CHAPITRE 27 - Perte, partie 2/8
Coup de foudre.
Un sifflement de train dans sa tête le réveille. Le bruit est assourdissant, puis ensuite c'est comme si ce même train venait rouler sur sa tête. Il y a ce mal de crâne. Il y a aussi cette difficulté pour respirer. L'air ne veut pas entrer.
Une détresse respiratoire ? Encore ?
Non ! Le poids sur sa poitrine est réel et c'est lui qui contraint sa respiration. Il y a ce mal de crâne. Il y a cette difficulté pour respirer. Il y aussi ce souffle sur la peau de son visage, chaud, bouillant. Enfin, ses yeux s'ouvrent. Il voit des mirettes qui sont plongées dans les siennes. Des yeux de biches, brodés de cils courts, soulignés sur la paupière mobile d'un fin trait de crayon noir. Son cœur rate une marche. Il s'agite. Une voix :
- Déjà debout, quel dommage.
Les évènements récents lui reviennent en tête. Jongup d'abord, Sunhee ensuite, puis la tête décapitée, la précarité de leur situation, le gaz... C'est ça le mal de tête ?
Yongguk est allongé sur un lit. Il voit qu'il n'est plus dans la même pièce. Il a été déplacé. Cette chambre-ci est plus grande, mais il n'a pas le temps de détailler le décor. Sa migraine altère toujours ses sens.
Peu importe à quel point il a mal, à quel point il est diminué, il doit tenter de repousser cette femme qui l'empêche de respirer. Elle n'a rien à faire sur lui, sur son corps. Elle souffle toujours sur son visage, avec une proximité inquiétante. Elle est assise sur son bassin, félinement penchée en avant pour rapprocher leurs deux visages. L'une des mains de la jeune femme est posée sur l'épaule de son otage. Yongguk remue. Il dégage ses bras pour tenter de la repousser. Mais avant qu'il n'y parvienne une nouvelle sensation l'interpelle. Ses bras restent alors suspendus dans un geste qu'ils ne termineront pas.
- Allons, chéri ! Ne te débat pas.
Bien qu'il hésite encore, le jeune homme obéit. Parce qu'il sent que son T-shirt est remonté jusqu'au nombril et qu'une pression s'exerce sur ses abdominaux. Celle d'un objet, une arme, pointée sur son ventre. Il n'avait pas ressenti cette menace immédiatement. Autant le souffle de Sunhee est bouillant sur sa joue, autant l'impression laissée par ce contact est glaciale, pourtant ce n'est pas une sensation métallique.
Le doigt, impatient, de Sunhee est appuyé sur la détente de son taser. La cible ne bouge plus pour l'instant. Mais elle peut encore changer d'avis. Elle suppose qu'il est en train de peser les pours et les contres. Elle pense qu'il va choisir l'action. Elle attend patiemment que sa proie se décide au geste de trop, pour qu'elle use enfin son nouveau joujou électrique.
Depuis le début de la prise d'otage, elle veut se pencher sur lui, de cette manière, l'enjamber comme un mustang. L'occasion s'est enfin présentée.
Luca et elle viennent de finir de déplacer les otages. Ils ont terminé par Yongguk. Elle a choisi cette chambre pour lui. Elle est conçue en deux niveaux. Sur une estrade, il y a un espace sommeil comprenant le lit, une armoire et une table de nuit. Un petit escalier de quelques marches permet d'y accéder. Plus bas, il y a un espace salon, des fauteuils et un canapé, déposés sur un sol au carrelage noir et blanc, rappelant un échiquier. Les murs sont blancs et fuchsia. Mais si Sunhee a immédiatement choisi cette espace pour Yongguk, c'est parce que les décorateurs n'avaient pas été radins pour l'accessoiriser. Il y a des peluches de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Elles font leur vie sur le lit, autour du lit, suspendues au mur, ranger dans les placards, assises sur les fauteuils. L'ensemble ne fait pas trop chargé, grâce à la grandeur de la chambre, à sa construction à deux niveaux et aux couleurs très claires et pastels.
Sunhee n'aime plus les peluches depuis sa rupture avec Yongguk. Elle sait que lui, les apprécie toujours. Quelle partie de lui exactement refusait de grandir ?
Luca a donc porté Bang à bout de bras jusque dans la chambre aux peluches. Elle a demandé à ce qu'il soit déposé sur le lit. Himchan a été déposé sur le canapé quelques minutes plus tôt. Le jeune homme est toujours profondément endormi.
