CHAPITRE 33 - Perte, partie 8/8
Impardonnable.
Himchan essuie ses yeux, ses joues, la morve qu'il a sous le nez. Il s'est assis en tailleur sur le sol. Le téléphone est posé sur ses genoux. La vidéo, achevée, reste sur la dernière image : C. qui vient couper la caméra. La paume de sa main gantée dissimule le cadavre assis. Il n'y a réellement plus rien à voir.
Il renifle, encore. Il n'ose plus bouger. Il n'ose pas se retourner, découvrir l'ami qui se trouve dans son dos. Si lui-même est en compote... Yongguk doit être pulvérisé.
Pour Himchan, la situation devient ingérable. Les éléments se succèdent, sa logique est dépassée. Il ne peut plus y avoir la moindre certitude. C'est égoïste, mais la pensée qui lui vient, à présent qu'il a vu cette affreuse vidéo, c'est celle de sa propre famille que l'on viendrait assassiner. Il venait d'avoir la démonstration que les ravisseurs pouvaient s'en prendre à n'importe qui. Est-ce qu'ils... ?
Himchan ! Ressaisis-toi ! Yongguk a besoin de toi là ! Et toi tu te morfonds et tu te fais des films.
Encore un raisonnement ! Aucun raisonnement ne l'a sauvé jusque-là. Les morts s'accumulent. C'est ça la guerre ? Ils sont sur le front. Voilà la situation ! Un soldat est mort sous leurs yeux, d'autres sont perdus, blessés. Eux ? Ils tiennent encore debout, même si l'un des deux vient d'apprendre que sa ville natale a été touchée par les bombes ennemies. Et il faut repartir sur le front tout de suite, parce que d'autres soldats attendent des renforts. Oui, les derniers renforts possibles, c'est lui qui peut les apporter.
Himchan ironise. Il n'a jamais beaucoup aimé l'univers militaire. C'était Yongguk le guerrier. C'était... voilà qu'il emploie le passé maintenant.
Himchan se relève, maladroit dans chacun de ses gestes. Lorsqu'il se retourne et découvre Yongguk, il sent que les larmes qu'il est parvenu à chasser reviennent. Yongguk-ssi est toujours recroquevillé sur le sol de la chambre, au pied du petit escalier. Himchan s'approche de lui, s'accroupit. Il ne sait pas bien par où commencer, que dire. Il essaie de ne pas perdre de vue qu'ils sont en guerre. Le réconfort sera pour plus tard, quand la bataille sera terminée, là, il doit relever Yongguk, juste le relever. Il le consolera plus tard.
- Hé ! Ne reste pas à terre. Relève-toi tout de suite. Tu m'entends Yongguk ? Relève-toi tout de suite, sinon tu ne te relèveras plus jamais.
Himchan attrape l'homme sous les épaules et essaie de le tirer en position assise. Au moins assise, merde !
- Putain, Yongguk ! J'ai besoin que tu te relèves parce qu'on doit encore se tirer de là avec les survivants. Bats-toi ! Relève-toi !
- Ça ne sert à rien, pleure l'homme dans ses bras.
Il parle ! Ce qu'il vient de dire ne lui plait pas, mais au moins, il parle.
- Ça ne sert pas à rien ! Je ne peux pas te laisser dire ça. On va aller défoncer cette porte et récupérer les clés.
- Sur des morts.
- Dis pas ça ! Zelo et Daehyun étaient toujours vivants sur les photos.
- Je me rappelle maintenant, dit la voix éteinte de son compagnon. ... Je me rappelle de la promesse que Sunhee m'a faite, celle dont elle voulait ...que je me souvienne. Ça m'avait semblé tellement pitoyable... à l'époque. Elle a juré de tuer toute ma famille, Himchan ! C'était ça, sa promesse. Et vous êtes tous ma famille. Elle va tous vous tuer.
- Mais on va pas la laisser faire sans nous battre, s'indigne Himchan.
Il secoue son camarade. Il le secoue.
- Lève-toi ! Tout de suite !
Himchan force pour redresser Yongguk. La méthode physique semble être la plus efficace. L'homme se laisse faire comme un pantin, et le voilà sur les fesses.
