Le troisième rendez-vous.

La jeune fille du bus venait d'accepter de revoir une nouvelle fois Yongguk. Classiquement, les filles réfléchissent avant d'accepter le troisième rendez-vous, puisqu'il est symbolique. Les coréens s'estiment, en effet, en couple au bout de trois « dates ». Pourtant, la jeune Sunhee n'avait même pas fait semblant d'hésiter un peu avant d'accepter. Ils étaient, à présent, officiellement un petit couple, bien qu'ils n'aient même pas échangé leur premier baiser.

Le premier rendez-vous s'était passé au cinéma. Pratique pour le grand timide, car il n'avait pas été nécessaire d'ouvrir la bouche.

Le deuxième rendez-vous s'était passé dans un PC Bang, une salle de jeu en réseau. Yongguk avait dépensé tout son argent de poche pour enfin s'emparer d'un carapuce au jeu de la grue attrape-peluches. Il l'avait bien sûr offert à Sunhee. Elle s'était, à son tour, démenée sur des machines à sous dans lesquelles les jetons étaient remplacés par des bonbons multicolores. La chance leur avait sourie et ils avaient fait chuter une belle pile de sucreries dont ils s'étaient gavés.

Sunhee était une femme-enfant, joueuse et sans cesse souriante. C'est ce qui avait plu à Yongguk. Elle était spontanée et il ne savait jamais à quoi s'attendre avec elle. Elle lui avait d'abord paru très réservée, puis finalement, elle était rapidement devenue engageante, avec une vraie force de proposition. La jeune fille avait des dizaines d'idées par minutes pour s'amuser et le faire rire. Silencieuse au départ, elle ne cessait plus de parler. Sa conversation était superficielle mais il lui pardonnait cette futilité si joyeuse qui lui faisait, au final, beaucoup de bien.

Pour le troisième rendez-vous, Sunhee avait insisté, une fois de plus, pour lui faire la surprise du lieu. Il ne tenta pas de faire de pronostiques, sachant par avance qu'elle les déjouerait. Il avait compris qu'elle était imprévisible. Il s'attendait donc à être surpris.

Et il ne fut pas déçu. Yongguk regardait encore l'adresse fournie par Sunhee en se demandant s'il pouvait s'agir d'une erreur. Devant lui : un hôtel. La jeune fille lui donnait rendez-vous dans un hôtel ! Yongguk avait soudainement mal au ventre.

Pourtant, ce n'était pas une erreur. Sunhee déboula un rien après lui et l'entraina à l'intérieur du bâtiment. Elle demanda une clé qu'on lui tendit aussitôt.

Yongguk ne savait plus où se mettre. Il n'avait pas prononcé un mot, à part « bonjour ». Il ressentait une forme de trac, de panique. Une partie de lui réclamait déjà à fuir parce qu'il ne s'était pas mentalement préparé à ça. Heureusement, une autre partie de lui, suppliait le garçon de se laisser faire. Parce que déjà, il sentait monter une envie irrépressible. Dans le fond, il n'avait jamais formulé ce désir. Mais à présent qu'il l'entrapercevait, le lui enlever lui causerait une blessure.

Dans la chambre, Sunhee, à peine entrée, s'activa. Elle ôta son manteau. Elle s'était de toute évidence faite belle. Le style était moins enfantin que précédemment : une petite robe noire et des bottes à lacets. En dehors d'un sautoir d'argent, et de ses boucles d'oreille, la jeune fille n'avait aucun accessoire. Elle était un peu plus femme et moins girly. L'observer n'améliora pas l'état émotionnel de Yongguk qui tentait de raisonner son palpitant.

Sunhee, comme si elle connaissait déjà les lieux, trouva deux verres de shooter rangés sous la table basse du salon. Elle alla ensuite sortir du minibar le fameux soju dans sa bouteille verte, l'alcool transparent, à base de rien, mais qui titre à 20 %.

La jeune fille s'agenouilla sur le coussin face à la table, et Yongguk, après avoir lui-même ôté son manteau, se mit à genou, face à elle. Il n'osa rien dire mais son poing, sur son front, cachait une partie de son visage avec gêne. Il pinçait les lèvres.

Sunhee le servi à deux mains, son verre uniquement. Yongguk remarqua une nouvelle fois la manucure originale de Sunhee. La longueur exagérée de ses ongles de l'index et du majeur. Les ongles étaient roses, deux stickers minuscules sur chacune de ses protubérances. Des petits cœurs. Yongguk soupira. Il était quinze heure de l'après-midi, il devrait retourner à l'agence ensuite...

- Je tiens très mal l'alcool, avoua-t-il.

- T'as l'alcool mauvais ?

- Non, je le tiens juste mal.

- C'est pas la première fois que tu en bois, hein ?

- J'ai fêté mes dix-neuf ans il y a trois mois... C'était forcé que je boive...puisque j'avais officiellement le droit... mais, j'ai ... en dehors de ça, pas une très grande expérience.

Le rire de Sunhee accueillit ses révélations. Yongguk détestait passer pour un petit garçon devant une femme qu'il cherchait à impressionner. C'était raté. Il aurait peut-être dû mentir.

- Combien de verre avant l'ivresse ? demanda son interlocutrice taquine.

Yongguk se mit à rire en repensant à son anniversaire. Deux malheureux verres lui avaient suffis.

- Je suis obligé de répondre.

- Soit tu parles, soit tu bois.

