Chapitre 10
Au cinéma, la scène des zombies qui s'empallent les uns contre les autres sur les vitres en hurlant est toujours accompagnée d'une terrifiante musique à suspence pour effrayer le spectateur. Excluant les rares où seules les images suffisent, comme dans the Walking Dead.
Ici, il ne s'agit pas de créer la peur, de faire monter l'angoisse et le suspence. C'est simplement, et sans autre mot pour le décrire, épouvantable. Ou répugnant. Ou horrifiant. À cet instant, tous les pentalons se colorent à l'entre jambe. Les jambes fléchissent, l'esprit s'envole et le sol se dérobe. On compte les secondes qui nous séparent non pas de la bataille, mais de la mort, des hurlements et de cette fatale réalité incongrue qui tonne aux fenêtres.
— On devrait vraiment s'en aller... hoquète Roxane, en pleine crise de panique.
Quelques secondes de plus et mon cœur lâche, rejoint le sien dans un long et douloureux trépas.
Du coin de l'œil, j'aperçois Marius et Arkan qui dévisagent Lee. Je ravale un grognement frustré : ils attendent que notre ami les entraîne vers la sortie. Contre toute attente, le désigné meneur de notre petit groupe coule un regard dans ma direction :
— Lily, on ne pourra pas emmener tout le monde.
Je fronce les sourcils et réprime un sursaut lorsque les vitres craquent quelques mètres plus loin.
— Explique toi, je grince entre mes dents.
— Le commandant a menti pour qu'on ne s'entretue pas, murmure-t-il, le regard dur. Il reste une voiture. Juste une seule. Celle de Théo.
J'écarquille les yeux, ébranlée, et mon menton balaye les alentours sans que je ne sache pourquoi. Il n'existe aucune solution à ce problème vers les arbres, les vitres brisées et...
— Ils ont cassé les vitres ! je hurle, agrippant la première épaule venue pour m'en servir de bouclier.
Pris de court et entraîné par mon poids, le bouclier en question titube vers l'arrière :
— LILY ! s'étrangle Arkan.
Tandis que nous percutons le sol, les pieds emmêlés entre chaises et tables, Ryan dresse son corps devant nous, dégaine son arme et pousse la détente. Je perçois les cris de Roxane, mêlés à ceux des autres, qui fusent à travers la piège parmi tous les autres bruits. Éclats de verre brisé, coups de feu, cris de guerres et râles étouffés par des cadavres cavalant dans notre direction.
Mon souffle percute mes côtes, le monde tangue, emportant les battements de mon cœur dans sa chute.
Je pousse un hurlement de terreur, brusquement ramenée à la réalité, lorsque Lee est violemment projeté sur une table à ma gauche. Elle bascule sous le choc et il roule au sol dans un grognement de douleur.
— Lee ! s'étouffe Marius, qui jaillit hors de la masse en furie pour se précipiter vers notre ami.
Je me dévisse la nuque pour m'assurer de son état, tente de me relever pour me précipiter à ses côtés ; mais Arkan m'agrippe le bras, me tire brusquement dans sa direction à l'instant même où un monstre jaillit. Il fait claquer ses dents à mes oreilles, nous arrache des hurlements d'horreur et de peur. C'est seulement lorsque Ryan envoie la gâchette de son arme frapper la tempe de la créature que mes poumons m'autorisent à respirer. Mais cette seconde de répits a à peine commencé qu'elle se termine déjà ; d'autres monstres débarquent, grognant d'affreux râles et envoyant leurs bras désarticulés les porter jusqu'aux vivants.
Je me dévisse la nuque à nouveau. Le soulagement me prend le cœur, après la nausée et la peur, lorsque je vois Lee se relever. J'embarque Arkan avec moi, et nous rampons sous la table pour le rejoindre.
— Lee, ça va ?! hurle Arkan, les yeux exorbités.
L'intéressé n'a pas répondu qu'il saute déjà sur ses pieds. Toujours au sol, le souffle court, je cherche les pieds de mes amis. Iris glisse sous la table, me rejoint, hors d'haleine.
— On doit partir d'ici ! sanglote-t-elle.
Jamais je n'avais été tant de son avis.
— Par où ?! hurle Marius.
