Chapitre 7
WALTER
~ Dimanche 18 Décembre ~
Emmitouflé dans un plaid, mon fils entre les bras, posé dans le canapé du salon, je lui caresse les cheveux, les yeux rivés sur l'écran. La Belle et le Clochard dégustent un plat de nouilles bolognaises sur un air disneyen, l'un des films préféré de mon petit ange. Une fois le dîner englouti, Cody s'est empressé de me présenter les bonhommes en pain d'épices qu'il s'est amusé à fabriquer durant la matinée avec Shelby. Il en a fait trois : un pour lui, coloré, un autre pour moi, décoré d'étoiles multicolores, et un dernier pour Shay avec un nœud papillon et des boutons rouges. Bien que mon employé ait été surpris, il s'est empressé d'accepter le cadeau avec un sourire qui a ravi mon fils. Sans plus attendre, on s'est installéS sur le sofa avec un verre de lait pour déguster les pâtisseries en face d'un film d'animation.
J'ai souhaité une bonne soirée à quelques-uns de mes clients qui étaient encore au rez-de-chaussée et Shay nous a abandonné au profit d'un coup de fil. Je jette un coup d'œil à Cody, un sourire attendri étire mes lèvres en constatant qu'il s'est endormi. Je continue de le bercer en silence, apaisé. Je pourrais remonter tout de suite, mais savourer une soirée avec mon bout de chou dans les bras fait partie de ces petits plaisirs que je me refuse à ignorer. Cody est mon monde, je voudrais pouvoir passer chaque instant de ma vie avec lui.
Au bout d'un moment, je finis par porter mon fils jusqu'à l'étage pour le coucher dans sa chambre. Je le borde, dépose un baiser contre son front, et place son doudou à portée de main avant de retourner dans le salon pour ranger la pièce. Je passe un coup d'éponge sur la table basse, jette les miettes dans la poubelle, puis replie le plaid tout en éteignant le feu de cheminée.
— Le film est déjà terminé ? s'étonne Shay qui vient de réapparaître.
— Cody s'est endormi, répondé-je en éteignant la lampe à pied.
Je nous plonge dans le noir, seule la lumière du couloir éclaire partiellement le salon, jouant avec les ombres. J'ai soudainement un mauvais pressentiment : je n'aurais pas dû commettre cette erreur. Les pupilles noires de Shay brillent d'un éclat que je qualifierai de sauvage. Il ne bouge pas, se contente de me fixer avec un petit sourire arrogant. Je m'humecte les lèvres sans oser faire le moindre mouvement. Je me sens comme une proie face à son prédateur.
Son sourire s'étire doucement sur ses lèvres, il approche à pas de velours sans même me quitter des yeux. Les miens se plissent, mon poing posé contre le dossier du canapé se serre. Je ne suis pas dupe. Depuis que mon regard a dérivé sur ses fesses dans la buanderie, Shay n'a pas cessé de me tourner autour. C'est léger, presque discret, mais assez flagrant pour que je m'en sois rendu compte. Je sens souvent son regard sur moi alors que je ne fais rien pour l'attirer. Il s'approche toujours un peu trop près, me frôle parfois, et je fuis rapidement en instaurant une certaine distance. Je n'ai ni envie, ni besoin de ça.
— Tu sais, ce verre... j'attends toujours que tu m'en serves un second.
Son ton est plus bas qu'à l'ordinaire, ses yeux cherchent mon regard, je nie les sensations qui m'assaillent. Les doigts enfoncés dans le dossier du sofa, je rétorque :
— Le vin coûte cher. Si tu veux boire, apporte ta propre boisson.
— Walter..., rit-il légèrement tout en s'arrêtant à ma hauteur. Je pensais que nous partagerions ce moment...
Je ne réponds pas, entendant parfaitement ce qu'il sous-entend. Sa main échoue non loin de la mienne et avec lenteur, ses doigts viennent caresser les miens. Paupières closes, j'expulse un discret soupir. Trop de jours, de semaines, de mois, d'années sont passés depuis qu'un homme m'a touché. Les frissons qui courent le long de mon bras ne sont qu'une réaction physique due à mes hormones qui se réveillent après deux ans et demi d'hibernation. Et peut-être aussi parce qu'il a une belle gueule... et un cul de malade, songé-je à regret en rencontrant ses prunelles vertes claires. Je remarque alors que ses iris tirent sur le gris ce qui fait de son regard quelque chose de plus envoûtant. Sa caresse remonte doucement sur mon poignet, puis ses doigts s'infiltrent sous la manche de mon pull. Mes dents se plantent dans ma lippe, je tente de nier le désir qui enfle en moi.
