Chapitre 𝟯𝟲 - Les deux rivaux
[31/08/2020]
Bonsoir bonsoir !
Happy JK day ! (Je peux, il est plus de minuit en Corée xD)
Ce chapitre fait partie de ceux que j'ai rajoutés au fil de ma documentation. Je ne connaissais absolument pas cette histoire (ou cette version de l'histoire) et vous vous doutez bien que lorsque je suis tombée sur ça, mon petit cerveau a fait la danse de la joie en fourmillant d'idées. Sérieux, cette "coïncidence", j'étais sur le cul XD
Bref, j'espère qu'il vous plaira. J'aime énormément la fin d'ailleurs ozhzuhirth
Bref.
Bonne Léocture ! ♥
~~+~~
Plusieurs semaines s'écoulèrent avant que les sandales du prince ne passent de nouveau l'entrée du temple d'Amon. À la suite de sa bête fuite après qu'Aapep l'ait taquiné un peu trop, il était rentré au palais d'Akhetaton en pleine nuit et n'avait pas été le plus discret qu'il soit. Il s'était fait attraper par la garde alors qu'il rentrait dans la demeure par les jardins, et il avait dû faire face à son père dès le lendemain matin, qui avait bien entendu été mis au courant de sa sortie nocturne, bien que cela fut plus une entrée si on souhaitait jouer sur les mots. Il avait en quelque sorte été consigné, et bien qu'habituellement il ne se gênait pas pour enfreindre les règles, cette fois, il s'était tenu à carreau. Pourquoi ? Parce que contrairement aux fois précédentes où il s'était fait remonter les bretelles, ce jour-là, son père avait évoqué le temple d'Amon et l'homme s'y trouvant. C'était peut-être simplement pour le tester, il n'en savait rien, mais il s'était tendu, et il avait eu peur.
Cependant, après plusieurs semaines de quarantaine à devoir étudier sans aucun plaisir, restant enfermé dans le palais à fixer inlassablement le ciel de jour comme de nuit, Hotepaton avait craqué et s'était enfui de cette prison dès qu'il avait de nouveau eu l'autorisation de la quitter. Et marchant désormais rapidement sur les pierres taillées, il n'avait qu'une envie : retrouver son meilleur ami. Pouvait-il le comparer à qui que ce soit de toute façon ? Il était sans aucun doute le seul, désormais. Le seul avec qui il partageait tant de choses, le seul qui le regardait comme n'importe qui et ne se gênait pas pour lui parler franchement.
Il se dirigea vers le sanctuaire et regarda entre les portes restées entrouvertes. Aapep était là, en train de prier, comme bien souvent. Comme trop souvent. Pourquoi prenait-il cette fonction autant au sérieux s'il ne croyait même pas en son dieu ? Cela lui échappait totalement. Hotepaton continua de l'observer pendant de longues minutes avant de rebrousser chemin. Il remonta jusqu'à la salle hypostyle et s'assit contre l'une des nombreuses colonnes. Il ne voulait pas le déranger.
Il attendit encore et encore, quand enfin les portes de la salle sacrée se refermèrent. Il releva la tête et écouta les pas de son ami venir vers lui. Ce dernier s'arrêta cependant avant d'atteindre la salle aux colonnades. Pouvait-il le rejoindre maintenant ? En entendant Aapep s'affairer, il patienta un peu, puis il perçut de nouveau ses pas fouler les dalles beiges. Il vit son ami entrer dans la salle et commencer à la traverser, alors il voulut se redresser, mais à peine eut-il le temps d'esquisser un mouvement que le prêtre se figea d'un coup, observant autour de lui, le corps tendu.
« Qui est là ? »
Un sourire éclaira aussitôt le visage du prince qui se releva et partit en sa direction. Cependant, le serviteur d'Amon sortit sa lame rapidement et se retourna vers lui, l'arme dans sa direction.
« Fils d'Aton... murmura-t-il, incrédule.
– Je suis revenu, mon ami ! Lâche donc ça, tu vas finir par me transpercer un jour ! »
Aapep ne bougea pas alors son aîné poussa doucement son poignet pour lui sauter dessus et le serrer contre lui.
