Je suis empêtré dans la boue en train de nourrir les porcs, et elle me regarde depuis sa maison, comme souvent. Le froid attaque mes mains et je repense à cette couverture qu'elle m'a donné un soir, mais surtout à ce qu'elle contenait. Je n'ai jamais pu déchiffrer le journal, et je suis persuadé qu'il ventait la supériorité allemande sur les Français, mais pourquoi l'avoir donner à son prisonnier ? L'ennemi qui combat ses fils, sa nation. Peut- être les Allemands sont-ils encore plus fous qu'on ne le pensait.
Sûrement, puisqu'elle me fait soudain un geste de la main, me demandant d'approcher, à moins que ce ne soit un autre de leurs signes nazis que je ne connaîs pas. Elle ne cesse que lorsque j'avance un pied dans sa direction. Je continue vers l'ennemi, mes pensées se livrant à un combat sans fin que mes jambes refusent de suivre.
Deux minutes plus tard, je suis attablé dans sa cuisine, une tasse de café en main. Elle est assise en face de moi, et son regard insistant intensifie le malaise. Les portraits de ses fils sont accrochés aux murs, un sur chaque, comme une opression constante. Je baisse la tête pour ne plus voir aucun de ces allemands, mes yeux se posant sur ses mains. Elles ressemblent à celles des fermières de mon village, grises et usées par le labeur. Alors je relève la tête, elle me sourit, et bizarrement, ce n'est plus l'ennemi que je regarde mais une femme.