Chapitre 17: Outside-partie 2
Stéphanie
*
Le ronronnement léger du moteur m'empêche de m'endormir dans un sommeil profond, alors je ne fais que fermer les yeux, la tête posée sur les genoux de Camélia, mon corps étendu sur la banquette arrière. Cette dernière me caresse tendrement mes cheveux, pendant que le véhicule fait secouer nos corps de ses sauts irréguliers.
— Comment ça va derrière ? lance Arthur du siège passager.
— Bien, répond Camélia à ma place, alors que j'ai maintenant ouvert entièrement mes yeux; je ne peux m'empêcher de les poser sur le visage concentré de notre conducteur.
Je devine qu'il est tracassé. Quelques mèches rebelles tombent sur son visage creusé par la fatigue, ce qui lui donne un côté enfantin que j'apprécie aujourd'hui.
— On est bientôt arrivés ? questionne Arthur .
— Je n'en sais rien, je n'ai pas l'habitude de prendre ce chemin en voiture.
— D'accord.
Le silence qui retombe dans le véhicule se fait étrangement pesant et je suis ravie lorsque Arthur le brise en allumant la radio.
Une succession de chansons passe alors, qui font fredonner mes compagnons une bonne partie du trajet. Le soleil tapant sur les vitres teintées donne une lumière plus douce que celle que nous fournissaient les lampes longeant le toit de notre moyen de locomotion. Puis, vient le tour de Caleb de monter dans le véhicule lorsque que nous lui annonçons notre brute nouvelle, lui callé entre deux bottes de foin. Et étrangement, au lieu de riposter, son sourire s'agrandit et il s'empresse de courir à toute vitesse vers nous. En effet, je sais qu'au fond il est heureux de quitter cette ferme dans laquelle il avait décidé de travailler les jours de semaines afin de nous rapporter un peu d'oseille pour le jour où nous aurions à voyager. Car bien que ce soit lui qui se soit désigné pour y travailler, il n'empêche pas que cet éloignement soudain avec nous commençait à peser sur tous.
Je suis obligé de replier mes jambes pour lui céder une place, alors qu'il embrasse ses compagnons d'une accolade amicale, s'attardant plus sur moi pour vérifier mon état de santé. Dès que nous redémarrons, l'ambiance devient tout de suite plus agréable, moins tendue, ce qui, grâce aux anecdotes farfelues de notre fermier à mi-temps, nous permet ainsi de trouver le temps moins long pendant environ une bonne demi-heure.
— Oh merde... s'exclame soudain Caleb, nous faisant tous revenir à la réalité alors que nos pensées commençaient à divaguer chacune dans leur coin.
Personne ne sait vraiment quoi dire.
— Merde, merde, merde, triple merde ! recommence à jurer notre ami, alors que nous nageons toujours dans l'incompréhension.
— Qu'il y a-t-il, Caleb ? le questionne tout de même Camélia.
— Putain de merde, je suis trop con ! Sérieusement, non... J'ai pas fais ça ?
— Caleb ? le questionne à nouveau la rousse, plus sèchement cette fois-ci.
— Mais quel imbécile ! Si j'ai fais ça ! Putain !
— Caleb Wolne ! Tu vas finir par nous dire ce qu'il se passe à la fin ?! Sors de ta bulle, tout le monde est inquiet par ta faute, là...!
— Je... Il faut faire demi-tour !
C'est avec stupeur que le garçon que j'aime –alias notre conducteur– se retourne pour faire face à notre ami. Le coup de frein qu'il met tout à coup me fait croire qu'il va l'écouter...
— Quoi ? C'est hors de question ! On a pas de temps à perdre.
— Si, je n'ai pas le choix. Il faut que je lui dise au revoir, au moins... Je ne l'ai même pas fait !
A présent, personne ne bouge. Ni la voiture, ni nous, attendant une explication rationnelle à tout ce cirque qui ne viendra pas sans que l'on tire les vers du nez à ce fou.
Un fou. Voilà à quoi ressemble Caleb à ce moment là: à un fou. Nous qui avons l'habitude de le voir si calme, ce n'est définitivement pas à ce Caleb là que nous avons été habitué.
— Bon sang, mais qu'est-ce que tu racontes ? A qui veux-tu dire au revoir, au juste ?