Il se penche vers moi à tel point que son odeur embaume mon nez, il nous ait impossible de regarder autre part, et je sens la tension s'accumuler dans chaque muscle de mon corps. Une petite voix me souffle qu'il serait bienvenu de faire demi-tour, de ne pas tenter le diable, et pourtant, je ne bouge pas d'un pouce comme si je provoquais ce rapprochement. Je suis complètement contradictoire ! Son souffle échoue si près de ma bouche, que le mien se coupe. Je suis fébrile, j'oscille entre deux émotions. Ma langue humidifie mes lèvres comme si j'anticipais la suite. Sous le désir flamboyant de Shay, je ne sais plus ce que je désire vraiment.
— Papaaaaaaa !
L'appel larmoyant de mon fils me ramène à la réalité. Comme s'il m'avait brûlé, je recule brusquement, récupère mon poignet que je frotte machinalement, puis jette un coup d'œil à Shay qui n'a pas esquissé le moindre geste. On se fixe longuement, je n'arrive pas à déchiffrer son expression. Finalement, je tourne les talons et me dirige vers les escaliers d'où j'aperçois Cody qui se tient à l'étage, son lapin en peluche serré entre ses bras. Les larmes dévalent ses joues d'enfant et mon cœur se serre.
— Bonne nuit Shay, dis-je sans le regarder, montant les escaliers pour retrouver mon petit ange.
De mes pouces, j'essuie les larmes et le récupère dans mes bras pour déposer un baiser contre sa joue. Il renifle, l'oreille de son lapin caressant distraitement le bout de son nez. Quand je pense que je ne pourrais plus le porter comme ça lorsqu'il grandira, mon côté paternel grogne dans son coin. J'aimerais qu'il garde son innocence pour toujours. Le monde des adultes est bien trop dur pour un enfant.
— Un cauchemar ? demandé-je.
D'un hochement de tête, il confirme avant de caler sa tempe contre ma clavicule en reniflant. Je soupire, frotte gentiment son dos, puis entre dans ma chambre qui se situe un peu à l'écart, histoire d'avoir un minimum d'intimité. Si j'osais le remettre dans son lit, Cody ne trouverait pas le sommeil. Ses mauvais rêves l'empêchent de fermer les yeux si je ne suis pas dans les parages. Je le couche dans le lit, me change rapidement, et me glisse sous les draps avant de le récupérer dans mes bras.
Je déteste quand Cody fait des cauchemars. Il me les raconte parfois, je me sens tellement coupable. J'en ai également discuté avec mon psychologue. Il s'est permis de m'expliquer que mon fils pouvait inconsciemment se souvenir de l'abandon de sa mère même s'il n'était qu'un bambin, et que le soudain départ de Tyler a pu raviver une blessure dite invisible. Je n'en veux pas à cette femme. Elle a fait preuve de jugeote en déposant Cody dans une église. Je ne connais pas ses raisons, mais au moins a-t-elle cru bon que quelqu'un veillerait sur son enfant si elle le laissait dans un tel établissement. Quant à Tyler... il ne mérite même pas une once de mes sentiments passés. Cet homme n'est qu'un lâche et je ne m'en suis rendu compte que bien trop tard.
Je caresse tendrement le front de mon ange, il se pelotonne davantage contre moi et je souris, apaisé. Cody est mon fils, je n'ai rien besoin de plus. Je dépose un baiser sur ses cheveux, ferme les paupières et soupire doucement. Le regard hypnotisant de Shay me revient en mémoire. C'est comme si ses doigts n'avaient pas quitté mon épiderme. Les frissons qu'il m'a fait ressentir semblent s'amuser à me rappeler leur présence.
Je sais ce que Shay recherche : un moyen de tirer son coup pour clôturer ses vacances en beauté. Je ne sais pas ce qu'un homme comme lui - vraisemblablement célibataire - fait aussi loin de sa famille à l'approche de noël. Mais s'il croit que je ferais partie de ses conquêtes d'une nuit, il se fourre le doigt dans l'œil. Je ne suis pas intéressé.
Si Shelby l'apprend, elle serait capable de me casser les oreilles avec ça. Elle est du genre à me pousser pour prendre des risques, pour vivre ma vie à fond sans jamais avoir de regret. Elle me démontrerait par A + B que je n'ai pas eu de relation depuis Tyler et qu'il serait bon que je lâche prise au moins une fois, surtout si un homme aussi séduisant que Shay me porte un intérêt non feint. Je refuse de me laisser gagner par le désir. Shay peut être ce qu'il veut : beau, sexy, déroutant, chiant, bosseur, efficace, et foutrement excitant ; ce n'est pas pour autant que je plongerais dans ses bras.
Il n'est que de passage, je n'ai pas besoin d'aventure. Tyler est parti, je m'en sors parfaitement sans lui, je suis tout à fait capable de continuer sans recevoir quoi que ce soit de qui que ce soit.
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