Chapitre 𝟰𝟰 - Ipet-sout
[01/10/2020]
Bonsoir bonsoir !
Me revoilààààààààààààà ! Avouez, je vous ai manqué ! XD
Je m'attendais à tellement de réactions sur le chapitre précédent... vous savez que vous m'avez frustrée de ouf ? XD
J'ai eu tellement de mal à me mettre à ma correction... J'ai ouvert mon fichier vers 15h cet aprèm mais j'ai pas réussi. J'ai essayé, mais j'ai pas réussi. Après, la fatigue cumulée a dû jouer mais bon...
Quoi qu'il en soit, ça fait une éternité que j'ai envie de vous poster ce chapitre alors le voilà, enfin ! Si mes souvenirs sont bons, il fait partie des chapitres "passé" qui n'étaient pas prévus de base et que j'ai rajoutés un peu n'importe où par envie subite XD
J'espère qu'il vous plaira.
Bonne Léocture ! ♥
~~+~~
Le jeune prêtre caressait l'encolure des chevaux de son ami en veillant à ce qu'ils se nourrissent bien et se désaltèrent après ce long voyage. Il avait pitié de ces pauvres bêtes qui parcouraient tant de coudées royales en si peu de temps, et si fréquemment. Le prince, lui, était assis au bord du Nil, ses pieds jouant avec la surface de l'eau, plongé dans ses pensées.
« Tu devrais penser à tes chevaux, à défaut de penser à moi, soupira Aapep. Tu vas finir par les tuer à force.
– Ne t'en fais pas, ce sont des bêtes robustes. Et puis on prend soin d'elles, elles ne manquent de rien et se reposent beaucoup.
– Si tu le dis. »
Le serviteur d'Amon continua de caresser leur robe blanche en les regardant avec tendresse.
« Dis... commença Hotepaton.
– Oui ?
– C'est quand la dernière fois que tu as été au temple d'Ipet-sout ? »
Le visage du prêtre s'assombrit aussitôt.
« Pourquoi me demandes-tu ça ?
– Parce que c'était un temple d'Amon avant. Et la dernière fois, tu m'as dit qu'il y avait un endroit que tu aimais bien à l'intérieur. J'en ai donc conclu que tu y étais déjà allé.
– J'y suis allé quelques fois quand j'étais enfant.
– Et plus après ça ?
– Non. Plus depuis que c'est devenu un temple consacré à Aton.
– Aton a pris la place des autres dieux dans plusieurs temples, comme à Iounou et Men-néfer. Mais du coup, je ne comprends pas une chose.
– Laquelle ?
– Pourquoi pas toi ? Pourquoi pas ton temple ?
– C'est... une longue histoire. Très longue histoire. »
Hotepaton leva les yeux au ciel mais n'insista pas.
« C'est dommage que tu n'y ailles plus à cause de ça.
– Oui. C'est un endroit très reposant.
– C'était quoi, l'endroit que tu aimais bien ?
– Le grand temple, il est magnifique. Le lac sacré est splendide aussi. Il respire la paix et l'amour.
– Ah oui ? J'aimerais bien voir ça, je ne m'en rappelle plus du tout...
– On n'a pas le droit d'entrer malheureusement. Surtout moi.
– Et moi, je ne pourrais pas ? Si je dis qui je suis...
– Je ne sais pas, mais évite. Tu n'es même pas censé te trouver ici.
– C'est vrai... Mais c'est dommage. J'aimerais bien voir ce que c'est devenu depuis que nous avons quitté Ouaset, même si je ne me rappelle pas ce à quoi ça pouvait ressembler avant... »
Le prêtre retira sa main du dos du cheval et posa ses yeux sur son ami qui continuait de fixer l'eau clapotant sous ses pieds.
« C'est trop dommage... souffla le fils de Pharaon.
– Tu tiens vraiment à y aller ? »
Il avait l'air d'absolument vouloir visiter ce temple... Était-ce un simple caprice, ou est-ce que ça lui tenait vraiment à cœur ? Aapep était perplexe. Il n'avait pas le droit de mettre les pieds là-bas, et Hotepaton, fils d'Akhenaton ou non, n'y serait sans doute pas le bienvenu non plus. De plus, personne ne devait savoir qu'ils étaient ensemble.
