Trois ans s’étaient écoulés depuis que ma vie avait pris un tournant. J’avais vingt-deux ans, et chaque jour, je me rapprochais un peu plus de mes responsabilités en tant qu’héritière de l’empire. Le poids du devoir ne m’écrasait plus comme avant. Tian et moi formions une équipe solide, à la fois sur le champ de bataille et en dehors.

Pourtant, cette année, quelque chose d’inattendu ébranla le calme relatif de notre vie : ma mère,  portait à nouveau la vie en elle.

Quand la nouvelle tomba, j’étais dans la cour d’entraînement, comme à mon habitude, en train de perfectionner ma maîtrise des quatre éléments sous la supervision stricte de mon père.

— Xiao Hua ! cria une servante en accourant, visiblement essoufflée. Une nouvelle incroyable !

Je déposai mes armes et essuyai la sueur de mon front. L’excitation dans ses yeux m’intriguait.

— Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je en fronçant les sourcils.

— L’impératrice… elle… elle est enceinte !

Je restai figée. Mes pensées s’embrouillaient. Enceinte ? À trente-huit ans ? Cela relevait du miracle.

Mon père, lui aussi, sembla désarçonné par cette révélation. Sa poigne sur le manche de son épée se détendit, et un sourire rare mais sincère éclaira son visage.

— C’est une bénédiction, murmura-t-il les larmes aux yeux.

Pour ma part, je ne savais pas quoi ressentir. De la joie, bien sûr. Mais aussi une étrange inquiétude. Une partie de moi craignait que ce nouvel enfant change tout. J’avais toujours été unique, l’unique héritière, celle sur qui reposait l’avenir de l’empire. À présent, il y aurait un autre enfant, un autre destin.

Le soir même, je me rendis dans les appartements de ma mère. Elle rayonnait d’un éclat que je n’avais pas vu depuis longtemps.

— Xiao Hua, dit-elle en tendant une main vers moi, viens près de moi.

Je m’agenouillai à ses côtés et posai ma main sur la sienne.

— Comment te sens-tu, Maman ? demandai-je doucement.

Elle me regarda avec tendresse, mais un voile de tristesse passa brièvement dans ses yeux.

— C’est un miracle, n’est-ce pas ? murmura-t-elle. Je n’aurais jamais cru qu’à mon âge, je pourrais encore donner la vie.

Elle marqua une pause, son regard s’éteignant légèrement.

— Avant toi, Xiao Hua, j’ai perdu un fils. Un fils que j’avais porté pendant huit mois. Mais, dans ma folie de guerrière, je suis partie en guerre, alors que j’étais si près du terme. J’ai fait l’erreur de laisser mon devoir passer avant la vie qui grandissait en moi. Il n’a pas survécu, et ce vide me hante chaque jour.

La douleur était palpable dans sa voix, comme si ces souvenirs d’agonie étaient toujours aussi vifs. Je ne l'avais jamais vu comme ça .

— Je suis désolée, Maman… Je ne savais pas.

Elle secoua doucement la tête.

— Tu n'avais pas à savoir. Dit -elle en essuyant ses larmes . Ce n’était pas un fardeau que je voulais que tu portes. Mais aujourd’hui, la vie m’offre une nouvelle chance. Un autre enfant, un miracle.

Je baisse la tête pour cacher les larmes qui perlaient sur mes joues. 

Maman pris ma main et la posa sur son ventre .

__ Ce petit bout à bien de la chance , il aura la meilleur des grande soeur ! Dit-elle en souriant .

Je restai silencieuse un moment, digérant la lourdeur de ses mots.

— C’est incroyable, admis-je. Mais… qu’est-ce que cela signifie pour nous ?

Elle fronça légèrement les sourcils.

— Cela ne change rien pour toi, Xiao Hua. Tu es et resteras l’héritière privilégiée de cet empire. Mais cela signifie que tu as une nouvelle mission : celle de devenir une grande sœur.

Une grande sœur. Ces mots résonnèrent en moi, à la fois doux et lourds de responsabilités. Être une grande sœur signifiait protéger, guider et aimer ce nouvel être, qui n’était encore qu’une vie fragile.

Au fond de moi, une pointe d’appréhension subsistait. Avec l'accroissement des conflits frontaliers, comment ce petit être va-t-il trouver sa place ?

Je laissai échapper un léger soupir, tentant de chasser l'appréhension qui m'envahissait. L’idée d’être une grande sœur m’effrayait un peu, surtout à cause du lourd héritage que je portais déjà. Ce rôle de protectrice, de guide, de figure sur laquelle on s’appuie… cela semblait être une responsabilité que je n’étais pas sûre de pouvoir assumer.

Mais ma mère, si confiante, si pleine d’espoir, avait raison. Ce petit être qui grandissait en elle était un miracle, une chance que nous n’avions pas vue venir. Il serait, dans quelques mois, un membre précieux de notre famille, un enfant qui serait bercé par l’amour de ses parents, et, je l’espérais, par le mien aussi.

Je serrai un peu plus fort sa main, me forçant à sourire.

— Tu as raison, Maman. Je serai là pour lui, pour protéger et guider ce petit être. Comme toi, tu l’as fait pour moi.

Ma mère inclina légèrement la tête, son regard rempli de fierté et de douceur.

— Je sais que tu en seras capable, Xiao Hua. Tu es forte, bien plus que ce que tu crois. Mais il y a quelque chose d'encore plus important à garder en tête : cet enfant ne doit pas devenir un fardeau pour toi. Il n'aura pas à porter le poids de l'empire, c'est ta place à toi. Ce sera simplement ton frère ou ta sœur. Un membre de la famille, un être à aimer.

Je hochai la tête, une émotion profonde envahissant mon cœur. Je comprenais maintenant ce qu’elle voulait dire. Il fallait que je laisse ce petit être vivre sans qu’il soit une source de pression. Il ne devait pas se sentir écrasé par l’héritage et la grandeur de notre nom. Il serait libre d’être simplement ce qu’il serait, sans attentes excessives.

Mais alors, une question me traversa l’esprit, et je ne pus la retenir.

— Maman, penses-tu… qu’il comprendra les enjeux de notre monde ? Nos responsabilités ? La guerre qui ne cesse de se rapprocher ?

Ma mère soupira et posa une main sur mon épaule.

— C’est une question légitime, Xiao Hua. Mais il est encore trop tôt pour y penser. Nous devons d'abord nous concentrer sur l’amour et la protection de ce petit être. La guerre, les conflits, tout ça, ce sont des poids à porter pour ceux qui choisissent de les affronter. Lui, il doit simplement vivre, grandir et être entouré d’amour.

Je fermai les yeux un instant, savourant la tendresse de ce moment. L’idée que ma mère, l’Impératrice redoutée, puisse être aussi douce et vulnérable m’étonnait toujours. Mais je savais que c’était aussi ce qui faisait sa force. C’était cet équilibre entre la guerrière et la mère, entre la dirigeante et la femme, qui lui permettait de mener l’empire avec sagesse.

Je pris une profonde inspiration, prête à accepter ce changement.

— Je ferai de mon mieux, Maman. Pour lui, et pour toi.

Elle me sourit, ses yeux brillant de reconnaissance.

— Je sais que tu es prête. Et je sais que cet enfant aura la chance de grandir dans un monde plus serein, grâce à toi et à ton amour pour lui.