Le châtain au regard identique à celui de ma meilleure amie se passe une main sur le visage, comme pour effacer toute l'émotion qu'il semble retenir. Le problème est là: même ses mains sont moites.
— Viens-en au fait, Caleb, le guide la rousse.
— Je.. J'ai rencontré quelqu'un là bas... Une fille. Elle s'appelle Linda. C'est la fille de l'homme pour qui je travaille.
Je sens Camélia trésailler contre mon épaule, traduisant le lourd froid qui vient de s'abattre sur nous. Chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe semble difficile à prononcer pour Caleb, tout comme le tout semble assaillir mon amie, fulminante, se tenant toujours à ma droite.
— S'il vous plait, laissez moi lui dire au revoir..., nous prie une dernière fois le garçon dépité à mon côté.
Camélia
J'encaisse. J'encaisse depuis le début, sur tout. Premièrement, on m'arrache Caleb en l'envoyant travailler dans cette foutue ferme. Deuxièmement, on ne me laisse pas, moi aussi, aller y travailler pour le soutenir car je suis sois disant "trop utile sur le camp pour gaspiller ainsi mes talents", m'a-t-on dit. Troisièmement –comme si ce n'était pas déjà assez– le premier garçon à qui je crois vouer des sentiments a apparemment appris à en aimer une autre, et ce, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire «expérience 90» –si ce n'est pas l'ironie du sort.
J'en ai sérieusement ma claque, de toute cette histoire. De plus qu'il commence maintenant à en avoir les yeux vitreux et la mine encore plus soucieuse.
— C'est non, je m'empresse de lui répondre avant que quelqu'un d'autre le fasse. Tu iras retrouver ta blondasse une fois qu'on aura réglé tous nos soucis.
Le concerné se penche un peu plus, de façon à mieux me voir. Tiens, il ne m'a pas oublié ? C'est sûr, dès que ça ne tourne plus autour de sa petite amie qu'il vient lâchement d'abandonner... Son regard, aussi bleu qu'un lagon mais aussi perturbé qu'une mer agitée, me lance des éclairs. Quoi ? Il ne voulait quand même pas non plus que je le félicite, si ?
— En fait, elle n'est pas blonde, mais rousse, lâche-t-il alors que je m'attendais à ce qu'il plaide encore sa cause.
Forcément, il fallait en plus qu'elle me ressemble ! Décidément, le destin a l'air de bien s'amuser à se foutre de moi...!
Je retiens un grognement et ravale mon amertume.
— Qu'importe qu'elle soit blonde, rousse, brune, ou teintée de mèches violettes. Qui qu'elle soit, si elle est vraiment digne de ton amour, elle t'attendra.
— Il me semble que tu es mal placée pour me parler d'amour Camélia, rit-il sarcastiquement. Ce n'est pas toi qui me disait n'avoir jamais aimée personne, lorsque l'on était au L.R.E., par hasard? Tu n'as aucune idée de ce qu'est l'amour, alors ne m'en parle pas comme si tu l'avais vécu !
***
J'attrape la pomme seule logeant mon plateau maintenant quasiment vide, et y croque à pleine dents. Caleb, en face de moi, semble presque amusé de la quantité de nourriture que je m'empiffre depuis tout à l'heure.
— Tu es une vraie vorace, toi, dis donc, il rit légèrement, me déployant une lignée de dents aussi blanches que les murs des infirmeries.
Je souris, avant de me rappeler pour quelle raison je le suppose d'être là.
— Bon, allez, viens-en au faits, que veux-tu savoir sur mon amie, monsieur-j'attire-toute-l'attention-du-réfectoire-avec-une-arrivée-fracassante ? Oui, oui, j'ai compris que tu essaies de m'amadouer avec ton beau sourire pour me soutirer des informations sur elle..., je rajoute, le voyant froncer des sourcils.
Une gêne semble s'être installée... Ne serait-ce pas parce ce que..?
— J'ai dis beau ? Excuse moi, je reformule: avec ton aimable sourire. Bon, passons aux choses sérieuses: est-ce que ma copine te plait ?
— Je... quoi ? Non ! Loin de là. Pas qu'elle n'est pas belle, elle l'est. Mais je la soupçonne plus d'être autre chose par apport à moi... enfin, tu ne peux pas comprendre.
