CHAPITRE 8 - Est-ce que Jongup est mort ?
- Tiens ! On dirait qu'il est mort !
Ces quelques mots frappent douloureusement les consciences. Des yeux emplis de terreur se lèvent vers la personne qui les a prononcés. Yongguk, qui n'était que colère, est soudain paralysé par la peur. Il sent voler en éclats tout ce qu'il prenait pour acquis : ce n'est plus seulement une menace, c'est un verdict, c'est l'annonce d'un aller sans retour. Plus de négociation, plus de bluff, on lui annonce que Jongup est peut-être mort et qu'il ne reviendra pas. Cette possibilité le terrifie, lui comme les autres, elle le brise.
- Non, articule-t-il sous le choc. Jongup ? Jongup tu m'entends ? C'est pas le moment de lâcher. Le médecin va plus tarder, tu m'entends ?
Yongguk tire sur son cou pour se faire plus grand. Il veut mieux distinguer le visage du blessé. Il perçoit son inconscience, son inertie. La preneuse d'otage prend des allures d'infirmière. Elle pose son arme et déplace deux doigts contre le cou du blessé. Le temps se suspend. Les pupilles de Yongguk font des allers-retours rapides entre les traits de Sunhee et la poitrine de son jeune ami. Il cherche à distinguer des mouvements respiratoires, un quelconque indice de vie. Son propre cœur semble s'être arrêté de battre. Il connait suffisamment Sunhee pour la savoir capable de simuler cette petite scène, mais ...
- Alors ? supplie-t-il. Alors ?
La belle asiatique fait simplement non de la tête. Elle ne sent rien pulser contre ses doigts sensibles.
- Il n'a plus de pouls, déclare-t-elle.
- Non ! Tu mens, hurle son principal interlocuteur.
- Je ne mens pas.
- Si ! Jongup, réveille-toi ! Je t'interdis de mourir. Réponds !
Yongguk ne peut renoncer à l'espoir de réentendre la voix de Jongup, timide et polie, un peu soumise mais tendre. Il se tourne vers les autres membres du groupe, tenus au silence. Certains croisent son regard. Il cherche de l'espoir, il ne trouve que le miroir de ses propres craintes. Zelo secoue la tête énergiquement, comme un fou, comme s'il cherchait à extraire de sa tête un songe insupportable en le propulsant hors de son crâne par la force. Cette vision fait craquer le leader.
- JONGUP ! REPONDS !
- Ça ne sert à rien de hurler.
Mais le jeune homme continue. Il le fait pour lui-même et pour les autres membres bouleversés. Le porte-parole s'est transformé en porte-cris.
- Cesse de crier !
Les paroles n'ont aucun effet sur l'hystérie du moment. Sunhee ne peut profiter de l'instant pourtant à son goût. Les minutes files et son patron ne tardera plus. Elle reprend son arme de la main droite. Elle observe la cinquième victime avec laquelle il n'est même plus amusant de jouer.
- Tu sais pourquoi on appelle un croque-mort, croque-mort ? demande-t-elle.
Sunhee est imperturbable dans la tourmente. Elle pose la question à haute voix bien qu'elle doute que Yongguk soit attentif à ses propos. D'ailleurs, elle n'attend pas la réponse et poursuit.
- C'est parce que le croque-mort croquait les morts. Il mordait l'orteil du cadavre. C'était pour éviter d'enterrer un vivant. S'il ne criait pas, on jugeait que c'était bon, que c'était la fin.
Yongguk a cessé de hurler. Il sent que le découragement le gagne. Si elle ne ment pas ? S'il est effectivement mort ? A quoi bon ? A quoi bon se battre ? Le canon du revolver se pose contre la cuisse ensanglantée. Qu'elle cesse de menacer Jongup ? Qu'elle cesse ?
- Avant d'enterrer quelqu'un, il faut s'assurer qu'il est bien mort, tu vois ? Je vais appuyer sur la gâchette et si Jongup ne réagit pas, j'en déduirais ce qu'il y a à déduire.
- Non.
