Un lourd silence macabre. Voilà tout ce qui demeure de notre dernier espoir. Et le véhicule s'ébranle quelques fois, nous secoue pour nous tirer de cette transe que seules les larmes parviennent à briser.

La réalité nous frappe, nous bouscule et se révèle plus glaciale encore que la mort. Ces pantins du diable qui courent dans nos rues ont la seule mission de nous dévorer, et cela pour une raison que l'on ignore tous.
Assumer notre situation, avaler la vérité et s'efforcer de s'y adapter relève d'un courage et d'une force mentale qu'aucun de nous ne possède. Non, il ne s'agit pas d'une autre guerre mondiale ou d'une épidémie mondiale mortelle ; c'est d'une apocalypse de zombies dont on parle. Chose qui n'existe normalement que dans les films ou les livres. Voilà pourquoi la seule explication logique qui demeurait était celle du rêve. Du cauchemar, plutôt.

— Où est-ce qu'on va ? murmure Iris d'une voix chevrotante, d'où perce une peur infinie.

— Je sais pas, lâche Théo.

Ses paroles sont à peine audibles. Je me demande si mes amis sont aussi torturés par la réalité que moi. Je glisse un regard vers Lee. Les jointures de ses mains ont blanchies tant qu'il sert sa barre de métal.
Les vertiges me prennent alors tandis que ma hanche m'élance de nouveau ; je sais que la plaie continue de saigner. Mais cela va s'arrêter. Nul besoin de recoudre ou je ne sais autre idiotie qui ne serait nécessaire qu'en cas d'apocalypse.

— On a qu'à aller dans les montagnes, propose Marius d'une petite voix. Peut être que là bas, les zombies auront du mal à nous suivre...

— Oh putain j'avais oublié, intervient soudain Lee. Lily, on a trouvé ça chez toi avec Iris.

Il se tortille dans notre faible espace pour tirer de sa poche un papier froissé et trempé de sang.

— Bon désolé il est un peu abimé.

Il me le tend, et mon rythme cardiaque s'accélère.

— Où est ce que vous avez trouvé ce papier ? je bredouille, hésitante. Et pourquoi à moi ?

— Quand tu es partie chercher Arkan, explique Iris, Lee et moi on est retournés chez toi pour voir si on n'allait pas trouver des indices pour savoir si ta famille est encore vivante, tu vois. C'est ce qu'on a fait chez nous et à chaque fois on a... Bref. Du coup bah là on trouvait rien, jusqu'à que Lee voit ça posé sur ton lit...

— Iris t'a prit deux ou trois affaires dans ton sac aussi, intervient Marius.

Mon menton se plisse, et je me mords les lèvres. Les larmes ruissellent à nouveau tandis que je bafouille tout en dépliant la feuille :

— M-Merci. Je vous ai laissé tombé et vous m'avez quand même prit des affaires...

Ils étirent un faible sourire.

— T'inquiète, grogne Lee en reprenant sa garde par la fenêtre. T'aurais fait pareil j'pense.

— THEO ARRÊTE LA VOITURE ! je hurle brusquement, les yeux écarquillés.

Le jeune homme pile, et les cinq autres répriment un cri de terreur.

— Quoi, quoi ?! s'affole Arkan.

— Des zombies ?! enchaîne Iris d'une voix suraigüe.

Je secoue négativement le menton, tremblante :

— Le-le message, il...

Théo et Marius font aussitôt volte face et se penchent dans ma direction.

— C'est un message de mon père, je déglutis. Il est vivant, tout comme le reste de ma famille même s'ils ont été séparés. Mais ça on s'en fout. Il dit qu'il était au courant pour l'apocalypse, avant qu'elle ne commence...

— Quoi ?! s'étrangle Lee, les yeux ronds.

Les autres me dévisagent, ahuris, mais je suis toute aussi perdue qu'eux. Je peine même à croire mes propres mots, ces propres phrases que j'ai lues.

— Attendez il... Je... Bref je vais vous le lire, ça sera plus simple.

Je retiens ma respiration, et je les sens faire de même. Je ne suis pas allée au terme du message et je ne suis pas certaine que mon cœur saura suivre cette course effrénée à laquelle ma nervosité, ma peur et mon impatience se livrent.

— Lily, je commence, la voix rauque. J'espère que tu liras ce message, parce que sans lui, je ne sais pas si je pourrais te revoir un jour. Soit déjà rassurée, Anya et Samuel sont normalement vivants. Maman est avec moi. J'ai envoyé ton frère et ta sœur ce matin à 8h dans la campagne, en haut de la Corrèze, dans un endroit construit par des gens que je connais. Oui, j'étais au courant de ce qui allait se passer. Enfin, pas vraiment. J'avais peur que ça arrive et c'est arrivé. Tout ce que je peux te dire, c'est que ça a un rapport avec les abeilles. Je n'ai pas pu t'y envoyer toi aussi, et tu ne peux pas imaginer comme je me sens terriblement coupable. Si je le pouvais, je partirais à ta recherche et te ramènerai dans ce camp en Corrèze moi même, mais maman et moi avons dû partir pour le Japon avec des gens du gouvernement. Je ne peux pas t'expliquer pourquoi, et je suis terriblement désolé. Mais la priorité est que tu rejoignes Anya et Samuel en Corrèze. Je t'ai inscris les coordonnées tout en bas de la lettre. Essaie d'avoir quelque chose pour te défendre. Et à manger. Et à boire. Je t'en supplie, fais attention. Les zombee sont très rapides. Si ça peut t'aider, ils utilisent un dard qui pousse dans leur bouche lors de leur mutation pour contaminer d'autres personnes. Alors évite les magasines sur les poignets comme dans les films, ça ne servirait à rien. Utilise plutôt des trucs en métal.
Je suis désolé. Tellement désolé. Je t'aime.