« Aaaaaaaaaaaaaah, c'était si long sans toi ! Tu m'as manqué ! Les leçons du précepteur étaient totalement inintéressantes ! C'est tellement mieux quand c'est toi qui me racontes tout ça ! »
Le prêtre resta figé, le regard perdu sur les fresques en face de lui, avant que ses yeux ne descendent doucement sur l'épaule et le bras orné d'or qui passaient sous son visage.
« Tu...
– Mmh ? » demanda Hotepaton en relâchant son étreinte.
Il recula légèrement et observa son ami qui le regardait avec surprise.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
– Je ne m'attendais pas à te revoir, souffla alors Aapep. Je suis surpris.
– Ah ? Agréablement ou pas ?
– Tu as su te tenir tranquille pendant quelques minutes alors disons que pour le moment, oui, c'est plutôt agréablement surpris. »
Hotepaton lui sourit largement, alors il lui répondit de façon plus modérée avant de reprendre sa route. Une fois dans son petit habitat, il déposa son poignard sous sa couche et se changea sous les yeux de son ami avant de se retourner vers lui.
« Je pensais que tu t'étais enfin lassé, dit-il calmement.
– Lassé ? Lassé de quoi donc ?
– De venir jusqu'ici ? Ou de moi ?
– Comme si je pouvais me lasser de toi, pouffa le prince tout en portant sa main droite à sa nuque, légèrement mal à l'aise.
– Pourquoi n'es-tu pas venu pendant autant de temps alors ? Je t'ai vraiment fait peur, l'autre jour ?
– Non, c'est... Non, ce n'est pas à cause de ça. »
Aapep fronça les sourcils une demi-seconde avant que son visage ne redevienne neutre.
« Je me suis fait attraper par la garde en rentrant, et je me suis fait fortement réprimander par mon père le lendemain... Il m'a consigné au palais jusqu'à aujourd'hui.
– Ah oui ?
– Oui.
– Et donc, la première chose que tu as pensé faire, c'est courir jusqu'ici pour me voir ? »
Les pommettes du prince rougirent alors légèrement tandis qu'Aapep rigola avec amusement.
« Je suis touché, mon prince. Quelle faveur pourrais-je vous accorder en échange de votre si grand intérêt pour ma personne ?
– Arrête de te moquer de moi, grogna Hotepaton.
– Moi, me moquer de toi ? Me moquer du fils de Pharaon ? Jamais, comment pourrais-je oser faire une telle chose ?
– Y a pas à dire, tu es vraiment un serpent », siffla le plus âgé entre ses dents.
Le prêtre éclata alors de rire et se rapprocha de son ami avant de passer légèrement sa main le long de son bras.
« Je suis un serpent, sourit-il en effleurant le bracelet de son pouce.
– Oui. Tu ne devrais pas être un prêtre d'Amon.
– En effet. D'autres dieux apprécieraient bien plus que lui de m'avoir à leur service.
– C'est certain. »
Le serviteur d'Amon rigola doucement puis baissa les yeux. Il contourna ensuite son ami et quitta sa minuscule demeure pour retourner au temple. Il se balada dans l'enceinte en silence, les mains croisées dans son dos, et Hotepaton revint bien vite à sa hauteur. Il ne dit rien pendant plusieurs minutes, marchant simplement à ses côtés, quand Aapep finit par prendre la parole.
« Alors, que faisons-nous aujourd'hui ?
– Tu veux faire quelque chose ? s'étonna le prince.
– Pourquoi pas.
– Sérieux !?
– Oui, pourquoi souris-tu comme ça ?
– Parce que d'habitude, c'est moi qui dois insister pour que tu veuilles faire quelque chose !
– Il fait particulièrement beau aujourd'hui, et je n'ai pas d'idées noires en tête. Alors autant en profiter.
– Tu pourrais me lire une histoire ?
– Une histoire ? Pardon !?
– Ou m'en raconter une ! Tu disais que tu en connaissais des tas ! Et puis j'adore quand tu me fais la lecture.
– Tu adores parce que ça t'empêche de faire des efforts pour élargir tes connaissances culturelles, oui.
