Chapitre 𝟮𝟯 - Cher hasard
[30/07/2020]
Bonjour bonjour !
C'est avec une bosse en plein milieu du front et un mal de crâne carabiné depuis 3h que je vous poste ce chapitre XDDD
Il fait tellement chaud aujourd'hui... une horreur. J'ai hâte de me coucher. Faut que je trouve un truc devant lequel comater en attendant...
J'espère que ce chapitre vous plaira.
Bonne Léocture ! ♥
~~+~~
Le fils de Pharaon s'était une fois de plus enfui de la cité d'Akhetaton. Il s'ennuyait au palais. Il voulait chasser, pêcher, voyager, partir au combat dans les pays voisins... Peu importait du moment que ça puisse le faire échapper aux longues et ennuyeuses leçons de son précepteur, aux remarques toujours plus dures de son père sur son comportement et son manque de maturité, et à sa demi-sœur qui tentait tant bien que mal de se rapprocher de lui.
De plus, son petit frère n'avait plus le droit de sortir du palais, et ils n'avaient plus le droit de jouer ensemble, même si leur grande différence d'âge se faisait bien trop sentir désormais. Le petit Toutânkhaton voulait sortir et tenter de courir dans l'herbe et le sable comme lorsqu'ils étaient petits, même si son handicap le faisait de plus en plus souffrir, mais ça leur était désormais interdit.
Tout ça énervait le jeune Hotepaton, et même si son cadet tentait de lui faire croire que tout allait bien, il savait qu'il n'en était rien. Ça l'énervait de le voir marcher si lentement dans le palais parce que les médecins avaient décrété que c'était désormais une obligation, et ça l'énervait de le voir rester entre ces murs blancs continuellement parce qu'il ne devait plus sortir car le monde extérieur était dangereux pour lui, tout en, pourtant, continuant de sourire.
Il avait également perdu nombre d'amis depuis son enfance à cause de son père, lorsque ce dernier avait déplacé la capitale de Ouaset à Akhetaton. Hotepaton se fichait des enfants bien trop grands ou trop maniérés des hommes de la cour : il préférait de loin les enfants du peuple avec qui il jouait quand il était petit lorsqu'il s'enfuyait du palais, délaissant temporairement son petit frère préféré.
Le prince héritier ne supportait plus tout ça.
D'un tempérament têtu et rebelle, il avait alors décidé qu'il ferait comme bon lui semblerait, tant que cela lui serait possible. Alors désormais, dès que les gardes avaient le dos tourné, il prenait son char et quittait la cité pour voyager, mais également pour retourner dans son ancienne maison désormais quasiment abandonnée, et pour retrouver ses anciens compagnons de jeu. Au départ, il partait seul avec son ami Ab-Nesem. Un peu plus âgé que lui mais très bon combattant, ils s'étaient toujours bien entendus et avaient partagé moult aventures ensemble. C'était largement suffisant. Mais dernièrement, ce dernier léchait bien trop les bottes du roi au goût du prince et ça l'irritait. Mais de toute façon, il n'avait plus besoin de lui ; le pays était en paix, tout le monde louait Aton et la famille royale, tout allait bien. Enfin, officiellement.
Et alors qu'il commençait à approcher de Ouaset, qui se trouvait sur la rive orientale, le jeune Hotepaton passa devant le temple d'Ipet-sout, puis il aperçut le temple d'Amon qui semblait incroyablement mort. Après tout, la mise en place du culte d'Aton avait dû leur faire du tort, mais Aton était le seul et unique dieu : cela ne servait à rien de prier des dieux inférieurs.
Il continua de descendre vers le sud pour traverser, mais quelque chose sembla l'appeler dans son dos. Il arrêta alors ses chevaux et se retourna. Le petit temple l'appelait. Il resta silencieux à fixer la pierre du petit mur d'enceinte, puis finit par remonter vers le nord. Après une dizaine de foulées, il descendit finalement de sa voiture et marcha sur de longs mètres, jusqu'à arriver à la porte du domaine. Il l'observa longuement, puis posa ses yeux sur l'intérieur du sanctuaire qui semblait désert. Est-ce que les prêtres continuaient d'y vivre malgré tout ? La dernière fois qu'il était venu ici, il lui avait semblé qu'il n'y avait plus que cet enfant. Enfin, cet ado, il avait grandi en quelques années. Était-il toujours là ?
