Chapitre Neuf : vilaine curiosité.
Après la disparition de Daemon, j'étais retourné auprès des chevaliers pour leur assurer que je n'étais pas partie faire n'importe quoi. Mais vu la tête frustrée que je devais tirer, aucun n'eus de mal à comprendre que je n'allais pas en rester là. Je m'entraînais avec les autres, réfléchissant en même temps à comment découvrir ce que ce crétin de propriétaire de manoir me cachait. Du coup, j'étais pour une fois étrangement sérieuse et concentré, les sourcils froncés et le regard attentif au moindre mouvement de mes adversaires.
Pour ma plus grande satisfaction, je réussis presque à battre Zircon. Ses coups étaient toujours les mêmes et, même s'il était rapide, il ne risquait pas de me surprendre. En même temps, je ne devais pas être la plus apte à contrer ses bottes secrètes. Il ne me lança aucune réplique sanglante, se contentant lui aussi de faire son combat et de finalement retourner attendre sur son muret. L'un comme l'autre, nous étions silencieux, et l'ambiance était morbide, malgré les quelques efforts des autres chevaliers pour alléger nos humeurs.
Une fois que nous avons tous combattu les uns contre les autres, Mirza nous accorde une pause. Ça doit faire deux heures que j'essuie combat sur combat et j'ai bien besoin d'une bonne douche. Je me doute parfaitement que le Lion se demande la raison de mon état si fermé, et je lui signifie d'un regard que je ne vais pas tarder à le mettre au courant de ce qu'il se trame. Je me dirige vers les escaliers, tout comme quelques membres de notre équipe, toujours sans parler. Il va falloir que je mette au courant Mirza de la plume que j'ai avec moi depuis mon rêve au Quartier Général, et celle que je viens de « trouver » par miracle dans le couloir de l'autre côté du manoir.
En jetant un coup d'œil à ce dernier, je me rends compte qu'il n'est plus aussi sombre que la dernière fois. Entre les arcades en plein cintre et les colonnes à l'antique, des enfants lumineux et sombres jouent entre eux. Une jeune adolescente, qui doit avoir environ le même âge que Gothy, est même avec eux en train de les amuser. Elle a une magnifique peau rose, des cheveux très court roses, et des yeux d'un ambre étincelant. Je constate avec stupéfaction qu'elle est capable de se téléporter, disparaissant et apparaissant dans un nuage de fumée violette d'un côté et de l'autre du couloir. Une queue de démon aussi rose que sa peau vient compléter son apparence atypique.
Elle a un rire d'une étonnante clarté. Je me demande comment Daemon ose collectionner les enfants de ce genre. Pourquoi ne leur fiche-t-il pas simplement la paix ? Je suis sûre qu'il veut tirer quelque chose de ces gosses. En me voyant toujours plantée dans le couloir, Lux me rejoint et me demande du regard ce qu'il se passe. Je me contente de le regarder, avant de reposer mes yeux sur cette étrange fille qui ne cesse de faire courir d'un côté et de l'autre du couloir des enfants. Je reconnais parmi eux la petite fille qui nous accueillit, qui a la peau verte et qui m'avait même donné une fleur. Savoir que Daemon compte se servir d'elle un jour me répugne.
-Oh, c'est Diablette, m'informe Lux avec un sourire sur ses lèvres.
Je fronce mes sourcils, avant de lui lancer un regard de biais. Diablette ? Quel drôle de prénom.
-Tu la connais ? demandé-je.
-Oui, c'est la fille de Succombe, me répond Lux en regardant avec un sourire amusé la scène.
J'ouvre grand les yeux, sidérée. Succombe a une fille ?! Mais c'est une adolescente ! Lux tourne ses yeux vers moi, puis se met à rire, secouant sa tête.
-Tu verrais l'expression de ton visage ! Ne fais pas l'étonnée, Succombe a elle aussi une vie et un passé. D'accord, ce n'est pas la plus sympa et la plus prude des femmes, mais elle en a mordu pas mal, tu sais. Elle n'a pas rejoint Daemon pour le simple plaisir de faire partie d'une bonne cause.
Je fronce mes sourcils, me redressant, avant de regarder à nouveau vers le groupe d'enfant. La lumière d'un soleil de couleur crème passe à travers les fenêtres qui bordent le couloir d'arcades, laissant des rayons opaques dessiner l'encadrement des fenêtres et donne un effet tout à fait paradisiaque à cette scène ayant pourtant des Vile en son centre. Ma réflexion me semble bientôt déplacée. Même les Vile ont le droit d'avoir une allure angélique, puis après tout, ce ne sont que des enfants...
-Tu sembles bien connaître Succombe, répondis-je à Lux.
-Évidemment, ça va faire quelques mois que je la côtoie, et je préfère clairement sa compagnie à celle de Daemon.
Je lui envoie un regard suspicieux, me demandant ce que cache cette phrase. En comprenant le sous-entendu que j'avais saisis dans ces mots sans le vouloir, Lux met ses mains devant lui en réprimant une grimace.
-Hé, non, pas dans ce sens-là. J'apprécie juste les conversations que je peux avoir avec elle. Elle a une façon de voir les choses différente des autres. Et... elle m'a pas mal épauler les premiers mois que j'ai passé ici.
Je considère ses paroles sans rien trouver à répliquer. De toute façon, on ne peut pas dire que je connaisse assez la furie pour pouvoir émettre le moindre jugement sur elle. Les seules choses que je peux dire d'elle sont qu'elle est calculatrice, intelligente, très intelligente même, qu'elle a un sacré toupet et qu'elle est stratégique. Vu avec quelle façon elle a réussis à nous embobiner, moi et les chevaliers, je n'ai jamais trouvé véritablement l'envie d'aller lui parler. Mais dans le fond, c'est vrai que je la connais assez mal.
Mais pour l'instant, la chose qui me préoccupe le plus l'esprit, c'est Daemon. Lui, il est encore pire que Succombe. De ce que je vois, cette dernière se met au moins à parler avec les autres. Daemon, lui, garde tous ses secrets dans son antre, et je trouve qu'il commence à y en avoir un peu trop. Je regarde d'un côté et de l'autre du couloir pour voir si nous sommes observés, avant de chuchoter dans l'oreille du blond.
