Je laisse le couteau glisser sur ma peau.
Il a une lame rouge dégueulasse, plus vive encore que le sang qui sous ma peau s'amasse.

C'est rouge. Rouge alors que rien ne bouge. Ça picote, c'est ridicule comme ça picote, la lame laisse derrière elle de longues traînées blanches que de mon doigt je frotte.

L'aiguille s'est arrêtée dans le cadran. Logique, elle s'est arrêtée pour voir combien de temps.

Combien de temps il me faudrait pour faire couler mon sang.

Longtemps, longtemps ma douce, tu peux encore attendre longtemps.

Je crois bien que j'ai pas le cran.
Le couteau se promène sur mon epiderme, et derrière lui rien ne germe. Il est pas assez aiguisé, c'est pour ça qu'il arrive pas à percer. Ma coquille. Qui mérite pourtant d'être brisée.

Les marques commencent à se teinter de vermillon. Elles se gonflent de sang, font frémir le carillon.

Combien de temps encore, avant que je ne paye?

Combien de temps encore, avant que de rouge mes vêtements s'égayent?

J'appuie. Plus fort. Je voudrais que ça se perce sans aucun effort.

Malgré ça rien ne bouge, la lame me nargue de rouge.

Le sang ne coule pas. Ma peau résiste à la pression que je lui inflige, las.

Elle refuse de céder, d'abandonner, peut-être est-ce pour me parler.

Si un jour le sang coule, il ne s'arrêtera plus.
Alors arrête.
Tient encore un instant,
T'as déjà tenu si longtemps.
Agrippes-toi encore un instant,
Juste un infime moment,
Juste le temps que souffle le vent,
Et repose-toi, après, comme antan.

Tiens bon.
C'est ce que la lame dit.
Ma couleur est dégueulasse,
Je ne veux pas en plus que ton sang m'enlasse.
Tient bon.
S'il te plait.

S'il vous plait,
Me dites pas que c'est pas le bon moment,
Que tout peut redevenir comme antan,
Aidez-moi juste à tenir encore,
Juste un instant.

Parait que c'est suffisant.