Epilogue
WALTER
~ Jeudi 24 Février ~
— Walter !
— Une minute, dis-je en répondant à mon texto, face à la cheminée.
Un mois et demi s'est écoulé depuis le départ de Shay. Au début, son absence m'a paru étrange. C'est déroutant de constater qu'un être humain puisse autant s'attacher à une présence. Deux semaines et j'avais l'impression d'avoir passé une vie entière avec ce playboy aux yeux déroutants. Finalement, le quotidien a repris sa place. Cody a été parfois triste, je n'ai pas voulu faire de Shay un sujet tabou. Il a juste fallu assimiler une autre émotion à ce prénom quand mon ange avait les larmes au bord des yeux. Dire que je ne l'ai pas détesté à ces moments-là serait un mensonge. Je ne pensais pas que Cody s'attacherait autant, j'aurais dû m'y attendre. Je m'en veux de ne pas avoir imposé de distances tout de suite. Shelby dit que c'est ridicule, sûrement a-t-elle raison.
Parfois, Shay m'envoie quelques textos. Il me raconte sa journée, ses péripéties, demande des nouvelles de tout le monde. Je reste succinct. Je n'ai pas envie de tomber dans ce gouffre sans fond, celui dans lequel j'ai déjà plongé une fois pour me fracasser violemment quand j'ai constaté que ces ailes, je ne les avais qu'imaginé.
— Walter ! rouspète ma sœur.
Je râle et fourre mon portable dans ma poche pour aller ouvrir. Yasmine, les mains chargées de victuailles, me sourit, le doigt scotché à la sonnette. Je récupère quelques plats et grogne :
— Rentre au lieu de réveiller tout le quartier !
— Joyeux anniversaire !! chantonne-t-elle en plantant deux baisers contre ma joue droite.
Je lève les yeux au ciel, referme d'un coup de pied. Elle prend la direction de la cuisine, évitant les enfants qui jouent dans le salon. Shelby, un tablier autour de sa taille, remercie son amie pour les ingrédients de dernière minute.
— Hier, il y avait un canon au bar, raconte Yasmine en s'accoudant à l'îlot central alors que je dépose les produits frais dans mon frigo.
— J'espère que tu lui as fait ton numéro de charme, sourit ma sœur.
— Tu penses bien ! J'ai rendez-vous demain midi pour un petit brunch...
— Ouuuh, sourit Shelby en bougeant ses épaules.
Ah, les filles..., songé-je en roulant des yeux. Shelby pointe son couteau dans ma direction, m'arrachant un sursaut. Les yeux plissés, elle dit :
— Je t'ai vu prendre l'air saoulé, mais tu sais... l'amour n'attend pas.
— Ouais, ouais, en attendant, coupe-moi ces poireaux, riposté-je.
Shelby me vire de ma propre cuisine en spécifiant que je ne suis pas invité à critiquer le repas puisqu'il s'agit de mon anniversaire. Je suis puni de cuisine. Dans ma propre maison. C'est quoi ce bin's ?!
— Papaaaa ?
Je baisse la tête et observe Cody qui me montre son lapin.
— Doudou il a mal à l'oreille.
Je m'agenouille devant lui pour constater les dégâts. La couture craque un peu.
— On va demander à tonton Jett de le réparer.
— Il répare aussi les doudous ??
— Eh oui ! Incroyable, hein ?
— Ouiiii ! sourit-il.
Il me saute au cou et embrasse ma joue, je le serre tout contre moi comme si j'avais peur qu'il disparaisse. Son odeur me rassure. Cody est bien là et il ne part nulle part.
— Je t'aime papa.
Mon cœur se serre. Je cache mon visage dans son cou, l'enlace un peu plus fort. Il caresse vite mon dos et s'écarte.
— Tu pleures papa ? Pourquoi ? T'as bobo où ?
Je ris légèrement et essuie mes larmes du revers de la main.
— Je vais bien, mon cœur. Et je t'aime tellement.
— Plus que tata ?
— Je t'aime même au-delà des étoiles.
