Chapitre 18: Fanny.
Fanny
Minuit. Il est l'heure.
Mes mains tremblent, beaucoup trop. Ma respiration se fait moins régulière, bien que j'essaie de la contrôler. Mon cerveau est trop débordé d'informations pour laisser place au calme. Je suis en panique.
Il fait nuit noire et les alentours sont légèrement éclairés par la pleine lune. Des branches de sapins griffent mes bras dénudés, mais je m'en moque. Je ne sais pas exactement où je vais, mais j'y vais.
J'avance. J'avance parce que je n'ai pas d'autres choix. Parce que je n'ai plus personne. Tommy et Zack sont tout deux dans leur école de formation de cyber-guerre. Ils sont forts en informatique, bien plus que la moyenne, alors ils en ont profité.
Mon père, lui... Puis-je encore l'appeller ainsi, après ce qu'il a fait ? Je ne pense pas, je n'y arrive pas.
Je double le rythme, certainement pour fuir la réalité. Ma réalité.
Stelly. Cela fait plusieurs semaines que je n'ai plus de ses nouvelles. Je ne sais rien de ce qu'elle vit, d'où elle est exactement, de comment elle va. Tout ce que je sais, c'est ce que tout le monde sait. L'essentiel, en fait. « Les futurs combattants de l'année 2590 sont dans une espèce de camp, où ils sont formés et analysés. Ta sœur y est aussi, mais ils m'ont promis qu'ils vont bien. Tous.». Voilà les uniques phrases que m'a dites mon père, le jour où je n'ai plus vu revenir ma sœur aînée après sa journée de cours. Depuis, je tente d'oublier. Je tente d'oublier toutes ces rumeurs qu'on raconte, ici, comme dans les villes. Pas qu'elles me fassent peur, elles m'effraient.
J'aimerais tant prendre sa place. Elle, au moins, saurait quoi faire à la mienne. Et moi, je subirais toutes ces choses horribles que je suis persuadée qu'il se passe, là bas.
Elle me manque, indéniablement. Et je l'aime, bien que je ne lui ai jamais dit depuis plusieurs années.
— Fanny, putain, attend moi !
Je me retourne, et je le vois. Dan. Ou autrement dit, le brun ténébreux qui me sert de voisin au village.
— Je t'avais dit de ne pas me suivre, Dan ! je m'écris, énervée qu'il m'est ainsi désobéit.
— Pourquoi tu pleures ? il ignore ma réflexion.
Je fronce les sourcils. Je ne m'en étais même pas rendue compte. Pleurer est devenue un quotidien, depuis son départ. Alors je n'y prête plus autant d'importance.
— Tu pensais à Stelly. Ou à ton père.
Puis, voyant que je ne réponds pas, il insiste:
— Je me trompe ?
— Non.
Maintenant qu'il a eu sa réponse, je peux m'en aller. Alors je continue, d'une marche que je voudrais déterminée. Le vent fouette mon visage, et je devine que le temps se gâte. Ce n'est pas grave, j'ai l'habitude de me réfugier dans la nature, surtout la nuit. Le froid ne me donne plus autant l'impression qu'il me mord la peau, et les éclairs ne me surprennent plus.
Et puis de toute façon, rien ne pourrait m'arrêter. Pas aujourd'hui, pas en cette nuit. Je suis au tournant de mon histoire, je ne reculerai devant rien.
Les pas de Dan se rapproche, avant qu'il ne se positionne à ma hauteur.
— Hé ! Attends moi, Fa' ! T'es malade de marcher si vite, j'en ai un point de côté, merde !
— Tu n'as qu'à pas me suivre.
— Je ne t'abandonnerai pas, je te l'ai déjà dis. Je suis ton compagnon de galères, et je compte le rester.
