Le duel des ego
La cour d’entraînement s’était vidée à l’exception de quelques soldats qui s’étaient arrêtés pour regarder ce qui s’annonçait être un spectacle. Mon père avait ordonné que Tian et moi nous affrontions. Bien sûr, je savais ce qu’il voulait : me pousser à bout pour que je prouve que je pouvais me mesurer à un garçon qui semblait être la fierté de tout le royaume. Mais moi, tout ce que je voyais, c’était un adversaire que je devais écraser.
Tian s’était approché du centre de l’arène, son épée courte reposant négligemment sur son épaule, comme s’il n’avait même pas besoin de se préparer. Cette nonchalance m’insupportait au plus haut point.
— Alors, Princesse, prête à perdre ? lança-t-il avec ce sourire moqueur qui lui collait au visage.
Je serrai les dents, tentant de garder mon calme. — Prête à te faire écraser, oui, répondis-je en dégainant une épée en bois qu’un soldat m’avait tendue.
Tian fit tournoyer son épée avec une agilité irritante, comme s’il voulait me rappeler, une fois de plus, qu’il avait une longueur d’avance sur moi. — Essaye de ne pas pleurer, hein ? J’ai entendu dire que la royauté n’aime pas être ridiculisée en public.
— Ne t’inquiète pas pour moi, dis-je en me mettant en garde. Préoccupe-toi plutôt de toi-même.
Mon père se tenait en retrait, les bras croisés, observant chaque mouvement. Cela ajoutait une pression supplémentaire, mais je ne comptais pas le laisser voir mon malaise. Tian et moi étions encerclés par des soldats curieux, leurs murmures remplissant l’air. Mais je me concentrai sur mon adversaire.
— Allez, attaque-moi, dit-il, un sourcil levé, comme s’il me faisait une faveur.
Je ne me fis pas prier. Je fonçai droit sur lui, visant son flanc avec une vitesse que peu pouvaient suivre. Mais il esquiva facilement, son mouvement fluide, presque paresseux. Avant même que je ne puisse me repositionner, il balaya ma lame avec la sienne et me força à reculer.
— Pas mal, dit-il en souriant, mais tu te jettes trop vite dans la bataille. Pas très stratégique.
— Et toi, tu parles trop, rétorquai-je en reprenant ma garde.
Cette fois, j’attendis qu’il attaque. Il fit un pas en avant, puis deux, feintant à droite avant de viser mon épaule gauche. J’esquivai de justesse, utilisant son élan pour tenter de lui faucher les jambes. Mais encore une fois, il sauta agilement en arrière, me dévisageant avec une admiration exagérée.
— Impressionnant, dit-il en se redressant. Tu apprends vite. Mais...
Avant qu’il ne termine sa phrase, il se jeta sur moi, sa lame s’abattant si rapidement que je n’eus d’autre choix que de bloquer maladroitement. La force de l’impact me fit reculer de plusieurs pas. Je grognai, frustrée, mais je refusais de céder.
Il me dominait, et il le savait. Cela se voyait dans son sourire, dans la façon dont il bougeait, comme s’il jouait avec moi. Mais je n’étais pas du genre à abandonner. Je repris ma position, mon regard planté dans le sien. Cette fois, je devais être plus intelligente.
Quand il attaqua à nouveau, je fis semblant de trébucher, attirant son épée dans une position prévisible. Puis, avec toute la force que je pouvais rassembler, je pivotai pour le désarmer. Cela faillit marcher. Son épée vacilla dans sa main, mais il reprit le contrôle juste à temps, me plaquant contre le sol d’un mouvement brusque.
Je haletai, immobilisée sous lui. Son poids sur moi, sa respiration si proche, tout cela me mettait mal à l’aise. Mais pas autant que ce que je vis dans ses yeux : un mélange d’amusement et... autre chose. Quelque chose de plus doux, presque tendre.
— Tu es tenace, murmura-t-il, son sourire s’étirant légèrement. J’aime ça.
Je grimaçai, mon visage se durcissant. — Dégage ! crachai-je en le repoussant de toutes mes forces.
Il recula, levant les mains en signe de reddition, mais son sourire ne disparut pas. — Tu es fascinante, Xiao Hua. Pas comme les autres filles. Tu as du feu en toi.
Je fronçai les sourcils, me redressant. — Si tu crois que je vais tomber dans ton piège, tu te trompes, Tian. Je ne suis pas une de ces filles naïves qui rougissent pour un sourire.
Il rit doucement, ce qui m’agaça encore plus. — Peut-être. Mais il y a quelque chose chez toi... quelque chose que je n’arrive pas à ignorer.
Je le regardai, mon cœur battant plus vite, non pas à cause de ses mots, mais à cause de la confusion qu’ils provoquaient en moi. Était-ce de l’intrigue ? Du dégoût ? Une part de moi voulait croire qu’il jouait un jeu, mais une autre ne pouvait ignorer la sincérité dans son regard.
— Écoute-moi bien, dis-je en avançant d’un pas. Peu importe ce que tu penses ou ce que tu veux, je vais te surpasser. Et ce jour-là, on verra si tu fais toujours autant le malin.
Il s’inclina légèrement, toujours avec ce sourire. — J’attends ce jour avec impatience, Princesse.
Et, sur ces mots, il quitta l’arène, me laissant seule avec ma frustration, ma fierté blessée et... ce drôle de frisson que je n’arrivais pas à comprendre.
— Papa ! Tu as vu ce qu'il a osé faire ?! dis-je, encore perturbée, mes poings serrés.
