Chapitre 11
WALTER
~ Mardi 20 Décembre ~
À la vue du menton ensanglanté de mon fils, j'ai eu la peur de ma vie. Je ne saurais décrire le sentiment effroyable qui m'a saisi. C'était comme si une petite voix m'avertissait d'un éventuel événement catastrophique. Je n'ai même pas réfléchi lorsque je l'ai arraché des mains de Shelby et Shay. Je ne voyais en eux que des ennemis, des adversaires qui venaient de mettre la vie de mon ange en danger. Une fois le stress retombé, la blessure identifiée et soignée, je me suis tout de suite calmé, me sentant coupable de les avoir tout de suite étiqueté "coupable". L'idée même de perdre Cody me pétrifie. C'est une pensée que je me refuse à soulever.
Je me suis assuré de voir Shay reprendre de ses couleurs avant de l'abandonner pour m'occuper de mon fils tout le reste de la journée. De toute façon, il semblait vouloir rester un peu seul et j'ai préféré ne pas lui en demander la raison. Puisque mes tâches avaient été réglées et que Cody ne demandait qu'à être réconforté, j'ai préféré me focaliser sur son bien-être. De toute façon, il ne m'aurait pas lâché et moi non plus.
Devant mon armoire, je finis de boutonner ma chemise alors que Cody saute sur mon lit, son lapin dans les mains. Je souris en l'écoutant babiller, plongé dans son monde. Un regard en direction de la fenêtre m'annonce qu'une petite couche de neige est en train de tomber sur notre ville. Une fois prêt, je me retourne pour contempler mon fils. Habillé d'un sweat chaud et d'un jean sombre, il me sourit de toutes ses dents en tendant les bras dans ma direction. Sans hésitation, je le récupère entre les miens.
— On va manger quoiiii ?
— Je ne sais pas, tu demanderas à Shelby quand on arrivera chez elle.
— Ok !
Je dépose un baiser contre son front puis le repose à terre. Je vérifie que je n'ai rien oublié, puis le fait sortir de la chambre. Avec habitude, il s'assoit sur les marches et les descend de cette manière, sa main se baladant de barreaux en barreaux.
— Il n'y a pas que moi qui me sois fait tout beau, chantonne Shay dans mon dos.
Je lui jette un regard en essayant de ne pas trop m'attarder sur son torse musclé moulé par son polo blanc. Il porte un jean bleu, propre et sans imperfection. Un pull beige gît sur son avant-bras. Ses yeux dérivent sur mes fesses, j'arque un sourcil pour le défier. Tu veux aussi des jumelles tant qu'on y est ? Mon regard l'amuse plus qu'autre chose, preuve en est son sourire goguenard.
— Moi, je prends ça ! s'exclame Cody en tirant sur son écharpe.
Je me désintéresse de mon employé pour aider mon fils à s'habiller. Rapidement, on enfile des manteaux chauds et des gants avant de sortir de la maison en saluant quelques pensionnaires présents dans le salon.
Cody trottine dans la neige avant de poser précautionneusement ses pieds sur les plaques de verglas près du pickup. Inquiet, je me contrains à ne pas me précipiter pour le porter entre mes bras. Ce n'est plus un bébé, il grandit et je me dois de le laisser parfois trébucher bien que mon cœur en prenne un coup à chaque fois.
Je l'installe sur le siège du milieu après avoir récupéré le siège-auto que ma sœur m'a enfin remis et l'attache soigneusement. Une fois les portières fermées, j'allume le chauffage et les fards qui transpercent la nuit noire. Je démarre alors que Shay fait un tour de magie à Cody qui s'enthousiasme en riant. Un sourire étire mes lèvres, je sens que la soirée sera plaisante.
On arrive une bonne vingtaine de minutes plus tard chez ma sœur qui nous accueille avec de gros câlins. Je sais qu'elle s'en veut encore pour Cody et peu importe le nombre de fois où je lui assurais que ce n'est pas de sa faute, elle n'en démordra pas. Jett arrive quand nous accrochons nos manteaux sur les portants prévus à cet effet. Il me sourit et salue Shay d'un signe de tête. S'il se montre moins démonstratif que Shelby, il n'en reste pas moins qu'il nous porte dans son cœur, Cody et moi.
