0. XO, Kitty
Tsss. "Mesdames, messieurs, nous allons traverser une zone de turbulences. Merci de bien vouloir rester tranquilles et rattacher vos ceintures. Ladies and gentlemen, we are approaching an area of turbulence. Please stay calm and fasten your seat belts." Tsss.
J'ouvre lentement les yeux, surprise par la vitalité de la lumière et par l'entente de cette voix féminine.
- Qu'est-ce que... ? je marmonne d'une voix pâteuse.
Je me frotte les yeux et les cligne plusieurs fois. Des gens. Plein de gens. Qui parlent. Que je n'ai jamais vus de ma vie. Assis, comme moi, sur des sièges, en lignes et rangées, rattachant leur ceinture pour ceux qui l'avaient détachée. Sur les côtés, des vitres rondes, à l'avant, une dame en uniforme bizarre. Autrement dit, des hublots et une hôtesse de l'air. Comme dans un avion. Attendez, quoi ?
Je reste figée plusieurs secondes avant de poser les yeux sur les sièges à ma gauche. Elodie et Lana assoupies. Je me fige à nouveau. Repose mes yeux sur les gens autour de moi. Puis sur mes amies. Puis sur les gens. Putain, QU'EST-CE. QU'IL. SE PASSE.
Aucun souvenir ne me venant qui pourrait potentiellement expliquer la situation actuelle, je me crispe, paniquée, sentant mon cœur prêt à se faire la malle d'une minute à l'autre. Je ne réfléchis pas davantage et secoue les filles comme des pruneaux pour les réveiller. Elles sursautent, complètement désorientées.
- Hein ? fait Lana en regardant autour d'elle.
Elodie, dans un état second, ne prononce par un mot et se tétanise. J'ouvre la bouche pour dire quelque chose (aucune idée de quoi), mais des secousses nous surprennent et nous nous crispons sur les accoudoirs.
- OK, C'ETAIT QUOI ÇA ? s'exclame Lana.
- Des turbulences, je réponds d'une voix blanche.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? On est où ? panique Elodie.
- Dans... un avion, apparemment.
Silence. Je ris nerveusement.
- QUI QUE QUOI OU COMMENT POURQUOI ? crie Lana.
- J'EN AI AUCUNE FOUTRE IDÉE. Mais c'est un fait !
- Ok ok ok, c'est peut-être juste un rêve, chuchote Elodie.
- Ça m'a l'air plutôt réel, sans vouloir t'inquiéter, je rétorque.
- Qu'est-ce qu'on fout là ? Aux dernières nouvelles on était dans le bus du théâtre, remarque Lana.
- Exactement, ça n'a AUCUN sens ! je crie.
J'ai un soubresaut de panique et d'incompréhension et regarde frénétiquement autour de moi à la recherche d'un indice vers une potentielle réponse sur ce qu'il se passe... Nous portons les mêmes tenues que dans le bus, à part que nos manteaux d'hiver et écharpes ne sont plus là, contrairement à nos sacs, qui eux sont à nos pieds. Lana et Elodie sortent leurs téléphones de leur poche pendant que j'ouvre mon sac.
- J'ai plus aucun de mes contacts et réseaux, annonce Lana, paniquée.
- Moi non plus... répond Elodie sur le même ton.
- Et dans mon sac il n'y a plus mes affaires de cours, juste mon casque, mon passeport, porte-monnaie, trucs de voyage, informé-je.
Les filles regardent à leur tour dans leurs sacs, et moi je prends mon téléphone : mêmes constatations.
- Qu'est-ce qu'il se passe... se lamente Lana, les larmes aux yeux.
- On a peut-être été droguées et enlevées ? je propose nerveusement. Ou c'est une expérience sociale ? Un projet scientifique ? Ou juste un rêve, comme tu disais Elo... EH. Regardez la date...
Je leur pointe l'information en dessous de l'heure.
- Ok alors dans mes souvenirs on était au mois de février, remarque Elodie.
- Ok, je souffle avant de me forcer à sourire. Pas de panique. Tout va bien. Il y a forcément une explication rationnelle à tout ça !
- Ah ouais ? répond-elle.
- Faut qu'on appelle la police, martèle Lana.
- Non ! je l'arrête. On est en plein dans les airs. A la limite, prévenir l'équipage ?