-Il faut que je te parle de quelque chose tout à l'heure, c'est important.
Lux fronce ses sourcils, avant de me regarder interrogateur. Je me contente de me diriger vers les escaliers pour aller dans le couloir que nous occupons et pour rejoindre ma chambre. Qui est aussi celle de Lux, raison pour laquelle il débarque à peine quelques minutes plus tard. Je suis déjà sous l'eau.
-Pourquoi tu veux me parler ? demande-t-il.
-Attends que je sorte, lui crié-je de l'autre côté de la porte.
Rien pour être discret, mais je ne vois pas pourquoi nous le serions. Une fois rhabillée et présentable, je sors de la pièce et m'attache les cheveux en queue de cheval. Je prends soin de récupérer la plume noire de cet étranger avant de dire quoi que ce soit, la cachant dans la poche de mon pantalon. Lux n'a pas changé de place, stoïque, les bras tendus le long du corps, le regard fixé sur moi. Je me souviens que j'ai du regard promis une discussion avec Mirza aussi. Je grimace, avant de jeter un coup d'œil en direction de mon meilleur ami.
-Hum... il faut que Mirza soit là aussi.
Lux plisse ses yeux, me toisant d'un regard suspicieux. Il doit vouloir penser que je veux que les deux hommes fassent la paix, ce qui ne serait pas forcément une mauvaise chose. Mais je ne vais pas prendre le risque de provoquer cette discussion aujourd'hui. Il s'avance d'un pas déterminé vers moi, avant de me prendre sèchement par le bras, toujours le regard aussi noir. La seconde d'après, et sans que j'aie eu le temps d'ouvrir la bouche, nous sommes dans la bibliothèque du manoir, avec Mirza assit derrière un bureau et qui relève la tête d'un livre. Il nous considère un instant, dérouté, puis fronce ses sourcils.
-Qu'est-ce que je peux... commence le Lion.
-Il est là, ton Mirza, râle Lux en s'adossant à la table à laquelle est assise le Lion. De quoi tu veux me parler ?
Il insiste évidemment sur le possessif. Je soupire, roule mes yeux, mais décide de ne pas le reprendre. Je sors la plume de ma poche, avant de m'appuyer à mon tour sur la table de Mirza. Ce dernier n'a sans doute pas compris pourquoi nous sommes là, mais en voyant la chose noire entre mes mains, ses yeux brillent d'un tout nouvel intérêt.
-De ça, dis-je.
Lux hausse un sourcil, avant de pencher sa tête pour regarder l'objet. Puis, il me lance un regard ennuyé.
-Tu m'as demandé de t'amener près du Lion pour me montrer que t'as rencontré la faune du coin ?
Mirza lance un regard en biais à Lux, mais je ne leur laisse pas le temps de se déclarer la guerre, je préfère expliquer de quoi il retourne exactement.
-La faune est en effet composée de plusieurs spécimens très intéressant, dont un que j'ai déjà « rencontré » sans le savoir dans le Quartier Général, rétorqué-je.
Les deux hommes laissent la stupéfaction prendre le dessus sur leurs railleries, même si Mirza n'a pour le moment rien dit. Je devine sans peine qu'il avait l'intention de le faire, et c'est pour cette raison que je me suis dépêché de les faire taire.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? finit par demander Mirza. Ora, personne que nous ne connaissons pas n'a réussis à entrer dans le QG.
-Ouais, vos défenses sont tellement au point, en même temps, ricane Lux.
Mirza lui lance un nouveau regard exaspéré, mais le blond ne s'en préoccupe pas. Il me regarde, droit dans les yeux, attendant que je continue.
-Je me suis réveillée avec cette plume après que nous soyons revenu de ta petite tentative de meurtre sur Gotham, lui rappelé-je avec aigreur.
Lux laisse son sourire insupportable et taquin reprendre le dessus sur le coin de ses lèvres, avant de me considérer les yeux brillants.
-Je t'ai déjà dit que je ne l'avais pas vraiment tué...
-Peu importe. J'ai fait un rêve, cette fois-là, avec Ophiuchus, appris-je à Mirza en me tournant vers lui. Au départ, je pensais que c'était une coïncidence, après tout Tila l'a bien dit, il n'y a pas forcément de rapport entre la réalité et mon subconscient.
-Tila ne... commence doucement Mirza.
-Peu importe, le coupé-je en balayant ses explications de la main. Dans mon rêve, il regardait un danger qui provenait de je ne sais où. Comme je l'ai dit, je me suis ensuite réveillée avec cette plume sous mon oreiller.
-Et donc ? se renseigne Lux en haussant un sourcil.
-Et donc, il se trouve que la personne m'ayant « donné » cette plume au Quartier Général soit ici, et qu'elle soit un allié de Daemon.
Lux fronce ses sourcils, avant de me prendre la plume des mains pour la regarder. Il la fait tourner dans un sens, puis dans l'autre, essayant de voir quel effet la lumière renvoie sur ses fibres. Mirza, lui, me considère les yeux brillants.
-Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ? me reproche-t-il.
-Parce qu'on avait autre chose sur le dos à ce moment-là, et que très sérieusement, je n'étais pas assez renseignée sur la présence de cette plume pour pouvoir prouver quoi que ce soit. Ça aurait résonner comme de l'inquiétude et je ne voyais pas comment justifier mon instinct de danger.
Mirza pince ses lèvres, avant à son tour regarder la plume. Lux la lui tend sans trop faire attention à lui, avant d'hausser les épaules.
-Je ne connais personne ici qui ait des plumes sur soi.
-Des ailes, rectifié-je. Il avait des ailes. Noires. Aussi noires que celle d'un corbeau, plus peut-être.
-Aïe !
Mirza lâche immédiatement la plume qu'il tient dans sa main, portant l'autre sur son poignet. Interloqués, Lux et moi posons nos regards sur lui, avant que je ne remarque que ses doigts sont brûlés. Et... légèrement sombre. La panique me submerge complètement, et je lance un regard accusateur en direction de Lux.
-Je n'ai rien fait ! se défend aussitôt le Vile.
