CHAPITRE 8 : Örkturnin, le déclin des Puissants 2/6
Convaincre l'humain de les suivre fut aussi difficile que de faire avancer un heidrun apeuré. Il vagissait des mots incompréhensibles et répétait qu'elle reviendrait. Afanen comprenait l'angoisse qui tenaillait l'intrus, mais sa présence ainsi que la survenue de la femme restaient mystérieuses.
Discrètement, Tempo et Gwendall avaient rejoint le bureau d'Afanen, avec l'homme dissimulé par une longue cape. Pour l'instant, nul ne devait connaître son existence. Tous trois devaient en savoir plus avant d'organiser une réunion.
Mac retira son capuchon une fois assis dans un fauteuil en pierre. Tout autour de lui puait le bois moisi, les murs portaient de lourdes étagères remplies de livres. Les trois personnages qui l'avaient escorté jusque-là n'avaient témoigné que douceur et discrétion.
Leur accoutrement, des plus singuliers, lui rappelait les robes des sorciers dans les contes de fées. A leur cou pendait une grosse rune forgée dans un métal grossier et noir. Le plus vieux portait une barbe blanche qui lui couvrait le torse jusqu'à la ceinture, de longs cheveux effilochés s'échappaient de son chapeau pointu. De petites billes vives l'observaient avec intérêt, forçant Mac à rester silencieux.
Ce drôle de personnage prit la parole d'une voix tendre :
— Mon nom est Afanen, je suis le Grand Arcane et ici, tu seras en sécurité. Toutefois, nous avons besoin de ton aide. Éclaire-nous, Homme. Que fais-tu chez nous ?
— Je l'ai déjà dit. La chose que vous avez balancée au travers du passage est une androïde. Elle m'a enlevé pour me livrer à son patron et je suis tombé dans une satanée fontaine mystique pendant ils me torturaient. C'est assez limpide ?
— Nous ne comprenons pas tout, tes mots nous paraissent étranges. Qu'est-ce qu'un androïde ? Pourquoi voyager jusqu'ici ? demanda Tempo.
— Sérieux ? Vous pensez que mon but était d'atterrir dans votre patio d'illuminés ? D'abord, dites-moi où je me trouve ?
— Vous êtes dans la tour des Arcanes. Nous cherchons à comprendre comment et pourquoi vous êtes parvenu à nous, expliqua Afanen.
Mac dévisagea les trois Arcanes avec ahurissement, il venait de le leur expliquer.
— Bordel de cul à chiotte ! Vous êtes bouchés ? s'emporta le roux.
— Et si l'humain disait vrai. Il a peut-être traversé la voie par erreur. Ce n'est pas sa volonté, cela se voit bien mes frères. Cette Grita semble responsable et nous devrions nous méfier d'elle. Comme l'a dit l'humain, elle reviendra et nous avons tous ressenti le spectre qui l'accompagne, déclara Gwendall.
Mac tourna la tête vers celui qui venait de parler ; le sorcier, plus jeune que ses homologues, planta ses mains sur sa ceinture, plissant sa bure grise qui cintra son ventre rebondi. Malgré ses joues replètes et sa bonhomie, l'Arcane de l'étoile possédait la prestance d'un homme d'action, dépassant tous ceux présents d'une bonne tête, il était de ceux dont on évite d'être un ennemi.
— Voilà ! Y'en a au moins un qui n'est pas obstrué comme le trône du roi des merdes !
Les trois Arcanes sursautèrent, tant la grossièreté, qui cette fois était bien comprise de tous, était surprenante.
— Je ne prétends pas comprendre tout ce que vous dites, mais je crois saisir. Si ce n'est pas désiré, savez-vous pourquoi ? continua Afanen.
— Pourquoi ? Mais je ne sais pas pourquoi ! J'étais prisonnier, un enfoiré de fantassin-prisonnier ; et me voilà, face à vous, bande de vieux sorciers mal fagotés !
Tempo, silencieux depuis peu, ricana doucement :
— Ah, à ça j'ai compris !
— Il est débile lui ! - Mac roula des yeux - Par le saint étron, où suis-je ?
— Sur Yggdrasil, homme de Mannheim, répondit Afanen.
— Mannheim..., chuchota le vieux renard, entre ses dents.
Il intégra le mot, puis le souvenir revint. L'artéfact l'avait prévenu. Il l'avait hanté de rêves, pensait-il, mais si tout était lié. Si ces songes étaient simplement un avertissement. Dans l'arbre, un monde se nommait ainsi. Son monde.
— Mannheim, ce mot vous dit quelque chose ? se précipita Gwendall.
