Chapitre 13
Mes oreilles chantent.
Mes tympans accompagnent leur mélodie d'un instrument long et strident, aigu. Je suis secouée et pourtant, seule cette voix me parvient. J'ai encore l'espoir de vivre, que mon cœur poursuive ses battements de son tempo si accéléré. Le reste, c'est l'obscurité qui l'a dévoré.
Mais les secousses se font plus violentes ; bientôt, ma poitrine se comprime de douleur. L'air qui descend par mes narines et ma gorge m'incendie l'intérieur. J'ouvre soudainement les yeux et les larmes roulent sur mes joues sous la brûlure de la fumée. Marius est penché sur moi, l'air épouvanté : un filet de sang s'écoule de ses cheveux brûlés et trempés. De petites gouttes écarlates gouttent de son nez.
Je reste un instant pétrifiée, incapable de comprendre ce qu'il se passe. Alors les bruits me reviennent, et je l'entends hurler :
— LILY ! DEBOUT, ALLEZ !
Il me secoue davantage et je lui attrape l'épaule pour lui faire signe que je l'entends. Mon crâne frappe les tambours de mes tympans avec force, mais je n'y prête pas attention. Je balaye les alentours du regard, à la recherche de mes quatre autres amis. Le parc est dévoré par les flammes ; dressés autour de nous, Arkan, Lee et Iris frappent de plein fouet les zombies qui déboulent à l'aide de branches encore intactes et de la fidèle barre de métal.
— La voiture, je murmure, ravalant une nausée.
— Théodore est parti la chercher, me rassure Marius tout en jetant un regard pressé et inquiet autour de nous. Je lui ai demandé de passer prendre Roxane sur le chemin, mais...
Un hurlement rauque m'arrache soudain un sursaut, et mon sang se glace ; mes yeux pivotent aussitôt vers l'origine du bruit. Là, détalant sous les panaches de fumée et battant les flammes, les coureurs accourent par centaines dans notre direction.
Instinctivement, je saute sur mes pieds ; si les vertiges me viennent aussitôt, j'agrippe fermement le bras de Marius et attrape au passage celui d'Arkan :
— Les gars, faut partir, et vite !
Il fait volte face dans ma direction, surpris, mais à la vue des nouvelles créatures, son visage pâlit : il pousse les deux autres, horrifié, à avancer vivement. Lee se place aussitôt en tête tout en tenant fermement son arme de bois devant lui ; je m'assure qu'Iris nous suit avant de détaler à sa suite.
Mes jambes s'élancent d'elles-mêmes ; elles ont oublié la douleur. Seuls les mugissements terrifiants des coureurs me parviennent. Le souffle court, je saute les racines, tente d'esquiver les branches qui me fouettent le visage. Marius est à un mètre ou deux à ma suite, tandis qu'Arkan me devance. Je vois Lee éviter habilement les obstacles fumants des vestiges de la forêt. Mon souffle court moins vite que mon cœur, qui lui s'accélère toujours. Je me refuse à jeter un regard en arrière. Soudain, mon pied percute une racine et je manque de chuter. Je titube sur quelques mètres et pousse un cri d'horreur ; cependant, je rétablis aussitôt mon équilibre et j'entends Marius me hurler de courir juste derrière moi.
Je pousse davantage sur mes pieds, et tous mes muscles se contractent. Je suis incapable de respirer tant que ma poitrine se resserre à chaque nouveau pas que j'avale. Je jette alors un regard par-dessus mon épaule ; les arbres s'éloignent tandis qu'Iris et que Marius zigzaguent entre les troncs fumants. A une dizaine de mètres de là, les monstres se perdent parmi les flammes ; la plupart trébuchent, s'entassent et s'amassent les uns contre les autres.
Soudain, je percute violemment une silhouette et le choc m'arrache un hurlement de terreur ; le monde bascule, mes pieds se perdent parmi les touffes d'herbes et je roule dans la boue. Le paysage tournoie autour de moi, et mon corps trop lourd m'entraîne vers le bas. Je m'écrase brutalement dans une flaque de boue tout en lâchant un grognement de douleur. Je me redresse sur mes bras tremblants, la vision floue ; Arkan, Lee, Marius, Iris et moi sommes étendus dans une mare de boue au flanc d'une colline. A droite, il n'y a plus d'arbres ; nous avons atteint l'orée de la forêt.