-Ce n'est pas lui, l'appuie Mirza en regardant ses mains. Cette plume est pleine de sombre, c'est ça qui m'a brûlé.
Je fronce mes sourcils, avant de prendre à mon tour la plume entre mes mains. Rien. Je ne ressens rien. Étrange.
-Comment se fait-il qu'elle ne me brûle pas ? demandé-je.
-Ma peau est très sensible au sombre, m'avoue Mirza en regardant la peau de ses doigts brûlés se guérir. Plus que les autres.
-Comment ça se fait ? l'interroge Lux en lui lançant un regard de travers. Tu es un chevalier, tu devrais résister plus facilement à ce genre de problème, non ?
-Ce point faible me vient de ma planète, explique Mirza en se rasseyant. Le sombre et le lumineux sont équilibrés, ici, alors ça doit dérégler les pouvoirs que la Grande Ours peut avoir sur moi.
Cette nouvelle ne me rassure pas du tout. Pourtant, jusque-là, Mirza n'avait pas montré une sensibilité particulière au sombre. Je sais ce que je dis, j'ai toujours fait assez attention à lui pour savoir son emploi du temps de la journée par cœur, j'aurais dû remarquer ce genre de chose... c'est sans doute pour cette raison que le poison de Lux, lorsque nous sommes revenus de la planète pleine de skraus, avait des effets plus permanent sur lui que sur moi. Ça ne me réjouit pas du tout. Et ça ne réjouit pas Lux que je laisse mon regard braqué dans la direction du blond cuivré.
-Tu sais comment s'appelle cette personne ? me demande mon frère de cœur.
-Il n'a pas décidé de me donner son identité, mais je la saurais, l'assuré-je avec rancœur. En attendant, si tu veux le déceler, indiqué-je à Mirza, sache qu'il a une aura très particulière. Elle sent la rose. Et elle te reste sur le bout de la langue lorsqu'il s'en va.
Mirza fronce ses sourcils, avant d'hocher la tête en considérant ma réponse. Lux croise à nouveau les bras, à deux doigts de bouder, avant de braquer sur moi ses yeux curieux.
-C'est quoi, l'odeur de mon aura ? demande-t-il.
-Chocolat noir, répondis-je avec un grand sourire.
Il se retint de rire, je le vois par le sourire qu'il veut retenir, mais n'arrive pas à cacher ses yeux pétillants.
-Sérieusement ? Quel dommage que je ne puisse pas me sentir. Je dois donner faim !
-Tout dépend de tes émotions, rigolé-je. Plus tu es négatif, plus tu es amer, figure-toi.
Lux laisse un ricanement lui échapper, avant de se diriger vers la sortie en secouant sa tête. Pour ma part, je m'apprête à reprendre la plume, mais Mirza me prend la main pour stopper mon geste.
-Je devrais la garder, m'explique-t-il en voyant mon air incompris. Pour la donner à Noa, et qu'il me dise ce qu'il en pense. Ce dernier supporte très mal qu'on lui cache quelque chose, je pense que si c'est moi qui lui dis comment tu as trouvé cette plume, et pourquoi tu l'as gardée pour toi, il t'en voudra moins que si c'est toi qui le lui expliques.
Ses yeux ambre brillant manquent de m'hypnotiser à nouveau. Lorsque je me rends compte que je suis sur le point de tomber dans le piège, et de me pencher en avant pour me rapprocher de son visage, j'hoche la tête et me recule, mal-à-l'aise. Mirza a sans doute remarqué également que j'allais lui tomber dessus, presque littéralement, et me fait un sourire amusé. Ses yeux de chat brillent de satisfaction. Je roule mes yeux, retenant un sourire sans trop de succès. Je m'apprête à partir, lorsque je remarque une trace violette sur son cou. Je penche ma tête pour la regarder, avant de froncer mes sourcils.
-Comment tu t'es fait ça ? demandé-je.
Mirza doit voir tout de suite de quoi je veux parler, car sa main se pose sur la marque. Il lâche un léger rire et secoue sa tête, manifestement amusé.
-Oh, ça ? Rien de spécial. Mirah m'a souhaité un bon anniversaire, disons qu'elle a ses méthodes.
Pause. Un bon anniversaire ? Je le regarde dans les yeux le temps qu'il me confirme ce fait, mais il semble un peu gêné que j'aie vu ce que sa sœur lui a... fait.
-C'est ton anniversaire aujourd'hui ? répété-je.
-Oui, confirme-t-il en se mordant la lèvre. Mirah l'a su et m'a reproché dans un premier temps de ne pas le lui avoir dit, avant de me flanquer un bon coup dans le cou. Vingt-cinq fois plus fort que la normale, ajoute-t-il en roulant ses yeux et souriant. Comme elle n'est pas douée avec tout ce qui touche les attentions et le sentimental, j'ai pris ça comme un geste d'affection.
J'ouvre la bouche, mais je ne trouve rien à dire. Je préfère passer outre les façons... discutable, qu'a Mirah de montrer son « affection » à son frère, mais après tout, je n'ai aucune idée de comment se passe les anniversaires et autres fêtes de ce genre dans cette dimension. En voyant mon aie embêté, Mirza fronce ses sourcils et penche sa tête.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Tu sais, ça ne me fait pas mal. Elle n'y est pas aller à coup de marteau.
-Je... j'en suis surprise mais, même si c'est sacrément étrange et masochiste de mon point de vue, ce n'est pas ça qui me préoccupe...
Je déglutis et passe ma main sur ma nuque, regardant ailleurs. Je ne savais rien que c'était son anniversaire aujourd'hui et je ne vois vraiment pas comment le lui souhaiter. Et je doute que lui mettre un coup de poing dans le cou soit une bonne façon de le faire. Mirza penche sa tête en essayant de capter mon regard. J'hausse simplement mes épaules avant de lui expliquer le « problème ».
-Dans ma dimension, enfin dans mon pays en tout cas, quand c'est l'anniversaire de quelqu'un, on lui offre un cadeau. Ou une attention particulière. Mais je ne sais pas du tout quoi te dire ou quoi te donner, avoué-je.
Je suis embarrassé de le dire, et embarrassé de ne rien avoir du tout. Le Lion fronce ses sourcils, avant d'hausser les épaules et croiser ses bras, se renfonçant dans le fauteuil qu'il occupe.