« Mmh, murmura-t-il pour toute réponse.
– Il y a peut-être un moyen d'y entrer...
– Ah oui ? se retourna immédiatement le prince. Comment ?
– En passant par le dromos de Mout.
– C'est vrai !? On y va !? se releva-t-il d'un coup.
– Je... »
Pris au dépourvu, Aapep ne sut pas comment répondre sur l'instant. Il ne pouvait pas et il ne voulait pas. Que devait-il faire ? Les yeux brillants d'excitation de son ami faisaient battre son cœur plus vite. Il n'avait pas envie de lui refuser ça, mais il ne voulait pas y aller. Le dilemme dans lequel il était maintenant coincé était horrible ; il n'aurait pas dû relancer le sujet.
« Bon... Très bien. Mais il faut qu'on soit discrets, personne ne doit nous voir. D'accord ?
– D'accord !
– Et on ira plus tard, pendant l'heure de la prière. On devrait avoir le champ libre, au moins pour l'extérieur du temple. Il ne vaut mieux pas imaginer mettre les pieds à l'intérieur.
– D'accord, on fera comme ça alors ! »
Aapep répondit au sourire de son ami par un sourire un peu plus timide, puis il reposa ses pupilles et ses mains sur le cheval qui quémandait un peu d'attention. Il était tendu. Il n'aurait pas dû accepter de l'y emmener, il avait un mauvais pressentiment.
[...]
Pourtant, lorsqu'ils franchirent le Xe pylône, tout semblait aller pour le mieux. Le prince s'extasiait devant la grandeur du lieu, la magnificence des édifices, leur nombre, et leur beauté. Toujours sur ses gardes, Aapep fit rapidement visiter ce qui se trouvait au sud-est à son ami, quand ils arrivèrent près du lac sacré.
« Woaaaa, t'as vu la piscine !?
– Une piscine ? Tu es idiot ou quoi, c'est le- »
Aapep n'eut pas le temps de terminer sa phrase que les mains de son ami le poussèrent et qu'il perdit l'équilibre. Il refit surface rapidement, crachant ses poumons et essayant de reprendre son souffle sous le rire du prince qui s'amusait bien.
« Par Aton ! Depuis le temps que j'ai envie de faire ça, désolé que ça tombe sur toi !
– Tu... te... Ah, tu te... moque de moi ? toussa le prêtre. Espèce... »
Il continua de tousser en se dirigeant vers le bord pour remonter, quand Hotepaton l'éclaboussa de plus belle. Ses yeux s'écarquillèrent et il se retourna vers lui. Dès que son aîné refit surface, Aapep vint le saisir par le bras.
« Faut qu'on sorte de là, arrête tes bêtises !
– Pourquoi ?
– Parce que c'est le lac sacré, espèce d'imbécile ! paniqua Aapep en tentant de le faire sortir.
– Je m'en fiche ! » s'écria Hotepaton.
Le prince retira alors sa tunique et il la jeta sur le bord d'un geste simple.
« On n'a pas le droit ! Sors d'ici ! Sors ! On va... Sors de là !
– Calme-toi ! Personne n'en saura rien !
– Tu crois que les dieux ne voient rien ? Idiot !
– Non, ils ne voient rien ! rigola Hotepaton avant de plonger ses mains dans l'eau et d'éclabousser son ami. Ils ne voient rien et ils n'entendent rien !
– Arrête ça !
– Non !
– Arrête tes gamineries ! Il faut qu'on sorte de là, on n'a pas le droit ! Il sert à la purification, on-
– Viens me faire sortir alors ! »
Aapep serra les dents. Ils n'avaient déjà pas le droit d'être dans le temple, alors dans le lac, ce n'était même pas la peine d'y penser. Les prêtres vivant ici devaient être en train de prier à cette heure-là, et il espérait qu'il ne viendrait pas à l'idée de l'un d'entre eux de sortir de l'enceinte sacrée pour se balader dans les jardins. Si on le prenait ici... qu'il soit en compagnie du fils de Pharaon ou pas ne changerait rien.