Le mot est prononcé d'une voix si faible. Yongguk a à peine la force de s'opposer, son menton tremble, ses épaules s'abaissent.
- Tu t'effondres déjà, chéri ? Tu veux peut-être échanger ta place contre celle de Jongup ? Personnellement, je trouverais stupide de prendre une balle pour protéger un mort.
- Arrête de dire qu'il est mort.
- Comme tu voudras. J'y vais à trois alors ?
Le compte à rebours s'égraine tel le sable coulant d'un sablier et Yongguk ne fait aucune réclamation. Il ferme les yeux de toutes ses forces pour faire disparaître l'univers qui l'entoure. Il a envie d'être ailleurs, très loin de cet enfer. C'est un cauchemar, un affreux cauchemar bien trop réaliste.
BANG
Le tonnerre provoqué par le coup de feu claque avec une telle violence que toutes les personnes présentent dans la pièce sursautent, y compris Sunhee, surprise que son dé à six coups se soit enfin décidé. Elle baisse les yeux pour vérifier que ça vient bien de se produire. Elle découvre que l'impact vient de déchirer les chairs du blessé. Le sang qui ne circule plus dans la jambe garrottée à tout de même giclé alentour. Une odeur charbonneuse de poudre consumée vient picoter ses narines.
Dans la chambre de poupée, un silence lourd fait suite à la détonation. Il n'y a pas un son, car le blessé n'a pas crié. Aucun hurlement, si faible soit-il, aucune réaction n'a mis en mouvement le danseur.
Yongguk s'effondre vers l'avant. Sa tête vient s'abattre sur ses genoux. Il vient de perdre Jongup. Ils viennent tous de perdre Jongup.
Un éclat de rire brise le silence lorsque Sunhee réalise l'ironie de la situation.
- Le sort vous aime, déclare-t-elle. Il vous aime. Il vous adore. Le dé a choisi de s'en prendre à la seule personne qui ne pouvait plus souffrir. Il vous a épargné.
Epargné ?
Jongup est mort et elle ose dire qu'ils sont épargnés. Ils sont tout sauf épargnés. Les menottes sont toujours autours de leurs poignets. Les bandes adhésives ferment toujours leurs lèvres. Ils ne sont ni sains, ni saufs, ni libres, ni épargnés.
- Je suis un peu déçue par cette conclusion, poursuit la démente. Je suis heureuse que le jeu ait duré si longtemps, mais déçue par la conclusion. Et puis...
Elle se lève, aussitôt, malgré sa douleur, Yongguk se redresse pour garder un œil sur elle. Il s'en méfie comme la peste. La femme se déplace nonchalamment. Elle passe devant chacun d'entre eux. Elle s'arrête devant celui qu'elle nomme « son chéri ». Elle se tient de profil devant lui. Elle continue :
- ... Et puis, j'aurais bien aimé menacé le dernier. Mon intuition me dit qu'il n'est pas comme les autres à tes yeux.
Le jeune chanteur met toute sa volonté pour ne rien montrer alors que deux yeux de biches l'observent de biais. Il ne doit jamais rien montrer devant elle. Il s'interdit toute réaction face à ses mots. Il ne regardera pas Zelo. Il veut être indifférent. Il n'y a qu'à voir comment elle a réagit en découvrant la faiblesse de Daehyun. Que ferait-elle si elle découvrait la sienne ?
- Tu ne dis rien ? dit-elle. Evidemment ! Je finirais bien par savoir. Je vais partir un moment maintenant. Je sais que je ne risque pas de vous manquer, mais vous, vous allez me manquer.
C. s'inquiète. Il quitte le coin de la pièce dans lequel il s'était fait oublier.
- Partir ? interroge-t-il. Tu vas me laisser ? Tu sais ce que A. va me faire quand il va voir ça ?
C. lève un index vers Jongup.
- C'est pas ma faute, se défend Sunhee. C'est pas moi qui l'ai shooté.
- ...
- Ouais ! J'ai rien fait de mal.