-Je n'ai pas besoin qu'on m'offre de présents particuliers. Pour moi, c'est un peu un jour comme un autre. Enfin, je voudrais que ça le soit.
Il soupire et regarde ailleurs. En détaillant son visage, je m'aperçois qu'il semble agacé. Plus encore, en colère. Ses yeux semblent fusiller du regard le vide. Je me demande pourquoi...peut-être que cette date ne signifie pas quelque chose de positif, sur sa planète. Je réfléchis un instant à ce qu'elle peut bien signifier, avant de jeter un coup d'œil sur ce qu'il a en face de lui. Je fais le tour de la table, avant de lire les parchemins et ouvrages qu'il a étalés devant lui.
-Qu'est-ce que c'est ? demandé-je.
Je lis quelques lignes, avant de remarquer qu'il semble s'intéresser au symbole de l'arbre de la vie.
-Des recherches sur Daemon, m'avoue-t-il.
Je lui lance un regard de travers, et il se dépêche de se justifier.
-Je n'avais aucune envie non plus que tu passes tes entraînements avec lui. Plus tôt on en saura sur lui, plus tôt on pourra savoir ce qu'il a en tête. Je ne suis pas sourd à tes inquiétudes, et je n'ai aucune envie de le laisser mener la danse et nous contrôler comme il en a envie.
Je m'intéresse un peu plus à ce qu'il a sous les yeux, lisant quelques paragraphes... mais sans rien trouver de concret. Je me passe une nouvelle fois la main sur ma nuque, avant en soupirant de me redresser et croiser mes bras.
-Je pense que si Daemon a quelque chose à cacher, il l'a déjà fait depuis longtemps. Ça m'étonnerait que tu trouves quoi que ce soit ici.
-Tout dépend où je cherche, me contredit-il la voix douce. Je ne cherche pas à savoir ce qu'il est, enfin, pas directement. Mais tu avais raison sur un point : le symbole qu'il porte ne peut pas être une décoration prise au hasard. Je commence à explorer cette piste-là.
-Je croyais qu'on devait le faire ensemble, lui rappelé-je en faisant la moue.
Je regarde les livres étalés devant lui pour éviter de croiser son regard ambre. Il me fixe un instant de la sorte, avant que je ne sente son bras autour de ma taille et qu'il ne m'attire sur ses genoux. Je le laisse faire, un peu surprise qu'il se permette un contact pareil. Je n'ai rien contre, évidemment. Mais je ne pensais pas qu'il était du genre à favoriser aussi vite les contacts physiques.
-Je n'avais pas envie de t'embêter avec ça, me souffle-t-il dans l'oreille. Tu as assez de problèmes sur le dos pour que j'y rajoute des recherches infructueuses. Ton pouvoir à contrôler, ta relation avec Lux qui ne doit pas être facile non plus, ce nouvel environnement... je n'ai pas envie de te rajouter quelque chose de peu concluant sur cette liste. Je ne fais qu'explorer des pistes. Quand j'aurais quelque chose de concret, je t'avertirais.
Je ne compte même plus le nombre de frissons à la seconde que je ressens quand son souffle se pose sur ma peau. Insupportable. Je n'ai pas signé pour être aussi sensible à la moindre de ses expirations, et pourtant, je n'arrive même pas à empêcher mon corps de réagir. C'est chiant. J'essaye d'ignorer ses bras autour de ma taille qui m'empêche de me relever, tout comme de ne pas faire attention à ses cheveux contre ma joue et mon cou, mais c'est difficile. Pour me faciliter la tâche, je regarde les livres devant nous et j'essaye de lire une ou deux choses qui pourraient me servir pour ma propre enquête sur le maître des lieux... mais je n'arrive pas à retenir grand-chose quand je sens le souffle du blond contre mon épiderme particulièrement sensible. A cause de lui. Il faut qu'il arrête de m'attirer comme ça, vraiment. Son hypnotisme dépasse les bornes. Même si je ne suis pas persuadée que ça soit uniquement à cause de ses beaux yeux.
-Tu n'as rien trouvé de particulier, alors ? me renseigné-je.
J'essaye de faire la conversation, mais Mirza n'est pas dupe. Il a très bien compris que je demande ça uniquement pour penser à autre chose que moi, assise, sur ses genoux, nous deux manifestement seuls dans une pièce. Pas de conclusions hâtives. Je ne dois pas penser au fait qu'on soit seuls dans cette bibliothèque, parce que nous ne le somme peut-être pas. Il faudrait que je passe au rayons X cette pièce pour être certaine qu'elle soit vide. La dernière fois que je pensais être tranquille pour parler à cœur ouvert, Mirah était dans les parages. Si cette fois, c'est un chevalier comme Zircon qui traîne dans les rayons, bien que je ne voie pas ce qu'il aurait à y faire, je ne suis pas certaine de réussir à m'en sortir.
-Non, pas grand-chose, m'avoue Mirza en soupirant. J'ai découvert que des tribus de certaines planètes vouaient un culte à ce symbole, comme celles qui peuplent Arbría. J'ai demandé des renseignements à Yahim, mais rien de ce qu'il ne sait ne pourrait relier Daemon à une culture aussi vieille.
Il soupire, ennuyé. Lorsque je risque un regard dans sa direction, je constate qu'il est tout autant que moi frustré de ne pas en savoir plus. Je ne me gêne pas pour me laisser aller près de lui, de toute façon, il sait parfaitement ce que je pense de lui en général, je ne devrais pas avoir à me cacher. Mais cette proximité pourrait presque me gêner. Pas me déranger, au contraire : je suis très contente qu'elle soit là. Mais le sentir respirer comme ça contre mon dos faire réagir les hormones d'adolescentes qui continuent de me flinguer le cerveau, malgré le fait que je sois désormais un Chevalier du Zodiaque. Gotham a dit que la transformation accélérait la croissance. J'espère qu'il parlait autant de la croissance physique que de la croissance mentale.
-Pourquoi sembles-tu à ce point mal-à-l'aise ? me chuchote Mirza dans l'oreille.
