te frapper de là-dedans. D'ailleurs, ton père aurait pu être plus généreux... mais j'imagine que tu t'en fiches. Et puis, s'il y avait eu plus de choses, et tout un attirail autour de toi, je n'aurais pas pu m'approcher autant... Je suis déjà bien trop loin de toi... »
Il ferma les yeux fortement puis les rouvrit sur sa gauche où se trouvait un coffret très décoré, coloré et couvert d'or. Le coffret contenant les vases canopes.
« Tes entrailles sont plus à ma portée que ton corps... C'est horriblement frustrant, tu sais. »
Il étouffa un rire et reposa ses pupilles sur le papyrus.
« Tu aurais dû me le dire plus tôt pour cet homme qui te harcelait. Militaire ou pas, ancien ami ou pas, je t'en aurais débarrassé sans un remord. Parce que tu étais à moi. Parce que tu es à moi. Tu es à moi comme jamais tu ne seras à lui. C'est triste pour lui dans un sens. »
Il soupira et laissa ses doigts parcourir les symboles.
« Tu en as inventés de nouveaux d'ailleurs... J'ai eu du mal à en comprendre certains. Tu aurais dû me noter la signification à côté ou en dessous. »
Il continua pendant quelques minutes en silence, puis s'empara du deuxième.
« Et du coup, j'ai écrit la suite. J'ai mis moins de tes signes parce que je ne les ai pas tous retenus, et puis ça te fera travailler l'écriture normale si jamais tu as la motivation de me lire lorsque tu te réveilleras. J'en doute, alors c'est pour ça que je vais te faire la lecture, mais une seule fois. Écoute bien. »
Aapep déroula doucement le papyrus, mais avant de commencer sa lecture, il s'empara de sa gourde. Il avait vraiment trop soif pour continuer de parler sans se désaltérer. Il reposa ensuite l'objet et essuya sa bouche du dos de la main avant de laisser ses yeux parcourir l'encre qui s'étalait élégamment.
De longues minutes plus tard, la fin du papyrus s'enroula sur le reste du rouleau.
« Voilà. Maintenant, tu sais tout. Est-ce que tu es fier de moi ? J'aurais pu massacrer tellement de monde au palais pour te venger... Mais comme je n'avais aucune preuve, je ne l'ai pas fait. Ils ont volé ta vie même s'ils arrivent à se convaincre que c'est l'œuvre des dieux. Je n'en crois rien. Pourquoi Osiris t'aurait-il appelé à lui alors que tu devais faire prospérer l'Égypte ? Il aurait besoin de toi dans l'autre monde ? Je n'y crois pas. Tu aurais été bien plus utile ici, ce pays avait besoin de toi. Tu aurais été un bon roi... »
Réprimant une nouvelle vague de larmes, Aapep se releva et chercha un endroit pour déposer les papyrus. Il ne voulait pas qu'ils s'abîment. De plus, Hotepaton n'y ferait pas attention en se réveillant ; il fallait qu'il soit intrigué en les trouvant, c'était la seule condition pour qu'il y jette un œil, il le savait. Son regard tomba alors sur plusieurs amphores. Il s'en approcha et brisa le sceau de l'une d'entre elles. L'odeur particulière des fruits et de l'alcool vint lui brûler l'intérieur du nez. Puis, grimaçant, il vida sans vergogne la céramique sur le sol.
« Le vin n'est pas digne de toi. Tu ne m'en voudras pas de vider ça, j'imagine. »
Il voulut jeter un œil à l'intérieur mais c'était bien trop sombre. Il allait attendre que ça sèche pour ne pas que le papyrus pourrisse. Il reposa l'amphore et revint près du coffre de pierre. Sa petite lettre était toujours posée dessus à côté de son poignard, alors il la prit soigneusement, la relut en souriant, puis soupira.
« Quant à ça, je suis étrangement trop timide pour la lire alors... tu n'auras qu'à la lire à ton réveil. Je vais la mettre... Mmh... »
Soudain, un énorme bruit se fit entendre à quelques mètres de lui et il sursauta. Qu'est-ce qu'il se passait ? On l'avait trahi et on venait le sortir de là ? Ou alors c'étaient les ouvriers chargés de fermer le tombeau qui étaient encore ici ? Il resta immobile pendant un long moment, guettant le moindre bruit, mais plus rien. Peut-être que c'était l'entrée du tombeau qui venait d'être bouchée ? Non, comment auraient-ils pu travailler aussi vite ? Il s'approcha alors doucement de la porte fermée définitivement et posa son oreille contre la pierre gelée. Du bruit et des voix lui parvenaient au loin. Personne ne viendrait le faire sortir d'ici de toute manière, il tuerait quiconque voudrait le ramener à la surface. Sa place était là.