- Mais si on est là, seules, c'est bien qu'on est passées par nous-mêmes à l'aéroport, non ? dit Elodie.
- J'en sais rien, je comprends pas... je réponds. Dans tous les cas il faut faire quelque chose. Réfléchissons... là, c'est la compagnie Air France. Mais on va où exactement ?
Tsss. "Mesdames, messieurs, nous arrivons bientôt à destination. Veuillez rester attachés et tranquilles pendant la phase d'atterrissage. Ladies and Gentlemen, we will soon arrive at our destination. Please remain strapped in and calm during the landing phase." Tsss.
Nous nous regardons gravement avant de nous pencher vers le hublot, comme les autres passagers mais pas pour la même raison. Eux : admirer le paysage. Nous : comprendre le paysage.
Une grande ville moderne.
- C'est quoi c'est New-York ? demande Elodie.
- Non, j'ai pas l'impression, répond Lana.
Une notification s'affiche sur mon téléphone. "Votre opérateur : bienvenue en Corée du sud. Attention, appels, SMS et MMS décomptés et/ou facturés... (etc)"
- Oh, dis-je.
Mes deux amies se tournent vers moi.
- OH, je répète.
- Quoi ? font-elles.
Je leur montre silencieusement le message alors que nous atterrissons. Nous échangeons un regard mêlé de terreur et d'incompréhension.
- Ok, je vais essayer d'appeler ma mère, dis-je.
Elles acquiescent et font pareil de leur côté.
"Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué."
Je réessaye.
"Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué."
Mon père.
"Le numéro que vous avez demandé n'est pas attribué."
- C'est quoi ce délire ?! je m'exclame.
- Pareil pour moi, constate Elodie.
Nous nous tournons vers Lana. Elle lève la tête et la secoue négativement.
- On est dans la merde, dis-je. On fait quoi ?
- On descend et on essaye de joindre des autorités, propose Lana.
J'ai une très très grosse envie de laisser mon angoisse m'envahir et de pleurer toutes les larmes de mon corps, mais bizarrement mon cerveau a décidé de se mettre en mode "survie" alors j'acquiesce et nous voilà en train de quitter l'avion avec les autres passagers, regardant autour de nous comme des extraterrestres venues sur Terre. HEUREUSEMENT qu'on est toutes les trois. Je n'aurais probablement pas su gérer ça si j'avais été seule.
"Incheon Airport". Nous y voilà. Entourées d'une foule de gens. Je serre mon sac comme un bouclier, et regarde d'un œil apeuré autour de moi.
- Hey, c'est bizarre mais on dirait ma valise, remarque Lana en pointant une valise attendant d'être récupérée sur le tapis de sortie de soute de notre vol.
- Au point où on en est c'est pas si bizarre, dit Elodie.
Nous nous avançons et en regardant l'étiquette accrochée à la valise, il s'agit bien de celle de Lana.
- Ok, là ça devient flippant, dis-je. A priori on a réellement prévu le voyage et- MAIS ON DIRAIT MA VALISE ÇA.
Je m'approche de l'objet repéré, sur l'étiquette duquel figure mon nom. Je la prends, muette. Elodie s'avance à son tour.
- Je vais voir si je trouve la mienne, dit-elle.
La minute d'après, nous voilà chacune avec une valise. Nous nous installons par terre pour les ouvrir. Dedans, des vêtements qui sont indéniablement les nôtres. Bordel, qu'est-ce qu'il se passe ? A quel moment avons-nous fait notre valise ?
- Peut-être que la personne qui nous a potentiellement kidnappées, ou choisies pour une expérience, a fait notre valise, dis-je.
- Sauf que ça ressemble à des choix vestimentaires que j'aurais fait moi-même, rétorque Lana.
Nous refermons nos valises.
- On fait quoi maintenant ? demande Elodie.
Je hausse les épaules en grimaçant (façon française de dire "Je ne sais pas.").
- Là y'a des vigiles, faut aller les voir ! remarque Lana.
- Pour leur dire quoi ? me lamenté-je. On va passer pour des folles. Ce que je commence à croire que nous sommes vraim-
Je me tais instantanément en apercevant au loin une silhouette familière en haut bleu, jean noir, et avec un sac jaune.
- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? demande Lana.
- Je... J'ai cru voir...
- T'as cru voir quoi ? questionne Elodie.