Il entra alors dans l'enceinte, puis passa le pylône qui gardait l'entrée du temple. Cette fois, il prit son temps et s'émerveilla de ce qu'il découvrit. Il n'avait jamais vraiment fait attention aux gravures sur les murs et les colonnes, aux couleurs, à la hauteur du plafond, à la beauté du lieu.
Après avoir traversé la colonnade d'accueil, il arriva dans la cour semi-ouverte construite par son grand-père. Puis, il pénétra dans une nouvelle salle, et continua son chemin. En somme, il remettait ses pas dans ceux de la fois précédente.
Ce jour-là, il put traverser la salle des offrandes et atteindre la chambre de la barque. Pharaon avait beau ne plus rien donner aux temples des autres dieux, Hotepaton ne pouvait pas se faire la remarque que cet endroit était dépourvu de richesses : de l'or ornait l'objet posé au centre de la pièce. Il le contourna et continua d'avancer, et c'est là qu'il le vit.
Sur ses genoux, les yeux clos et la tête penchée en arrière, l'ancien enfant au mauvais caractère était là, les mains jointes devant sa poitrine. Puis il ramena son corps en avant et ses mains s'élevèrent gracieusement au-dessus de sa tête avant qu'il ne s'incline devant la statue du dieu, couverte d'or, d'huiles et de parfum, qui était érigée au centre de la pièce, entourée de fruits. Le prince regarda cet homme prier encore et encore, inlassablement, chantant quelques fois avant d'encore s'incliner.
Soudain, ce dernier se figea. Il se jeta sur un objet au sol, puis se retourna avant de se ruer vers Hotepaton et de se jeter sur lui. Quand il le reconnut, il s'arrêta dans ses gestes, mais sans pour autant baisser son poignard qu'il tenait toujours fermement.
« Toi. »
Le prince avala sa salive difficilement et recula d'un pas, puis d'un autre, ses mains s'étant levées inconsciemment devant lui, les paumes face à son agresseur.
« Je... ne voulais pas te déranger...
– Que fais-tu ici ?
– Je passais... par hasard.
– Bah voyons. Nous nous rencontrons beaucoup par hasard, fils d'Aton. »
Le prêtre baissa son arme et Hotepaton fit un nouveau pas en arrière en soupirant de soulagement.
« Si tu fais un pas de plus en arrière et que tu touches la barque, je te tranche la gorge. »
Le jeune homme se tendit et son cœur loupa un battement sous la peur. Il fit donc un saut en avant et se retourna pour voir la barque de bois couverte d'or dans laquelle il avait failli reculer. Il se plia en deux, ses mains sur ses genoux, et expira bruyamment. Décidément, à chaque fois qu'il venait ici, il risquait de mourir de façon bien plus certaine que s'il était tombé sur une caravane de marchands étrangers ou encore dans le lac des crocodiles sacrés.
« Donc, je réitère ma question. Que fais-tu ici ?
– C'est un hasard, je t'ai dit. Et toi ?
– Je fais ce pour quoi je suis né. »
Le prêtre traversa alors la salle de la barque, puis celle des offrandes, ignorant totalement le fils de Pharaon qui fronça les sourcils avant de lui emboîter le pas.
« Ce pour quoi tu es né ? demanda-t-il en arrivant à son niveau. C'est idiot, tu n'es pas né pour prier un dieu qui a été limogé.
– Ceci a été décrété après ma naissance.
– Même.
– Pense ce que tu veux. Sors d'ici, tu n'as rien à faire là.
– Mais tu vis toujours ici ?
– Oui.
– Tout seul ?
– Oui, soupira le prêtre.
– Mais comment ça se fait ? Où sont passés les autres ? Tu ne peux pas t'occuper de tout ça tout seul !
– Et pourtant, je le fais. »
Hotepaton arrêta de marcher et regarda le prêtre drapé de blanc pénétrer dans la cour aux dizaines de colonnes. Sentant qu'il n'était plus suivi, ce dernier se retourna.