Bon ! C'est pas si mal ! Même si Yongguk cache sa tête entre ses genoux. Himchan se lève, va vers la porte. Son cœur, ce vieux janggu, il s'active. Parce qu'Himchan s'approche de la combinaison. Il se rappelle douloureusement : d'abord les pertes de Yongguk, ça lui fait froid dans le dos. Il avait voulu être optimiste, logique. C'est le pessimisme qui avait gagné, puisque de toute évidence, ses téléphones qui sonnent dans le vide avaient bien le sens terrible envisagé par Yongguk. A sa connaissance, ça fait donc ... Le doigts d'Himchan frappent :
05
Et ses pertes personnelles :
01
Himchan abaisse la poignée de la porte d'entrée. Elle se refuse à lui, encore. Non ! C'est pas vrai ! Himchan ferme les yeux et se mord le poing pour ne pas crier. Il sent qu'il va devoir comptabiliser des pertes supplémentaires, des pertes qui le concernent à lui aussi. Il tente, la peur au ventre :
06-02
Il obtient encore un refus. Merde ! Le pessimisme, c'est le pessimisme qui gagnera toujours. Pourtant, Himchan ne sera jamais assez pessimiste pour entrer directement la combinaison la plus sombre. Il en reste une avant, et il préfère commencer par elle. Tant pis pour le pessimisme.
07-03
Clac !
Le porte baille comme au ralenti. Cette ouverture revêt quelque chose de surnaturelle. Il ne s'y attendait pas vraiment. Derrière, apparaît un couloir. Il est libre de sortir affronter les prochaines épreuves. L'air s'engouffre, mais ce n'est pas ce froid-là qui fait frissonner Himchan. Deux ! Deux morts supplémentaires !
Himchan progresse précautionneusement. C'est bien un couloir d'hôtel, quelconque et parfaitement vide. Tout le love-hôtel est parfaitement vide. C'est un nouveau saut vers l'inconnu. Et il va devoir trainer son boulet.
- Yongguk ? réclame Himchan qui est revenu s'accroupir en face de son camarade. Il y a des survivants (oui bon il a employé le pluriel ! Il ne pouvait pas faire ça à Yongguk, pas tout de suite !), je pense qu'on peut les revoir. Tu vas venir avec moi, hein ?
Celui qu'il tente de faire réagir ne répond pas.
- Attends ! Tu ne vas pas les laisser te tuer, nous tuer sans te défendre quand-même ?
Yongguk regarde enfin Himchan.
- Je veux que tu te mettes en colère.
Vengeance !?
Cette pensée réveille Yongguk. Ce n'est pas forcément celle que recherche Himchan. La vengeance pourrait mettre Yongguk en danger. La colère dont il parlait est une colère défensive, une colère pour survivre. Mais ce n'est pas ce à quoi pense Bang, Bang pense qu'il veut se venger. Ses poings se serrent. La sclérotique de ses yeux apparaît clairement quand il fixe son camarade.
C'est effrayant, mais il y a du mieux, songe Himchan.
Et voilà que les deux hyungs trottinent dans les couloirs du love-hôtel. A la recherche des chambres mentionnées par Sunhee.
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Himchan se fige devant le panneau de la chambre quarante-huit. Il inspire sa souffrance et ouvre la porte. Il y a des miroirs partout dans cette chambre. Mais quand on dit partout, c'est partout ! Himchan s'avance. Il y a un silence qui lui file un mauvais pressentiment. C'est trop calme.
Il va se passer un truc terrible. C'est trop calme.
Il regarde à gauche...
Miroir !
Il regarde à droite...
Miroir ! Il retient son souffle. C'est trop calme ...
- OOUAAH !!
Il hurle ! Il sursaute ! Il se protège derrière ses bras de la personne qui vient de l'agresser par la droite. Une douleur l'informe qu'il est touché au bras. Ça y est, il va mourir !
Puis tout d'un coup :
- Pardon. J'ai cru que c'était eux qui revenaient. Ça va ? Dis-moi que ça va ?
Himchan baisse les bras. Il se retrouve face à face avec Daehyun. Son dongsaeng tient un morceau de miroir brisé et ensanglanté à la main. Il s'en est pris à lui par erreur. Mais Himchan ne sent déjà plus la douleur dans son bras. C'est Daehyun ! Je ne suis pas mort et Daehyun est vivant !
- Oui ça va, c'est rien.
Daehyun. Himchan se rend compte à quel point il a pris l'habitude des mauvaises nouvelles. Là, c'est presque trop de soulagement. Il faut qu'il le serre dans ses bras. Il fait un pas...