Mes muscles hurlent, et l'explosion de mon crâne semble imminente ; mais les gémissements glaçants des coureurs se rapprochent toujours.
— Allez, je gémis en m'écroulant aux côtés d'Arkan, qui peine à se redresser. Debout, il faut... Il faut se lever...
Mais il est trop tard ; les créatures déboulent violemment au sommet de la colline, telle une vague de sang et de chair putréfiée. Je voudrais reculer, fuir ; me trouver à n'importe quel autre endroit que celui-ci. Arkan rampe devant moi ; comme si cela pourrait me protéger. J'attrape son épaule et la serre ; nous allons mourir. Nous allons finir comme ces créatures, les membres brisés, les yeux enfoncés dans les orbites ; mais leur laideur n'est rien face à leur sauvagerie, leur soif ardente d'humains.
Soudain, un nouveau rugissement se fait entendre ; la lumière inonde la colline et un imposant 4x4 fend la mer de monstres : les morts vivants sont projetés des quatre côtés, écrasés par les roues titanesques du véhicule.
La portière s'ouvre alors et Théodore, au volant, nous hèle, les yeux écarquillés de terreur :
— MONTEZ !
Sans réfléchir, je saute sur mes pieds et détale vers la voiture. Mes mains attrapent les touffes d'herbes qui dépassent, et mes pieds glissent sur la boue. Je finis par atteindre le sommet et, les yeux fous, ouvre la portière arrière pour me jeter sur le siège passager. Arkan et Iris sautent à mes côtés, suivis de Lee, qui claque sèchement la porte.
Je jette un bref coup d'œil au rétroviseur ; là derrière, la forêt vomit de hideuses créatures qui détalent à toute vitesse dans notre direction. Je pousse un hurlement de terreur et Théodore appuie violemment sur la pédale. La portière à sa droite est toujours ouverte : Marius n'est pas monté.
Les zombies nous rattrapent, et je peux voir leurs mâchoires brisées se secouer au rythme de leurs mouvements saccadés. Ils hurlent, nous dévorent de leur regard injecté de sang. L'un d'eux se jette contre la vitre à ma gauche et j'hurle lorsque le verre se brise sous le coup. Je me protège les bras de la tête tandis qu'Arkan m'attrape férocement pour me tirer vers l'arrière. Une autre créature passe le bras par la fenêtre, et ses doigts violacés s'agitent furieusement sous mon nez. Lee nous bouscule alors et brandit son arme de métal pour frapper le bras du zombie. Celui-ci pousse un cri à en faire glacer le sang et le membre s'arrache. Il frétille à mes pieds, noyé de sang.
Je relève brusquement le menton : Marius n'est toujours pas monté ! Je me précipite à la fenêtre droite et me presse de l'ouvrir : le grand blond court toujours après la voiture, talonné de très près par les zombies. Je passe les bras et la poitrine par la fenêtre ouverte et lui tend les mains tout en hurlant :
— ALLEZ ! TU PEUX LE FAIRE !
Le véhicule est pris d'une secousse et je manque de basculer par la fenêtre ; Iris et Arkan me rattrapent de justesse, tandis que Lee s'acharne de l'autre côté pour frapper les créatures qui arrivent au niveau de la voiture.
Le visage crispé de Marius m'indique qu'il ne tiendra plus très longtemps. Mais les larmes qui roulent sur son visage prouvent aussi qu'il se démène pour ne pas abandonner ; il tend alors la main vers moi, et je sens ses doigts qui touchent les miens une fraction de seconde.
— ALLEZ ! je crie à nouveau.
Il pousse un hurlement sous l'effort et, accélérant une énième fois, rattrape la voiture. Il se jette alors à la portière toujours ouverte, battante au vent sous notre course effrénée, et s'y accroche fermement. Ses chaussures crissent un instant au sol, avant qu'il ne parvienne à se hisser à l'intérieur pour claquer définitivement la portière.
Aussitôt, Théodore accélère et les zombies disparaissent de nos flancs. Je jette un bref coup d'œil vers l'arrière et réprime un soupir de soulagement : ils s'éloignent. Et désormais, ils ne sont plus que d'insignifiantes silhouettes sur un chemin sillonné de cadavres vivants.
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