— Oui, c'est la Terre, répondit calmement Mac.
Les doutes des Arcanes se confirmaient, c'était bien de Mannheim que la menace arrivait. L'intrus semblait rompu, enfoui dans des remembrances mélancoliques.
— L'Arche est toujours ouverte, je crains que d'autres surviennent, lâcha Afanen.
— Fermons là ! rugit Gwendall.
Tout leur imposait d'agir vite et durement, aucun risque ne pouvait être pris.
Tempo plissa le nez, sa moustache trembla sous la moue de réprobation.
— Non, observons si autre chose en sort. Nous ne risquons rien en nos murs, nous sommes puissants, commenta-t-il.
— Très mauvaise idée ! Trop de confiance est néfaste. Refermons-la ! para l'Arcane de l'étoile.
— Gwendall a raison, nous ne devons pas nous montrer trop sûrs de nos pouvoirs. La refermer, certes. Mais comment ? Nous avons oublié comment faire, rappela Afanen.
— Putain, c'est quoi ce délire ? intervint Mac.
Sans se préoccuper de l'humain, les sorciers poursuivirent leur discussion.
— Nous avons oublié trop de choses. Éventuellement... La voie céleste, chuchota Gwendall plus pour lui-même.
Tempo s'agita sous ces mots, cette idée était la plus mauvaise que son frère pouvait sortir ; mais, il n'en était pas surpris, il connaissait l'amitié de l'Arcane de l'étoile pour ces sauvages.
— Tu n'es pas sérieux, ces illuminés ne sont pas à prendre au sérieux, se moqua-t-il.
— Non, pas la voie céleste, contra Afanen, pas maintenant, pas pour ça.
— Vous vous entendez, mes frères, s'emporta Gwendall, ce qui arrive, ce qui tente de nous atteindre, n'est que le début de nos ennuis.
Tempo décroisa les bras avec désinvolture pour pointer l'humain et argumenta :
— Et que peut bien venir de si dangereux de Mannheim ? Regarde ! Ils ne sont que de simples bêtes.
Le vieux renard vexé le railla :
— Tu ne dirais pas ça si tu voyais la tronche de mon monde ! Il est sens dessus dessous, explosé de partout, à l'agonie. Nous ne sommes pas aussi inoffensifs que tu le penses ! Je t'assure que si ces tarés passent, ils vont vous donner du fil à retordre.
— Que veux-tu dire, humain ? grésilla Tempo.
— Je dis que d'énormes toquards vont débarquer vous bouffer le cul jusqu'à la trogne ! Libérez-moi, que je me casse !
— Afanen, je peux m'en charger. Je vais à Tumunui prendre conseil et je n'engage que moi. L'homme de Mannheim m'accompagnera.
— Non ! claqua le Grand Arcane, je rejoins Tempo, étudions la situation, continuons à récolter des informations pour désactiver le passage. A présent, Gwendall, trouve un logement dans les ailes des invités à notre hôte et accompagne-le en t'assurant qu'il ne quitte pas nos murs.
— Comment ? Quoi ? Libérez-moi ! supplia Mac, tout en gesticulant comme un dément.
L'Arcane de l'étoile le regarda avec tristesse et déploya majestueusement un index vers l'humain, ce dernier s'endormit aussitôt. De son autre main, il souleva le corps inerte pour l'allonger sur un tapis d'air invisible et partit, morne, exécuter les ordres de son frère et supérieur.
Une fois Gwendall et l'intrus disparus derrière la porte, Afanen souffla de fatigue. Il rejoignit son bureau et caressa les parchemins qui y dormaient.
— Tempo, mon frère, comment allons-nous régler cette affaire ?
— Ne te fais pas autant de soucis, nous sommes les défenseurs d'Yggdrasil. Nous ne faillirons pas, crois-moi.
— Je ne souhaite que te croire, se confia Afanen.
Tempo s'approcha du Grand Arcane tout en minaudant.
— Nous nous souvenons, et nous ferons ce qui est juste, n'est-ce pas ? demanda-t-il.
Afanen remarqua pour la seconde fois, une lueur dans les yeux de son homologue, qu'il ne lui connaissait pas. Sous sa moustache, son frère souriait, ceci ne ressemblait pas à Tempo, tant qu'il l'interrogea :
— Autre chose, mon frère ?
L'Arcane de la raison, ne répondit pas tout de suite, il tourna le dos pour enfin quitter le cabinet du Grand Arcane et dans l'entrebâillement de la porte envoya gaiement :
— J'ai une question. Que sont des trous du cul ?
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