Chapitre 17
WALTER
~ Lundi 26 Décembre ~
La maison d'hôte est étrangement calme ce matin-là. Sûrement parce que les pensionnaires se sont couchés aux aurores après avoir fait la fête sans jamais s'arrêter. Épuisés de notre soirée, je n'ai même pas pris la peine de coucher Cody dans sa chambre, préférant le garder auprès de moi pour cette nuit. En moi résonne encore l'écho de mes paroles blessantes, le visage traversé de douleur de ma sœur et son ire mal contenue durant le reste du repas. Que dire de Shay qui m'a à peine adressé la parole ? J'ai amplement mérité ce silence radio de tous les côtés, je ne m'attendais pourtant pas à en souffrir.
Si elle n'avait pas insisté pour parler de Tyler, je n'aurais jamais dit ça. Shelby doit m'en vouloir. Je suis le pire.
Un soupir agacé franchit mes lèvres. Je me masse l'arête du nez, zonnant devant mon café. Cody dort encore profondément, enseveli sous une couette bien chaude. J'aurais apprécié profiter d'une grasse matinée bien plus longue, mais puisque mes résidents feront l'impasse sur le petit-déjeuner, je me dois au moins de leur fournir le déjeuner.
— Déjà debout ? demande la voix endormie de Shay.
Je relève la tête, mes yeux dessinent ses abdos qui disparaissent rapidement sous son t-shirt, remontent jusqu'à son visage tiré par la fatigue pour s'arrêter sur ses cheveux en bataille. Il n'a même pas pris la peine d'enfiler quelque chose de présentable, se pavanant en jogging dans la cuisine.
— Il faut bien, répondé-je en buvant une gorgée. Toi aussi.
— Compliqué de profiter quand un couple a décidé de tester la solidité des ressorts de leur lit..., maugré-t-il en s'affalant sur une chaise.
Je le contemple en silence, par-dessus ma tasse fumante, me représentant mentalement la disposition des chambres. Un discret rictus étire mes lèvres. Pas assez cependant pour échapper aux yeux de Shay.
— Ce n'est pas drôle.
— Ils profitent.
— Qu'ils profitent loin de moi, grogne-t-il. Je n'ai même pas le droit à un petit quatre heures. Mon patron refuse.
Les mots me manquent. Après ma veste, mon râteau presque brutal, il remet le sujet sur le tapis. Shay n'a peur de rien. À sa place, sûrement aurai-je fait l'autruche jusqu'à la fin de mon contrat. Je me racle la gorge, tousse et détourne le regard.
— Les quatre heures, c'est pour les gosses, marmonné-je.
— Je suis un éternel gamin.
— J'ai vu ça, dis-je en faisant référence à la veille.
Il arque un sourcil et affiche un sourire goguenard. De quoi attiser deux envies chez moi : le gifler et l'embrasser sauvagement.
— C'était plus intéressant de jouer avec Cody que de vous servir d'arbitre.
Je grogne. Mon regard noir repart dans une direction opposée. Shelby aurait dû enterrer ce sujet de conversation dès la première fois. Quel intérêt d'en discuter le jour de noël ? À croire qu'elle ne peut s'empêcher de mettre son nez partout. Je sais que ça part d'une bonne intention, mais c'est de l'histoire ancienne. Pourquoi en reparler sans cesse ?
— Dit le mec qui écoute aux portes, ne puis-je m'empêcher de rétorquer.
Shay pince les lèvres et évite mon regard. Les doigts noués autour de son genou, il soupire discrètement. Encore une fois, je l'observe, le décrypte, le mate ouvertement. Mon employé à raison ; j'aimerais l'allumer, le découvrir dans des moments plus intimes. Je tais aussitôt mes pensées.
— Bon... tu me sers un café ? demande-t-il en me souriant de toutes ses dents.
— Fais comme chez toi, grogné-je en terminant ma tasse.