Sunhee s'est ensuite appliquée à observer Yongguk assoupi. Il était touchant. Il n'avait pas l'air d'un homme apaisé pour autant. Son sommeil était lourd et inquiet. Elle avait pu distinguer, de près, les traces laissées par des années qui avaient comptés triples. Sa peau a vieilli, ses traits ont durcis. Des pattes apparaissent aux coins de ses yeux, des rides d'inquiétude rayent son front, ses lèvres sont gercées. Mais aucun de ses détails ne parvient à l'enlaidir. Elle le reconnait comme au premier jour. Dès qu'elle l'a vu, elle a su qu'il n'y aurait personne d'autre que lui.
Maintenant, elle fait glisser l'extrémité de l'arme sur le jeune homme, s'insinuant entre le T-shirt et le jean bas. Les abdominaux découvert, accessible, le nombril. Elle caresse ce ventre. Ça la rend folle, un feu qui nait en son sein. Elle sait qu'il suffit d'une pression du doigt pour que Yongguk se torde. Il suffit pour cela qu'il craque, qu'il fasse le geste de trop.
Alors, provoquantes, les lèvres de Sunhee viennent investir son visage, sa joue, son menton. Il ne se débat toujours pas. Il ne ferme même pas les yeux.
- Que veux-tu ?
Elle ne dira rien. Elle l'embrasse. Un baiser auquel il ne répond pas. Les lèvres de l'otage restent closes. Garder les mains levées devient de plus en plus compliqué. Mais il ne tente pas de se débattre. Il reste simplement immobile, affichant son indifférence plutôt que son mépris.
Sunhee se détache de lui, déçue. Elle n'espérait pas qu'il apprécie mais elle attendait au moins qu'il se débatte, qu'il lui donne le prétexte dont elle a besoin pour l'électrocuter un peu.
- Que veux-tu ? demande-t-il encore.
Cette fois, Sunhee lui répond dans un murmure :
- Tenir une promesse. Puis, faire en sorte que tu me reviennes.
- Tu crois que c'est comme ça que tu vas me récupérer ?
Il veut lui dire à quel point elle est folle, mais il ne le dira pas. Il poursuit en essayant de mettre le moins possible d'émotion dans sa voix.
- Tu penses vraiment que tu vas me récupérer en faisant ... ça ? Je ne reviendrai jamais vers toi. Et c'est pas en me menaçant avec ton arme que tu vas changer les choses. Tu peux me forcer à faire semblant, mais tu sauras que c'est pour de faux. Parce que je ne t'aime pas et je ne te pardonnerai jamais pour Jongup. Il n'y a plus rien à faire, Sunhee. Tu ne peux pas forcer mes sentiments. Personne ne peut forcer les sentiments de quelqu'un.
- Tu te trompes, on peut forcer les sentiments de quelqu'un.
Elle ne peut plus avoir son amour. C'est vrai ! Mais elle peut toujours faire en sorte de tenir le premier rôle dans son cœur. Elle ne quittera plus jamais ses pensées. Il n'aura de cesse de la poursuivre, comme un amant recherche son âme-sœur. Elle deviendra sa plus grande obsession. Il ressentira les mêmes tourments que ceux auxquels elle-même est confrontée.
Elle a vécu pour le retrouver. Elle a vécu dans ce seul but. A la fin de la journée, lui aussi, ne vivra plus que pour elle, attaché à elle par un sentiment plus fort que l'amour.
- On peut forcer une rencontre en jouant les jeunes filles fragiles, poursuit la démente, trop petite pour attraper un sac... Forcer le destin, en oubliant, volontairement, son carnet à dessin. Tu sais ? Comme les demoiselles qui laisse tomber leur mouchoir de poche devant leur prétendant, dans les films à l'eau de roses. C'est vrai, qu'après, je n'ai pas su te retenir... C'est la faute de tout ça ! De tous les autres, ils m'ont tous éloignés de toi.
La jeune femme quitte soudainement son air mélancolique. Songer au passé n'est pas une chose à faire, se persuade-t-elle. Les choses ont changé. Elle a changé. Après tout, contrairement à ce que croit son Yongguk, elle ne le retient pas dans le but de le séduire. Elle le retient pour s'amuser. Alors, amusons-nous !
Les dents de Sunhee apparaissent quand son visage s'illumine d'un grand sourire.
- Il y a plein de choses qu'on peut forcer, mon chéri. Là, je peux forcer le courant à passer entre toi et moi, tu vas voir ?
Rien à foutre d'avoir un prétexte ! Yongguk ne s'est pas débattu, pourtant, le doigt impatient appuie sur la détente du taser.
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