Y´a cette pièce sombre au fin fond de ton cœur, pas d´entrées, pas de sorties, lieu parfait pour la meilleure scène de crime. Du sang pourrait en tartiner les murs, les rendre pourpre de la souffrance des autres ou peut-être même de la tienne, et pourtant personne ne le verrait. La mélodie macabre qui s'y joue sur ce vieux piano aux touches jaunies par le temps pourrait s'y faire de plus en plus grave, jusqu'à se perdre dans les dernières notes à peine accordées de derniers espoirs, et pourtant personne ne l'entendrait. L'odeur putride de la honte, du dégoût, du mal d'être soi pourrait en envahir chaque recoin, inbibant même les murs assombris par la haine, et pourtant personne ne le sentirait.

Et dehors, le sourire resterai. Parce que le cœur, il a un peu honte d'avouer qu'il a fait naitre lui même cette pièce noire de tout ce qu'il voudrait oublier. Parce que ce cœur, charpentier de tes désirs inassouvis d'en finir avec la vie, menuisier de la haine qui règne en toi et destructeur des dernières braises d'amour-propre qu'il te restait, il essaye de leurer le monde en laissant croire que tout va bien. Que couleurs il y a dans ce ciel sombre et que fenêtres échancrées il reste dans un coin de ta pièce sombre.

Mais rends-toi à l'évidence, tu vas pas bien. Arrête de te cacher derrière ton prétendu sourire et arrête de faire croire que rien ne t'atteint. Avoue que tu pleures bien plus que les autres derrière tes grands sourires, que tu flippes bien trop derrière tes airs de fille rassurée.

Arrête de faire croire à tout le monde que tu vas bien alors que tu sais que cette pièce sombre s'est enfuie de ton coeur pour emprisonner l'entièreté de ton être en son sein. Avoue que la situation te dépasse, que tu seras incapable d'arrêter ces murs toute seule, avoue que l'oxygène te manque, que t'as besoin que quelqu'un t'en fournisse encore un peu pour terminer la semaine. Avoue que tu te détestes, qu´il y´aura rien pour changer ça, et que quand vient minuit tu voudrais te faire payer pour tout ça. D´ailleurs, peut-être que tu devrais le faire, ça te prouverait une bonne fois pour toute que tu vas pas bien. Avoue que t´as pas la force, que si ça continue comme ça tu vas calancher dans un coin de ta tristesse.

Putain avoue, dit-le, hurle-le au monde et demande de l'aide. T'en as besoin. Avoue que t'es faible, que t'es devenue tout ce que tu ne voulais pas être. Que t'as jamais su ce que tu voulais faire de ta vie mais que t'étais certaine de ce que tu ne voulais jamais devenir, et que ça te fous la haine d'être devenue ce qui te terrorisait d'être. Avoue que t'as perdu la foi, que tu te reconnais pas -parce que t'as hurlé sur ta mère quand elle t'as dit ça, mais putain, tu la comprends pas au moins un peu?- que si t'étais elle tu detesterai certainement t'avoir pour fille. Avoue que les changements d'humeur deviennent de trop, que tu gères plus rien. Avoue que ça te fatigue trop, que ça t'éloigne de ton corps beaucoup trop, avoue que tu te connais plus, que tu sais même plus à quoi tu ressembles. Avoue que tu t´es perdue de vue, que tu t´es noyé dans cette pièce sombre et que tu ne fais rien pour en sortir, avoue, bouge toi le cul, fais quelque chose, sinon tu trouveras jamais ta place.

Avoue que tu n´es rien, et que t´as besoin d´aide pour devenir quelqu´un. Écrase ta fierté, appelle un psy, explique lui que t'as besoin de quelqu'un.

T'es trop faible pour te sortir de cette pièce sombre seule. T'as besoin que quelqu'un te montre la porte. Alors ose demander. La vie en vaut la peine, je te le promet.