Dan peut paraître lourd, sur les bords. Et bien, en effet, il l'est. Mais pas dans le sens mauvais de l'adjectif, plus dans le bon sens. Dan est le garçon sur qui on peut compter, prêt à tout pour aider. Seulement, seuls ses vrais amis ont le droit de profiter de cet élan de protection un peu exagérée. Et comme je suis en fait sa seule amie ici, dans notre village, je peux être considérée comme l'heureuse élue.
— Mais toi, tu allais m'abandonner, il reprend, me faisant remarquer ma mauvaise conduite.
— Je suis désolée, dis-je simplement.
— Et moi déçu. Mais vu qu'il s'agit de toi, j'accepte de passer au dessus.
Je souris, malgré mon humeur maussade. Ce garçon est génial. Bien trop génial pour être mon ami.
Et nous continuons à marcher ainsi, encore cinq bonnes minutes, bercés par le calme incomparable de la forêt, avant que le moulin à paroles qu'est l'ami que je me suis fait en venant ici recommence à parler:
— Où on va ?
— Tu ne peux pas te taire encore un peu ?
— Pas tant que tu ne m'auras pas dit si tu le fait, cette fois-ci.
— Oui, je compte le faire.
Passe un second temps avant qu'il ne trouve quelque chose à redire, comme à son habitude.
— Ce n'est pas bien. Pense à ta famille, ils ne serait pas content de savoir que tu fais partie d'un de ces clans de rebelles.
— Ferme la, Dan ! Tu ne vois même pas où est le problème... Je n'ai pas de famille ! Je n'en ai plus ! Je n'ai plus Stelly, plus Tommy, plus Zack, dans ma vie...
— Pense au moins à ton père ! Et puis il y a moi...
— Je ne le considère plus comme tel. Pas après ce qu'il lui a fait, ce qu'il nous a fait ! Sans lui, rien n'aurait été pareil. Et puis, toi, ce n'est pas pareil, tu es plus ma famille de cœur...
— Qu'importe, je suis là pour toi. Et sache que même si je suis contre ton idée, je serai prêt à te suivre, si c'est ce qui peut te rendre heureuse.
— Ce n'est pas forcément ce qui me rendra heureuse, mais ça ne me rendra au moins pas malheureuse...
Et je le suis, malheureuse. D'abord depuis le départ de ma sœur –demie-sœur ? je ne sais plus placer un mot dessus–, ensuite depuis le jour où mon père m'a tout avoué, à moi, Tommy et Zack.
Ce jour là, je me souvins qu'il était environ midi, et nous étions un dimanche. Nous n'avions pas encore mangés, et j'avais extrêmement faim. Je pressais mon père pour passer à table, mais au final, je n'ai jamais manger cette journée. Ni les autres qui ont suivis.
*
Je tire la lourde chaise en ferraille, pour ensuite m'y poser dessus. Elles ne sont pas confortables, ni même esthétique, mais nous n'avons pas le droit de râler alors que d'autres n'ont pas même réussis à se trouver un nouveau toit. Depuis que la capitale s'est retrouvée sous les bombes de nos adversaires, mon père ne cesse de se dire que nous avons bien fait de fuir. Autrement, nous ne serions pas ici à l'heure qu'il est.
Je sers mes frères d'eau, tandis que mon père, lui, remplit son verre d'une vieille boisson que l'on a découvert en arrivant dans ce village: le vin. Sa couleur rouge foncée me fait penser au drapeau de nos ennemis, mais ce n'est pas ce détail qui stoppera la consommation de mon paternel pour autant...
— Fais-moi goûter, grogne Zack, un futur alcoolique avant l'heure.
— Tu n'aimeras pas, je te l'ai déjà dit, rétorque Fred.
Ou plutôt c'est lui qui aime trop ça pour lui en laisser ne serait-ce qu'une gorgée...
— Ça, tu ne peux pas le prévoir à l'avance.