Les adultes restant chassent les créatures deux mètres plus loin. Un frisson me secoue l'échine. Deux mètres. Après ce vide effrayant, une masse de charogne vivante qui dévore sans pitié.
— Vite... je souffle, précipitant mon regard sur tout le pourtour de l'endroit. Une solution...
— La fenêtre, là bas ! s'époumone Lee.
Il m'attrape le poignet, m'entraîne vers l'avant sans laisser le temps à mes pieds de reprendre leurs appuis. Je tire Arkan et Iris derrière moi sans réfléchir. Mes côtes percutent les coins de tables, mes hanches les chaises, mais je n'y prête aucune attention. Ce n'est que lorsque nous atteignons le rebord de la fenêtre qu'à nouveau les vertiges me prennent. Il y a par delà la vitre une hauteur de trois mètres. Au dessous, c'est l'herbe du parc trempée d'humidité qui s'étale, scindée par les branches des arbres.
Soudain, un hurlement nous arrache à tous un violent sursaut.
— Il y en a d'autres ! s'étrangle Iris, les yeux écarquillés.
Mon sang se glace lorsque j'aperçois les monstres à l'orée du parc, en contre bas. Ils cavalent dans la brèche du réfectoire, tsunami prêt à s'y déverser.
— Évidemment qu'il y en a d'autres, réplique Lee entre ses dents.
Aussitôt, il retire son sac de son dos, tire la fermeture éclair et vide le contenu au sol. Il garde sa bouteille d'eau et ses barres de céréales devant nos mines consternées, referme le tout et reste un instant planté là, surpris par le silence.
— Mais grouillez vous ! beugle-t-il soudain pour nous presser.
Je me précipite aussitôt vers mon sac, le vide rapidement et enfile mon manteau. Autour de moi, mes amis s'activent eux aussi. Je me demande pourquoi je n'ai pas réagis lorsqu'ils sont revenus avec du ravitaillement des réserves de la cantine.
— Il faut casser la fenêtre ! intervient Arkan tout en terminant de vider son cartable.
— LILY DERRIÈRE TOI ! hurle soudainement Iris.
Je fais volte face, les yeux écarquillés, et pousse un cri de terreur face aux trois silhouettes qui détalent vers nous.
Derel et les autres ne semblent pas l'avoir remarqué.
— Attendez, où est Roxane ? s'alarme Marius, pris de panique.
Au même moment, Lee pousse un cri de guerre et jette une chaise par dessus sa tête. Celle-ci vient frapper la vitre de plein fouet, et elle se brise sous le choc.
— Il faut sauter ! j'hurle.
Les cinq autres se pressent autour de moi ; mon regard bascule derrière la vitre éventrée et mes mains s'agrippent au rebord ; il n'y a que trois mètres qui nous séparent du sol. Trois mètres.
— Allez, allez ! rugit Lee.
— LES GARS, OÙ EST ROXANE ?! s'époumone Marius.
Théodore glisse ses jambes de l'autre côté et, tremblant, s'élance dans le vide. À mesure que les secondes passent, mon cœur cogne davantage dans ma poitrine ; ils approchent. Ils approchent. J'entends leurs pas qui battent le sol, et leurs râles amères s'échapper de leur mâchoire brisée.
Iris passe le rebord, pousse un cri et saute. Je tente de faire de même quand on me percute violemment ; je m'écroule sur le flanc, le souffle coupé, mais on me tire aussitôt vers l'arrière ; les créatures s'acharnent juste sous mon nez, leurs bras sanguinolents tendus dans notre direction. Je saute sur mes pieds, terrorisée. Le monstre arrache un cri qui me glace le sang avant de bondir violemment dans ma direction ; je pousse un hurlement et me jette sur le côté. La créature percute le rebord de la fenêtre de plein fouet et bascule de l'autre côté.
Je révèle les yeux, le cœur battant, pour voir des dizaines de nouveaux morts vivants débouler par la brèche. Je me baisse juste à temps lorsque Marius fait tourner la planche de Lee autour de sa tête pour l'envoyer frapper la tempe du deuxième monstre. À un mètre de là, Lee embroche le dernier sur un pied de chaise brisé. Le sang gicle sur nos visages et Arkan m'attrape fermement le poignet. Il m'entraîne jusqu'à la fenêtre, me tire de l'autre côté et, sans réfléchir, nous sautons.
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