Il continua d'essayer de faire sortir son ami à coup de coups de poing et de pincements pendant de longues minutes, mais le rire et la bonne humeur du prince finirent par lui faire un peu oublier sa peur. Il finit par rire aussi, jouer avec lui, tenter de lui faire boire la tasse comme lui l'avait fait en le poussant sans le prévenir. Il avait l'impression d'être redevenu un enfant. D'être devenu un enfant. Celui qu'il n'avait jamais pu être, et ça lui faisait du bien. Il voulait en profiter, même s'il savait qu'ils ne devaient pas être là et que ce qu'ils faisaient était plus que répréhensible.
Soudain, après plusieurs minutes de bataille d'eau, de coups, de pincements et de rires, Hotepaton réussit à s'emparer des deux poignets d'Aapep pour que ce dernier cesse d'enfoncer ses doigts dans ses côtes, puis il les maintint près de leurs deux visages en rigolant. Le prêtre résista, alors le plus âgé resserra sa prise et le fit reculer jusqu'à ce qu'il bute contre la limite du bassin.
« Je t'ai eu. T'as failli gagner, sourit le fils de Pharaon.
– Je t'aurai la prochaine fois », répondit l'autre avec un sourire.
Un sourire ? Hotepaton fronça les sourcils. Puis, il comprit ce qu'Aapep voulait faire, alors il se rapprocha de lui afin qu'il ne puisse plus se servir de ses jambes contre lui, et il poussa ses bras en arrière, faisant presque se rencontrer ses mains derrière sa tête.
« Je t'ai eu, mon ami. Tu as perdu », sourit-il de nouveau.
Il releva alors le visage, et en voyant que celui d'Aapep était aussi proche du sien, son cœur loupa un battement. Ses yeux remontèrent dans ceux de son ami qui semblait troublé, ses pupilles noires balayant son torse sans même le voir.
« Aapep ? murmura-t-il.
– Oui ? »
Le plus jeune remonta ses iris dans celles du prince et il déglutit difficilement. Son cœur eut soudain un raté et il commença à avoir peur. Il tenta de ramener ses bras le long de son corps, mais Hotepaton les maintenait toujours fermement derrière lui.
« Lâche-moi... » souffla-t-il.
Le prince ne répondit pas et pencha doucement son visage vers celui de l'autre jeune homme. Leurs nez se touchèrent, puis il les laissa se caresser doucement, jusqu'à ce que la pointe du sien frôle la pommette du prêtre d'Amon. Le souffle court, le cœur battant très vite, le plus âgé n'arrivait pas à prononcer le moindre mot à travers ses lèvres entrouvertes qui lâchaient son souffle chaud contre celles de son vis-à-vis. Leurs peaux se frôlèrent encore et encore tandis qu'Aton séchait leurs épaules. Hotepaton finit par relâcher les poignets de son ami, poignets qui retombèrent lentement le long de son corps.
« Tu te souviens... de l'histoire que tu m'as racontée ? murmura alors le prince.
– Laquelle ? Je t'en ai raconté beaucoup... »
Hotepaton sourit en expirant par le nez, ce dernier continuant de caresser doucement celui du serviteur d'Amon. Il recula lentement son visage, et sa main droite vint se poser sur la joue de son cadet qui manqua de défaillir. Le pouce du fils de Pharaon caressa sa joue humide, et le jeune homme continua de sourire.
« L'histoire d'Horus et Seth. »
Aapep déglutit difficilement. Évidemment qu'il s'en souvenait. Son cœur accéléra davantage et sa respiration commença à devenir erratique. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, il ne comprenait pas. Il ne remarqua même pas que son ami avait lâché son visage, et lorsque les mains hésitantes d'Hotepaton se posèrent sur sa taille, un frisson parcourut tout son corps.
« Qu'est-ce que... »
Le visage du prince avança doucement de nouveau alors le plus jeune ferma les yeux fortement. Le bout du nez d'Hotepaton vint caresser sa pommette droite avant de revenir à son jumeau. Ensuite, il caressa plus durement sa peau, s'enfonçant un peu plus dans sa joue, et les mains d'Aapep se posèrent sur les bras de son ami. Pas pour le repousser, pas par peur. Une réaction physique inexplicable. Puis, les lèvres d'Hotepaton vinrent effleurer les siennes et il se sentit défaillir. Même s'il avait déjà fermé les yeux depuis de longues secondes, il souhaita devenir aveugle sur le moment, tellement embarrassé par ce qu'il se passait dans son corps. Les étranges sensations se développant dans leurs ventres les rendaient tremblants. Ils n'avaient jamais ressenti ça, ni l'un ni l'autre.