Je frissonne et décale ma tête sur le côté, par réflexe, retenant un pitoyable cri dans ma gorge en pinçant mes lèvres. Je lui lance un regard noir. A en voir son sourire amusé et satisfait, je n'ai aucun doute quant à la couleur de mes joues : elles doivent être au moins roses.
-T'en a pas marre de jouer au chaton-sexy-imprévisible ? râlé-je. Ça me déconcentre !
Son sourire se fait encore plus grand, et ses yeux pétillent de malice. Ses mains raffermissent leurs prises autour de ma taille, il doit avoir compris que je vais sauter sur la première occasion pour aller bouder dans mon coin.
-Non, je crois bien que ça va devenir un de mes passe-temps préférés, ose-t-il avouer avec un air taquin.
-Et pourquoi ça ? grogné-je en croisant mes bras.
-C'est ta faute, Ora.
-Bah tiens ! Et pour quelle raison ?
-Tu es trop mignonne quand tu rougis, rigole-t-il, tu ne peux pas m'en vouloir d'apprécier te voir comme ça.
Ce compliment n'aurait sans doute pas autant d'effet sur moi s'il n'avait pas ri en même temps. Je sens évidemment mes joues chauffer, ce qui me frustre au plus haut point. Je détourne immédiatement le regard, maudissant cet aspect fragile de moi, avant de répliquer d'une voix trop aiguë.
-Je t'interdis de dire que je suis mignonne !
-Tu ne peux pas m'empêcher de le penser, rétorque-t-il avec un grand sourire.
-Tu m'agaces ! lui fis-je remarquer en croisant mes bras.
Un instant de silence plane dans l'espace autour de nous. Un instant suffisant pour que je puisse entendre mon cœur – ce traître – battre dans ma poitrine avec force. Bien sur que non, il ne m'agace pas. Et évidemment que non, je n'ai pas envie de lui interdire de me faire des compliments. Mais je refuse de passer pour une fille fragile qui rougit à la moindre mention de son garçon préféré. Ça n'est absolument pas ce à quoi je veux ressembler !
-Mais bien sûr, susurre Mirza dans mon oreille.
Je rentre ma tête dans mes épaules et lève ma main devant lui pour l'empêcher de recommencer. J'en profite aussi pour le fusiller du regard. Et je constate que ce petit jeu lui plaît énormément, à voir la tête satisfaite et amusée qu'il tire.
-Continue comme ça, et je ne te fais pas de cadeau d'anniversaire ! le menacé-je.
Mirza hausse un sourcil. Je maudis profondément ma bouche qui n'a pas demandé ma permission avant de parler. C'est nul, comme menace. Je n'avais de toute façon rien prévu, c'est une pitoyable façon d'essayer de m'en sortir... mais Mirza préfère entrer dans mon jeu, ce qui n'est pas forcément pour m'arranger.
-C'est une bonne raison pour que je poursuive, je t'ai dit que je n'avais pas besoin de cadeau, me provoque-t-il avec un regard taquin.
-Eh bien dans la vie, on n'a pas toujours ce qu'on ne veut pas ! riposté-je comme pour m'enfoncer. Tu t'en mordras les doigts quand tu apprendras ce que c'est, et que tu ne l'auras pas eu !
Le Lion retient avec difficulté un rire en détournant son regard et laissant un grand sourire se plaquer sur son visage.
-Mais qu'elle est douée pour s'enfoncer, rigole-t-il. Je doute que ce que tu dises ait le moindre sens
-Ah, tu m'agaces !
Je m'apprête à me relever de ses genoux pour aller – comme prévus – bouder dans mon coin, sans succès. Les bras de Mirza me serrent à nouveau contre lui. Sa main remonte dans mes cheveux et l'autre se cale dans mon dos pour que je puisse me lover contre son corps, sans grande résistance de ma part. Il pose sa tête sur la mienne et pousse un soupir amusé. Personnellement, je suis trop occupé à entendre son cœur battre contre mon oreille pour pousser la moindre protestation. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me fasse un câlin. Cependant, soyons honnêtes : je n'ai aucune envie de me dégager.
Je profite un moment de sentir sa chaleur corporelle, et pas seulement celle de son aura, m'entourer et me protéger dans un cocon injuste et réconfortant. Il sent la bougie. Senteur cannelle. Et le soleil. Ça me donnerait presque envie de dormir contre lui... je ferme mes yeux en essayant de respirer discrètement l'odeur particulière qui s'échappe de lui. Mes mains viennent agripper son haut de couleur mauve, très foncé. Il me donne envie de rester comme ça pendant des heures...
-C'est quoi ce cadeau ? m'interroge-t-il subitement.
La bulle hors du temps et réconfortante s'éclate d'un coup pour que le feu ne vienne grignoter mes joues. Aïe. Je n'avais pas vraiment prévu qu'il donne tant d'importance à ce détail...
-Je croyais que tu n'en voulais pas, contré-je en restant contre lui.
-Tu as attisé ma curiosité, se justifie-t-il en pointant ses yeux vers moi. Je doute que tu as eu le temps de faire quoi que ce soit, mais tu semblais avoir une idée derrière la tête. Qu'est-ce que c'est ?
Je prends le risque inconsidéré de relever à mon tour mes yeux vers lui. Grosse erreur. Son hypnotisme me frappe de plein fouet. Ses yeux de couleur ambre prennent des reflets dorés qui n'étaient certainement pas là il y a deux minutes. Ses yeux de chats ne sont pas tout à fait ronds, mais ça n'enlève en rien le charme qui s'en dégage, au contraire. Des mèches cuivre tombent devant ses yeux. Mes mains sont picotées par l'envie de les remettre correctement derrière ses oreilles. Je déglutis devant un spectacle pareil, consciente qu'il ne va pas tarder prendre l'ascendant sur mon cerveau. Je me convaincs avant de l'accuser de son magnétisme qu'il ne fait pas exprès de m'ensorceler de la sorte... mais bon sang !
-Tu ne peux pas être moins beau quand il faut que je me concentre pour te répondre ? rétorqué-je.
Pause. Est-ce que cette phrase vient vraiment de sortir de ma bouche ?
Mirza laisse la surprise passer sur son visage, puis le ravissement, et enfin la taquinerie.