Les bruits finirent par se calmer peu à peu et il soupira malgré tout. Il traversa de nouveau la pièce jonchée d'objets et s'empara de la torche qui était posée habilement sur une statue, tout en reposant sa lettre sur la pierre. Il éclaira la chambre et regarda tout ce qu'il y avait. Il écarquilla les yeux sous les dizaines d'objets, que ce soient des bijoux, de la nourriture, des jeux... Il posa une main sur un arc et le porta à son visage. Beaucoup de questions se bousculèrent alors dans sa tête. Est-ce que c'était avec celui-là qu'il chassait quand il partait loin avec quelques militaires ? Avec l'autre ? Ou est-ce que c'était juste un arc d'apparat ? Il y en avait sûrement des tas. Il le reposa à sa place et fit le tour de la pièce, avant de lever les yeux sur les murs.
La peinture avait l'air à peine sèche et sentait encore fort maintenant qu'il y faisait attention. Et c'était moche. Continuant d'observer, il tomba sur une représentation d'Hotepaton devant Rê, Apophis se tenant derrière. Aton était au-dessus du prince et ses rayons venaient le caresser doucement. Et en regardant plus à gauche, il aperçut une femme. La reine Néfertiti ? La reine Kiya ? Après tout, cette dernière était sa mère, elle avait plus sa place sur la fresque que la grande épouse royale... Ou est-ce que c'était Néfernéferouaton Tasherit ? Celle qui avait osé lui voler son prince ?
Il alla chercher sa dague et revint avec devant la fresque. Il la fixa avec un regard noir, puis avec un sourire mauvais quand il l'observa plus attentivement. Elle portait une tunique simple, similaire à celle qu'il avait lui-même. Alors, un sourire plus amusé éclairant son visage, il posa la torche soigneusement et entreprit de gratter la peinture noire du bout de sa lame.
Petit à petit, la chevelure de la femme disparut quasiment entièrement. On se doutait qu'elle avait été là, mais en se concentrant sur le visage, la poitrine quasiment inexistante, on pouvait désormais croire qu'il s'agissait d'un homme. De lui. Lui accompagnant son mari devant les dieux.
Il posa sa main gauche sur son poignet droit, puis laissa glisser ses doigts le long de son bras. Oui. Même si personne n'était au courant, que ça n'avait pas été officialisé et approuvé devant les dieux, ils le savaient, et Aapep était certain qu'ils avaient donné leur accord. Après tout, pourquoi auraient-ils mis Hotepaton sur son chemin il y a six ans de cela, autrement ? Ils étaient destinés l'un à l'autre, c'était une évidence.
Il ferma les yeux alors que ses doigts remontèrent jusqu'à son épaule. De délicieux frissons parcoururent son épiderme et il sourit largement avant de laisser échapper un soupir et de pincer ses lèvres. Ils étaient nés pour être ensemble, pour se marier et ne faire qu'un. C'était une évidence. Il aurait dû laisser Hotepaton lui faire un fils cette nuit-là, qu'il ait été un dieu ou pas encore. Il aurait dû le laisser lui faire l'amour. Peut-être l'aurait-il sauvé s'il n'avait pas pris peur ce soir-là.
Il rouvrit les yeux sur la fresque devant lui et récupéra la torche pour continuer son observation. Il aperçut soudain le nom du prince écrit sur le mur. Aucun cartouche autour, ce qui n'était pas surprenant étant donné qu'il n'avait pas eu le temps de devenir pharaon... mais les hiéroglyphes le dérangeaient. Il ne s'appelait plus Hotepaton. Il ne souhaitait plus être appelé comme ça. Désormais, il était la paix d'Amon, plus celle d'Aton. Son nom aujourd'hui était Hotepamon. Il se dirigea donc vers le mur mais ne put pas trop s'en approcher à cause des objets entassés au sol, alors il tendit son poignard vers la roche et gratta le nom d'Aton. Désormais, le prince était le fils d'Amon, il avait promis de lui être fidèle. De leur être fidèle à tous les deux. Le prêtre baissa sa lame, passa difficilement ses doigts sur le mur, puis il se retourna vers le sarcophage. Il s'en approcha, reposa la torche sur la statue où elle était à son arrivée, puis il s'assit en tailleur devant la pierre. Il leva son arme une fois de plus et commença à graver dedans.
« Tu es Hotepamon maintenant et à jamais, mon prince. N'oublie pas de te présenter correctement lorsque tu arriveras devant Osiris. Il ne faudrait pas qu'il te traite de menteur. »
La lame continua de souffrir dans la pierre pendant de longues minutes, jusqu'à ce qu'elle retombe au sol. Aapep s'empara de sa gourde et but quelques gorgées, avant de se saisir d'un fruit. Il avait faim. Et alors qu'il léchait ses doigts, il aperçut un petit interstice entre le sol et la cuve du sarcophage. Il fronça les sourcils et y porta ses doigts.
