3 o'clock
Comment on faisait, avant?
J'veux dire, ça date pas d'aujourd'hui tout ça. Ça remonte à loin, je devais pas être plus grande qu'le sapin qu'on a foutu dans le salon quand tout ça a commencé.
Mais on faisait comment, en ce temps-là? J'veux dire, y'avait pas de stupide appli de dessin, pas même de guitare ou de clavier dans un coin de la chambre, y'avait pas non plus de stylo qui trainait sur le coin du meuble... Et aucun carnet sur lequel griffonner quelques âneries.
Alors comment on faisait, quand on se réveillait à 3 heures du matin? Quand c'était les pleurs qui nous tiraient du sommeil, est-ce qu'on pleurait aussi? Je suppose. Je me rappelle avoir pleuré, souvent, la nuit. Et quand c'était les cris, est-ce qu'on criait, nous, aussi? Je crois pas. Je crois qu'on se taisait pour que plus personne ne nous entende. Extérieurement en tout cas. Parce que notre coeur il devait déjà hurler un peu aux étoiles, en c'temps-là. À la lune aussi, quand elle se planquait pas comme une couarde derrière sa visière noire.
Mais franchement, comment on faisait, concrètement? Est-ce que quelqu'un nous protégeait et nous bouchait les oreilles un peu? Est-ce qu'ils faisaient plus attention à la tonalité de leurs voix? Ou est-ce qu'on était un peu plus fortes en ce temps-là? Un peu plus humaines et un peu plus remplies?
Parce que je sais pas, je crois que ce qui me tient éveillée depuis des heures c'est pas tant leurs cris, j'y suis habituée maintenant, c'est plutôt ce vide immense qui résonne en moi. T'sais, ça fait écho dans mon corps, leurs voix, tellement c'est vide. Dans mon coeur aussi. Y'a rien, genre, plus rien. J'ai plus de haine, plus de tristesse, plus de compassion, plus rien. Je crois que je suis devenue un monstre. Comment nommer autrement un être qui ne ressent plus rien de fondamentalement humain? Je devrais en détester un. Ou l'autre. Je devrais pleurer aussi, au moins pour l'Amour que je trouverai jamais après tout ça, parce qu'on sait toutes deux que c'est à cause de ça, qu'on hait tant l'idée d'aimer. Je devrais crier, leur hurler de s'arrêter, de couper ce dernier lien qui les retient encore l'un à l'autre parce que je les aime, et que je veux pas qu'ils terminent comme ça, mais....
Mais j'en fais rien.
Rien.
Je dessine, en attendant que ça se calme. Ensuite je dormirai un peu. Moi et ce vide gigantesque que je trimballe depuis des années, on ira se coucher. Tous deux, comme les deux crétins qu'on est, seuls, dans le noir.
Et on s'endormira sans problème, parce qu'on est plus la petite humaine qui s'endormait en pleurant et qui se réveillait avec les yeux bouffis. Et parce qu'on aime un peu trop dormir, ces derniers temps.
Enfin soit. Je sais pas comment la petite faisait pour s'en sortir. Quand je vois à quel point c'est difficile en étant vide, ayant un jour été remplie ça devait être un vrai calvaire. Je sais pas comment elle faisait la petite. Comment ON faisait.
Je m'en rappelle pourtant, ça doit être les seuls souvenirs que j'ai de mes jeunes temps, mais je comprends toujours pas. Comment on a fait ça. Comment on a réussi à traverser ça, sans soucis.
On était fortes, putain, en ce temps-là.
Un peu plus humaines aussi, à 3h du matin.
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