-Pourquoi, je te fais de l'effet ?
Bordel de merde, tu ne sais même pas à quel point.
-Tu as envie de savoir ce qu'est mon cadeau ? relancé-je.
Cette fois, j'ai vraiment une idée derrière la tête, et personne ne sera là pour nous interrompre. Ou je lui casse la gueule. Mirza penche sa tête, la curiosité reprenant le dessus, ses mains se raffermissant autour de moi.
-Oui, admet-il la voix rauque.
-Comme tu veux.
Mes mains lâchent son haut pour remonter lentement jusqu'à ses joues. Je ne le lâche pas du regard, et lui non plus. Sa respiration se fait plus lourde, et je retiens la mienne pour ne pas avoir à sentir son aura et à être complètement droguée par sa simple présence. L'ambiance est déjà assez électrique comme ça, je n'ai pas besoin en plus d'être dans les vapes grâce à l'odeur de son essence.
-Joyeux anniversaire, chuchoté-je.
Je m'approche près de son visage, avant de fermer les yeux et de poser mes lèvres sur les siennes.
Mirza me laisse faire dans un premier temps, puis sa main se glisse sous mes cheveux contre la peau de ma nuque pour aller caresser et s'emmêler dans mes mèches. Ce contact devrait apaiser la tension dans l'air, mais elle ne fait que l'affermir. Elle devient insupportable, lourde, encore plus électrique qu'un coup de tonnerre. Les lèvres du Lion répondent avec tout autant de lenteur et de douceur aux miennes. Elles se fondent à la perfection contre les miennes. J'ai déjà embrassé des mecs dans ma vie, mais jamais ils ne m'avaient fait cet effet-là. Je n'arrive même pas à réfléchir correctement. La douceur de sa peau contre la mienne me fait perdre la tête, de même que son essence qui n'est plus seulement en train de m'entourer, mais qui s'incurve en moi par tous les pores de ma peau. Je n'ai aucune chance de résister à la drogue qu'il est en train de devenir.
Sa main glisse dans mes cheveux et sur mon crâne, provoquant des milliers de frissons dans mon cerveau. Mes capacités de réflexion sont complètements hors d'usage, en ce moment, c'est mon instinct qui mène la danse, accompagné d'un spasme se déclenchant dans mon ventre. Avant, c'étaient des papillons de couleur cendre qui n'arrêtaient pas de voltiger dans tous les sens. Maintenant, j'ai plutôt l'impression qu'ils se sont colorés d'un coup d'un millier de frissons et d'électricité pour se répandre dans tout mon corps, me faisant frissonner et provoquant ma chair de poule.
Pour éviter de sombrer, je ne peux faire qu'une chose : m'accrocher à lui. Mes mains jusque-là sagement posées sur ses joues se glissent et griffent presque sa peau pour aller agripper à mon tour ses cheveux et le maintenir contre moi. Son bras autour de ma taille me sert plus fort, me collant contre lui, ce qui me fait sombrer et maintenir hors de l'eau à la fois. Mes doigts glissent entre ses douces mèches cuivre, sans que j'arrive véritablement à les attraper entre mes doigts. Je m'apprête à aller plus loin dans notre baiser, lorsque la porte de la bibliothèque s'ouvre.
-Mirza ?
Aussitôt, le Lion s'échappe de ma prise sur ses lèvres et sa main enfonce ma tête dans son cou, comme pour me protéger. Je sens un grondement de frustration et d'agacement me monter dans la gorge, surtout lorsque j'identifie la voix de l'intruse comme étant celle de Tila. Tila. Toujours là pour tout gâcher. Je lui lance un regard, encore prisonnière des bras du blond de l'équipe, avant de la voir. Elle éclate immédiatement la bulle électrique et dangereuse qu'on avait réussi à créer.
Quand elle nous remarque, son regard passe à la surprise. Je m'attendais à la voir sur ses grands talons, le regard fier et la mesquinerie à la bouche, mais pas du tout. Elle semble dévastée. De lourdes larmes ont coulées sur ses joues, son corps tremble, elle semble porter un poids qui pourrait la faire chuter à tout instant. Ses yeux améthyste nous regardent, l'un et l'autre, mais son regard à quelque chose. Il est vide. Affreusement vide. J'ai déjà vu ça quelque part... j'ai même déjà vu ça de très nombreuses fois. Dans le miroir. Des flashs de souvenirs glacés me reviennent en tête, balayant la chaleur du moment passé comme une bourrasque amère.
-Je... je suis désolée, s'excuse-t-elle en nous dévisageant. Je ne voulais pas... je repasserais plus tard.
Elle déglutit et détourne son regard. L'image d'elle assurée et intouchable s'est brisée en mille morceau. Elle semble prête à pleurer à nouveau. Mirza l'a bien remarqué et il sait tout comme moi qu'elle ne réussira pas à passer la porte sans les laisser dévaler ses joues. Je profite de son inattention pour me dégager de sa prise. Il me lance un regard surpris, et je lui en lance un appuyé. Il y a plus urgent.
-Non, ce n'est pas grave, assuré-je à la Verseau en me dirigeant vers elle. Ça peut attendre.
Elle fronce ses sourcils, avant de me lancer un regard surpris.
-Tu... pourquoi ?
Je m'arrête à côté d'elle. Pourquoi je te laisse avec lui ? Pourquoi je ne te laisse pas seule ? Pourquoi je sais que tu as besoin de le voir ? Elle fait la même taille que moi, ce qui me permet de la regarder bien dans le fond des yeux.
-Je sais reconnaître une personne au fond du gouffre quand j'en vois une, expliqué-je simplement.
Tila ouvre grand ses yeux, retenant sa respiration en même temps que ses remarques déplaisantes. Elle me dévisage, mais je ne lui laisse rien le temps de me dire, je me dirige vers la sortie et referme la porte de la bibliothèque derrière moi. Elle a besoin de parler à Mirza ? Qu'elle le fasse. Je mentirais si je disais que je ne suis pas un peu jalouse de les savoir tous les deux dans cette pièce, mais, je ne crois pas que je craigne quoi que ce soit. Tila a besoin qu'on l'aide, elle a perdu Merolt alors qu'il était son petit-ami. Je ne vais pas faire la petite-amie sanguine et possessive alors qu'elle a besoin d'être entourée. Et je trouverais déconvenue de rester dans cette pièce : elle ne m'apprécie pas, si elle avait voulu que j'entende ces histoires, elle n'aurait pas cherché à sortir de la pièce après nous avoir vu ensemble.