Leurs lèvres continuèrent de s'effleurer pendant de longues secondes encore tandis qu'Aapep sentait les doigts de son ami s'enfoncer de plus en plus dans sa peau. Il leva alors légèrement la tête et sa lèvre supérieure se posa contre l'inférieure du fils de Pharaon. Les deux jeunes hommes se figèrent entièrement, leurs respirations accélérant de plus belle. Que devaient-ils faire ? Le corps du prêtre murmurait à ce dernier d'écarter un peu plus ses lèvres pour emprisonner celle d'Hotepaton entre les siennes. Et rien qu'à s'imaginer faire ça, son cœur eut plusieurs ratés. Le prince finit par reculer son visage mais il ne cessa pas pour autant le contact entre eux. Il posa son front contre celui d'Aapep tout en continuant de lâcher sa respiration brûlante contre sa peau.
« On devrait sortir. Aton ne va pas apprécier qu'on soit restés autant de temps dans son lac... »
Le prêtre déglutit difficilement, puis lâcha les bras de son ami avec difficulté. Les mains d'Hotepaton relâchèrent sa taille, puis, après une dernière respiration saccadée, l'aîné recula d'un pas pour le libérer, lui qui jusqu'ici était plaqué contre le bord du bassin. Le jeune homme se sentit d'un coup horriblement gêné alors il s'éloigna et sortit du lac avant de récupérer sa tunique et de l'enrouler autour de sa taille. Aapep finit par sortir à son tour, et lorsqu'il remarqua le début d'érection moulé par le vêtement mouillé de son ami que ce dernier essayait de cacher honteusement, il détourna rapidement le regard, ses joues chauffant et son ventre le démangeant. Qu'est-ce qu'il se passait dans leurs deux corps tout d'un coup ?
« Qu'est-ce que vous faites là ? »
Les deux jeunes sursautèrent alors, et Aapep reconnut avec effroi d'un des prêtres du temple qui approchait d'eux d'un pas rapide. Sans réfléchir davantage, il saisit le poignet de son ami et tira dessus.
« Viens ! »
Ils rebroussèrent alors chemin, prenant leurs jambes à leur cou sous les cris du prêtre plus âgé qui avait bien du mal à leur courir après, mais qui ne cessait pas pour autant de leur dire de s'arrêter. Ils s'étaient fait attraper. Ils n'avaient plus qu'à espérer qu'on ne les ait pas reconnus.
Après vingt bonnes minutes, ils finirent par arriver à l'Opet du sud. Essoufflés et la gorge sèche, ils se laissèrent tomber au sol, leurs poumons se remplissant et se vidant à une vitesse folle. Lorsque leurs cœurs finirent par retrouver un rythme normal, ils rouvrirent les yeux et tournèrent instinctivement la tête vers l'autre. Leurs pupilles se croisèrent et ils se sourirent avant de commencer à rire.
« J'ai eu tellement peur quand il a hurlé, rigola Hotepaton.
– Et moi donc. Je t'avais dit qu'on n'avait pas le droit d'être là.
– Toi ça peut aller, tu restes un prêtre.
– Non, même moi je n'ai pas le droit d'être là, je te l'ai dit. Si jamais il m'a reconnu... »
Il perdit alors son sourire et tourna la tête, plongeant ses yeux dans le ciel pour ne pas que son ami ne comprenne, mais ce dernier n'abandonna pas et se redressa légèrement.
« Quoi ? Qu'est-ce qu'il va se passer s'il t'a reconnu ? »
Aapep avala sa salive et tourna la tête sur le côté lorsqu'il vit le visage du prince apparaître dans sa vision périphérique. Ce dernier, une boule au ventre, s'approcha de son ami et posa doucement sa main sur son menton pour l'obliger à le regarder.
« Oh, Aapep, qu'est-ce qu'il va faire s'il t'a reconnu ? Dis-le-moi.