Je décroche de la conversation, elle ne m'intéresse pas. Au lieu de ça, j'avale une gorgée du vin de mon père, aussi discrètement que possible. Le goût est fort, mais ce n'est rien à côté des cocktails délirants qu'on trouve dans certains bars du village. Pas que j'en ai déjà bu, mais Dan, lui, si. Et je le crois quand il me dit que certains te donnent l'impression de t'enflammer la gorge tout le long de leur descente dans l'estomac.
Depuis qu'on est assis, mon père n'a pas plongé une seule fois ses lèvres dans le liquide rougeâtre, ce qui n'est pas forcément bon signe. Autre détail qui m'inquiète: cette goutte de sueur qui perle le long de sa tempe.
— Eh, ça va pas, papa ?
Il met un temps à comprendre que c'est à lui que je m'adresse, ce qui encore une fois me mets la puce à l'oreille.
— T'as appris quelque chose sur Stelly, c'est ça ?
Toujours aucune réponse. Du moins, pas immédiatement :
— Non, c'est pas vraiment ça, lâche-t-il au bout d'une dizaine de secondes. C'est plutôt moi qui aimerais vous apprendre quelque chose sur elle... Plusieurs choses.
*
Et c'est après ce repas là que toute ma famille s'est retrouvée complètement dissoute. À jamais, pour toujours.
C'est après ce dernier repas ensemble que Zack et Tommy ont décidé de rejoindre définitivement leur école d'informatique, dont ils avaient déjà entendu parlé.
C'est ce foutu repas, -je n'en ai passé plus aucun en compagnie de mon père-, vite remplacé par mon nouvel ami, Dan.
Et enfin, c'est après ce putain de repas que je n'ai plus su placer un nom sur les soit-disant membres de ma famille.
— Écoute ça ! me tire de mes pensées obscures mon compagnon de galères. J'entends des voix.
— Tu penses qu'ils en sont ?
— Il y a qu'une façon de le savoir, allons y.
C'est drôle, à l'entendre ainsi on dirait presque que c'est lui qui a pris la décision de fuguer, et moi qui me suis contrainte à le suivre...
Cependant, je ne fais aucune remarque sur son côté lunatique que je lui avais déjà remarqué, et le suit à pas de loups.
Mes yeux se sont progressivement habitués à l'obscurité, ce qui m'aide mieux à me repérer et me permet de ne plus autant manquer de trébucher. Dan aussi, est maintenant plus agile, et heureusement, car c'est lui qui ouvre la marche. Ainsi, je fais attention à poser mes pieds pile là où il vient de les décoller, ne le lâchant pas d'une semelle.
Progressivement, je parviens de mieux en mieux à comprendre ce que disent nos inconnus, mais cela ne reste que des bribes de phrases :
— Vers l'ouest... quelques jours environ... plus que la dernière fois, oui... d'accord.
Nous tournons simultanément Dan et moi nos visages l'un vers l'autre, avant d'hocher la tête. C'est certain, ce sont bien des fuyants.
Nous nous approchons un peu plus, de sorte à ce que nous puissions mieux voir ce qu'ils font.
Leurs sac-à-dos me prouvent encore qu'ils sont bien ce que je pensais, quand je pose mes yeux sur le tas qu'ils constituent. Des lampes frontales décorent leurs faciès fatigués, et je dirais qu'ils sont environ une vingtaine.
Pourtant, ils sont tout autant discrets que dix.
— Que faites-vous vous là, vous deux ?
Je sursaute et porte ma main sur mon cœur, tant je suis surprise. Oh non... Merde !
— Je.. nous... Enfin, on voulait..., balbutie Dan.
Puis, voyant que mon ami ne sera pas capable d'aligner trois mots, il se tourne vers moi pour me reposer la question, plus sèchement cette fois :
— Je ne me répèterai pas: qu'est-ce que vous foutez là ?
Je prends une grande inspiration, sachant que ma réponse aura un impact important sur mon avenir, avant de déclarer :
— Nous sommes venus vous rejoindre, afin de nous aussi nous rendre dans la Nation Red.