Mes yeux globuleux doivent lui confirmer que, oui, je ne comprends strictement rien à son charabia.
Maladroitement, il déchire par petits bouts sa serviette en papier, comme si elle n'était pas déjà assez chiffonnée... Puis, il relève son regard glacier vers moi, pourtant si réchauffant, pour oser à nouveau me confronter, un éternel sourire timide accroché à un coin de ses lèvres.
— Non, et puis de plus, je ne suis pas trop branché blonde –bien que Stelly ne l'est pas vraiment, puisqu'elle est plus châtain clair.., enfin bref, elle n'est pas ma cam'.
— Oui, bref, tu peux me passer à moi tes gentils mensonges, je ne te crois pas. J'ai vu comment tu la regardais: comme la nouvelle prunelle de tes yeux. Alors ? Que va-t-il se passer maintenant ? Il va avoir un combat de coq entre toi et Adam ? Dans ce cas, permets moi de te dire que je serais plus pour Adam, cela fait bien trop longtemps que j'attends que ces deux là s'avouent leurs sentiments cachés... Enfin, si tu veux, je te laisse aussi une chance...
Il baisse les yeux sur ma pomme, pour rire, crispé, mais pas trop quand même. Franchement, ce garçon est une véritable énigme pour moi, rien que dans sa gestuelle. C'est pour dire: il m'en ferait presque perdre mon latin...
— Non, décidément, tu n'as rien compris... Je suis plus branché sur l'originalité, sur celles qui ne sont pas communes...
Originale... Ma mère me disait toujours que je l'étais, grâce à mes cheveux flamboyants. Au début, j'aimais qu'elle me dise ça. Puis, à partir du jour où une petite peste à l'école m'a dit que j'étais trop originale pour être son amie, j'ai très vite associé ce mot à une insulte. On dirait bien que Caleb vient de me réconcilier avec l'originalité, car je n'ai jamais autant pétillé de l'intérieur que maintenant.
— Du style la fille là bas ? je me retiens de rire.
Il tourne la tête vers celle que je lui montre du doigt. Mon dévolu s'est jeté sur une fille, certainement comme tous les autres de notre âge, brune aux longues mèches d'un prune éclatant. Sa tignasse, visiblement pas souvent coiffée, tombe en cascade jusqu'au bas de son dos, si bien qu'elle s'en assiérait dessus. C'est clair, elle n'est pas vraiment belle, ni même jolie. Quoique, elle le serait presque si elle ne s'était pas fait tatoué la moitié du visage d'un tatouage de la même couleur que les mèches régulières de ses cheveux...
— Olala, pas du tout. Elle, elle est justement trop originale pour moi. En fait, je crois qu'il me faut un juste milieu, il grimace bien que pas mécontent.
— Un juste milieu, tu dis. Dans ce cas, du style celle assise en face de toi ?
Mon absence de tact me perdra...
— Euh... oui. Enfin, pourquoi pas, ouais.
Le voir gêné m'amuse, et je ne l'ai jamais encore trouvé si mignon qu'en cet instant. Mais heureusement pour lui –ou malheureusement, je n'en sais rien– je ne compte pas le faire fuir dès aujourd'hui. Alors, pour détendre l'atmosphère, je lance:
— Allez, ne t'inquiètes pas, je sais que tu ne m'aimerais jamais. Et d'un côté, tant mieux, parce que je n'aimerais jamais personne de cette façon, moi non plus. Ca n'est jamais arrivé, ça n'arrive toujours pas, et ça n'arrivera pas.
Encore une fois, il sourit, cette fois-ci sans aucune gêne dissimulée à l'intérieur de ce dernier. A cet instant, je jurerais à la façon dont il me regarde qu'il me trouve amusante, voir même intéressante. A cet instant, je ne savais pas encore que j'avais complètement faux, sur mes pensées, comme sur mes paroles.
***
Je sors du véhicule en furie, avant que je n'entende Billal à son tour s'en prendre à celui qui vient de me briser le cœur. D'ici, je l'entends lui meugler que ce qu'il fait est égoïste, que l'état de Stéphanie est bien plus important que son amourette éphémère et que s'il veut allez rejoindre sa protégée, qu' il aille, mais qu'il ne compte pas sur lui pour l'attendre. Cette dernière phrase, il aurait pu se la garder pour lui, car à peine quelque instants après, j'entends une nouvelle portière se claquer et des pas passer tout près derrière mon dos, avant de s'éloigner à nouveau dans une autre direction. Je devine alors que Stéphanie est maintenant seule assise derrière, et qu'elle doit tenter de résonner Billal sur son tempérament trop explosif. Par contre, je refuse de deviner que si cela se trouve, Caleb vient bien de nous quitter pour retrouver sa rousse.