« Oh... Je sais ce que je vais faire. »
Il récupéra sa lettre qu'il avait abandonnée une fois de plus sur le sarcophage et la roula soigneusement.
« Ferme les yeux, ne regarde pas où est-ce que je la cache. Ça sera ton premier défi en te réveillant. Trouver ma lettre. Ma lettre d'amour. »
Un petit sourire étira ses lèvres et il s'appliqua à la dissimuler entre les deux roches. Lorsque ce fut fait, il recula légèrement et regarda son travail. Il était satisfait. Il soupira ensuite et observa autour de lui. Qu'allait-il pouvoir faire ? Ses pupilles se reposèrent sur la pierre en face de lui et il y posa sa paume doucement. Ça y est, les larmes allaient revenir. Il inspira fortement et s'allongea sur le sol. Désormais, il était couché à côté de lui. Il allait essayer de dormir.
[...]
Au final, la fatigue physique comme mentale finit par emporter le prêtre. Lorsqu'il se réveilla, tremblant de froid, il s'aperçut que la torche s'était éteinte. Il était dans le noir le plus complet et un frisson incontrôlable de peur remonta sa colonne. Quelle heure était-il, maintenant ? Est-ce qu'Amon allait lui en vouloir de ne pas avoir fait ses autres rituels quotidiens ? Son ventre se mit d'ailleurs à grogner. Il chercha alors à l'aveugle le peu de nourriture qu'il avait avec lui et avala une figue, gardant l'autre dans sa main. Il fallait qu'il économise. Même s'il y avait du vin, peut-être du zythum également pour le désaltérer, et des fruits et de la viande également s'il mourait de faim, il n'y toucherait pas. Tout cela étaient des offrandes aux dieux et à Hotepamon pour le moment où il se réveillerait. Lui n'avait pas le droit d'y toucher. Il but quelques gorgées de sa gourde, déjà presque vide, et il se recoucha au sol. Il se tourna sur le dos, posa son dernier fruit près de son eau, puis croisa ses bras derrière son crâne.
« Tu regardes les étoiles, toi aussi ? souffla-t-il doucement. Maintenant que les prêtres ont fait la cérémonie d'ouverture des yeux et de la bouche, tu as de nouveau la vue et la parole. D'ailleurs, tu ne me réponds pas beaucoup quand je te parle. »
Le silence s'étendit de nouveau dans la chambre, jusqu'à ce que le ventre du prêtre grogne bruyamment. Devait-il attendre avant de manger son dernier fruit ? Dans tous les cas, il finirait bien par mourir de faim, alors un jour de plus ou un jour de moins, quelle différence ? Il soupira et chercha finalement sa dernière figue. Il la mâcha lentement pour en profiter un maximum avant de l'avaler petit à petit. Puis, reposant ses yeux sur le plafond invisible, il attendit ; il ne savait pas ce qu'il attendait, mais il attendait. Peut-être attendait-il un miracle, ou peut-être attendait-il la mort. Mais il attendait.
[...]
Aapep avait avalé sa dernière gorgée d'eau depuis plus de vingt heures et il commençait à perdre la tête. Il avait faim, il avait soif, il voulait voir son prince, il voulait le retrouver, se jeter dans ses bras et ne plus les quitter. Pourquoi est-ce que ce voleur crasseux ne lui avait pas laissé ce drap ? Tout aurait été beaucoup plus simple. Il aurait dû insister, il aurait dû l'éliminer et récupérer toutes ses affaires avant de courir se réfugier dans le tombeau. Personne d'autre que lui ne semblait au courant du marché qu'il avait passé avec Toutânkhaton, alors personne ne l'aurait cherché dans le tombeau, si ? Il avait froid. Horriblement froid. Aapep se recroquevilla sur lui-même et se plaqua contre la cuve de granit qui était tout aussi glacée. Il enfonça ses doigts dans ses bras en écrasant ses cuisses contre son torse. Il avait tellement froid. Pourquoi était-il venu ici ? Pourquoi n'était-il pas venu plus couvert ? Pourquoi ne s'était-il pas battu ? Pourquoi avait-il pris cette décision ?
Il craqua alors et commença à se balancer d'avant en arrière. C'était de sa faute. Pourquoi l'avait-il abandonné ? Il avait soif, il avait faim, il avait froid, il voulait revoir le soleil, sentir ses rayons sur sa peau, sentir ses bras autour de son corps. Il se retourna après quelques minutes et donna un coup de poing au sarcophage, puis un deuxième, un troisième, alors que ses larmes coulaient sur ses joues sans s'arrêter.