– Du tout ! Ça me détend d'entendre ta voix. »
Aapep s'arrêta alors, les sourcils froncés, et lorsque le prince s'en rendit compte, il s'arrêta à son tour et se retourna.
« Quoi ? demanda-t-il.
– Rien. »
Le prêtre reprit son chemin et ils quittèrent le temple, puis l'enceinte sacrée. Ils marchèrent en silence pendant de longues minutes en direction du nord, et le temple d'Ipet-sout se dessina sous leurs yeux au loin.
« Tu veux qu'on aille là-bas ? demanda le prince.
– Mmh ? Non. Enfin, il y a un endroit que j'aime énormément dans ce temple, mais je n'y suis pas le bienvenu.
– Ah bon ? Mais pourquoi ? Il était pourtant dédié à Amon !
– Longue histoire. »
Hotepaton leva les yeux au ciel, puis une hypothèse lui vint à l'esprit.
« Ah, c'est parce qu'il est dédié à Aton maintenant, à cause de mon père ? C'est pour ça que tu n'y es plus invité ?
– On va dire ça.
– J'aimerais bien voir ce que c'est devenu en réalité... J'étais petit la dernière fois que j'y suis allé. »
Ils continuèrent de marcher en silence, puis Aapep s'arrêta et commença à faire demi-tour. Hotepaton le suivit sans rien dire, et repartant vers le sud, le prêtre finit par retourner vers son temple, puis vers sa minuscule maison. Il s'assit contre le mur donnant sur le sud, légèrement abrité du soleil, puis le fils de Pharaon vint faire de même. Ils restèrent muets, simplement heureux d'être en compagnie de l'autre, puis le prince se tourna pour se laisser tomber sur les cuisses de son ami, les yeux fermés. Ce dernier, bien que surpris, ne sursauta pas et ne le repoussa pas. À quoi bon.
« Raconte-moi une histoire, quémanda alors le plus âgé.
– Une histoire sur quoi ?
– Eh bien... L'autre jour, tu disais que les seules histoires que tu croyais réellement, c'étaient celles concernant Amon, Anubis et Seth. Non ?
– Si.
– Tu n'as pas quelque chose à me raconter sur eux ? Quelque chose que je ne connais pas déjà ?
– Que connais-tu ?
– L'histoire de leur naissance, leurs rôles, les grandes lignes, quoi.
– Mmh... »
Le prêtre se perdit dans ses pensées, et après de longues secondes de réflexion, une histoire lui vint à l'esprit. Il sourit, puis baissa la tête, et quand ses yeux se rouvrirent, ils se noyèrent dans ceux de son ami qui le fixait toujours en attendant une réponse.
« Alors ? Tu as trouvé ?
– Peut-être. Tu connais l'histoire d'Horus et Seth ?
– Horus et Seth ? Oui, tu m'as raconté la naissance d'Horus l'autre jour même si je connaissais déjà, mais-
– Non, le coupa son cadet, leur histoire à tous les deux.
– Je sais qu'ils sont rivaux. Seth voulait gouverner l'Égypte après la mort d'Osiris. Il s'estimait plus compétent qu'Horus.
– C'est ça.
– Donc du coup oui, je la connais.
– Ils sont surnommés "les deux rivaux".
– Oui.
– Tu connais donc leur histoire... mais connais-tu leurs aventures ?
– Leurs aventures ?
– Oui. C'est le récit de ce qu'il se passe entre la mort d'Osiris et la montée sur le trône d'Horus. C'est une histoire que j'ai lue il y a longtemps... »
Aapep laissa sa tête partir en arrière jusqu'à cogner doucement contre le mur et il ferma les yeux.
« Raconte-moi alors ! Je suis curieux. »
Le prêtre sourit, et lorsqu'il sentit la main de son ami se fermer autour de son poignet alors qu'il le suppliait une fois de plus de lui raconter l'histoire, il finit par ouvrir la bouche.
« Très bien. Tu risques de rire, c'est assez drôle. Mais ne m'interromps pas, ça en vaut la peine.
– D'accord. Je t'écoute ! »
Le serviteur d'Amon prit une grande inspiration, gardant ses yeux clos, puis il commença son récit alors qu'Hotepaton reposa sa main contre sa poitrine, le poignet de son cadet toujours entre ses doigts.