J'ai l'impression d'avoir pris énormément de temps à dire ces deux simples, mais à la fois complexes, phrases. Cependant, j'ai l'impression que mon interlocuteur en met deux fois plus avant de réagir, et quand il le fait, c'est pour lâcher un étrange rire.
Perdue, je ne sais pas si je dois moi aussi rire avec lui, alors en entre-deux, je lui lance un sourire rieur.
— Vous entendez ça, les gars ? il s'esclaffe. Ces deux guignols veulent faire partie de notre clan !
Ok... Il se fout clairement de notre tête, là. Je ravale mon sourire immédiatement.
— C'est hors de question, me crache-t-il presque à la figure, une fois calmé, alors que je m'y attendais pas.
Il est hors de question que je perde contenance, il ne faut pas que je me montre faible.
Je n'ai pas peur de lui.
Ses yeux me scrutent d'un regard noir, cerné de deux rides visibles même dans le noir. Il est pas forcément bien grand, mais il me dépasse tout de même assez pour qu'il ait à baisser le regard à chaque fois qu'il s'adresse à moi. Ses cheveux blonds sont très humides, et ses sourcils constamment froncés.
En fait, peut-être que si, il me fait un peu peur.
— Et pourquoi ? je rétorque de façon presque inaudible, tentant de masquer mon infériorité évidente.
Au lieu de me répondre, il m'attrape sauvagement par le bras, idem pour Dan, et nous traîne face à ses amis. Une fois là bas, je peux détailler distinctement chacun de leur visage, un à un.
Une rousse, tente de me rassurer tant qu'elle peut en me souriant faiblement. Ses longs cheveux lisse volent en accord avec le vent, et des tâches de rousseurs parsemées lui donnent un certain charme.
Un autre garçon, d'environ son âge se tient un peu retiré derrière elle, et je peux discerner d'ici ses cheveux mi- long de la même couleur que les miens -c'est à dire d'un presque blond.
Lui ne parait ni gentil, ni méchant, mais profondément mature et réfléchi.
Ce sont les trois seuls, y compris le gars au tempérament de feu qui m'a remballée, à être debout. Les autres, sont assis par ci par là, et ne nous accordent que très peu d'attention.
Ce n'est que quand je reprends la parole, que tous les regards se lèvent vers moi:
— Tu ne m'as toujours pas dis pourquoi on ne pourrait pas rester avec vous... je fais remarquer au blond de tout à l'heure.
Ils se passe une main sur son visage, comme ci je l'exaspérais au plus haut point.
Sympathique...
— Parce que l'on n'est pas dans une colonie de vacances, voilà pourquoi.
Son ton est sec, presque sans appel. Et pour la première fois, je vois toute la douleur qui baigne son faciès. Jusqu'à là, il le dissimulait assez bien -la colère l'aidait pas mal- mais c'est maintenant son regard maussade qui le trahit.
— Si je souhaitais me retrouver dans une colonie de vacances, ce ne serait pas vers vous que je me serais tourné.
— C'est qu'elle en a dans le sac, la petite ! blague un garçon à moitié allongé par terre, aux côtés d'une fille au regard assassin.
J'ignore sa remarque en roulant des yeux, ce qui me rappelle directement le tic qu'avait Stelly avant de partir là bas.
— Arrêtes plutôt de faire la grande, tu veux ? Tu ne sais même pas ce que c'est que la souffrance, et tu oses nous prendre de haut. Tout ceux qui sont ainsi, fuient réellement quelque chose. Et il me semble que ce n'est pas ton cas.
C'est encore une fois le blond qui a parlé. On dirait bien qu'il a une dent contre moi, celui là...
Je m'approche de lui, pour lui montrer que je ne me laisserai pas marcher sur les pieds.
— Crois moi, j'ai vécu bien plus de choses que toi et tout tes petits copains rassemblés. Et je ne me justifierai pas sur ma raison de fuir mon pays, mais juste pour que tu saches, je me moques bien que tu puisses la trouver valable ou pas.