Il grimace, je souris. Shay le petit prince de ces dames. Désolé, mais je ne suis pas payé pour rentrer dans ses bonnes grâces. À vrai dire : je m'en fous d'être apprécié par ce playboy. Je dépose la vaisselle dans l'évier, puis ouvre un bouquin de cuisine sur le plan de travail. Shay traîne les pieds en grommelant je ne sais quoi tout en commençant son petit-déjeuner. Mes yeux tombent sur une salade de poulet plutôt light, de quoi permettre la digestion d'un gros repas. J'esquisse un sourire, remonte mes manches et débarrasse le plan de travail pour m'atteler au déjeuner.
— Ça a l'air bon. Je peux t'aider ?
Durant une longue minute, le silence nous entoure. Figé par ses mots, je percute avec difficulté. Méfiant, je plisse les yeux dans sa direction alors qu'il me contemple, interrogateur.
— Tu veux cuisiner ? demandé-je, dubitatif.
— Eh bien, si tu me laissais derrière une gazinière, tu verrais que je ne suis pas l'incompétent que tu t'escrimes à décrire.
Je lève les yeux au ciel. Petite victime. Croisant les bras sur ma poitrine, je le dévisage en tentant de jauger ses qualifications. Arrogant, il affiche ce sourire fier qui lui vaudrait autant de claques que de baisers.
— Je souhaite garder ma cuisine en état.
— C'est bon ! souffle-t-il en me poussant soudainement d'un coup de hanche. Fais-moi de la place monsieur le chef cuistot, je sais faire à manger.
— Hmm, fais-je, dubitatif.
Il me sourit, taquin, et je me détourne pour récupérer les aliments nécessaires au bien de ma recette. En quelques minutes, les ingrédients nous envahissent et mes ordres fusent alors qu'il se munit d'un couteau afin de découper en fines lamelles, la dinde. Pour me détendre, j'active la radio posée dans un coin et savoure les musiques pop qui passent à l'antenne.
Shay se déhanche dans son coin en fredonnant, s'appliquant méticuleusement. Je lui jette de fréquent regard, surveillant plus que de raison chacun de ses mouvements. Parfois, nos regards se croisent. Je le soutiens une demi-seconde avant de me concentrer sur mes propres tâches.
À un moment, Shay me donne un coup de coude. Appliqué, je grogne. Il réitère, de quoi m'arracher un soupir d'exaspération. Je tourne la tête dans sa direction, il pique un bout de tomate cerise que je viens de fendre en deux.
— Shay ! C'est pour les pensionnaires.
— J'en suis pas un ?
— Tu n'es pas prioritaire.
— Sans cœur, réplique-t-il en faisant la moue.
Je lève les yeux au ciel, il ricane. Cody apparaît dans la cuisine, l'air endormi. De sa petite voix, il nous dit bonjour avant de s'accrocher à ma jambe, les oreilles de son lapin caressant son petit nez.
— Bien dormi mon cœur ? demandé-je.
— Je t'ai déjà répondu, dit Shay.
Je fronce les sourcils, écarquille les yeux et le dévisage sans un mot. Il affiche un sourire goguenard et rajoute :
— Tu ne parlais pas à moi ?
— Non, grogné-je.
— J'ai faim, intervient mon fils.
Je lave rapidement mes mains, les sèche et ébouriffe les cheveux de mon ange. En ouvrant les placards, je sors de quoi satisfaire l'appétit de mon enfant. En quelques minutes, Cody se retrouve devant un bol de céréales, plongé dans ses pensées. On continue de cuisiner, bercés par la musique.
— Papa, on revoit tata aujourd'hui ? demande-t-il, insouciant.
Mes lèvres se tordent en un rictus étrange. Il ne fait aucun doute que Shelby m'en veut. Je ne sais pas encore comment lui présenter mes excuses, mais ça ne saurait tarder. Je déteste la savoir contrariée. Surtout si tout est de ma faute.
— Pour l'instant, mange.
— Quelle réponse..., sifflote Shay.
Je l'assassine du regard, il mime un baiser qui m'arrache un souffle d'irritation. Je ne suis pas sorti de l'auberge avec ce type.
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