— Ça veut dire quoi ? demande-t-il en penchant la tête sur le côté.
— Ça veut dire que l'univers est immense et que mon amour n'a pas de limite. Il est infini.
Il hoche la tête, mais je ne suis pas sûr qu'il ait compris. Je l'embrasse encore une fois, puis il retourne jouer avec ses amis. Je les observe construire une cabane à l'aide de couvertures et de chaises. Un sourire tremblant éclaire mon visage. J'espère que l'innocence de Cody ne sera pas brisée par la vie. Vœu stupide, tu le sais Walter. Les expériences forgent un Homme.
🎄
— Allez, souffle les bougies !!
— On ne chante pas en espagnol ?
— Tant que tu y es, on peut ajouter l'Allemand !
— Oh, une bougie s'est éteinte, vous n'avez pas un briquet ?
— Touche pas avec tes doigts sales !
On ne s'entend plus, j'en ai presque un mal de tête pourtant, je me retiens de faire le moindre commentaire. Tous ces gens sont réunis pour moi aujourd'hui. Ils ont fait l'effort de me préparer un anniversaire en bonne et due forme pour fêter mes quarante-quatre ans. Je peux bien mettre de l'eau dans mon vin et prendre un cachet d'aspirine en fin de journée.
Pendant que Shelby rallume la bougie, je laisse Cody monter sur mes genoux. Il est bien plus impatient que moi. Son sourire extatique me réchauffe le cœur. Les invités entonnent une troisième fois le chant traditionnel d'un anniversaire. Puis commence le compte à rebours.
— Un...
Cody bat des pieds sous la table.
— Deux...
— On souffle ensemble mon ange ? lui proposé-je.
Il hoche vigoureusement la tête.
— TROIS ! s'exclament-ils en chœur.
Cody souffle de toutes ses forces sur les bougies et je me joins rapidement à lui. Les flammèches se font balayer par l'air qui sort de nos poumons. On nous mitraille, je souris, heureux d'être entouré. Les applaudissements font place aux cadeaux. Le fraisier disparaît à ma gauche et Cody proteste, les yeux rivés sur le gâteau. Je ris.
— Tu en auras tout à l'heure.
Je dépose un baiser sur le sommet de son crâne alors que la pile s'alourdit. Je déballe les cadeaux et les enveloppes, remercie chaque personne présente. Ce n'est pas tant les présents qui me font du bien, mais tous mes proches réunis pour passer la journée avec moi.
— Ah ! Jett arrive avec notre cadeau, précise ma sœur en lisant son portable.
Elle me regarde et je lui accorde un sourire. Lorsqu'elle m'a avoué ne pas pouvoir enfanter, elle n'en avait pas encore discuté avec Jett. Elle craignait de le perdre parce qu'incapable d'assumer son rôle de femme. Mais ce serait mal connaître le médecin de cette petite ville. Il a fait tout ce qui devait être fait. Et maintenant, ils se penchent sur les dossiers d'adoption. Je suis rassuré de voir que son bonheur ne sera pas entaché.
On dépose une part de gâteau devant Cody, je proteste aussitôt.
— Je suis le roi de cette soirée !
— T'es un enfant Walter, se moque Yasmine. On mangera quand ta sœur sera de retour. Déjà qu'il faudra rallumer les bougies pour Jett.
— Ah non pitié, je vais pas souffler une seconde fois ! soupiré-je.
— Tu me donnes encore plus envie de les allumer !
Elle approche son briquet et je râle tout en repoussant sa main. Mes amis se moquent de mon comportement, je souris.
— Joyeux anniversaire Walter !
Cette voix me paralyse. Un frisson parcourt l'entièreté de mon corps avant que je ne me retourne. Shay. Shay se tient devant moi, en chair et en os, affublé de sa veste en cuir et d'une chemise blanche qui le met - à n'en pas douter - diablement en valeur. Son sourire éclatant, tantôt arrogant tantôt sincère, trône sur ses lèvres. Mon cœur bat vite, peut-être un peu trop. J'ai du mal à comprendre ce qui se joue devant moi.