Je jette une œillade à Dan, qui depuis le début n'a pas décroché un mot. Je sais ce qu'il pense: que je suis bien plus persuasive que lui, et que, donc, il vaut mieux que je me charge de les amadouer seule.
Il me lance d'ailleurs un pouce en l'air de derrière son dos, auquel je réponds par un sourire crispé.
La rousse s'approche dangereusement de moi. Autant tout à l'heure j'aurais pu croire qu'elle était de notre côté, autant là, tout de suite, pas vraiment.
Peut-être n'aime-t-elle pas qu'on s'en prenne à son histoire..?
— Écoute moi bien, tu ne sais rien de ce que nous avons vécus. Alors ne joues pas à la plus forte avec nous, tu risquerais de tomber de haut si tu venais à apprendre qui nous sommes.
Sa voix est douce, mais à la fois cassante. Son ton brusque, mais ses yeux verts, rassurants. En bref, cette fille aurait le don de représenter le soleil et la lune à la fois. Le soleil et la glace.
— Très bien, qui êtes vous alors ?
Je joues avec le feu ce soir, justement. Je pris seulement pour ne pas finir les ailes carbonisées.
— Qui êtes vous réellement pour prétendre être plus malheureux que tout le monde ? Qu'est-ce que vous connaissez de la douleur ? je continues en constatant qu'ils ne me répondent toujours pas.
Ils sont ébahis, et intérieurement, je le suis aussi. D'habitude, je ne suis pas autant cash. Seulement, tout ceci me tient bien trop à cœur pour que je lâche l'affaire si facilement, si inutilement.
Cette fois-ci, c'est de nouveau mon bourreau de rêve qui revient vers moi, s'approchant davantage que tout à l'heure de moi. Son visage est si proche, si rouge de colère, ses traits si prononcés... Et son souffle s'échoue sur mon visage à mesure qu'il parle.
— Est ce que tu as entendu parlés de ceux qu'on surnomme les « échappés », ou parfois mêmes les « lâches » ? Tu vois ce qu'ils ont vécu, eux ?
Je fronce des sourcils, pas vraiment certaine de savoir là où il veut en venir.
— Oui, ouais, je vois.
— Alors dis-toi que quatre d'entres nous ici présents avons vécus exactement la même chose qu'eux. Je m'appelle Billal Xenton, et je suis un de ces échappés.
Je n'en suis pas sûre, mais je crois bien que ma mâchoire vient de tomber trois mètres plus bas. Des frissons remontent le long de mon échine, et j'en perds ma voix.
— Qu... vous...
Cette fois-ci, c'est moi qui me retrouve à la même place que Dan tout à l'heure. Et aussi étrange soit-il, c'est mon ami, jusqu'à là muet, qui semble trouver la mienne, puisque c'est lui qui réagit.
— Attendez... Vous étiez au Laboratoire de Recherches Extrêmes ?!
— Bravo Sherlock, tu comprends vite, grogne sans joie le blond au caractère grognon.
A ce moment là, heureusement que Dan m'attrape par les épaule, car je me sens défaillir. Ma respiration se bloque, au même moment où je me rends compte que leur histoire doit être semblable à celle de ma sœur aînée.
Une larme s'échoue sur ma joue, au simple rappel de Stelly. On me l'a arrachée, on m'a privé de ma sœur, avant de m'avouer qu'elle n'est en fait rien de tout ça.
Cette histoire me fait rappeler que ma vie n'a plus aucun sens, et ce depuis plusieurs semaines déjà. Depuis leurs départs à tous, les adolescents de l'année 2590.
— Oh... merde, dis le blond. Euh.. t'es sûre que ça va ? Je..je ne pensais pas que tu réagirais comme ça.
Je converge mes yeux embués vers lui, pour ensuite remarquer que tout le monde me fixe, à la fois chamboulés, incrédules et peinés de mon état soudain.