— J'ai apporté du vin blanc, dis-je en lui présentant la bouteille.
— Ah ! Merci.
— Quand est-ce que tu viendras les mains vides ? s'exaspère Shelby, déjà de retour dans sa cuisine.
— Quand on ne sera pas en bons termes, lui répondé-je.
Jett secoue la tête en souriant, puis nous invite à nous rendre dans le salon où ils ont disposé quelques apéritifs sur la table. Cody se précipite sur le canapé avec son lapin et s'assoit calmement tout en me jetant un regard pétillant. Je sais qu'il n'attend qu'une chose : me voir prendre place à ses côtés.
— Jett, au fait, dit le mari de ma sœur en regardant Shay.
— Shay, sourit mon employé.
— Asseyez-vous, je vais vérifier l'état du poulet... disons que Shelby serait susceptible de commettre un homicide alors qu'il est pourtant bel et bien mort.
Je pouffe et secoue la tête avant de m'asseoir à côté de Cody qui me colle aussitôt. Shay observe les lieux avec curiosité, mais tout en restant discret. Il s'assoit à ma gauche, mais respecte une distance de sécurité qui ne m'oblige pas à le jauger du regard. Ma main caresse les boucles de mon fils alors que mon dos rencontre le dossier du canapé. Pour une fois, je suis bien content de ne rien faire et d'être servi. Shelby a raison, je devrais me reposer de temps à autre.
— Alors tu offres une bouteille à ton ami, mais tu ne veux même pas boire à nouveau avec moi... Je suis vexé.
À en juger sa moue faussement blessée, il me taquine plus qu'autre chose. J'arque un sourcil en feignant l'agacement, puis l'ignore pour répondre aux attentes de Cody qui me chuchote dans l'oreille une demande.
— Je peux prendre une chips ?
— Oui, vas-y, sourié-je.
— Tu vas m'ignorer toute la soirée ?
Sa voix chatouille mon oreille, ou plutôt son souffle. Le frisson qui m'arrache un frémissement prend naissance dans mon cou avant de s'établir sur ma colonne vertébrale.
— Je ne t'ignore pas.
— Dit-il alors qu'il n'a pas répondu à mes deux précédentes questions.
— Shay, rappelle-moi ton âge.
— Trente-cinq ans.
— Peux-tu arrêter de faire des caprices à trente-cinq ans ?
Il ouvre la bouche, fronce les sourcils, et je retiens un sourire moqueur. Shelby et Jett reviennent à ce moment précis, m'évitant de subir les attaques incessantes du beau motard.
— J'ai ramené des coupes, annonce ma sœur. Qui veut du vin, du coup ?
On répond tous les deux par l'affirmative alors que Cody approche sa petite main du pot de cacahuètes. Shelby nous sert un verre, on trinque et Jett allume une enceinte d'où s'élève une musique de fond. Je suis apaisé dans cet environnement si familier.
— T'es-tu adapté Shay ? demande ma sœur.
Je plisse mes yeux et tente de faire comprendre à Shelby que je n'ai pas l'intention de débuter un procès contre ma propre personne.
— Oui, je crois que mon patron commence à m'apprécier.
Je lui jette un regard noir auquel il répond par un sourire narquois. Shay teste mes limites, je me contente de l'ignorer. Apprécier, un mot vide de sens. Il me trouve sûrement à son goût, s'amusera si je cède, puis repartira je ne sais où. Peut-être que me perdre dans ses bras serait une bonne idée : l'espace d'une nuit, tout oublier. Sauf que je ne veux rien de tout cela. Ma vie actuelle me plaît, il est hors de question de rajouter un bonus "sexe".
— Il faut lui plaire pour qu'il s'assagisse, se moque ma sœur.
Je la foudroie du regard, elle ricane. Jett me fait signe de laisser tomber, je n'aime pas qu'elle s'amuse de ces phrases à double sens.
— J'ai remarqué..., susurre presque mon voisin.
— Je déteste les lèche-bottes, répliqué-je dans l'espoir de couper court à ce sujet de conversation.
— Qu'est-ce que tu ne détestes pas ? rit Shelby.
— Peu de choses, j'ai l'impression..., répond Shay en prenant un air dramatique. Tu savais qu'il était capable de me réprimander si le bout de la serviette n'était pas plié correctement ? D'un simple centimètre ?