...Un mouvement attire son attention du côté de l'entrée de la chambre. Himchan sursaute encore. Son janggu fait un bon mémorable. Pour rien ! Himchan t'es vraiment trop con, c'est que Yongguk.
- Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? demande le nouveau venu. Himchan, pourquoi t'as crié ?
- Je vais bien, ça va ! Et Daehyun est vivant. Il va bien !
- Daehyun !?
Yongguk regarde le garçon. Himchan espère une réaction positive. C'est une bonne nouvelle quand-même ! Il est déçu car rien, Yongguk a juste l'air de ne pas y croire.
En effet, le rappeur observe Daehyun, sincèrement. Il voit bien que c'est lui.
Il y avait de la colère dans son cœur quand ils se sont échappés. Ça n'a pas durée ! La charge qui tente de le faire couler est trop lourde. Yongguk n'y arrive pas. Il a de nouveau envie de se laisser tomber au sol comme une larve. Il est trop grave. Voir Daehyun ne change rien. Pas un soupçon de joie, de soulagement. Vide. Il est plein de défiance. Rien n'est acquis. Daehyun est vivant !? Ouais, pour l'instant. Les preneurs d'otages ne sont probablement pas très loin. Yongguk stress encore plus. Il regarde derrière lui pour vérifier, juste pour vérifier.
Yongnam ? Il a vu Yongnam ? Une décharge électrique parcoure immédiatement son échine. Ses yeux reviennent aussitôt sur la silhouette qu'il a cru apercevoir durant un centième de seconde. Ils ne trouvent rien d'autre qu'un miroir et son propre reflet, qui porte une expression à faire peur. Ce n'était rien de plus qu'un reflet de lui-même aperçu trop furtivement.
C'est con ! Ça ne lui était jamais arrivé avant. Prendre son propre reflet pour son frère ! Ça ne lui était jamais arrivé.
Yongguk ferme aussitôt les yeux, ferme les poings. C'est pas vrai ! Il va falloir qu'il tue quelqu'un. Pas n'importe qui bien sûr. C'est Sunhee qu'il va assassiner. S'il n'y parvient pas il périra en essayant. Tant pis pour les désirs de Nam ! Il est mort après tout ! Putain, il est mort !
Yongguk sent Himchan le ramener dans les couloirs. Il se laisse faire. Il n'a pas vraiment le choix. Il est comme paralysé. Il essaie de revenir un peu dans le présent. C'est dur ! Il a des coups de feu qui résonnent dans sa tête, de la rage dans son cœur, un poids dans son estomac, un goût de sang dans sa bouche, il n'est même plus capable d'ouvrir les yeux, pourtant il dit « Ça va aller. », pour rassurer son ami.
- J'ai juste été surpris par...
La raison de la crise revient en image dans l'esprit de Yongguk. Connard de miroir ! Connard de reflet ! Mon reflet ! Je me déteste ! C'est ma faute tout est de ma faute ! Je veux crever ! Himchan ! Je veux crever !
- Je sais, dit le chanteur.
Va te faire foutre ! Tu sais rien ! Va te faire foutre !
- Je préfère que tu restes devant la porte.
- Je veux rester avec vous.
- Mais on est là, on est juste à côté. On laisse même la porte ouverte. Attends-nous devant. En plus, c'est mieux, il faut quelqu'un pour monter la garde.
De toute façon, Yongguk ne peut plus bouger.
- Ça va aller ? demande Himchan.
Non. Yongguk fait oui de la tête. Himchan le quitte, il n'a plus sa chaleur sur son épaule. Il a réussi à ouvrir les yeux mais il s'est laissé tomber par terre. Ses yeux fixent le mur du couloir, c'est blanc, ça n'a pas le moindre intérêt, c'est inutile.
Yongguk a comme une absence, si bien que lorsque Himchan revient, il n'a pas l'impression qu'il se soit absenté. Yongguk tente de se reconnecter au réel. C'est dégueulasse de sombrer comme ça alors que les autres essaient de se battre. Le pire, c'est qu'il est un poids mort pour eux. Il voudrait leur dire de le laisser tomber. Abandonnez-moi. Il n'en vaut pas la peine de toute manière. Mais ils ne le feraient pas, le laisser tomber, ils ne le feraient pas. Alors, il faut qu'il lutte encore un peu. Yongguk se relève et il parvient même à s'intéresser à leur situation :
- T'as trouvé la clé ?
- Oui, répond Himchan et Daehyun derrière-lui acquiesce.