— SHAYYYYY !!!
C'est le cri de Cody qui me ramène à la réalité. Il bondit sur le sol pour se jeter dans les bras de mon ancien employé. La réaction de mon fils réactive le temps. Les convives le saluent, sourient et discutent, un verre de vin à la main. Je croise le regard de ma sœur. Tout l'amour qu'elle me porte me percute en plein cœur. Mes yeux reviennent sur Shay qui porte Cody en le couvrant de baisers.
— Tu veux une part de gâteau, Shay ? propose Shelby.
— Sert Walter d'abord, il a sorti les crocs quand j'ai nourri son fils, se moque Yasmine.
Je rougis et la foudroie du regard. Elle rit un peu plus fort. Shelby secoue la tête, amusé. Shay dépose Cody à côté de moi, son regard rencontre le mien et le temps s'arrête une seconde fois. Son odeur musquée m'avait manqué. Une bouffée d'émotions et de sentiments remonte dans ma poitrine, me percute de pleins fouets sans me laisser une solution de repli.
— Regardez qui je suis parvenu à ramener ? s'exclame Jett.
Je détourne le regard pour observer Dean, le nouveau kinésithérapeute de la ville. Mal à l'aise, il se racle la gorge et salue l'assemblée. Je profite du nouvel arrivé pour me lever et inviter Shay à me suivre d'un mouvement du menton. On disparaît sans que personne n'ait remarqué notre manège. Ou peut-être Shelby puisqu'elle me lance un regard équivoque. Oui, oui, t'as compris, c'est génial ! On va pas te décerner un trophée non plus...
Une fois la porte du bureau close, je me tourne lentement dans la direction de Shay qui me sourit, une main dans la poche de son jean. Plus doucement, il dit :
— Salut.
— Salut...
Je me pince les lèvres, mon cœur me fait mal. Il tambourine comme un fou contre ma cage thoracique. J'ai l'impression que je vais suffoquer ou qu'il se rendra compte de mon état. Le revoir me met dans un émoi qui m'agace autant qui me ravit.
— Tu n'aimes pas ton cadeau ? demande-t-il sans se départir de son sourire.
— Ça dépend. C'est toi dans quel sens ?
Il se mord la lèvre inférieure et joue avec ses sourcils. Je lève les yeux au ciel.
— T'as vraiment l'esprit mal placé !
Il s'esclaffe, ce son me fait sourire. Shay retrouve sa place dans cette maison comme s'il y avait toujours été. Sa présence semble naturelle dans ces lieux. Et je n'en prends conscience qu'aujourd'hui.
— Tu peux m'avoir dans ton lit, comme employé, tout entier, ou peu importe.
— Tu as besoin d'un job ?
Je décide de me focaliser sur quelque chose de moins essentiel pour ne pas m'emballer, espérer et lui sauter dessus comme un vrai sauvage. Parce que oui, Shay me plaît toujours autant et même un peu plus !
— Hmm... je ne dirais pas non à une embauche, mais avant j'ai besoin de clarifier certaines choses.
J'arque un sourcil. Il avance d'un pas, je me retiens de reculer. De toute façon, seule la porte me ferait barrage. Je prends une profonde inspiration quand il ne se trouve qu'à quelques centimètres de mon corps.
— J'ai beaucoup réfléchi durant ces deux mois. J'ai aussi énormément pensé à toi.
Attends, attends, attends !! J'ai peur de mal comprendre. Les battements de mon palpitant sont irréguliers, mes joues brûlantes.
— Et à Cody, ajoute-t-il en souriant. Je ne serais pas un deuxième Tyler parce que j'adore ton fils et que ça irait à l'encontre de mes valeurs. Et puis... je crois que ma vision des relations a changé. Non, pardon, j'en suis sûr.
Il prend ma main, caresse le dos de son pouce et cherche mon regard. La bouche entrouverte, je dois avoir l'air d'un crétin, mais j'ai du mal à réfléchir alors je ne fais rien. Je ne bouge pas.