Je pointe la direction où, vraisemblablement, se trouve Kitty Song Covey.
- What the fuck, fait Lana.
- Je suis pas la seule à la voir on est d'accord ?
- Non, effectivement, répond Elodie dans un souffle.
- Wow wow wow WOW ! je m'exclame. Ok, nous sommes victimes d'une hallucination collective. On a sûrement été droguées.
- Réfléchissons, peut-être que c'est juste quelqu'un qui lui ressemble, propose Elodie.
- Oui, bien sûr, tellement qu'elle porte les mêmes vêtements qu'elle dans l'épisode 1 de la saison 1, au même endroit ! je m'exclame ironiquement. Il est également impossible que ce soit juste le tournage, puisque qu'il a déjà été fait et qu'il n'y a aucune caméra. A la limite, peut-être que tout ça n'est qu'un énorme prank mais ça me parait exagéré. Ou alors c'est une fan qui a fait un cosplay, ou alors...
- Wow, on respire Sasha, m'interrompt Elodie.
Il faudrait peut-être le dire aussi à Lana qui a l'air d'avoir oublié qu'elle avait des poumons vu la rougeur de son visage.
- Je crois que je vais nous faire un Sid, dit-elle.
- On va éviter de s'évanouir, hein, répond aussitôt Elodie.
Par réflexe, je prends mon téléphone, sans doute pour me rassurer avec quelque chose de familier, mais je me souviens que nous n'avons plus rien. Ni contacts, ni réseaux, ni photos, ni mails... Attendez...
- J'ai un mail, j'annonce d'une voix neutre. Qui date d'il y a deux semaines.
(Trop d'émotions font que je n'arrive plus à en avoir.)
- EH, s'exclame Lana. Quoi ? Montre.
- OH PUTAIN ! je crie en réalisant de quoi il s'agit.
(My bad, j'ai toujours mes émotions.)
- Quoi ? Quoi ? panique Elodie.
Dear Sasha,
We are pleased to inform you that you have been admitted to the Korean Independant School of Seoul (K.I.S.S.). Congratulations, we look forward to seeing you ! [...]
See you soon,
K.I.S.S.
- WESH, dit-elle avant d'ouvrir ses mails.
Lana, restée bouche bée, reprend ses esprits et vérifie à son tour. Nous voilà toutes en train de crier dans l'aéroport, nous attirant les regards froids des coréens alentours. Parce que nous avons toutes les trois reçu ce mail. Nous mettons quelques minutes pour nous calmer et décidons de nous asseoir sur des sièges.
- Récapitulons, dis-je. On s'endort dans le bus du théâtre, on se réveille dans un avion en direction de la Corée du Sud. On n'a plus aucun contact avec notre vie d'avant, mais vraisemblablement nous avons fait nos bagages pour nous rendre à KISS, l'établissement scolaire d'XO, Kitty, qui nous a envoyé un mail d'admission. Alors à moins que ce soit un jeu de rôle avec une immersion TRES réaliste, je pense pouvoir dire sans trop me tromper qu'on peut abandonner l'idée d'être rationnelles et commencer à accepter le fait qu'on est, par je ne sais quel miracle, tombées dans la série.
Silence, le temps d'assimiler l'information.
- C'EST UN PUTAIN DE RÊVE QUI VIENT DE SE REALISER ! je hurle.
- C'EST JUSTE INCROYABLE ! hurle Lana à son tour. ON FAIT QUOI ?
- En vrai je veux pas dire hein, mais... autant profiter de cette opportunité et se soucier du problème plus tard, propose Elodie innocemment.
- Ah mais je suis complètement d'accord, je réponds. C'est vrai, moi je dis, tant qu'à faire, vivons ce qu'on a à vivre pour l'instant. C'est juste génial et inespéré. C'est pas comme si on n'avait nulle part où aller.
- Je vous rejoins sur ce point ! s'écrie joyeusement Lana.
Réaction tout à fait normale pour des adolescentes, que voulez-vous ? Non, nous ne voyons pas le problème pour l'instant, puisque c'est juste trop cool et qu'on a juste trop de chance. Non mais.
Nous voilà en train de sourire comme des idiotes.
- Donc... on va pas voir les autorités, comprend Lana.
- Non, on va à KISS bébé, je réponds en mettant des lunettes de soleil imaginaires.
Lana et moi crions à nouveau en sautant sur place.