Un instant plus tard, ils se trouvent devant la chambre cinquante. Himchan a survécu à la chambre quarante-huit. Triste bilan : Daehyun était vivant ... mais pas Youngjae. La clé était bien sur un mort, comme l'avait prédit Yongguk. Dans la chambre aux miroirs, Himchan avait pu voir, pour de vrai, le second mort de la journée. Daehyun ne lui avait rien dit sur les circonstances de cette mort. Himchan avait vu des traces d'étranglement. Il n'avait pas posé de questions. Ce n'était pas le moment. Et Daehyun avait l'air effondré. Presqu'autant que Yongguk, c'est pour dire ! Ça se comprend, s'il avait dû assister à l'assassinat de Youngjae ...
Himchan met la main sur la poignée de la chambre quarante-huit. Celle de Zelo. La photographie vicieuse lui revient en mémoire. Alors, comme lorsqu'il avait découvert ce portrait, son instinct lui dit de protéger Yongguk, en lui interdisant d'entrer dans la chambre avec lui. Evidemment, il fait face à de la résistance, mais avec le secours de Daehyun, le leader cède et Himchan dit :
- Je fais vite. Je prends la clé et je reviens.
Aussitôt dit, le voilà qui disparait. Celui qui a décidé de s'exposer à l'horreur entre dans la chambre noire, seul. Il referme derrière lui. Sa rétine met plusieurs secondes à distinguer quelque chose. La pièce est plongée dans le noir le plus total et est parfaitement silencieuse.
Pourquoi a-t-il fait ça ? Ce serait beaucoup moins effrayant s'il n'était pas seul. Non ! Il sait très bien pourquoi. C'est son épreuve, à lui et à lui seul ! Il n'a plus le droit de laisser les autres prendre tous les coups sans réagir. Il doit prendre sa part. Il sait que cette épreuve sera difficile, mais il relativise. Lui, il est toujours en vie. Et bien qu'il tienne énormément à ses amis, il sait qu'il ne peut pas comprendre la douleur de Daehyun. Encore moins celle de Yongguk ... c'est un miracle qu'il soit encore debout.
Ces pensées renforcent la volonté de Himchan. Il peut avoir la certitude que s'il parvient à sortir de cet enfer en vie, il retrouvera les siens. C'est pour eux qu'il doit se battre pour récupérer cette foutu clé et sortir au plus vite.
Pour l'heure, il ne voit rien. Il est terrifié. Il doute. C'est peut-être une erreur, une tromperie, Zelo n'est peut-être même plus là. Il tâtonne contre le mur à la recherche d'un interrupteur.
Peut-être bien que c'est ce que souhaite Himchan, ne rien trouver quand il aura allumé l'interrupteur. Il sait trop bien ce qu'il est censé découvrir. Daehyun s'est montré très clair. Selon lui, il n'y a aucune chance de retrouver Zelo en vie.
Ses doigts trouvent rapidement l'interrupteur. On ne peut pas vraiment parler de lumière quand il le déclenche. C'est de la lumière noire qui envahit cette chambre : elle lui évoque la nuit. Il sursaute de peur quand il découvre à ses pieds, à pas moins d'un mètre, la silhouette massive d'un homme avachi et inerte. Il recule vers la porte, bras en avant, comme pour se protéger. Il pense reconnaître l'assassin qu'il avait aperçu si brièvement, celui-là même qui avait osé poser ce regard mauvais sur le maknae.
Après s'être remis de sa surprise, il s'approche de la silhouette et la pousse du pied. Elle ne réagit pas. Himchan met la main devant la bouche. Un haut le cœur le secoue quand il remarque que le crâne de l'agresseur est défoncé, explosé comme une pastèque lâchée du quatrième étage. Himchan n'a pas remarqué la quantité de sang tout de suite, probablement parce que la lumière étrange de cette pièce rend le rouge noir. En tout cas, c'est évident que ce type est mort. Il pensait que la mort puait plus, mais il ne sent rien de particulier, à part peut-être une odeur ferreuse de sang, mais au final, pas l'odeur de la mort.
Himchan se ressaisit. Il n'est pas là pour lui. Il a toujours sa triste mission à accomplir. Il contourne le cadavre. Peut-être bien que c'est Sunhee qui l'a tué ? Elle a bien trahi A., elle peut bien avoir trahi celui-ci aussi. Himchan a gardé la main devant la bouche. Il ne quitte pas le corps des yeux en le contournant, comme s'il avait peur que ce dernier ne se réveille et ne l'agresse, comme dans un mauvais film d'horreur ou de revenant.