Dan me prend dans ses bras, et c'est à cet instant que mon cerveau semble enfin de nouveau fonctionner, pour me crier toujours le même message: demandes-leur.
Inconsciemment, je me tourne vers le blond. C'est à lui que je veux poser la question, va savoir pourquoi...
— Est-ce que... vous avez connus ma sœur ? je demande, entre deux vagues de larmes.
— Je n'en sais rien. Quel était son nom ?
Sa voix est plus calme, moins méprisante. Je crois qu'il a compris ,vu mon état, que moi aussi, j'en ai également. De grandes cicatrices, barrant mon cœur de leur douleur, invisible à l'œil nu mais pourtant présentes.
— Stelly. Stelly Wolne, je souffle de façon à ce que seul moi et lui puissions entendre notre échange.
Il recule d'un pas, et une vague voile son regard soudainement.
Que lui arrive-t-il ? Est-ce mauvais signe ? Lui est-elle arrivée quelque chose, là bas ?
— Tu déconnes, là ?
— Je... Non... Pourquoi ? Elle va mal ?
De nouveau, il recule d'un pas, se tenant au tronc d'un arbre pour se stabiliser. Il me regarde étrangement, comme si me voir lui faisait enfin remarquer mon air de ressemblance avec elle. Je le sais, il me croit. Il me croit comme il n'a jamais cru personne, et c'est sûrement mon regard azur jumeaux de ma sœur qu'il l'en aide.
— Fanny, c'est ça ? il me questionne, toujours autant perdu.
— Fanny Wolne, oui.
J'ai parlé plus fort, puisque même la rousse et deux garçons m'ont entendus et entament la même réaction que leur leader. Seulement, je ne leur laisse pas le temps de se remettre, puisque je les questionne aussitôt :
— Dites moi ce qu'il se passe, bon sang ! Vous m'inquiétez vraiment là !
Si eux semblent tout assimiler, moi, de mon côté, je n'y comprends rien.
Personne ne me répond, et je croirais devenir folle.
— Je vous en prie, parlez moi...
La main de Dan se glisse dans la mienne, pour me la presser. Il essaie de me rassurer, mais ce ne sera pas suffisant. Pas cette fois-ci.
— Suis moi, dit précipitamment la grande au cheveux de feu, brisant le silence pesant qui s'était installé.
Je m'exécute, privée de toute force pour pouvoir m'opposer à sa demande.
Nous zigzaguons entre des arbres, pour finalement arriver devant un grand rocher surplombant la forêt de sa hauteur. De là, je pourrais observer la nature, cependant cachée par des sapins nous entourant.
Néanmoins, la nuit m'en empêche.
— Tu connaissais personnellement Stelly, hein ? je crois deviner.
Une brise de vent lui fouette le visage, ce qui me rafraîchit, à mon plus grand bonheur. Mes doigts se fourrent dans mes poches, maladroitement, et je serre mes poings.
— A vrai dire, nous la connaissons tous personnellement, oui.
Je me tourne vers elle, l'incitant à continuer sur sa lancée.
— Elle était dans ma chambre, avec plusieurs autres filles, au L.R.E., et elle et Stéphanie sont les premières personnes à qui je me suis adressée. Stéphanie me semblait mature, gentille, et Stelly, elle, plus forte qu'aucune autre. Elles étaient les amies que j'ai toujours rêvé avoir, et je les ai perdues, toutes les deux.
Mon cœur s'arrête de battre, mon sang se glace, mais elle ne le remarque pas, et reprend :
— Elle a fait la rencontre d'un certain Adam, avec qui elle avait déjà eu une fois contact à l'extérieur, si j'ai cru comprendre. Les deux ont toujours été là pour se soutenir l'un l'autre, et il est clair qu'il y a toujours eu plus que de l'amitié entre eux. Enfin bref, Adam avait des amis lui aussi. Quatre exactement. Billal, que tu as déjà rencontré, Arthur, qui lui aussi est avec nous ici, et, Devun et Nill.