Vie de merde, gens de merde.
Billal
Rageusement, je tape sur le volant, ce qui fait déclencher involontairement le klaxon du véhicule. Jamais on aurait du s'embarrasser de toute ces personnes, jamais ! Nous sommes passés d'une bande de cinq à une de neuf, et c'est maintenant ingérable ! Entre les caprices d'un et les espérances d'un autre, c'est clair que l'on ne peut pas satisfaire tout le monde. Forcément, à la fin, il y a aura toujours un, voire, plusieurs déçus. Et égoïstement, je prie pour que je ne fasse pas partie de ce lot de personnes.
Franchement, on a merdé, tous autant qu'on est. Et voilà où on en est aujourd'hui: quatre sont encore enfermés à l'intérieur du Laboratoire de Recherches Extrêmes, et deux séparés du groupe.
Et pourtant, à choisir, si on me demandait de tout recommencer, je crois que je ferais exactement les même choses, exactement les mêmes erreurs, tout ça pour à nouveau rencontrer ce regard chocolat qui hante mes rêves les plus doux. Et c'est ce même regard chocolat que je rencontre, là, tout de suite, alors que sa propriétaire essaie de me calmer.
Le regard, chez elle, est la seule chose qui n'a pas changée. Sinon, que ce soit son teint à l'origine plus hâlé que ça qui a pris en fadeur, que ce soient les cernes avant inexistantes qui semblent maintenant s'être ancrées sous sa peau, ou son corps devenu plus frêle qu'à son origine; je ne reconnais plus l'ancienne Stéphanie.
— Je t'en prie, calme toi. A la limite pas pour toi, mais pour moi.
Je l'écoute, comme toujours, elle et sa voix angélique. Voilà ce qu'elle est pour moi: un ange au milieu d'un monde peuplé de démons.
— Ecoute la, Billal, me claironne Arthur. Pense à ta respiration, tu sais, comme ils nous l'ont appris, au centre d'apprentissage.
— Le centre d'apprentissage ?
C'est Stéphanie qui a posé cette question. Pourquoi ? Je n'en sais rien, puisqu'elle, elle sait déjà tout.
— C'est là qu'on a été entraînés, Billal, Adam, Nill, Devun, moi et d'autres, répond à ma métisse mon ami. Tu sais bien, on t'avait expliqué: après que l'on nous ait recruté, notre Nation nous a fait subir des entraînements intensifs pour vous ressembler le plus possible, vous, les expériences. Enfin, pas toi, puisque malheureusement tu n'en es pas une, mais bref, tu m'as compris.
— Je... je n'ai aucun souvenirs que tu m'aies expliqué tout ça, Arthur. Ni toi, ni Billal.
Cette fois-ci, je me retourne complètement pour faire face à Stéphanie, le regard sombre et la bouche sèche.
— Tu es sérieuse, Steph ? On en a parlé une dizaine de fois... Souviens toi !
— Je ne voix pas de quoi tu parles, désolé. Je me souviens de certaines de nos conversations, mais pas de celles-ci...
Machinalement, je me pince les arrêtes du nez.
Respire, expire.
C'est quoi ce merdier, bordel ?
Je ne suis quand même pas fou, je sais lui avoir tout expliqué, de A à Z. Tout ça pour quoi ? Pour qu'elle oublie, qu'elle ne se souvienne plus ! Comme si toutes ces conversations n'avaient jamais existé. Comme si toute la difficulté avec laquelle je choisissais mes mots avait était veine !
Je l'entends renifler tandis que des milliers de questions font immersions dans ma tête déjà pleine. Mais une prend le dessus sur les autres, celle que je redoute le plus: ne serait-ce pas un autre syndrome causé par le sérum révélateur d'expérience positive ? A côté de moi, je ressens que Arthur se pose exactement les mêmes questions, bien qu'il ne me l'avouera jamais. Au lieu de ça, il préfère tenter de me rassurer:
— Ce doit être la fatigue, un truc comme ça, ne t'en fais pas.