Quand il se juge suffisamment loin, il s'autorise à le quitter des yeux, mais pas vraiment à lui tourner le dos. Les yeux d'Himchan balayent enfin le reste de la petite chambre aux allures d'observatoire de l'espace.
Le second haut le cœur est plus puissant que le précédent. Himchan détourne tout de suite les yeux mais c'est trop tard. Il a vu. Il n'y a pas d'erreur de chambre.
Le malaise est tel qu'Himchan tombe à genoux. Il se tient le ventre à deux mains. Sa tête tourne. Son estomac se contracte par à coup. La bile remonte désagréablement dans son œsophage.
Sur le lit. Il est sur le lit.
Sa tête lui fait de plus en plus mal à force de tourner. Sa vue se trouble. Il ne voit plus rien. Est-ce qu'un spectacle suffisamment immonde peut rendre aveugle ? Il aurait préféré être né aveugle plutôt que de voir ça.
Allongé sur le ventre, le dos couvert de sang.
Au deuxième spasme, la nourriture en bouillie qu'il répand sur le sol par la bouche est plus acide que jamais.
Du sang entre les fesses, beaucoup de sang entre les fesses.
Himchan continu de vomir, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à l'intérieur de son ventre. Il n'est plus maitre de son corps.
Ils ne se sont pas contenter de le tuer. Ils lui ont...
Il sait qu'il s'agit de Zelo même s'il n'a vu qu'un dos mutilé, il sait. Même en n'aillant jeter qu'un coup d'œil. Himchan pensait qu'il s'était préparé psychologiquement. Il a envisagé de trouver un mort. Il était au courant pour la mutilation du visage puisqu'il a vu la photo prise par Sunhee, mais ça... Il était bien loin du compte.
Himchan secoue la tête de droite à gauche de toutes ses forces. Il a cessé de vomir, mais il se sent toujours trop mal pour se redresser. Il sent que ça peut revenir. Surtout s'il repose les yeux sur le corps mutilé de son jeune ami.
Il est pas assez fort. Il est pas assez fort pour affronter ça !
Soudain, Himchan se fige, il vient d'entendre une inspiration, difficile, sifflante. C'était si faible, mais il l'a bien entendu, distinctement. Ses yeux embués de larmes s'écarquillent. Encore une...Une nouvelle inspiration vient confirmer qu'il ne se trompe pas.
Putain de merde ! Zelo est encore en vie !
Himchan se redresse précipitamment. Tant pis si tout son corps tremble encore. Rien ni personne ne l'empêchera d'aller au secours du blessé. C'est presqu'en rampant qu'il se rend à son chevet. Il se met à genou au bord du lit, là où il pourra voir le visage du garçon. Il lève une main tremblante. Il n'ose pas toucher le garçon. Où ? Où peut-il le toucher sans lui faire du mal ? Ses yeux se sont pleinement habitués à l'obscurité et il parvient à voir que les paupières de son dongsaeng sont ouvertes. Oui, il est en vie. Et il l'observe avec un regard sans éclat.
- Junhong ?
Il se décide pour l'épaule. Elle n'a pas l'air d'avoir souffert. Il pose sa main à plat sur cette dernière. Ce contact charnel, peau contre peau, fait réagir violement le garçon, jusque-là absent. Il roule sur lui-même pour fuir le contact et chute du lit, lourdement, du côté opposé de celui d'Himchan. L'ainé est choqué. Il ne s'attendait pas à cette réaction. Il a retiré sa main aussitôt qu'il a compris le problème mais trop tard. La silhouette parfaitement nue rampe au sol vers un coin de la chambre et se recroqueville comme un animal acculé.
- Junhong ? Pardon ! Pardonne-moi !
Himchan contourne le lit et s'approche. Zelo lui fait de la peine. Et le mot peine est bien en dessous de ce qu'il ressent réellement. Le blondinet a peur de lui. De lui ? Il n'est plus lui-même. Himchan garde une distance raisonnable, un peu plus d'un mètre, et il s'est baissé pour être moins impressionnant. Il parle doucement aussi, mais même si sa voix et douce pour tenter d'être rassurante, elle pue la peur et la pitié.
- Junhong, c'est moi, c'est Himchan !