- Je vais avoir des problèmes si je me saoule en pleine journée. Je ne suis pas censé boire et j'ai des cours du soir.

- Et tu fais toujours ce qu'on te dit de faire ?

Le regard de Sunhee était direct et piqua Yongguk dans son égo. Il saisit le shooter et avala l'intégralité du verre. Il le reposa ensuite sur la table, reprit la bouteille et servit Sunhee à son tour.

Une demi-heure plus tard, Yongguk disait des gros mots sans raison et riait pour rien. Il n'avait pas compté les shoots, mais il avait dépassé les deux verres. Il protesta, parce que sa camarade de beuverie, qui ne montrait aucun signe d'ivresse, était en train de remplir le verre qu'il venait de vider.

- Non, non !

- Soit tu bois, soit tu parles ! dit-elle.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

- Est-ce que je te plais ?

Yongguk mordit son pouce. Il ne pouvait pas répondre à cette question. Même ivre, il ne pouvait pas. Elle s'était rapprochée, un peu penchée en avant, charmante, désirable et souriante. La question était stupide. La réponse évidente. Sa petite amie, depuis une heure déjà, savait la réponse, mais elle voulait la lui faire dire. Mais il n'était pas capable de la prononcer. S'ouvrir à ce point-là, si vite ! Il regarda le verre, hésita : boire davantage était vraiment déraisonnable.

- Il y a pas de troisième option ? se défila-t-il.

Elle s'approcha encore, murmura non loin de son visage.

- Propose !

Yongguk tourna la tête vers elle. Elle était si accessible. Il ne réfléchit pas davantage, se pencha vers elle et l'embrassa. Ce fut un contact bref. Il s'éloigna ensuite, heureux. La fille le regardait.

- Proposition acceptée.

Elle l'embrassa à son tour, toujours lèvres contre lèvres. Ils s'interrompirent, peu de temps, et recommencèrent. Un troisième baiser et cette fois, il ne résista pas à l'envie d'introduire la langue. Ils ne bougeaient rien d'autre. Seules leurs bouches étaient actives. Seulement elles, longtemps. C'était un supplice de garder les mains à leur place, mais aucun des deux ne céda. Et ce troisième baiser s'éternisait. La chaleur dans le corps de Yongguk n'avait plus pour origine le soju. Quand il repensait à cette partie de lui-même, couarde, qui avait voulu rester à l'extérieur de l'hôtel, il la maudissait.

Sunhee interrompit finalement le baiser, éloigna un peu ses lèvres. Il détesta. Elle se leva.

- A mon tour !

Elle avala le contenu du verre de Yongguk, parce que le sien était vide. Se lécha les lèvres du dos de la main. Le jeune homme était toujours penaud au sol.

- A toi !

Elle ne lui avait même pas resservi de verre. Yongguk se releva, attrapa sa petite amie et l'entraina sur le lit. Elle poussa un cri joyeux. Et il l'embrassa encore. Emporté, il ne ressentait plus la timidité. Il frissonna en sentant les mains de femme remonter sous son t-shirt. Il retint un rire.

- Chatouilleux ?

- Pas du tout, nia-t-il.

C'était bien inutile de mentir. Elle pinça ses hanches et les bras de Yongguk tomba. Il s'effondra sur elle en riant. Puis, il tenta de se défendre et de retirer les mains baladeuses. Pour ne pas l'écraser pour de bon, il roula sur le côté. Il avait déjà les larmes aux yeux.

- Menteur, rit-elle en venant sur lui.

En amazone, elle remonta sa robe et la retira comme on retire un pull. Elle se retrouva en sous-vêtement au-dessus de lui. Il redevint instantanément sérieux.

Il se redressa en position assise. Elle était à cheval sur ses cuisses. Il l'embrassa dans le cou. La chevelure avait un parfum envoutant. Il sentit la jeune femme saisir son t-shirt et le retirer avec haine. Il leva les bras pour lui faciliter la tâche.

Elle cramponna ensuite ses doigts dans son dos, de plus en plus fort. Il fermait les yeux. Ses lèvres s'emparaient de l'angle de la mâchoire de Sunhee. Lui aussi referma les mains dans le dos de sa partenaire. Il la caressa, la serra contre son torse chaud. Ses mains rencontrèrent l'attache dorsale du soutient gorge. Il le détacha. Puis s'est elle-même qui l'ôta. Le sous-vêtement glissa de ses épaules.

Ils retirèrent le reste de leur vêtement et s'unirent avec empressement. Les doigts de Sunhee labouraient la peau de son dos. Au moment exact de la jouissance, les griffes se plantèrent dans son dos et il hurla, sans savoir s'il poussait un cri d'extase ou de douleur. De toute manière, l'instant d'après il s'effondra, à moitié mort dans le lit de la chambre d'hôtel, achevé. La jeune fille vint se blottir dans ses bras fins.

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Yongguk fit acte de présence à son cours du soir. Il était perché dans un petit nuage, encore engourdi d'alcool et d'endorphine. Il ne prêta pas attention aux regards suspicieux et taquins de ses amis qui semblaient tout deviner.

Avant de se coucher, Yongguk se doucha. Sa main qui savonnait son dos rencontra un défaut. Le jeune homme sortit de la douche, tourna le dos au miroir et se contorsionna pour s'observer. La griffure sur son omoplate était nette et bien rouge. Les ongles de Sunhee s'étaient plantés en lui jusqu'au sang.