Chapitre 1
Jared
Un mois plus tard...
Mon corps est parcouru par une vive décharge électrique et j'ouvre les yeux tout à coup. Mon œil droit distingue le plafond d'une façon, l'autre le perçoit différemment. Il zoome et dézoome, comme un appareil photo ferait la mise au point. Des voix me parviennent, mais je n'arrive pas à bouger pour voir d'où ça vient.
Je tente de me rappeler quelque chose, seulement tout est embrouillé. Sous mon crâne, dès que je force pour essayer de me souvenir, ce sont des lignes de chiffres par milliers qui apparaissent, suivit d'une petite alarme qui m'avertit qu'il s'agit d'un dossier corrompu.
— Il n'est pas encore stable, monsieur, vous êtes sûr de vouloir faire ça aujourd'hui ?
Encore cette voix. Qui c'est ? Où est-ce que je suis ?
— Si je ne valide pas cette expérience aujourd'hui, on peut dire adieu aux subventions de notre plus grand donateur.
Un visage apparaît au-dessus de moi. Les yeux clairs, froids, les traits durs. Sa moustache est aussi blanche que ses cheveux.
— Lancez l'analyse, ordonne-t-il à la jeune femme qui apparaît dans mon champ de vision.
— Très bien monsieur.
D'autres chiffres s'infiltrent sous mon crâne, une légère douleur irradie mon épaule droite et remonte sur ma nuque. J'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. C'est comme être entièrement paralysé.
— Nous en sommes à soixante pour cent, monsieur. Légère surchauffe du processeur principal.
— Ça doit passer.
Il agite une petite lumière devant mon œil gauche, fronce les sourcils, puis passe à l'autre. De nouveau celui-là fait la mise au point. Des cercles apparaissent, comme dans une lunette de visée et se mettent à tourner.
— Il faudra procéder à un réglage plus précis de la vision bionique. Il faut que rien ne nous échappe. Il doit être comme n'importe quel adolescent.
Son assistante acquiesce en prenant note, puis jette un coup d'œil sur sa tablette avant de pianoter dessus.
— Quatre-vingt pour cent, monsieur.
— Bien, nous n'avons jamais été aussi loin. Le processeur ?
— Rien à signaler, il semble se stabiliser et s'adapter, monsieur.
L'homme opine, un peu plus calme et disparaît. La jeune femme prend sa place et m'observe d'un air plus compatissant.
— Enregistreur vocal, lance l'homme quelque part dans la pièce.
Une voix robotisée retentit et l'informe qu'elle est prête à sauvegarder.
— Projet Nomad. Le sujet 0100733 est en cours de démarrage. L'hémisphère gauche de son cerveau a complètement été remplacé par un processeur humanoïde Andoria. Son bras droit est maintenant totalement robotisé. Nous avons été contraints de remplacer son œil droit par un œil bionique. Son cœur n'a pas tenu durant les nombreuses opérations effectuées. Un cœur artificiel Astra lui a été greffé à la place et le circuit de fluide qui alimente toutes les parties bioniques de son corps fonctionnent à merveille. Sa part humanoïde représente trente pour cent. Tout semble au point. La combinaison des quatre ne pose pas de problèmes. Quelques réglages sont à prévoir pour peaufiner la force de son bras et sa vision. Nous devrons vérifier si sa mémoire est complètement inaccessible et procéder aux derniers ajustements. Pour le moment cet essai est un franc succès. Envoyer.
La voix robotisée emplie de nouveau la pièce et annonce que le message est parti.
— Nous en sommes à quatre-vingt-dix neuf, monsieur.
— Donnez-moi la carte mémoire afin de lui transférer les dernières données.
Dans ma tête les chiffres commencent à s'estomper, tandis qu'au loin, j'entends taper sur les touches d'un clavier.
— Comment voulez-vous l'appeler, monsieur ?
— Donnez-lui le prénom qu'il portait avant.