Elle ouvre les bras en signe de bonne foi. Le pire, c'est qu'elle n'a même pas besoin de mentir. Jongup a réellement succombé à ses blessures avant qu'elle-même ne mette son grain de sel. C'est C. qui devra rendre des comptes. Même si elle vient de jouer avec le feu, elle ne s'est pas brûlée avec et elle peut sortir sans rien avoir à se reprocher.
- Mais tu n'es pas sensé partir comme ça ! La prise d'otage n'est pas finie.
- J'ai dit que je revenais ! Essaie de rester en vie jusque-là.
La dernière phrase est pour Yongguk :
- A bientôt chéri.
Elle sort.
C. aurait dû partir lui aussi. Il a trop peur de A. pour ça. Peut-être que le patron lui pardonnera ce qu'il s'est passé avec l'otage. Il avait agi de cette façon parce qu'il n'avait pas eu le choix. Par contre, déserter, c'était impardonnable. Sunhee prenait de gros risques en disparaissant de cette manière. Il valait mieux pour elle que cette disparition soit définitive.
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Le surnommé A. entre dans la pièce peu de temps après. Il est accompagné d'un homme cagoulé qu'ils n'avaient pas vu jusque-là : un coéquipier équipé d'une mallette. Sûrement le médecin. A peine l'homme à la carrure imposante a-t-il mis un pied dans la pièce, C. s'agenouille et se couche sur le sol pour implorer sa clémence.
- Où est Sunhee ?
- Partie !
- Où ?
- Je ne sais pas !
- Réponds !
- Je ne sais pas.
- Que s'est-il passé en mon absence ?
Le chef des preneurs d'otage observe les otages ligotés et visiblement secoués, mais ils sont entiers, du moins ceux qui l'étaient à son départ. Il fait un geste de la main. Par ce geste il intime à son nouveau acolyte de se diriger vers le blessé sans plus attendre, pendant que lui-même continue la conversation avec C. Ce dernier, le nez sur la moquette s'explique :
- Je n'ai rien fait de mal. C'est Sunhee.
Yongguk pourrait intervenir. Il serait simple d'expliquer que l'homme a collaboré avec cette femme à laquelle il tente de tout mettre sur le dos. Mais le leader se fiche bien de ses petits règlements de compte entre criminels. Toute son attention est portée sur le médecin qui exmine Jongup. Comme il aimerait que cet homme annonce un verdict différent que celui auquel il s'est résolu.
- Qu'a fait Sunhee ?
- Elle a tiré une deuxième fois sur le blessé.
- Comment ?
- Mais elle disait qu'il était déjà mort.
- Mort ?
A. interroge son spécialiste d'un simple battement de cil. Le médecin fait un signe : avec son doigt il fait mine de se trancher le cou. Le verdict est tombé. Les épaules de Yongguk s'avachissent et il ne peut plus rien regarder d'autre que le sol.
- Fais chier ! jure le chef. Rentre chez-toi alors !
Ne se le faisant pas dire deux fois, à peine arrivé le médecin repart déjà.
- Pourquoi elle a fait ça ? demande A.
- ... Euh ...
Le chef est devenu rouge de colère et son ton devient puissant.
- Parle !
- Pour faire simple... il a perdu à la roulette russe.
- Quoi ? Depuis quand on ... Et toi tu laisses faire ? Tu la laisses malmener mes otages en mon absence ? Vermine !
Le chef des malfaiteurs balance un coup de pied dans les côtes de C. qui reste face contre terre en implorant le pardon. Une fois ses nerfs calmés, le chef des preneurs d'otages déclare :
- Si je la revoie, je la tue cette salope. Je savais qu'u jour ou l'autre elle me ferait un coup comme ça. Heureusement, qu'elle n'a pas eu le temps d'en tuer un autre.
Dans le cerveau de cet homme les calculs vont bon train. Il est très désappointé par la mort d'un de ses otages. Il sait que la valeur du groupe vient de chuter, de chuter énormément. Les BAP sont six, à cinq que sont-ils ? Leur valeur indépendante est bien moindre que leur valeur en groupe. Qui paierait pour les récupérer ? T.S. ? Il n'en est plus certain. La prise d'otage tourne au fiasco commercial. Ça sera un miracle s'ils en tirent quelque-chose. A. pousse un grand soupir.