Zelo semble inaccessible. Il ne semble pas le reconnaître. Répéter son véritable nom ne semble rien changer à la situation.
- Zelo ? tente Himchan.
Il lit la peur dans le regard de son vis-à-vis. Comment lui faire comprendre ?
- Je ne te ferais pas de mal ... plus personne ne t'en fera ... prends ma main !
Himchan tend la main, là encore le geste a beau être lent, porteur de paix, Zelo l'interprète comme une tentative d'entrer dans sa sphère intime. Il couine et réfugie son visage dans ses bras. Himchan retire aussitôt sa main. C'est effroyable ! Qu'est-ce qu'il peut faire pour aider son ami ? Himchan murmure, à bout de nerf :
- On a pas le temps ! Laisse-moi t'aider... Tu es blessé. Viens ! Il faut qu'on sorte tous ensemble. On va te soigner, on va t'aider. Je te jure qu'on va t'aider. Mais il faut que tu me laisse faire. C'est moi ? Tu ne me reconnais plus ? Je suis Himchan... Himchan ? Dehors, il y a Daehyun et Yongguk. Ils pensent que tu es mort...
Il ne peut pas ajouter qu'ils vont être heureux de le savoir en vie. Mensonges auxquels il ne se résout pas. Ils ressentiront bien plus d'effroi que de soulagement.
- Junhong ?
Le maknae se ramasse de plus en plus sur lui-même. Il ne regarde même plus Himchan.
- Junhong ? Autour de ton cou... Autour de ton cou il y a une clé. Il faut que je la récupère pour aller chercher de l'aide.
C'est tellement inutile ! Le jeune garçon n'arrive même pas à le reconnaître, comment pourrait-il comprendre quelque-chose à cette histoire de clé ? Mais il y a une chose qui reste vraie : c'est que son jeune ami, son petit frère, a besoin de soins. Il saigne, sur le sol, sur le mur. Le matelas peut témoigner que l'hémorragie a été intense. Et Zelo, malgré sa résistance à l'air faible.
Himchan se concentre. Il met son index et son pouce sur l'arrête de son nez pour réfléchir. Il sait que s'il tarde encore un peu, Yongguk va entrer. Il ne faut pas qu'il voit Zelo, comme ça. Il ne doit pas voir le lit, la nudité humiliante du plus jeune de leurs camarades. Cette nudité qui dévoile avec impudeur tous les sévices qu'a subi le garçon. Quand on les contemple votre corps réagit en empathie et c'est comme être torturé soi-même. Himchan souffre, mais il encaisse.
C'est ça ! Il doit trouver une solution pour que le maknae ne soit plus nu. C'est le seul moyen de lui redonner un peu de dignité. Le seul moyen de le sortir de cette chambre sans traumatiser les autres.
Plus facile à dire qu'à faire. S'il ne peut pas toucher le blessé, comment l'habiller, et avec quoi ? Himchan se relève et cherche sur le sol. Les vêtements de Zelo sont éparpillés sur le sol. Un nouveau haut-le-cœur menace d'abattre Himchan lorsque ce dernier voit le couteau ensanglanté. Il plaque sa main sur sa bouche, inspire profondément.
Si ce connard n'était pas mort, il l'aurait butté. Cet enfoiré...
Himchan inspire encore, et trouve la force de rouvrir les yeux et d'ignorer l'arme immonde et les images qu'elle évoque. Il ramasse le t-shirt. Il est déchiré, inutilisable. Avec rage, le jeune adulte le jette au loin.
Puis, l'idole a une idée. Ça peut fonctionner. Il se précipite vers la salle de bain. Les serviettes sont noires, parfait. Le blanc aurait été trop salissant. Il en trouve une d'une taille suffisante pour recouvrir entièrement le bébé géant. Reste à savoir s'il acceptera.
Himchan s'approche de nouveau. Il s'accroupit et tend la serviette.
- C'est pour te cou...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase, Zelo a attrapé le drap de bain. Il essuie son visage, au niveau des yeux. Puis il s'entoure avec la serviette. Le tissu le réchauffe, le rassure. Suffisamment pour qu'il se redresse. Himchan reste bouche bée. Ça marche ! Zelo est debout sur ses pieds nus.
Avec d'infinies précautions Himchan parcoure le dernier mètre que le sépare du blessé et il l'entoure au niveau des épaules. Prenant soin de ne pas presser fort, de ne pas toucher les zones qu'il sait altérée, et de ne pas effleurer de peau non plus.