« Que fais-tu ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
– Tu ne t'ennuies pas, tout seul ?
– Non. Pourquoi restes-tu là ? Viens. »
Le prince arqua ses sourcils. « Viens » ? Il ne se fit pourtant pas prier et reprit sa marche pour le rejoindre rapidement. Cependant, le jeune homme ne se dirigea pas vers la porte de la colonnade processionnelle afin de ne mener dehors. Au lieu de ça, il tourna sur leur gauche et se dirigea vers une ouverture menant en direction l'ouest.
Hotepaton le suivit et ils se retrouvèrent à l'extérieur, mais toujours dans l'enceinte du sanctuaire. Le jeune prince se retint de justesse de lâcher un soupir d'émerveillement. Il n'était jamais venu dans cette partie du lieu, il ne savait même pas qu'il existait autant de bâtiments et de verdure. Ils continuèrent de marcher pendant quelques minutes, passant entre diverses statues, avant de rentrer dans une minuscule pièce. Hotepaton resta à l'entrée et regarda le prêtre se déshabiller entièrement avant d'enfiler une autre tunique, puis se pencher au-dessus d'une large écuelle dans laquelle il plongea ce qui ressemblait à un verre. Il porta ensuite ce dernier à sa bouche, en avala le contenu, puis se tourna vers l'homme qui venait une fois de plus de s'incruster chez lui.
« Tu as soif ?
– Euh... Non merci. »
Le prêtre ricana et reposa son verre de terre cuite avant de se relever et de faire reculer le prince pour sortir.
« C'est... ta maison ?
– Oui.
– Sérieusement ? Avec tout ce qu'il y a comme bâtiments... tu vis là-dedans ?
– Oui. Ça me suffit. »
Hotepaton avait du mal à croire ce qu'il entendait là. Comment pouvait-on être satisfait de vivre dans une seule pièce, et surtout si elle était aussi petite que ça ?
« Bien. Maintenant que tu es revenu ici par hasard, que j'ai pu assouvir ta curiosité un peu plus, vas-tu t'en aller ?
– Quoi ? »
Le prêtre tourna la tête vers le prince et leurs pupilles se rencontrèrent.
« Qu'es-tu réellement venu faire ici ? Akhetaton est à plusieurs jours de ce temple. Pourquoi reviens-tu ici ? »
Les yeux du prince valsèrent entre ceux de son vis-à-vis, puis il les baissa sur son nez, ses lèvres, puis les remonta aux siens avant de les lever sur le ciel en soupirant.
« Je n'aime pas Akhetaton. On dirait un poulailler. Je préférais quand on vivait ici. Et puis la plupart de mes amis sont restés à Malqata. Ce n'étaient pas des personnes de la cour.
– Tu étais ami avec des gens du peuple ? s'étonna le prêtre.
– Oui. Je m'enfuyais souvent du palais et je jouais à l'extérieur. Malheureusement, à coup de menaces, beaucoup de mes amis ont arrêté de venir me voir, ils avaient trop peur...
– Menaces de qui ?
– Je pense que tu connais la réponse. »
Pharaon. Évidemment.
« Alors pourquoi viens-tu ici s'ils ne veulent plus te voir ?
– Parce que ça me rend nostalgique. Et puis ça me fait plaisir de les voir, même si nous n'avons plus rien en commun, qu'ils ont peur qu'on nous voie discuter, et que bien souvent, je reste simplement au loin à regarder comment ils vivent.
– Je vois. »
Le prêtre reprit sa marche et Hotepaton le suivit sans rien dire. Ils finirent par se diriger vers le mur d'enceinte et le prince comprit très bien ce qu'il se passait. Il le menait dehors, cette fois.
« Comment tu t'appelles ? »
Le plus jeune roula des yeux avant de secouer la tête de droite à gauche.
« Tu ne lâches jamais l'affaire...
– Non, sourit Hotepaton.
– Je n'ai pas de nom.
– Tu m'avais dit que... »
Il s'interrompit dans sa phrase, des souvenirs lui revenant alors.
« Mmh. Ce n'est pas grave, je t'en trouverai un.