- Bon ! Ecoutez-moi les mecs !
Les têtes restent résolument baissées.
- Vous m'écoutez là ?
Himchan, Youngjae, Daehyun, Zelo et Yongguk relèvent légèrement les yeux, assez pour regarder dans sa direction, mais pas suffisamment pour croiser son regard.
- Okey ! Personnellement, je vous avez attaché pour la vidéo et parce que vous étiez pas assez sages. Alors si je vous détache et que je vous laisse tranquille dans cette chambre, vous n'allez pas faire de connerie, n'est-ce pas ? Je suis armé et vous savez ce que ça peut donner maintenant.
L'allusion est cruelle, mais efficace. La proposition consiste à leur rendre un peu de liberté. S'opposer serait stupide.
- C'est clair ? insiste-t-il. Rien ne sera tenté contre moi si je vous détache ? Bang Yongguk ?
Il est le seul à pouvoir formuler une réponse audible. En tant que leader, A. semble considérer que sa parole engage le groupe.
- C'est clair, articule Yonggukd'une voix rauque.
Il veut être détaché. Bien sûr, il déteste ce type de toutes ses forces, mais il ne se jettera pas sur lui. Pas pour l'instant, en tout cas.
- Okey ! C'est cool ! C'est très cool ! C. va se mettre devant la porte de la chambre, dans le couloir. Vous serez un peu tranquille. Je suis pas un monstre vous savez ! Mais si l'un de vous met le nez dans le couloir sans que j'en ai donné l'ordre, il se fera descendre ! C. relève-toi ! et fait ce que je t'ai dit.
C. se met sur ses jambes et avance tel un pénitent vers la porte. A. le saisit par le bras avant qu'il n'atteigne la sortie.
- Vermine ! T'as compris ?
- Si y'en a un qui sort, je tire ?
- Bien, c'est ça ! Et tu tires où ?
C. avale sa salive. Il ne connait pas la bonne réponse.
- Tu le descends, j'ai dit.
- Bien patron !
Il lâche la bras de la « vermine » et celle-ci disparaît. Puis A. se déplace vers Himchan, un peu au hasard mais aussi parce que son instinct lui dit que celui-ci ne représente aucun danger. Il commence par retirer la bande de scotch.
- Aïe !
Puis il se baisse et retire les scotchs qui immobilisaient ses chevilles. Enfin, il le force à se pencher en avant pour détacher ses menottes. L'otage garde les bras le long du corps, docilement. Un tintement métallique accompagne le geste de A. lorsqu'il lui tend un trousseau de clés minuscules. Himchan attrape les précieuses clés.
- Je vais sortir. Tu peux détacher les autres. Il y a une salle de bain avec de quoi boire et de la bouffe dans le minibar si vous avez le cœur. Je préfèrerais que vous vous nourrissiez. La seule chose qui est interdite, c'est de tenter de sortir. Je reviens vous voir lorsque j'aurais enfin des nouvelles du monde extérieur.
Le chef sort et referme derrière lui. Himchan observe la porte, à droite et à gauche, puis les clés qu'il tient en mains. Il a du mal à croire qu'il a le droit de se lever. Il vérifie plusieurs fois qu'ils sont bien seuls. Enfin, sans un mot, il se redresse. Presque par miracle, ses jambes ne le trahissent pas. Il marche immédiatement vers Yongguk, sans même se poser la moindre question. Le leader n'a rien dit depuis le tir final, à part pour répondre à A. à l'instant. Sa posture est avachie. Himchan s'accroupit pour déterminer laquelle des clés permettra d'ouvrir les liens d'acier du jeune homme. Ses yeux constatent les blessures profondes qui marquent la chair des poignets de Yongguk, jusqu'au sang. Lui-même n'a que quelques hématomes. Mais Yongguk s'est battu avec rage contre ses liens, encore et encore, mais sans la clé, c'était peine perdue. Le bon outil s'engage dans le minuscule verrou et les menottes cèdent. Aussitôt, Yongguk ramène ses bras en avant et arrache les scotchs qui emprisonnent ses jambes avec haine, mais toujours en silence. Puis il se lève toujours tremblant. Un vertige menace de le forcer à se rasseoir. Il se retient à l'épaule de Himchan.