« Après la mort d'Osiris, le trône d'Égypte devait donc revenir à Horus, mais Seth le considérait comme devant lui revenir de droit. Il tenta donc de s'en emparer, sans succès. Puis, aidé de sa mère Isis, Horus convoqua l'Ennéade afin qu'ils tranchent une bonne fois pour toutes sur le sujet. Au fil des accords et médiations, Rê, qui présidait le conseil, resta sur son premier avis et vota en faveur de Seth car il jugeait Horus trop jeune pour une telle place. Cependant, Isis ne comptait pas en rester là ; elle voulait voir son fils sur le trône, alors elle tendit un piège à Seth en se métamorphosant en servante et en le séduisant. Elle lui raconta une histoire, paraphrasant celle qu'ils étaient en train de vivre, et son frère se déjugea sans même s'en rendre compte. En voyant cela, Rê changea finalement d'avis et pencha en faveur d'Horus en lui donnant le trône d'Égypte ; faire confiance à une inconnue si facilement n'était pas digne d'un roi. »
Il fit une légère pause pour humidifier ses lèvres, puis reprit.
« Tu penses bien que Seth était fou de rage. Et évidemment, il ne se laissa pas faire. Il proposa alors à Horus une épreuve d'apnée pour les départager, tandis qu'ils seraient changés en hippopotames. Mais Isis, ayant trop peur que son fils perde, lança un javelot dans l'eau. Malheureusement, ce dernier frappa Horus, alors elle voulut en lancer un second en direction de Seth mais elle se ravisa lorsqu'elle l'entendit se lamenter. Horus fut fou de rage à son tour en voyant cela alors il décapita sa mère.
– Quoi ? s'écria alors Hotepaton. Horus a décapité Isis ?
– Je n'ai pas terminé, rigola Aapep. Je t'ai dit de ne pas m'interrompre.
– C'est vrai, pardon. Mais c'est bizarre.
– Je sais, rigola de nouveau le prêtre. Et tu n'es pas au bout de tes surprises. »
Il sourit largement, puis rouvrit les yeux pour les poser sur Hotepaton. Ce dernier le regardait d'un air perplexe. Aapep referma ses paupières et reposa son crâne contre le mur avant de reprendre son récit.
« Seth partit alors à la suite d'Horus et lui arracha les yeux avant de les enterrer et de retourner au tribunal, mais la déesse Hathor réussit à redonner la vue au fils d'Osiris. Rê conseilla alors aux deux dieux de faire la paix. En vue de cela, Seth invita son neveu à un banquet. »
Aapep rouvrit les yeux sur le ciel, un nouveau sourire étirant ses lèvres.
« Tu penses qu'il voulait faire la paix ? Réellement ? »
Il attendit quelques secondes, puis descendit ses yeux sur Hotepaton.
« Quoi ? Je devais répondre ? Tu m'as dit de ne pas t'interrompre ! »
Le serviteur d'Amon pouffa alors et desserra son poing pour saisir le menton de son ami.
« Bravo, je suis fier de toi.
– Te fous pas de moi, le repoussa-t-il alors en relâchant son poignet.
– Je ne me moque pas de toi.
– Mmh. Mais du coup je pense que la réponse est non, sinon il n'y aurait aucun intérêt à cette histoire. »
Le prêtre lui sourit tendrement, puis reposa ses yeux sur le ciel, son crâne contre le mur, tandis que sa main retrouva sa place contre la clavicule gauche du prince qui le laissa faire sans aucun problème.
« Bien sûr que non, en effet. Seth est le dieu du désert, mais aussi de la confusion, du désordre et de la perturbation. Évidemment qu'il avait une idée derrière la tête. Sitôt le banquet terminé, il invita donc Horus dans sa chambre. Ils se couchèrent l'un à côté de l'autre, et Seth attendit patiemment de pouvoir humilier son neveu afin de le discréditer devant l'assemblée des dieux, pouvant ainsi prouver que lui seul était légitime à s'asseoir sur le trône. Et donc, pendant la nuit, Seth se dévêtit et vint se placer entre les cuisses d'Horus. Ce dernier put cependant déjouer son plan, et il recueillit la semence de son oncle de ses deux mains. »
Il fit de nouveau une petite pause et inspira avant de continuer. Il s'attendait à ce qu'Hotepaton intervienne sur cet élément de l'histoire, mais il n'en fit rien.