Même si quelque part, je fulmine de les savoir tous les deux ensembles, je ne peux pas rester là sans rien faire alors qu'elle a besoin d'aide. Ces deux parties-là de moi me font rouler mes yeux. Je réussis à m'agacer moi-même de mon comportement. D'un côté, oh que c'est gentil et charitable d'aider une personne que l'on n'aime pas ! Mais de l'autre, ma jalousie me sort par les yeux. C'est compliqué, les sentiments. Les miens sont trop exacerbés lorsqu'ils concernent le Lion de l'équipe. Mais je fais assez confiance à Mirza pour le laisser seul dans une pièce avec son ex, je sais qu'il ne risque pas de l'embrasser. Il n'est pas comme ça.
Pour me changer les idées, et surtout parce que les recherches de Mirza ont ravivé mes soupçons, je me mets en quête de trouver mon meilleur ami. J'ai besoin de lui pour mener mon enquête sur Daemon, et je crois qu'il ne dira pas non à me donner un peu d'aide. Il m'a demandé de ne pas faire ce genre de chose toute seule, n'est-ce pas ? Il doit être content : je le cherche pour commencer la filature.
Je n'ai pas besoin d'aller bien loin pour trouver mon frère de cœur : il est dans le salon, juste en face de la bibliothèque, couché dans un canapé en regardant par la baie vitrée l'espace. J'entre dans la pièce, curieuse, comme je n'y ait jamais mis les pieds. C'est une vaste salle, avec plusieurs canapés de différentes taille, tous agencé autours d'une table en bois décoré dans un style qui me rappelle le style régence de la France. Des meubles avec de l'argenterie et quelques livres décorent les murs de la pièce, un immense lustre propage une lumière dorée et vive dans tous les recoins. En m'entendant arriver, Lux pousse un long soupir. Sa main passée derrière sa tête commence à pianoter sur le bras du canapé, ce qui signifie qu'il hésite. Doit-il être agacé, ou au contraire me laisser lui parler ? C'est sans doute ce qu'il se demande. Je vois bien qu'il m'en veut encore de préférer la compagnie de Mirza à la sienne, et surtout sans doute de deux ou trois remarques que je lui ai faites durant notre échange.
-Tu pourras m'en vouloir autant de fois que tu le voudras plus tard, l'informé-je en regardant nerveusement autour de moi. Pour le moment, on va avoir besoin de faire front commun.
Lux croise ses bras, promenant son regard sur le plafond, sans prendre la peine de me regarder.
-Pourquoi ça ? finit-il par lâcher.
-Daemon cache trop de chose, j'ai décidé de commencer à enquêter sur lui, avoué-je en croisant moi aussi mes bras. Et tu m'as demandé de ne rien faire sans toi.
Il reste silencieux encore quelques secondes, à nouveau perdu dans ses réflexions. Il semble partagé entre le désir de me faire la gueule, à cause de mon comportement qui n'a pas été particulièrement sympa envers lui, et la tentation de la curiosité qui doit le dévorer autant que moi. Son choix semble se porter sur la seconde option, car son regard lance un air nerveux en direction du clocher, qui laisse toujours passer autant d'étrange lumière blanche. Il passe sa main dans ses cheveux, avant d'enfin porter son attention sur moi.
-Comment comptes-tu t'y prendre ?
-Je comptais un peu sur toi, avoué-je en faisant la moue. Tu connais Daemon depuis plus longtemps, et même si ce n'est pas la personne la plus bavarde, tu dois bien être au courant de deux ou trois choses le concernant.
-Malheureusement, je ne sais pas grand-chose, Daemon est très discret quand il s'agit de sa vie privée, grimace Lux en frottant ses cheveux blonds. J'ai bien essayé de savoir des choses, moi aussi, surtout depuis que je sais qu'il en a après toi. Mais tout comme toi, je n'ai pas découvert de quoi le percer à jour. Les éléments qui pourraient nous servir se trouve dans le clocher, mais, comme tu dois t'en douter, il est à l'intérieur.
Je fronce mes sourcils.
-Comment tu le sais ? Je l'ai vu se téléporter juste sous mes yeux, il n'est pas monté dans les escaliers !
Lux se tend, avant de jeter un autre coup d'œil vers le haut du clocher. Ses lèvres se pincent et il fusille du regard la pierre grise.
-Je sens sa présence en haut. Mes pouvoirs de Vile du temps ne me servent pas uniquement à contrôler le temps, ils me permettent également de suivre la trace temporelle de quelqu'un. Je peux t'assurer qu'il est dans son clocher un sacré moment.
Bon, pourquoi pas. J'ai manifestement encore pas mal de chose à apprendre sur mon meilleur ami, notamment que ses pouvoirs ne lui sont pas seulement utiles pour traverser l'espace à toute allure. Je lance à mon tour un regard exaspéré en direction des hauteurs, maudissant intérieurement Daemon d'être aussi secret, et surtout de nous cacher autant de chose. Comment Mirza peut-il lui faire un minimum confiance alors que nous ne connaissons rien de ce type ? C'est un trop gros risque. Un risque que je suis bien décidée à ne plus courir.
-Tu connais un endroit où il cacherait des trucs qui nous servirait ? demandé-je à Lux.
-Je pense que tu dois t'en douter, mais il est trop secret et prudent pour laisser traîner ses affaires partout, râle Lux aussi frustré que moi. J'ai déjà fouillé ce manoir de fond en comble, mais je...
Il s'interromps brusquement, avant de me regarder les yeux brillants. Je ne le quitte pas du regard non plus. Je connais ce regard. Ces yeux avec une petite pointe de lumière à l'intérieur, cette satisfaction fière et cette suffisance arrogante qui complètent son attitude. Il a trouvé. Il me fait un sourire en coin, avant de laisser une moue s'installer sur son visage et me confier sa pensée avec un air enfantin. Il trouve même le courage et la force de se relever du canapé.