– Rien, je vais juste me faire fortement réprimander, et peut-être priver de nourriture pendant quelques jours aussi.
– Quoi ? Il peut faire ça ?
– Oui. Comment crois-tu que j'ai pu survivre ici, depuis toutes ces années ? C'est uniquement parce qu'ils m'entretiennent un minimum.
– Je n'ai jamais réfléchi à la question pour être honnête.
– Ça ne m'étonne pas de toi. »
Nullement vexé, Hotepaton continua de fixer le visage de son ami en dessous du sien, qui finit par replonger ses pupilles dans les siennes. Leurs iris noirs détaillèrent le visage de l'autre pendant de longues secondes en silence, les battements de leurs cœurs accélérant petit à petit. Aapep finit alors par se redresser en repoussant son ami.
« Je vais aller me changer, je déteste avoir des vêtements mouillés... »
Il se leva et alla se cacher dans sa minuscule demeure afin de retirer ses vêtements, de se sécher un peu et d'en enfiler de nouveaux. Lorsque ses yeux tombèrent sur sa taille, il y posa sa main droite, ses yeux balayant le sol. Que s'était-il passé, tout à l'heure ? Il avait compris quelles étaient ces réactions physiques, mais il ne comprenait pas pourquoi est-ce qu'elles avaient eu lieu. Ça ne s'était encore jamais produit entre eux, depuis le temps qu'ils se connaissaient. Alors pourquoi maintenant ? À cause de l'ambiance ? À cause du temps qui était passé ? À cause de cette histoire ?
« Aapep ? »
Le jeune homme sursauta et s'empressa de s'emparer de sa nouvelle tunique afin de s'en couvrir. La pudeur n'était pas quelque chose de courant entre eux, loin de là, mais désormais, il était gêné. Il ne pouvait plus se mettre à nu devant lui, dans tous les sens du terme.
« Oui ? demanda-t-il en se retournant.
– Je... vais peut-être y aller. Je ne dois pas rentrer trop tard si je ne veux pas que mon père me prive encore de sortie.
– Oui. Vas-y. »
Ils se regardèrent encore longuement, une étrange tension naissant entre eux, tension que le prêtre brisa en baissant les yeux avant de tourner la tête et de se racler la gorge.
« Allons vérifier que tes chevaux sont prêts à repartir, sinon tu attendras un peu, il ne faudrait pas les épuiser.
– Oui... »
Il y avait désormais une sorte de malaise entre eux, et ça les gênait. Ça les gênait horriblement. Ils ne voulaient pas de ça. Que pouvaient-ils faire pour que tout redevienne comme avant ? Était-ce seulement possible ?
Le plus jeune sortit de la petite maison et la contourna. Il se dirigea vers le bord du Nil où les deux chevaux secouaient leur crinière. En silence, les deux amis remirent ensemble l'attelage en place, et l'heure des au revoir pointa son nez. Ils ne voulaient pas se séparer, pas encore une fois, pas maintenant, et pas après ce qu'il s'était passé. Est-ce que ça ne ferait qu'empirer ce malaise, de se quitter maintenant, ou est-ce qu'au contraire, ça allait les sauver ? Ils n'en savaient rien. Ils avaient trop peur d'en parler, même le prêtre qui, habituellement, n'avait pas sa langue dans sa poche. Il se sentait horriblement intimidé. C'était le mot. Comment pouvait-il réagir face à une situation pareille ? Il n'avait jamais connu ça, et jamais il ne pourrait connaître ça. Ça lui était totalement étranger.
« Aapep... »
Il sortit alors de ses pensées et tourna la tête vers son ami.
« Oui ?
– Je suis désolé... J'aurais dû réfléchir, j'ai été idiot.
– C'est bon...
– Non, ce n'est pas bon... Tu es sûr que ça va aller ?
– Oui. Ne t'en fais pas. »
Le visage inquiet, Hotepaton se rapprocha de son ami et posa sa main sur sa joue. Ce dernier se tendit à ce geste et n'osa plus bouger, se contentant de le regarder avec surprise.
« Tu es sûr ?
– Oui, oui, je te l'ai dit, ça va aller.