– Si ça te fait plaisir, ricana-t-il.
– Tu m'appelles "fils d'Aton", devrais-je t'appeler "fils d'Amon" ? »
Le prêtre rigola alors plus franchement et cela surprit le prince autant que ça lui fit peur.
« Je ne pense pas que ça soit très adapté.
– En attendant que j'en trouve un plus adapté ?
– Ne te fatigue pas, tu as mieux à faire. »
Le nouveau nommé s'arrêta alors devant l'une des portes ouest du temple, retira la planche bloquant les panneaux, puis il se retourna vers Hotepaton qui lui souriait.
« Non, ça m'amuse. Je te trouverai un nom. Et tu n'en auras pas honte. »
Un léger sourire étira à son tour les lèvres du plus petit.
« Très bien. En attendant, rentre chez toi, fils d'Aton. Et passe par ici. Je ne suis pas certain que sortir par la porte principale serait bien vu.
– Tu te souviens de ce que je t'ai dit lorsque je suis venu la dernière fois ? »
Le jeune homme fronça les sourcils, surpris par le soudain changement de discussion, puis il tourna la tête de droite à gauche, le visage redevenu neutre. Comment pourrait-il s'en souvenir ?
« Concernant quel sujet ?
– Concernant la dette que j'ai envers toi. »
Il fronça alors les sourcils et se rappela du bracelet.
« Ah, oui. Tu avais promis de me rendre mes privilèges lorsque tu serais devenu pharaon.
– Ah, j'avais dit ça ?
– Quelque chose du genre ? Je ne sais plus, mais oublie, je vis très bien modestement, dit-il en poussant les portes.
– Je le ferai. »
Son ton ferme stressa d'un coup le prêtre.
« Je t'avais dit que je viendrais le prier, mais comme il n'est plus loué, c'est impossible. Par conséquent, je ferai en sorte qu'il le soit de nouveau : je ferai une exception pour toi. Je te rendrai tes privilèges et tu pourras prier Amon comme avant, tu n'auras plus à le faire en cachette. Et je viendrai pour prier avec toi.
– Très bien.
– Mais ce n'est pas ce à quoi je pensais.
– Ah oui ?
– Oui. Je me souviens surtout que je t'avais dit que je te ferais sortir d'ici. »
Il attrapa alors les poignets de l'adolescent et tira dessus.
« Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais ? s'écria ce dernier.
– Viens !
– Non ! Je ne peux pas sortir d'ici ! »
Pourtant, persévérant, le prince se retrouva à l'extérieur du temple, le prêtre encore résistant derrière lui. Après avoir fait quelques mètres supplémentaires, il s'arrêta et le lâcha.
« Alors ? Tu en penses quoi ? »
Le serviteur d'Amon releva alors les yeux pour découvrir le Nil qui brillait doucement, et la ville au loin sur l'autre rive. Son cœur se gonfla. Il avait déjà aperçu ce paysage rapidement depuis l'intérieur du temple, ou il y a longtemps lorsqu'il se rendait à Ipet-sout avec ses supérieurs, mais il ne l'avait jamais vu aussi clairement, et d'une aussi grande fenêtre.
« Tu vois, Amon ne va pas se venger parce que tu as osé mettre un pied dehors. »
Le visage du jeune homme se ferma immédiatement et il déglutit.
« Tu ne peux pas comprendre.
– Si, bien plus que tu ne peux le croire. »
Son murmure intrigua le prêtre qui reposa ses yeux sur lui. Le prince avait croisé ses mains dans son dos et fixait l'horizon. Lui aussi avait été enfermé pendant des années. S'il était sorti, c'était parce qu'il s'était enfui.
« J'ai tenu l'une de mes promesses, dit-il alors. Plus que deux, en plus de te trouver un nom.
– Deux ?
– Oui. Celle concernant ton statut et ton temple lorsque je serai pharaon. Et la seconde... »
Il se retourna alors vers le prêtre qui n'avait pas bougé et qui le regardait toujours, légèrement suspicieux. Hotepaton lui sourit alors largement et tendit sa main vers lui.
« Soyons amis, fils d'Amon. »
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