-En fait, j'ai peut-être une petite idée. Daemon garde bien fermée à double tour une seule pièce du manoir, je l'ai vu y entrer une fois. Comme il peut se téléporter, je suppose qu'il y retourne sans que je le sache, même si c'est assez compliqué de me cacher l'endroit où l'on est. On pourrait commencer par là. C'est assez important pour que même Succombe n'y soit jamais allée.
Je fronce mes sourcils, laissant en arrière-plan le ravissement de cette nouvelle, pour retenir l'information la plus susceptible d'illuminer les relations entre les étranges habitants de ce manoir.
-Même Succombe ? Tu veux dire qu'elle peut aller n'importe où ?
-Oui, même dans son clocher, ce que je ne suis pas en capacité de faire. Pas parce que je n'ai pas essayé, ricane-t-il en voyant que j'allais lui poser la question, mais parce que Daemon est équipé d'objets qu'on appelle « anti-temps ». Ils bloquent mes pouvoirs et m'empêchent d'entrer dans la pièce.
Je pince mes lèvres, sentant mes poings se serrer. Donc, il y a bel et bien quelque chose, dans ce clocher. Pour que Daemon prenne à ce point des mesures de sécurité, il doit y avoir quelque chose de compromettant. Il ne fait pas assez confiance à Lux pour lui en parler, et avec raison, car Lux m'en parlerait. Il me dirait si quelque chose me concerne dans cette pièce. Ça me semble le plus logique : Lux n'a rien à faire des autres chevaliers du Zodiaque, ils peuvent mourir, ça ne lui ferait pas une grande perte. Si en revanche l'information me concerne, Lux ne va certainement pas la laisser passer et risque de me la communiquer. Il y a quelque chose qui me concerne. Quelque chose qui expliquerait pourquoi ce foutu propriétaire passe autant de temps à me surveiller, et pourquoi il a disparu aussi brutalement. Je suis frustrée de ne pas pouvoir le savoir tout de suite, mais voyons les choses du bon côté : j'ai une piste. La porte close.
-Alors allons voir cette fichue porte, décidé-je en relevant la tête. On devrait réussir à l'ouvrir, à deux, non ?
Lux grimace, avant de se masser l'arrière du crâne.
-Je ne sais pas si je tiens tellement à enfoncer la porte et à attirer son attention...
-Mets le temps en pause !
-Si c'était aussi simple, je l'aurais déjà fait, figures-toi. Cependant, la pièce est également occupée par un dispositif anti-temps. Je ne peux pas entrer ou toucher la porte en usant de mes pouvoirs.
Je retiens un râle agacé et pose mes poings sur mes hanches, avant de réfléchir. La solution qui m'apparaît n'est pas compliquée.
-Tu n'as qu'à mettre le temps en pause pendant que je défonce la porte, décrété-je. J'ai assez de force pour faire ça.
Lux pince ses lèvres, hésitant. Il n'est pas rassuré, mais par rapport à quoi ? Je n'ai pas besoin de poser la question, il jette un regard derrière lui, regarde que personne ne soit dans le couloir, avant de me prendre la main et se diriger vers les escaliers du manoir. En grimpant les marches, il surveille toujours que personne ne soit à portée d'oreille.
-Le dispositif est plus complexe que ça, me confie-t-il sur le chemin. Dès l'instant où tu toucheras la porte, une onde anti-temps sera envoyé dans l'espace, et mon pouvoir prendra fin. Nous n'aurons que quelques secondes pour chercher quelque chose qui, si ça se trouve, n'est même pas là.
-Je prends le risque.
-C'est bien ce qui m'inquiète, rigole Lux.
Il me conduit jusqu'à l'aile Est du premier étage, celle se trouvant juste au-dessus de grandes arcades de pierre. Il regarde des deux côtés, avant de s'engager dans ce couloir qui ressemble en tout point à celui du niveau d'en dessous. A une exception près. Une simple porte en bois ouvragé est située tout au bout à gauche, posée sur un mur décoré de plusieurs entrelacs et signes bizarres que je ne saurais pas reconnaître.
J'échange un regard avec mon meilleur ami, avant d'inspirer et me mettre en place pour défoncer cette fichue porte avec mon épaule. Elle doit bien cacher quelque chose, j'en suis certaine. Et je suis sûre également que, si elle ne m'apporte pas de réponse sur le maître des lieux, elle doit pouvoir me dire ce qu'il prépare ou au moins quelque chose qui le concerne, plus ou moins directement. Lux inspire longuement et ferme les yeux, avant de commencer à lever ses mains, mais il n'a pas le temps d'en faire plus.
-Je peux savoir ce que vous faites ?
Nous sursautons tous les deux, avant de nous tourner d'un seul coup vers la seule personne, évidemment, que je ne voulais pas voir avant un sacré bout de temps.
Daemon.
__________________________
Bizur les Ecuy-astres ! Regardez qui est déjà là 😱 et avec un chapitre particulièrement long puisqu'il fait 7979 mots (autant dire que j'en ai un peu bavé pour le corriger). Il vous a plu ? Parce qu'il fait office de dernier chapitre introductif avant que l'action ne commence vraiment ! (Enfin... ne vous inquiétez pas 😂)
Et si nous passions aux questions ? Histoire de mettre un peu d'ordre dans toutes les scènes qui marquent les temps forts de ce chapitre 🙄 :
- Nouveau (encore) personnage dans le décor : Diablette ! La fille de la furie vous semble comment, vu comme ça ? Et la relation Succombe - Lux, on apprécie 🙄 ? (Merci d'élargir vos champs de possibilités à autre chose que "amour", si jamais l'idée vous a traversé l'esprit 👌)
- Mirza qui fait des recherches sur Daemon, on valide ? A votre avis, quel est le rapport entre son symbole (l'arbre de la vie) et lui ?
- Lux et Ora qui commencent les conneries... on est pour ? 😭 vous la sentez comment la suite ?
Vous le saurez dans le prochain chapitre dans tous les cas :3 on croise les doigts pour que je garde le rythme, et soyez au rendez-vous !
Auvouar ! 💙
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