– D'accord. »
Sa main glissa doucement sur la gorge de son cadet, puis son épaule. Elle quitta sa peau une seconde pour passer au-dessus de la griffe maintenant le vêtement sur son torse, puis elle se reposa sur le haut de son bras avant de le longer doucement. Une légère chair de poule remonta alors son épiderme et le cadet frissonna.
« Arrête ça...
– Mmh ?
– Ce que... tu fais, c'est...
– Désolé, je... Tu sais, tout à l'heure, je-
– Djayt ! »
Aapep fit volte-face et regarda avec horreur le petit groupe de prêtres arriver vers lui, en provenance directe d'Ipet-sout.
« "Djayt" ? demanda Hotepaton.
– Va-t'en ! »
Le fils de Pharaon écarquilla les yeux en les reposant sur son ami. Ce dernier avait saisi son bras de ses deux mains et avait enfoncé ses doigts dans sa peau.
« Quoi ? Pourquoi ? Et c'est quoi, "djayt" ?
– Rentre chez toi. Vite !
– Aapep ! »
Le prêtre tourna alors de nouveau la tête vers lui et plongea ses yeux dans les siens. Brillants, implorants et emplis de peur.
« Tu... C'est quoi ?
– Va-t'en. Maintenant.
– Mais...
– Je t'en supplie. »
Ne sachant plus quoi dire, Hotepaton finit par mettre un pied dans son char, puis l'autre. Les doigts de son cadet finirent par se détacher de sa peau, tandis que ses yeux étaient repartis vers ce qui s'approchait d'eux.
« Aapep...
– Va-t'en ! » hurla-t-il.
Surpris, le prince finit par obtempérer et cria à ses chevaux de prendre la route. Bientôt, il fut hors de portée, les yeux des prêtres d'Ipet-sout le suivant disparaître dans le sable du désert. Ces derniers finirent par revenir sur le corps d'Aapep qui délaissa son meilleur ami pour se concentrer sur sa souffrance à venir. Lorsque le petit groupe fut enfin face à lui, son cœur battant à tout rompre, il déglutit difficilement et posa ses pupilles sur le plus ancien qui se nommait Kheper-ra et qui avait toujours été son plus gros cauchemar.
« J'étais certain que c'était toi. C'est toujours toi. Quand retiendras-tu la leçon ? »
Aapep baissa la tête. Il savait qu'il était fautif, et pourtant, il ne regrettait rien. Dans le fond, pourquoi n'avait-il rien le droit de faire ?
« Qui était avec toi ?
– Personne.
– Qui était avec toi ?
– Personne, je vous dis. »
Un sifflement brisa le doux cours du Nil avant qu'un gémissement de douleur ne suive. Aapep réussit à retrouver son équilibre rapidement et porta sa main droite à son bras qui le faisait horriblement souffrir.
« Qui était avec toi ?
– Je ne sais pas qui c'est, je ne le connais pas.
– Menteur. »
Un deuxième coup arriva, puis un troisième.
« Qui était avec toi ?
– C'était seulement un voyageur, trembla sa voix.
– Menteur. »
Un nouveau coup tomba.
« Quand te tiendras-tu tranquille, fils d'Apophis ? Quand apprendras-tu à rester à cette place qui est la tienne ? »
Aapep tomba à genoux sous le nouveau coup qui lui fut infligé.
« Tu devrais t'estimer heureux que le grand prêtre accepte de te laisser en vie et en exil ici. Criminel. Déchet. Blasphème. Souillure. Impur. »
Il lui cracha alors dessus et les autres prêtres présents derrière lui ricanèrent.
« Qui était avec toi ? »
Aapep sentit qu'il allait craquer. Mais il ne dirait rien. Révéler que son ami était le fils de Pharaon ne changerait rien. Soit on le blesserait tout autant parce que l'on considèrerait ça comme impossible, soit on l'accuserait de vouloir détourner l'héritier du trône du chemin d'Aton et on ferait de même, tout en allant ramener l'information au roi. Et si on faisait ça, il savait que plus jamais il ne pourrait revoir son ami. Son seul ami. Et ça, il en était hors de question. Hotepaton valait bien tous les coups, toutes les humiliations et toutes les plaies du monde.
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