Nous sommes tous devenus une belle bande de huit, et nous nous sommes liés d'amitié. Les épreuves que nous avons passées là bas nous ont énormément rapprochés, il faut dire.
Adam... Devrais-je retenir ce nom ? J'imagine, vu comment elle décrit leur relation.
— Arrivés au L.R.E., on nous a expliqués qu'il se pouvait que certains d'entre nous n'aient plus le sérum en eux. Ils allaient donc nous faire passer des séries d'expériences afin de tester nos capacités, afin de les comparer à celles que le sérum devrait nous faire avoir. Seulement, ils avaient également en leur possession un vaccin, qui était bien plus précis, s'il avait fonctionné... C'était presque du poison, tant il était fort, et ça a vite dégénéré. Certains n'ayant plus assez de gouttes de sérum en eux sont vite tombés gravement malade, de plus en plus, et c'est ce qui est arrivé à Steph...
Sa voix se casse, ses yeux s'humidifient. Elle souffre, et j'appréhende la suite.
— On a essayé de s'échapper, nous, tous ensemble, mais seuls Stéphanie, Billal, Arthur, Calleb et moi avons réussis...
Ce nom me provoque les tremblements de mes mains, toujours serrés dans le tissu trop fin de mon vêtement.
Calleb... Si c'est le même que celui auquel je pense, c'est celui dont mon père m'a parlé, le jour où tout a basculé.
Cependant, je ne préfère pas l'interrompre, alors qu'elle prend tant de mal à me conter son récit...
De plus, je suis bien trop inquiète pour la meilleure amie de ma sœur pour dire quoi que ce soit.
— La santé de Stéphanie s'est détériorée, de plus en plus... Au début, nous nous cachions simplement dans les bois, et puis Billal a décidé que nous devrions nous en aller en ville, afin de trouver un médecin...
D'un coup, alors que je ne m'y attends pas le moins du monde, elle fond en larmes. L'émotion me monte à moi aussi, car je déteste voir les personnes tristes.
Alors, je l'enlace, et pose mes deux mains sur son dos pour le caresser frénétiquement. Étrangement, elle ne me repousse pas, au contraire, elle niche sa tête contre mon épaule, qui se retrouve baignée de ses larmes.
— Que... qu'est-il arrivé à Stéphanie ? je lui demande tout de même, craignant au plus haut point la réponse.
Alors que je me retrouve également les joues inondés de larmes, pour la deuxième fois de la soirée, et un trou béant se faisant sa place dans mon cœur, elle déclare difficilement :
— Elle.. elle ne.. n'a pas survécue. Trois jours après notre départ, elle ne mangeait plus rien et n'avait aucune force. Son regard chocolat ne l'accompagnait même plus, et ses yeux étaient constamment fermés, même quand elle était éveillée... Elle est.. elle est décédée le jour même où Billal venait nous annoncer avoir trouvé un docteur, emportant avec elle nos dernièrs espoirs...
—
Heyy...
Je suis cruelle ? Oui, je sais, désolé.
J'espère que ce chapitre vous a quand même plu (du moins, pour son début), et ce, malgré le décès de ma chère Stéphanie...
Ne croyez pas que je l'ai fait mourrir seulement pour qu'il y est un moment poignant avant la fin du livre (ouioui, elle approche, je ne compte pas écrire plus de 2 ou 3 chapitre) parce qu'elle était prévue depuis quasiment le début de l'histoire.
Aussi, c'était fait exprès que Stelly ne revoit pas Stéphanie avant sa mort, je ne voulais pas d'un adieu déchirant comme on a l'habitude de le voir, mais d'une mort plus différente des autres et plus réaliste...
Et sinon, qu'avez vous penser de Dan ?
De l'état de Billal ? De celui de Camélia ?
Du fait que Fanny retrouve les amis de sa sœur sans s'en douter au début ?
A très bientôt,
Lisa :)
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