- N'aie pas peur ! N'aie pas peur ! On y va ! On sort d'ici.
Zelo claque des dents. Himchan a envie de le serrer contre lui pour le réchauffer, le réconforter, mais il se retient.
Les deux revenants retrouvent la lumière blanche quand ils se retrouvent dans le couloir. Cette luminosité les aveugle.
Ceux qui attendaient se sont redressés. Daehyun se glace de surprise. Yongguk, par contre, s'élance vers Zelo. Il n'en revient pas. Il ressent du soulagement. Il ne voit qu'une chevelure ébouriffée mais il ne fait aucun doute que c'est bien lui et qu'il est debout. Plus que tout au monde, il veut le serrer dans ses bras, retrouver un peu de vie. Zelo, c'est son protégé, le petit frère qu'il aurait rêvé d'avoir. Zelo ! Il s'en veut d'avoir voulu mourir en l'abandonnant. Des larmes ont déjà envahi ses yeux.
Himchan le bloque juste à temps. Il s'interpose entre lui et Zelo.
- Non ! Ne le touche pas ! Ne le touche pas.
Yongguk ne comprend pas. Himchan le retient de toutes ses forces. Le leader se débat. Pourquoi il n'aurait pas le droit de toucher Zelo ? Depuis quand ? Pourquoi ? Yongguk regarde par-dessus l'épaule de Himchan. Zelo est derrière. Il a reculé en sentant qu'on s'approchait de lui. Il épie ce qu'il considère comme une source de danger.
Les yeux de Yongguk se posent sur le visage de Zelo, parfaitement visible maintenant. Himchan l'agrippe parce qu'il vient de se mettre à hurler et qu'il se débat encore plus. Yongguk veut se dégager de l'étreinte. Il veut toujours aller vers son Zelo. C'était son dernier espoir. Zelo, c'était son dernier espoir.
Himchan serre de toutes ses forces. Cette fois, tout fout le camp. Il espère. Yongguk va bien finir par se calmer. Il tente de le raisonner. De lui parler pour le maintenir dans la réalité.
- Calme-toi ! Yongguk, calme-toi ! Il est vivant, c'est tout ce qui compte.
- Lâche-moi ! Laisse-moi le voir.
Il est à seulement deux mètres, à seulement deux mètres et s'est comme s'il était inaccessible et des années lumières de lui. Yongguk remarque enfin la serviette. Il arrête enfin de se débattre. Mais Himchan ne lâche pas.
- Himchan ?
Oh non, ne pose pas de question !
- Où sont ses vêtements ?
Evidemment, Himchan ne répond pas. Yongguk le repousse en appuyant ses deux mains sur le torse de son ami :
- Je t'ai demandé quelque chose !
Himchan avait vu le regard du preneur d'otage sur Zelo et avait compris. Daehyun avait entendu les cris. Aucun des deux ne peuvent être surpris. Mais Yongguk vient de prendre un uppercut.
- Putain ! s'écrie Daehyun.
Aussitôt, Yongguk et Himchan se retournent vers celui qui vient de jurer. Zelo vient de perdre connaissance, Daehyun l'a retenu de justesse.
Himchan se précipite vers eux.
- On se barre tout de suite. Il a besoin de soins tout de suite. Donne-le moi.
Yongguk s'avance. Il ne regarde que Zelo. Ce qu'il en reste : son visage est lacéré, sous sa serviette il est nu, du sang tombe comme des gouttes de pluie sur le sol carrelé. Yongguk cherche dans ses yeux, légèrement ouverts alors qu'il reprend ses esprits, une lueur d'espoir, et il ne la trouve pas. Les paupières de Yongguk se referment et deux larmes coulent symétriquement.
Ce qu'on a fait à Zelo, ça transforme toute sa douleur en colère. La rage le brûle de part en part. Zelo n'est plus là. Lui aussi on le lui a volé. Sunhee le lui a volé.
Elle a dit quoi déjà ?
« je serai dans la chambre dix-huit. Si tu n'as pas envie de me quitter tu pourras toujours venir m'y trouver. »
- On sort tout de suite, insiste Himchan. Tous les quatre !
- Je ne vais pas sortir avec vous, répond son meilleur ami. Moi, je reste. Je vais lui faire payer ça et ce que tu sais. Je vais le lui faire payer cher.
Et Himchan comprend qu'il ne peut pas lutter contre ça.
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