« Je suis en train de devenir fou à cause de toi ! Tu le vois !? Pourquoi n'es-tu pas déjà réveillé ? Pourquoi ton dieu n'a rien fait ? Tu as vu tout ce qu'il y a pour toi ici ? Tu ne vois pas que je suis là et que je meurs en t'attendant ? Viens ici ! Réveille-toi ! Viens me chercher ! Viens me prendre dans tes bras, viens m'embrasser ! Pourquoi t'es-tu enfui après m'avoir embrassé ? Hein ? Tu aurais dû rester là ! Ou alors on aurait dû s'enfuir ! Peu importe nos croyances, nos rôles, ta famille... ! On aurait dû tout envoyer balader si on avait su qu'Anubis t'appellerait à lui si vite... T'avais pas le droit de me quitter... T'avais pas le droit de m'abandonner... Mon prince... Mon roi... »
Le prêtre s'écroula, épuisé. L'homme qu'il aimait était là, sous ces centaines de kilos de roche, de bois, enroulé de bandelettes parfumées. Il ne croyait pas à ces légendes, à ces mythes. Il savait qu'il ne se réveillerait pas et qu'il ne le reverrait jamais. Il savait qu'il ne verrait plus jamais le soleil, quel qu'il soit.
Aapep se recroquevilla de nouveau sur lui-même et recommença rapidement à avoir froid. Il finit par essuyer son visage et en cherchant sa gourde au sol, qui pourtant était vide depuis la veille, sa main tomba sur le coffret richement décoré ; le coffret renfermant les vases canopes. Pourquoi fallait-il que le défunt garde son cœur afin d'être jugé devant Osiris ? S'il n'y avait pas cette foutue croyance et que les prêtres d'Anubis avaient également retiré son cœur, alors il aurait été là-dedans aussi, avec le reste de ses entrailles. Aapep aurait pu le prendre et le serrer contre lui. Le cœur du défunt prince lui aurait ainsi appartenu comme il n'aurait jamais appartenu à personne. Mais peut-être n'aurait-il de toute façon pas osé s'en approcher, de peur de mettre en péril le rituel et le passage de l'âme de son aimé du royaume des vivants au royaume des morts. D'ailleurs, il attendait également de suivre ce chemin, même s'il savait qu'il ne rejoindrait jamais l'homme qui faisait battre son cœur. Il avait bien trop péché dans sa vie, et il savait que même s'il réussissait à se présenter devant Maât, qu'aussitôt son cœur pesé, son âme se ferait dévorer par la déesse Âmmout. Hotepamon disait qu'il était devenu un homme bon et qu'il méritait d'être pardonné, mais Aapep n'en croyait rien.
L'ancien serviteur d'Amon attendit la mort pendant plusieurs jours encore, la soif et la faim ainsi que le noir total et l'absence de bruit le rendant fou. Il aurait pu planter sa lame désormais émoussée dans son ventre, mais n'aurait-ce pas été une offense ? Alors il ne l'avait pas fait, alternant entre des heures de sommeil et des heures de grelottements et de pleurs. Il était à bout ; il parlait seul, il avait des visions, il voulait mourir et retrouver son prince. Peut-être pourraient-ils se rejoindre devant le tribunal s'il l'avait attendu ? Peut-être pourraient-ils s'y revoir quelques minutes le temps que leurs âmes soient jugées et qu'ils doivent se séparer pour toujours ? Il cogna encore plusieurs fois sa tête contre la pierre froide quand il entendit un bruit. Il se figea alors et tendit l'oreille. Un serpent. Il y avait un serpent. Et soudain, un grand sourire étira ses lèvres.
« Mon prince ! Tu as entendu ? Tu avais raison... Apophis vient d'envoyer un signe à son serviteur, il vient chercher son fils... Je vais bientôt te rejoindre, mon ami. Je vais me battre pour ça. Même si ce n'est que quelques minutes avant que mon âme ne soit dévorée... je vais te rejoindre. Mais peut-être que je ne serai pas dévoré, au final, peut-être qu'Apophis et les autres dieux auront pitié de moi et qu'ils m'enverront aider mon père... Et si c'est le cas... »
Il rigola difficilement, sa gorge le faisant souffrir.
« Si c'est le cas, je coulerai la barque de Rê et le jour ne se lèvera pas. Aton ne sera pas visible et toi non plus. J'avais dit que je ferais couler ta barque, mon ami... alors je le ferai. Et après cette fois-ci, je laisserai Seth me tuer toutes les nuits pour que j'expie, et que tu puisses te lever sur le monde. Je mourrai avec impatience à chaque aurore pour te voir briller de nouveau. Alors attends-moi devant le tribunal, mon roi. »
Aapep saisit son arme par réflexe, même s'il n'avait pas l'intention de se défendre. Son heure était venue, et même s'il avait peur, il était heureux.
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