— Bien monsieur.
De quoi ils parlent ? Pourquoi j'ai la sensation d'être sur le point de tout perdre ? Ou d'avoir déjà tout perdu ?
— Concernant ses traits de caractères ?
— Rien de plus rien de moins que ceux d'un ado. Laissons-le s'adapter et évoluer en fonction de ce qu'il vivra.
— Des aptitudes particulières ?
— Pour les mathématiques. Bridez tout le reste, le but n'est pas qu'il soit percé à jour, il peut apprendre et assimiler très facilement de lui-même. Il me semble qu'il jouait au basket. Ajoutez-lui une capacité de bon niveau.
L'homme se matérialise au-dessus de moi de nouveau et recommence le même manège avec sa lampe. Je sens une légère pression sur mon cou qui envoie une autre décharge dans mon corps tout entier et une voix résonne dans mes oreilles, précisant que je suis prêt à recevoir les derniers ajustements.
— Mon garçon, tu m'entends ? Assieds-toi.
Je peux pas, je n'arrive pas à bouger.
Pourtant, malgré moi, sans que j'ordonne quoi que ce soit à mes membres, je me redresse pour m'asseoir sur le bord de la table métallique. Plus aucune douleur n'est là.
Je baisse les yeux sur mon torse et entrevois un cœur lumineux battre à travers une sorte de cage thoracique transparente. Il n'a rien d'un cœur humain. Je suis du regard les espèces de veines translucides qui partent de cet appareil et remonte sur mon bras métallique. Un liquide bleu phosphorescent circule. Automatiquement, je serre et desserre mes doigts métalliques et ressens une force monstrueuse.
— Je vais mettre en place la carte mémoire, monsieur.
L'homme en blouse blanche acquiesce et mon esprit me hurle qu'il faut que je foute le camp. Seulement, mon corps n'obéit plus. La jeune femme contourne le lit, avec une sorte de carte SD comme j'avais dans mon téléphone, en un peu plus sophistiquée et l'insère sur le haut de ma nuque.
— C'est prêt, monsieur.
Mon œil bizarre zoom sur le badge de l'homme en blanc. Je distingue un logo et juste au-dessus, son nom : monsieur Peterson - Scientifique.
Je me raidis. Pourquoi un scientifique s'occupe de moi ?
Il s'assoit sur un tabouret et roule jusqu'à se retrouver devant moi.
— Allez-y Dana.
Aussitôt, d'autres chiffres surgissent et c'est comme si je perdais conscience de l'intérieur. Comme si ce qui fait que je suis moi disparaissait peu à peu. Mes paupières se ferment sans que je le contrôle, mes yeux s'agitent juste derrière et je les rouvre.
Le scientifique me fixe, sérieux.
— Quel est ton nom ?
— Nomad 0100733.
Ma voix me surprend moi-même. Elle est différente. Plus grave.
L'homme grimace et penche légèrement la tête pour voir son assistante. Elle lui tend sa tablette qu'il saisit et tapote frénétiquement sur l'écran. De nouvelles lignes de code binaire défilent.
— Comment t'appelles-tu ? redemande-t-il.
— Jared.
Satisfait, il se redresse et adresse un signe de tête à la jeune femme qui m'aide à me rallonger.
— Demain on l'envoie en esthétique pour que tout ça disparaisse et qu'il ait l'air d'un vrai jeune homme. Ensuite, il sera prêt pour sa nouvelle famille. Il sera ce qu'on attend de lui.
Une nouvelle famille ? Attendez. Non, j'ai mes parents et ma sœur. Je suis quelqu'un, je le sais, je le sens.
— Sa mémoire ? s'enquit-il.
— Je viens de lui en interdire l'accès.
Quoi ? Non ! Je veux me souvenir de qui je suis !
Mes yeux se ferment, malgré moi. Il fait noir. Les voix s'éloignent, puis comme un ordinateur mis en veille, j'attends.
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