« Malgré tout apeuré, Horus partit donc à la recherche de sa mère qui entre-temps eut retrouvé sa tête grâce à Thot. Horrifiée, cette dernière trancha les deux mains du dieu, qui tombèrent dans le Nil. Elle lui en rendit de nouvelles, sans doute grâce à sa magie, puis elle masturba son fils pour récupérer sa semence dans un pot.
– Sérieusement ?
– Oui.
– C'est... bizarre.
– Tu trouves ?
– Oui. Enfin, je dis ça, mais je vais devoir épouser ma sœur, et si ça se trouve, je prendrai une de mes filles comme troisième ou quatrième épouse comme mon père, alors bon... »
Aapep pouffa légèrement avant de prendre une grande inspiration. La généalogie de la famille royale était un beau bordel.
« Après avoir fait ça, elle se rendit dans le jardin de Seth. Je ne sais pas si tu es au courant, mais il se nourrit exclusivement de laitues. Alors, convaincue que le dieu finirait par les manger, Isis y versa le sperme d'Horus. Comme tous les jours, Seth vint donc chercher son repas et le mangea sans se douter de rien. Et ainsi, ce fut lui qui se retrouva avec la semence de son rival à l'intérieur de lui. Ne sachant pas le tour qu'avait joué Isis, et toujours convaincu d'avoir pu triompher de son neveu la veille, il convoqua ce dernier devant le tribunal afin de le discréditer et de se faire couronner pharaon. "Faites qu'on me donne la fonction de souverain, car Horus que voici, j'ai fait œuvre de mâle contre lui", déclara-t-il à l'assemblée. Toute l'Ennéade fut alors scandalisée et se retourna vers Horus pour lui cracher au visage. Mais le jeune dieu n'avait pas encore abattu sa carte maîtresse.
– Le coup de la laitue ?
– Exactement, répondit Aapep, son pouce bougeant doucement contre l'épiderme de son ami. "Tout ce qu'a dit Seth est mensonge. Faites appeler le sperme de Seth, que nous voyions d'où il répondra, et qu'on appelle le mien, que nous voyions d'où il répondra" dit-il alors. Tout le monde fut horriblement confus, mais Thot se reprit et appela la semence de Seth. Celle-ci lui répondit alors depuis le Nil. Il fit ensuite la même chose pour celle d'Horus, et soudain, celle-ci répondit depuis le corps de Seth. "Par où vais-je sortir ?", demanda-t-elle. "Sors par l'oreille", répondit alors le dieu lunaire.
– Par l'oreille ? rigola Hotepaton.
– Oui, rigola Aapep. Et là, elle répliqua : "Moi, liquide divin, je ne vais tout de même pas sortir par son oreille !" »
Hotepaton éclata de rire, bougeant contre les cuisses de son ami qui pouffa fortement à son tour en l'entendant faire.
« C'est n'importe quoi ! s'exclama le prince en continuant de rire.
– Oui, mais c'est drôle !
– Certes ! Et ensuite !?
– Ensuite, reprit Aapep en calmant doucement son rire, Thot lui dit de sortir par le front de Seth. La semence d'Horus jaillit alors du crâne de son rival sous la forme d'un disque d'or. En voyant cela, tout le monde fut stupéfait, et Seth entra dans une colère noire en se rendant compte qu'il s'était fait duper. Il tenta donc de s'emparer du disque et de le briser, mais Thot le lui déroba et le plaça sur sa tête telle une couronne. C'est pour ça qu'il est parfois représenté comme un babouin avec un disque sur la tête.
– D'accord... Et après ?
– Après, Osiris revint de l'Au-delà et menaça de mettre fin à la fertilité de l'Égypte si jamais cette guerre ne cessait pas. L'ensemble des dieux couronna alors Horus, et Seth fut invité par Rê à monter sur la barque solaire. Désormais, son rôle serait de le défendre contre Apophis à chaque lever de soleil, protégeant ainsi le renouveau. »
Après la conclusion de cette histoire, les deux jeunes hommes restèrent silencieux. Aapep sentait le cœur de son aîné battre à travers sa peau, et ça lui faisait du bien. Il finit par mettre sa main à plat sur la poitrine du prince et inspira profondément. Étrangement, ça le calmait.