Il a peut-être raison, après tout. On ne dort sûrement pas assez, j'imagine. Peut-être a-t-elle même du mal à trouver le sommeil, et qu'elle fait semblant que si pour ne pas nous inquiéter...
Non, il faut que j'arrête de me voiler la face, une fois pour toute. Ce n'est pas bon, et je ne ferais que tomber de plus haut en faisant ça. C'est impossible qu'elle ait oublié, même avec la fatigue. Et ce n'est pas un événement naturel, comme la fatigue, qui a pu provoquer cette perte de mémoire chez elle.
Je regarde Stéphanie dans le rétroviseur, qui semble aussi perdue que peinée de me faire autant de mal. Un instant, je croise son regard vitreux, et il suffit de cet instant pour que je prenne une nouvelle décision:
— Une fois que les deux imbéciles se seront fait raison, on rejoindra la ville la plus proche, celle où je vais le plus souvent. Là bas, je me démerderais pour trouver un médecin, et vous, vous continuerez votre route. Vous essaierez de passer la frontière, et de prévenir notre Nation de tout ce qu'il se passe là bas pour qu'ils organisent un sauvetage. Il est hors de question que d'autres personnes, qu'ils soient une expérience positive ou négative, n'aient à subir la même chose qu'endure Stéphanie chaque jour ! Je compte sur vous pour que vous réussissiez de votre côté. Du mien, vous n'aurez pas de soucis à vous faire, vous saurez que je ferai tout mon possible, quitte à sacrifier ma propre vie.
Mes discours sur des coup de tête n'ont jamais fait l'inhumanité, je l'ai toujours su. Pourtant, jamais personne n'a osé me défier, mise à part Adam. Mais comme il n'est pas là aujourd'hui, encore une fois, personne ne me contredit. Ni Stéphanie, ni Arthur. En même temps, ils doivent me savoir torturé, et ne veulent certainement pas en rajouter une couche.
Je deviens dingue, incontrôlable, et personne ne saura arrêter ma folie.
Caleb
Linda. C'est le seul nom qui dirige toutes mes pensées. Je l'ai abandonnée, vulgairement. Elle m'en voudra, évidemment. J'aimerais tout reprendre depuis le moment où Billal m'a crié depuis sa bagnole, en vain.
Peut-être aurais-je eu le temps de lui dire un dernier au revoir, avant de lui chuchoter que je compte la revoir. Peut-être m'aurait-elle même attendue, qui sait ? Certes, notre histoire n'aura duré que le temps d'un éclair, mais je comprends maintenant ce qu'on appelle «le coup de foudre», grâce à elle.
La musique que transmet la radio est plus douce que celle que j'ai l'habitude d'entendre, et je me perds dans ses notes hors du commun. La tête appuyée contre la vitre, je peine en silence, sans que personne ne me dérange.
L'ambiance est retombée, au sein du véhicule. Seule la colère de notre chauffeur et de Camélia semble être restée constante, et je m'en veux quelque peu d'en être la cause pour la rousse. C'est vrai, je n'aurais jamais du m'énerver sur elle, lui balancer qu'elle ne connaît même pas l'amour, alors que j'en suis sûre, elle le connait, seulement pas de la même façon que Stéphanie, que Billal, que peut-être Adam et Stelly, que moi... Aimer en amitié fait aussi parti de ce que l'on appelle l'amour, alors oui, elle aussi, elle aime. Et moi aussi, je l'aime, mais j'ai cru le comprendre, pas comme elle le souhaiterait.
Arthur, devant, ne cesse de jeter des coup d'œil à la carte que nous retransmet l'écran de contrôle du quatre-quatre pour vérifier que l'on ne se trompe pas de chemin et ne se préoccupe donc pas de changer de chaîne quand une émission audio prend la place à ma musique.
Stéphanie, elle, s'est assoupie depuis maintenant un bon quart d'heure, à peine cinq minutes après que l'on ait repris la route, une fois le véhicule correctement rempli de ses passagers.
Camélia, la dernière à être revenue à la raison, a décidé de ne pas s'attacher, en total accord avec son humeur rebelle journalière.