Ma sœur explose de rire et, tout aussi rapidement, elle se penche pour échanger avec Shay et critiquer mes manies. Visiblement, ils ont tous les deux un avis très tranché sur mon sens du marketing. Je suis tenté d'intervenir, mais je reste muet. Une seule parole pourrait enflammer Shay qui viendrait, sans aucun doute, me soutirer quelques privilèges.
Cody s'agenouille au sol pour piocher dans chacun des récipients, histoire de tout goûter. Je souris, attendris, et reporte mon attention sur Jett.
— J'ai vu que la parade de noël avançait. Tu t'occupes de quel char ?
— Celui de la mairie, avec les frères Donovan... mais je donne aussi un coup de main aux classes le samedi.
— Oh, c'est vrai ! s'exclame Shelby dont les oreilles traînent partout. J'ai vu sur le planning de la semaine prochaine que tu étais avec ma collègue. Ce sont tous des CP. Tu sauras être patient ?
— J'élève Cody, grogné-je. Bien sûr que je sais être patient.
— Fais pas ton ours mal léché, tu vas tous les effrayer.
Je tends mon bras pour la frapper, elle esquive en fanfaronnant. Jett sourit et secoue la tête. Cody s'essuie les mains en silence, concentré sur sa tâche.
— Tous les gens du quartier donnent un coup de main pour le festival de noël ? demande Shay, curieux.
— Oui, sourit ma sœur. Enfin, tous ceux disponibles. C'est un véritable évènement ici. On est élu "meilleur festival de noël" tous les ans. On tient à notre titre. Et puis, c'est toujours une période qu'on adore par ici. Il n'y a pas d'âge pour s'amuser et se détendre. Si ça t'intéresse, on peut toujours te trouver du travail.
Elle sourit avec malice. Je ne comprends pas que Shelby ne se soit pas présentée comme organisatrice cette année. Elle adore tout gérer. Son métier d'institutrice lui prend beaucoup de temps, mais elle ne résisterait jamais à une possibilité de se dépenser utilement.
— N'embauche pas mon employé, dis-je en sirotant mon vin.
— Il est possessif, sourit Shay en déposant son bras sur le dossier, dans mon dos.
Un rictus amusé tire ma lèvre. Je le refrène aussitôt. D'un air impassible, je rétorque :
— Je ne voudrais surtout pas qu'il soit trop crevé pour faire son taff...
— Ce n'est pas ton esclave, hein ? réplique Shelby. Je t'ai conseillé d'embaucher pour diviser la charge de travail, pas de tout lui donner.
— Je sais encore gérer ma maison d'hôte sans ton aide Shelby.
— C'est ta sœur qui a posté l'annonce ? interrompt Shay, surpris.
Je lui jette un coup d'œil, m'attardant sur la couleur de ses yeux, sur ses lèvres, puis détourne le regard pour boire une dernière gorgée de mon verre.
— Si je ne l'avais pas écouté, elle m'aurait harcelé...
— Je sais être persuasive, sourit-elle.
Je grimace. Persuasive ou insupportable : tout dépend du point de vue. Cody escalade le canapé pour s'asseoir d'autorité entre mes jambes. Il récupère mon bras et m'oblige à l'enlacer. Je souris en m'exécutant.
— Alors... à Shelby sans qui je n'aurais sûrement jamais découvert cette magnifique petite ville, sourit Shay en levant son verre.
Avec entrain, ma sœur trinque avec lui, puis Jett tend son verre. Ils boivent en souriant avant que les conversations ne reprennent. Le mari de Shelby commence à récupérer l'apéritif, puis dépose le plat de résistance sur la table de leur cuisine. Il nous appelle et tout le monde se lève avec le même entrain. Cody ne veut plus me lâcher, alors je le porte entre mes bras.
— À trop le couver, tu en feras un enfant gâté, sourit tendrement ma sœur.
— Il le sera, répliqué-je en caressant le dos de mon ange. Tant que je suis là, je lui donnerais tout.
Elle me sourit, presse mon bras un court instant, puis, d'un sourire qui ne la quitte jamais, invite tout le monde à prendre place autour de la table. Cette soirée risque de s'éterniser, mais j'apprécie ce genre de moment qui me coupe de mon quotidien.
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