- Je veux pas casser l'ambiance, mais on a perdu Kitty, lance la voix d'Elodie.
Nous nous arrêtons et regardons autour de nous. Plus aucune trace de notre protagoniste préférée.
- Merde, faut la retrouver ! je m'écrie en empoignant ma valise.
- Oui mais pour faire quoi ? Lui parler ? demande Elodie.
- Ah meeerde, je grogne. T'as raison. Ça risque d'influencer l'histoire.
- Bon, calmons-nous, dit Lana (ce que je trouve ironique venant d'une personne rarement calme). Avant de poursuivre ce tournant... rocambolesque de notre vie, je pense qu'il faut établir quelques règles.
- Genre un contrat comme dans "A tous les garçons que j'ai aimés" ? je demande avec un sourire malicieux, plaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Tout à fait ! répond-elle.
- Eh bah let's go ! s'exclame Elodie.
Stylo (violet car appartenant à Lana), feuille vierge (comme nous (j'assume pas cette blague)), le siège comme table, le sol comme chaise.
- Premièrement, si on est là, dans tous les cas ça va influencer les choses, dit Lana. Mais faut essayer d'influencer le moins possible et de rester en dehors de tout ça. On suit les choses à distance raisonnable et on spoil pas les personnages.
- Genre on les spoil pas sur leur propre vie, je trouve ça drôle, dit Elodie.
- Ensuite, dis-je. On tire le meilleur de cette expérience pour l'instant, mais faudra qu'on enquête sur le pourquoi du comment et qu'on comprenne comment faire rentrer les choses dans l'ordre. Parce que faut pas oublier que ça, c'est pas notre vie. Donc faut pas trop s'attacher, d'accord ?
- Triste... mais logique, répond Lana en notant la dernière phrase "ne pas s'attacher".
Elodie fait la moue, déçue.
- C'est inévitable, t'as raison, consent-elle finalement.
- J'ai envie quand même de rajouter une règle sur le fait qu'il faut qu'on s'amuse, dit Lana.
- Ah mais totalement, répond Elodie.
- Oui, dis-je. Mais... va falloir travailler, accessoirement. Niveau élevé de l'école oblige. Sinon... bye bye KISS. Et je préfère quitter la série parce que je dois rejoindre mon monde plutôt que parce que j'ai foiré en maths.
- C'est pas faux, sourit Lana. Après, ça c'est que si on a une bourse. Mais si on paye réellement notre place, alors on se fera pas éjecter.
- Mais comment on sait si on a une bourse ou si quelqu'un paye pour nous ? On sait même pas qui nous a inscrites, on sait même pas si on a encore une famille, on sait rien !
- Je suppose qu'on va finir par le savoir... répond-t-elle. On est bon ?
- Je crois que oui, dit Elodie.
- Une dernière chose ! dis-je. Quoi qu'il arrive, on compte les unes sur les autres. On reste toutes les trois.
- Ça va de soi, répond Lana avant de signer et de nous tendre le stylo.
Nous signons chacune notre tour avant de nous faire un check.
- Bon, maintenant, faut retrouver Kitty et la suivre parce que j'ai pas le sens de l'orientation, dit Elodie.
- A mon humble avis, elle est déjà loin, on a perdu pas mal de temps, dis-je.
- Donc on abandonne Kitty ?
- C'est ELLE qui nous a abandonnées ! répond Lana avec une fausse indignation.
- Lana, don't be so dramatic, je réponds.
- HAN ! s'exclame-t-elle.
Nous rions.
- Allez, de toute façon j'ai Google Maps, répond-elle en brandissant son téléphone. Sortons d'ici.
- Et vite parce que c'est littéralement ce soir la Welcome Party, fais-je remarquer.
C'est sûr que nous ne sommes pas les filles les plus sportives qui existent.
Moi : aucun cardio. (mon cœur bat si vite au repos (environ 110) que mon médecin m'avait envoyée voir un cardiologue qui m'a dit que tout allait bien et que j'avais juste pas d'endurance)
Lana : pas de cardio non plus avec supplément genoux en mauvais état + scoliose.
Elodie : handicapée des rotules, ne peut littéralement pas marcher ou rester debout trop longtemps ou pratiquer la plupart des sports sans avoir mal.
Nous prenons nos valises et sacs et partons à la recherche de la sortie. L'aventure peut commencer !
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