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J'aime la façon dont elle parle de toi.
J'aime ce sourire qui se dessine au coin de ses yeux et ce regard doux qui apparait au creux de ses lèvres lorsqu'elle me raconte vos derniers sourires échangés, vos derniers mots partagés dans le coin d'une pièce ensoleillée, vos derniers regards complices glissés entre deux portes à peine refermées.
Ça faisait longtemps qu'elle ne m'avait pas parlé de toi. Ne lui en veut pas pour ça, je pense juste qu'elle a un peu peur de remuer le passé, d'aborder ces souvenirs doux qui font si mal, ces moments aux contours à peine aiguisés qui tranchent l'âme et la laisse en sang après un vif passage. Je pense que ça la touche encore un peu, tu sais, de parler de toi. Je pense que ça nous touche tous encore un peu, d'ailleurs.
5 ans. Elle m'a dit que ça faisait bientôt 5 ans que tu avais rendu visite à l'Ange de la mort pour lui remettre ton âme en main propre.
J'en revenais pas, 5 putains d'années.
C'est incroyable comme le temps passe vite. Les minutes ont beau défiler différemment depuis ce jour-là, il continue à dévaler la pente, le temps, comme il l'a toujours fait. J'essaye toujours de l'imaginer comme étant une fillette aux longs cheveux blonds qui court dans les prés où poussent les plus belles fleurs rouges, dévalant une colline dont le point culminant dépasse le terrain des dieux. Est-ce qu'elle t'a pris par la main, ce jour-là ? Est-ce qu'elle a fait demi-tour pour remonter la pente avec toi, pour te montrer la voie, pour t'emmener sur ce sentier rocailleux qui mène au toit du monde ?
J'en sais rien. Après tout, peut-être que ton temps à toi, ce n'était pas une fillette aux cheveux blonds, mais plutôt un vieil homme qui descendait doucement un sentier où fanaient les fleurs et mouraient l'espoir. Un sentier aux noirs contours où se perdaient les lueurs du jour. J'espère qu'elles n'étaient pas trop longues, tes minutes noires. J'espère de tout mon cœur qu'elles ont parfois été cette fillette qui dégringolait la colline en riant.
Enfin, pour en revenir à mamy, je voudrais juste te dire qu'elle va plutôt bien. J'adore la voir rire, et elle rit si fort quand je vais la voir en ce moment. Elle fait défiler mes minutes à une vitesse folle, quand elle me raconte ses histoires de jeunesse, la manière dont elle a sauté de ce train en marche pour rejoindre son frère et cette bande de soldat allemands qui avaient remarqué son erreur. Est-ce qu'elle faisait défiler tes minutes à une vitesse folle, à toi aussi, quand tu lui rendais visite ? T'avais déjà entendu cette histoire, dit ?
Et je dois t'avouer, que j'aime aussi quand elle me parle de toi. Même si ça fait mal, même si ça remue des choses qui ne devraient plus bouger, même si ça me renvoie à un moment où on est tous restés assis sans rien faire, j'aime ça, quand ses lèvres forment un cœur humidifié lorsqu'elle sourit en pensant à toi.
Mais aujourd'hui, j'ai ressenti quelque chose d'autre. Une sorte de jalousie. Non pas envers toi, non, plutôt envers elle. Parce que j'avais beau chercher aussi loin que possible dans mon esprit embrumé, je ne trouvais aucun souvenir partagé avec toi entouré de pétales blanches à lui raconter. Je m'en veux un peu, tu sais, de pas avoir profité de toutes ces années.
Ça me rend tellement triste, tu sais.
J'aurais tant aimé qu'on se connaisse un peu plus. T'imagine un peu, ce que ça aurait donné, si on s'était ouverts juste le temps d'un instant? Peut-être que ça n'aurait rien donné du tout. Peut-être que j'étais trop jeune et trop con pour comprendre ce que tu me disais. C'est sûrement comme ça, que ça se serait passé. Tu serais reparti plus lourd encore parce que j'aurais pas compris un seul de tes mots douloureux. Peut-être qu'on était trop différent aussi, en ce temps. J'étais peut-être trop gamine, trop joyeuse, trop rêveuse que pour comprendre tout ça. Certainement. Mais j'aurais tant aimé qu'on essaye, juste le temps d'un instant, de se parler cœur à cœur et âme à âme.
Mais maintenant, c'est trop tard. Tu sais, je commence à me rendre compte que je gâche mon temps sans arrêt. Que je passe à côté des vraies choses pour me concentrer sur des choses futiles, ou plus souvent parce que j'arrive pas à repousser cette personnalité de merde qui m'habite et m'oblige sans arrêt à fuir les autres, parfois même ma propre famille. Comment j'ai bien pu en arriver à ce point ? Au point de passer à côté de la souffrance d'un être qui était supposé partager mon monde, ma famille, les détours de la Vie ? Au point de ne pas voir quelqu'un qui dans le fond, avait peut-être la même personnalité que la mienne ?
J'en sais trop rien.
Mais après tout, qu'importe.
Le temps est passé et il ne reviendra pas.
La petite fille a dévalé la pente et elle ne remontra pas avant que mon âme se retrouve dans les mains de cet Ange qui t'as accueilli il y'a 5 ans déjà.
Mais j'voudrais te dire quelque chose.
J'voudrais te donner rendez-vous. Dans quelques jours, dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années, je t'attendrais au point culminant de ma colline avec cette petite fille aux cheveux blonds qui sourit sans arrêt. Je t'attendrais sur le plus haut nuage du royaume des cieux, là où dansent les espoirs retrouvés et les magies oubliées, là où pleurent les amoureux séparés et rient ceux qui se sont retrouvés, là où s'embrassent les familles finalement réunies et celles qui regardent avec douceur ceux qui continuent de dévaler leurs collines infinies. Je t'attendrais là-haut, et j'espère qu'on pourra partager quelques morceaux de nos âmes craquelées. J'espère qu'on pourra se raconter nos plus belles histoires et nos rencontres les plus tristes, qu'on s'échangera au moins un regard complice en parlant de nos souvenirs d'enfance retrouvés, qu'on se sourira tendrement quand on écoutera pleurer à tour de rôle nos regrets accumulés.
J'espère qu'on regardera ensemble se lever un nouveau soleil, depuis le toit du monde.
5 ans déjà.
Je t'attendrais.
Parce que j'ai encore pleuré quand elle m'a parlé de lui.
Parce qu'on s'en veut toujours un peu.
Parce qu'on avait bien plus de points communs qu'on ne voulait le croire.
Parce ça fait mal tout simplement.
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