- Ça va ?
Himchan, se maudit : non, ça n'allait pas, évidemment que ça n'allait pas !
- Arrête de t'inquiéter pour moi. Libère les autres.
Le ton est péremptoire. Himchan se résout à l'abandonner pour poursuivre son rôle de libérateur. Il se dirige de bonne grâce vers la chaise la plus proche : Daehyun. Il procède en détachant d'abord les chevilles avant de fouiller pour trouver la bonne clé. Là encore, la contemplation des poignets blessés de Daehyun le choque. L'homme délivré arrache lui-même la bande qui lui collait les lèvres puis il sent Himchan refermer ses bras autour de ses épaules. C'est sa façon à lui de lui dire tout ce qui serait trop long à expliquer. Daehyun lui rend son accolade tout aussi franche et sincère bien que brève.
Himchan doit se dépêcher d'aller libérer le suivant. Hors de question de les faire patienter. Le dernier libéré voudrait l'aider mais il n'y a qu'un seul jeu de clés. Alors, impatient et préoccupé, Daehyun observe son hyung ouvrir les menottes de Youngjae. Quand le clic libérateur retentit, il déclare :
- Je m'en occupe. Va aider Zelo... s'il-te-plait.
Le hyung s'écarte non sans serrer rapidement l'épaule du jeune Youngjae. Le garçon est toujours en larme. A chaque fois qu'il est tenté de se calmer un nouvel évènement dévastateur vient le chambouler et cela se traduit chez lui inexorablement par des larmes de crocodile. Mais elles ne l'empêchent pas de voir Daehyun se pencher et tendre une main vers son visage pour libérer ses lèvres. Solidement incrustée à sa peau, la bande tire douloureusement, mais peu importe. Le geste reste tendre et libérateur. Youngjae réalise enfin qu'il est libre de ses mouvements. Il dégage ses bras et aussitôt s'accroche à la manche de son ami. Daehyun le saisit au niveau de la nuque. La tête de Youngjae bascule sur son torse, juste sous son cou. Leurs émotions les noient. Elles sont contradictoires. Ils sont soulagés d'être réunis après tout ça. Ils ont cru se perdre à jamais. Mais la joie de ses retrouvailles est entachée par la tristesse immense d'avoir perdu Jongup.
Daehyun se sent mal à en vomir. Il a tellement honte d'oser ressentir un tant soit peu de chaleur en serrant Youngjae contre lui. Est-ce que toutes ses pensées ne devraient pas aller vers le danseur ? En tout cas, il devine sans difficulté que les larmes de celui qui se trouve dans ses bras ne tarissent pas à cause de cette perte. Auparavant, Daehyun pouvait le rassurer, lui dire que tout irait bien et que rien ni personne ne lui ferait du mal tout qu'il serait là, maintenant, il ne peut plus dire cela. Youngjae a raison d'être en larmes.
Himchan est allé directement voir Zelo, le dernier prisonnier. Il a dû longer le lit. Il a dû jeter malgré lui un coup d'œil vers la silhouette étalée et se sentir mourir. Il a dû voir Yongguk aussi, debout à côté de ce lit ridicule mais il ne s'est pas attardé.
Le rappeur est allé tout droit vers le centre de la chambre, attiré par une force obscure. Il a voulu voir par lui-même, et voilà qu'il voit. Le visage de Jongup est blanc en effet, figé dans une expression morbide. Ses yeux sont ouverts et vides. Ses lèvres sont entrouvertes. Yongguk n'a jamais contemplé le visage d'un mort. Pourquoi fallait-il que ce soit celui-ci ? Un visage bien trop jeune et familier ?