— Walter, tu me plais et tu le sais. Quand je suis rentré, vous me manquiez. Je pensais que c'était une sorte de blues, après tout, nous étions tout le temps ensemble. Mais... je sais que ce n'est pas ça. J'ai fini par écouter ce que mon cœur me disait et... j'ai envie d'être avec toi. Alors oui, je te demande de revenir, mais pas seulement en tant qu'employé. Amant, conjoint, petit copain, tout ce que tu veux. Si tu es intéressé, alors je n'attends qu'un oui. J'en fais la promesse. Et tu ne peux pas dire que je ne les tiens pas puisque je suis ici, comme je l'ai promis à Cody.
Sa déclaration me chamboule. J'ai du mal à réfléchir, j'ai l'impression de rêver. Shay est parti et sa présence s'est effacée comme dans un rêve. C'est comme si je me réveillais le matin en cherchant à rassembler les pièces du puzzle, mais son image se disloquait au fur et à mesure des jours. Pourtant, il est revenu, comme promit. Et il me propose ce que j'ai moi-même laissé entendre quelques mois plus tôt. Ma main presse la sienne. Il me sourit. Ses doigts caressent ma joue avec douceur, je ferme les paupières.
— Tu m'as manqué, avoué-je sans détour.
Il pose son front contre le mien, son souffle à quelques millimètres du mien.
— Et Cody a beaucoup pleuré...
— Je suis là maintenant et si tu le veux bien, je ne repartirai pas.
J'hésite un peu. Non pas parce que mes sentiments ne sont pas réciproques, mais parce que j'ai peur. Parce que Tyler est parti avec mon cœur, parce qu'il m'a laissé une blessure indélébile, parce que je suis capable d'être un débile profondément jaloux si on tente l'aventure. Mais je pense à Shelby. Shelby qui a été de mèche pour cette surprise. Shelby qui ne ferait jamais rien si cela me faisait du mal. Puis Cody. Mon petit ange, ma raison de vivre. Cody qui s'est attaché à Shay au point d'en pleurer quand ce dernier a enfourché sa moto. Cody qui l'a tout de suite adopté.
Je contemple ses yeux comme si je pouvais y trouver une réponse.
— J'ai besoin d'un larbin alors...
Il lâche une exclamation offusquée avant de me pincer les côtes, je ris. Il m'attrape par la taille et empoigne mon cou.
— C'est tout ?
Je me mords la lèvre, les yeux rivés sur les siennes.
— Eh bien... t'es sexy alors pourquoi pas ?
— J'hallucine !
Il pouffe et m'embrasse passionnément. Je laisse tomber mes barrières et entoure son cou de mes bras. Là, coupé du monde, je savoure ce baiser donné par un homme qui s'est fait une place dans mon cœur en l'espace de deux semaines. Un homme taquin, arrogant et joueur. Un homme qui a su attirer l'attention de Cody. Un homme qui me promet de ne pas me lâcher comme Tyler l'a fait.
— Je risque d'être possessif, précisé-je en reprenant mon souffle.
— Vas-y, j'aime bien, sourit-il.
Je lève les yeux au ciel, il me dérobe un second baiser puis un troisième.
— Papa ?
Cody ouvre la porte et nous observe, la main vissée sur la poignée. Je m'écarte un peu de Shay alors que Cody fronce les sourcils.
— Vous êtes amoureux ou pas ?
Il a l'air un peu énervé, je me crispe aussitôt.
— Oui, ton papa est mon amoureux.
Je le foudroie du regard, il me tire la langue. Cody s'accroche à mon pantalon et demande, très sérieux :
— Ça veut dire que tu restes ?
— Ouais, je reste Little Monster, dit-il en s'agenouillant devant lui. Et pour longtemps.
Le temps se fige. Cody reste silencieux. Il s'humecte les lèvres, me jette un regard, puis un sourire franc, sincère, s'étale sur son visage.
— Trop cool !!
Cody se jette à son cou et Shay me sourit. Je crois qu'il est temps de me laisser une seconde chance.
~~~
Fiiiiiiin !
Joyeuses fêtes ❤️
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