« C'est vraiment étrange, comme histoire, murmura alors Hotepaton. Je n'ai jamais entendu cet aspect du mythe.
– Ça ne m'étonne pas. Il y a de nombreuses choses qui restent cachées.
– Ou qui sont inventées. Qui te dit que c'est l'histoire originale ?
– Rien, tu as raison, dit le prêtre en haussant les épaules. Mais il est bien connu que Seth a une sexualité assez débridée. C'était sans doute pour cela que ça ne m'avait pas choqué lorsque j'avais lu ça.
– Mmh.
– Tu imagines comment le monde serait, si Seth avait réussi son tour ? S'il avait régné sur l'Égypte ?
– Le pays aurait été confusion et sécheresse.
– Tu penses ?
– Oui. C'est son rôle après tout. Et son caractère. Il n'aurait pas fait attention au pays, au peuple, j'en suis certain. Il n'aurait pas fait un bon roi.
– Tu as peut-être raison. »
La main d'Aapep glissa doucement sur la peau de son aîné qui rouvrit les yeux et les reposa sur lui. En sentant son cœur accélérer doucement, le prêtre descendit ses pupilles sur son ami.
« Tout va bien ? Pourquoi est-ce que ton cœur accélère d'un coup ? »
Hotepaton crispa sa mâchoire et se redressa. Il resta dos à lui pendant quelques secondes, puis lui refit face.
« J'ai soif.
– Oh. Tu veux que j'aille te chercher de l'eau ? »
Le prince fronça alors les sourcils.
« Tu veux aller me chercher de l'eau ? Tu es sûr que toi tu vas bien ? Habituellement, tu m'aurais envoyé balader si j'avais osé te demander une telle chose. »
Aapep pouffa et tourna la tête sur sa gauche.
« Oui, tu as peut-être raison. Mais aujourd'hui, les choses sont différentes.
– Ah bon ? Pourquoi ?
– Regarde comme le soleil brille. »
Le fils de Pharaon leva les yeux au ciel une seconde, avant de les reposer sur son ami.
« Oui, et alors ?
– Tu brilles autant que lui, désormais. Tu seras un grand roi. »
Aapep se leva alors pour aller chercher de l'eau. Hotepaton l'imita aussitôt et le rattrapa. Quelque chose n'allait pas. Il s'empara de son poignet et tira dessus pour que son ami se retourne vers lui.
« Aapep, qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai dit quelque chose d'étrange ? »
Le serviteur d'Amon plongea ses pupilles dans celles de son aîné et ces dernières valsèrent lentement entre elles. Puis, il remonta sa main libre vers le visage de son ami et posa sa paume sur son crâne lisse, avant de glisser doucement le long de son visage, ses doigts l'effleurant. La peau du prince frissonna étrangement et il avala sa salive difficilement.
« Non. Tu seras un grand roi. Je le sais. Il est temps que j'apprenne à rester à la place qui est la mienne. »
Puis, il se défit de la prise de son ami et s'en alla lui chercher de quoi se désaltérer. Hotepaton était le digne fils d'Aton : brillant, plein de vie, aimant et ravivant. Le prêtre avait vu une ombre sur son avenir radieux, et il savait que c'était lui. Lui était aussi sombre que les ténèbres, que les dieux qu'il priait en secret, que celui dont on avait emprunté le nom pour lui donner. La nuit ne pouvait pas s'étendre sur le jour, elle ne pouvait pas empêcher le soleil de se lever. Peut-être avaient-ils déjà atteint le point de non-retour, mais Aapep pouvait encore corriger le tir, il en était convaincu. Il ne devait pas être la cause d'une éclipse permanente ou d'un jour gris. Il fallait qu'il se détache de l'astre qui lui tenait tant à cœur, et qu'il fasse tout son possible pour voir le soleil se lever chaque jour à l'avenir.
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