Yongguk trouve la force de refermer les paupières de son ami. Il le fait autant par respect pour le mort que pour s'épargner la vue de ce regard vide et déstabilisant. Il voudrait pleurer mais il ne pleure pas. Il voudrait crier mais il ne crie pas. Pourtant, il souffre face à cette injustice car Jongup était la dernière personne à mériter ce sort. Il était doux, persévérant, bosseur, il n'avait jamais eu un mot plus haut qu'un autre. Il était bienveillant et généreux. Il était un peu effacé parfois, mais indispensable. Il était imprévisible, drôle à ses dépends souvent et insondable. Parmi tous les membres du groupe, c'est avec lui que Yongguk a échangé le moins de mots mais ça ne veux pas dire grand-chose. Il lui aurait confié ce qu'il avait de plus cher sans hésiter, en toute confiance, parce qu'il était, avant toute autre chose, quelqu'un de bien, quelqu'un de gentil.
On lui a tiré dans le dos ! On l'a blessé ! On l'a fait souffrir ! Puis on l'a laissé mourir.
Yongguk remonte la succession d'évènements qui l'on conduit là. Il rejoue les tortures finales qu'a subit Jongup dans ses derniers instants. Il rejoue la scène de point de compression et serre les poings et les dents. S'il ne peut pas pleurer c'est parce qu'il y a encore trop de colère qui étouffe sa tristesse. Il rejoue la fuite désespérée de Jongup que personne n'avait vu venir, pas même lui. Il aurait dû voir. C'était son rôle de voir. Il rejoue l'enlèvement du groupe. Il remonte plus loin encore, au jour où Jongup lui a été présenté. Puis encore plus loin. Le fil des événements qui l'on conduit jusque-là s'arrête sur une rencontre : Sunhee. Avant même que les chemins de Yongguk et Jongup ne se croisent, le destin avait décidé de cette fin tragique en plaçant Sunhee à quelques sièges de lui, dans un bus entre Séoul et Incheon, il y a de ça sept ans.
Yongguk fixait le cadavre, maintenant, il ne fixe plus rien du tout. Il se déconnecte de tout et de tous. Il se perd dans ses reproches. C'est lui qui a entrainé le groupe dans ce guet-apens. S'il avait pu voir la folie de la jeune femme avant de la laisser entrer dans sa vie, le groupe n'aurait probablement jamais été enlevé. La demande de rançon, ce n'est qu'un appât pour convaincre les mafieux de la suivre, mais l'idée vient d'elle. Alors, oui, tout est de sa faute.
Pendant l'introspection cruelle de Yongguk, Himchan s'est accroupi et à présent, il tire sur le scotch qui entoure les chevilles de Zelo. Il entend les sanglots du grand garçon en se faisant. Il relève la tête. Il croise les grands yeux noirs du prisonnier. Le cœur d'Himchan se sert : impossible de ne pas remarquer l'incompréhension et l'égarement dans ces yeux-là. Le maknae est heurté profondément par ce qu'il vient de vivre. Son jeune âge et plus encore sa nature innocente en font quelqu'un de fragile. Son esprit a néanmoins dressé des barrières et, à cet instant, il tient encore bon par la puissance d'une illusion qu'il s'est créé. Himchan choisit de commencer par libérer la bouche. Il n'a pas le temps de se servir de son jeu de clés car, à peine son bâillon retiré, les mots de Zelo se bousculent et stoppent net Himchan.
- Jongup ? Est-ce que Jongup est vraiment mort ?
La bouche d'Himchan s'entrouvre dans une expression de surprise effrayée, lui donnant un air inepte. Il fixe le jeune garçon. Les yeux et le ton collent avec les mots prononcés. La question n'est pas rhétorique. Zelo n'a pas réalisé. Ou alors, il refuse de le faire. En tout cas, il s'accroche toujours à un espoir fou.
- Est-ce que Jongup est mort ?
Zelo répète sa question devant le silence coupable de son ainé. Himchan ne veut pas être celui qui va lui annoncer la vérité mais il comprend qu'il n'a pas le choix. Il devra être celui qui brisera ses derniers espoirs. Il va détruire l'innocence de Junhong.
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