Je jette une œillade au visage concentré de Billal, qui ne se doute pas que je le regarde, tant il paraît obnubilé par le chemin caillouteux fissurant la forêt en deux.
Et pour ma part, je tends l'oreille au moment même où je reconnais la voix de ma mère adoptive retransmise à la radio. L'émission audio doit avoir commencé depuis au moins dix bonnes secondes, puisque le journaliste vient tout juste d'arrêter son speech sur les présentations de l'émission, sa nature et sa première question:
— Bonjour à vous aussi, commence ma mère. Bonjour à tous également, ceux qui écoute en ce moment même cette émission. Alors oui, pour répondre à votre question, l'expérience 90' avance. Certains de nos, hum..., collaborateurs, ont leur capacités qui commencent à évoluer. Ils deviennent plus fort, plus habiles, plus malins, et surtout, un peu mieux chaque jour, plus aptes et prêts à défendre les citoyens de leur Nation et combattre leurs ennemis.
Elle marque une pause, et le commentateur en profite pour placer un « voilà qui est une bonne chose !». Puis, ma mère ,l'impératrice , reprend:
— Hier encore, s'est déroulé une expérience dans laquelle nos futurs jeunes héros ont du repérer des potentiels espions robotisés de la Nation adverse dans une immense ville en quatre dimensions. Beaucoup d'entre eux se sont bien débrouillés, mais il reste un point noir à toute cette histoire: il est encore compliqué de déterminer qui d'entre eux ont encore le sérum en eux... Certes, nos épreuves sont difficiles, elles le sont faites exprès, mais pas encore assez. Les adolescents se savent dans un monde pas vraiment réel, où ils ne risquent rien, et elle est en fait là, la vraie nature de notre problème. C'est malheureux à dire, mais ils se croient dans un simple jeu. Mais la réalité, elle, n'est pas un jeu. C'est pourquoi, avec l'accord de mon bras droit Marcus, nous avons décidés ensemble d'envoyer nos jeunes héros dans de vraies missions, cette fois-ci réelles, où on pourra vraiment mesurer leur réactions, leurs capacités et leurs instincts de survie. Ils seront donc déportés du Laboratoire de Recherche Extrême jusqu'au nouvel Établissement de Mission Extrême, où leurs quotidiens seront bien plus... intense. Cette nouvelle résolution leur fera vivre une vie un peu plus dure, mais eux-mêmes savent que le monde dans lequel nous vivons est lui aussi de plus en plus dur, et qu'ils ont besoin de ça pour avanc..
Billal coupe la radio avant que Lily n'est pu terminer sa phrase, au plus grand soulagement de tous. Je lâche un long soupir: j'ai retenu ma respiration bien trop longtemps. Je vois Arthur faire de même, et Billal donner un coup d'accélérateur.
— Je ne veux pas entendre une seconde de plus toutes ces conneries, explique d'un ton sec le blondinet.
Je ne le veux pas, moi non plus. Personne ne le veut.
— Que va-t-il leur arriver ? s'inquiète notre malade qui étrangement, semble retrouver toutes ses forces lorsqu'il s'agit de se tracasser pour les autres.
Personne lui répond, puisque personne n'en a vraiment une idée.
Effectivement: que va-t-il leur arriver ? Adam, Nill, Devun vont-ils se faire repérer ? Stelly deviendra-t-elle comme Stéph, si elle est en fait une expérience négative ?
Que feront-ils d'eux, dans ce cas ? Les renvoyer avec leurs familles ? Certainement pas, les commandants de ma Nation ne prendront pas le risque qu'ils aillent répéter aux citoyens les dessous du décor, et ainsi créer une guerre civile. Je connais trop ma mère pour savoir ça.
Alors, elle les gardera encore dans l'établissement de missions extrême ? Mais jusqu'à quand ?
Tant de questions affluent dans ma tête, mais aucune ne trouvent une réponse concrète qui aurait le pouvoir de me rassurer...
—
Heyy!
Ce chapitre vous a-t-il plu ? Il est pas énormément fournis en suspens, m'enfin, il y a toujours ces petites questions qui trottent en-tête..:
• Camélia gardera-t-elle encore longtemps pour elle son amour caché envers Caleb ?
• Stéphanie va-t-elle s'en sortir ?
Je tiens à préciser qu'il ne reste plus beaucoup de chapitres...
À bientôt,
Lisa :)
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