Mon père resta silencieux un instant, les bras croisés. Je m’attendais à une réprimande ou à une remarque sur ma performance. Mais, à ma grande surprise, il éclata de rire. Pas un petit rire discret, non. Un rire franc, profond, qui résonnait dans toute la cour d’entraînement.
Je restai figée, stupéfaite. Mon père, l’Empereur Li Shuang, homme connu pour son calme et sa rigueur, riait comme s’il venait d’entendre la blague du siècle. Puis, sans prévenir, il tendit la main pour ébouriffer mes cheveux.
— Papa ! Arrête, c’est gênant ! protestai-je en repoussant sa main. Y a quoi de drôle ?
Il mit quelques instants à retrouver son sérieux, essuyant une larme au coin de son œil. Puis il me fixa avec une expression presque nostalgique.
— Tu ressembles tellement à ta mère, Xiao.
Je le regardai, confuse. — Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Elle avait exactement la même expression quand elle perdait un duel contre moi, répondit-il avec un sourire en coin. La même fierté, la même frustration. Et crois-moi, elle détestait perdre. Tout comme toi.
Je sentis mes joues chauffer. — Je n’ai pas perdu ! C’était... c’était un échauffement, c’est tout !
Son sourire s’élargit. — Bien sûr. Tout comme ta mère disait toujours qu’elle te laisserait gagner... jusqu’à ce qu’elle se relève pour te mettre au tapis.
Je fronçai les sourcils, essayant de cacher mon embarras. Comparer mes réactions à celles de ma mère ? Sérieusement ? Je n’étais pas ma mère. Je n’avais pas envie de me marier avec un empereur, de porter une couronne ou d’être un modèle pour un empire entier. Et surtout pas de supporter un garçon aussi insupportable que Tian !
— Papa, ce n’est pas pareil. Maman était une héroïne. Moi, je... je ne suis pas encore prête à être comme elle.
Son sourire disparut un instant, remplacé par une expression plus sérieuse. — Je ne te demande pas d’être comme elle, Xiao. Je te demande d’être toi. Mais pour cela, tu dois accepter tes forces... et tes faiblesses.
Je levai les yeux au ciel, agacée. — Si c’est pour me faire une leçon philosophique, je vais retourner m’entraîner.
— Retourner ? Mon père haussa un sourcil. — Tu veux affronter Tian à nouveau ?
Je me figeai, croisant les bras. — Je n’ai pas peur de lui, s’il te reste encore des doutes.
Un sourire malicieux apparut sur son visage. — Je n’ai jamais dit que tu avais peur. Mais tu devrais peut-être te préparer à ce qu’il ne joue pas toujours franc jeu.
Je plissai les yeux. — Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Rien, dit-il, énigmatique. Simplement que ce garçon a autant de stratégie dans son esprit que de technique dans ses gestes.
Je ne répondis pas, mais son avertissement me laissa perplexe. Mon père ne faisait jamais de commentaires inutiles. S’il disait que Tian jouait avec plus que ses muscles, cela signifiait qu’il y avait un jeu plus grand derrière ses sourires arrogants. Mais pourquoi ? Pourquoi Tian voudrait-il me manipuler ou me tester ?
Je quittai la cour d’entraînement, mes pensées tournant en boucle. Et malgré moi, je ne pouvais pas m’empêcher de revoir ce sourire qu’il m’avait lancé. Ce sourire qui me mettait tellement en colère... et qui, pour une raison que je détestais, continuait de me hanter.
— Alors, Majesté, ça fait quoi de mordre la poussière ? lança une voix derrière moi, moqueuse et pleine d’assurance.
Je sursautai, arrêtant net mes pas. C’était lui. Le fameux fantôme de mes pensées venait de se matérialiser pour me tourmenter encore davantage. Tian se tenait là, adossé contre un mur, les bras croisés, avec ce fichu sourire qui me donnait envie de lui lancer un coup de poing... ou de m’enfuir. Mais je ne fuis jamais.
— Ta grand-mère, la poussière ! rétorquai-je avec une rage bouillonnante, mes poings serrés.
Il éclata de rire, un rire franc mais insupportablement provocateur. — Pas mal, mais je doute que ce soit une technique de combat très efficace.
Je m’avançai vers lui, furieuse. — Écoute-moi bien, Tian. Tu te crois malin avec ton air de petit prodige, mais la prochaine fois qu’on s’affronte, je te garantis que je vais te mettre à genoux.
— À genoux ? Rien que ça ? répondit-il, feignant une expression choquée. Tu vises haut, Princesse. Mais j’aime ça.
— Arrête de m’appeler Princesse ! grondai-je. Je ne suis pas une poupée fragile à qui on doit des courbettes.
— Oh, je sais bien, dit-il, s’approchant d’un pas lent, presque menaçant. Il n’y avait plus qu’une infime distance entre nous maintenant, et je pouvais sentir la chaleur de son souffle. C’est pour ça que tu m’intrigues autant. Tu es différente.
Je reculai d’un pas, déconcertée par ce soudain changement de ton. — Qu’est-ce que tu veux dire ?
Son sourire s’adoucit, mais je pouvais voir l’amusement briller dans ses yeux. — Je veux dire que tu as du feu en toi. Et ça, Xiao Hua, c’est rare.
— Le feu, c’est dangereux, répondis-je, mon ton acéré. Tu devrais t’en méfier.
— Oh, mais j’aime le danger, murmura-t-il, son regard fixé dans le mien.
Je sentis mes joues s’échauffer, et cela m’énerva encore plus. Pourquoi me parlait-il comme ça ? Pourquoi me regardait-il comme si... comme si j’étais un défi à relever ? Je détestais cette sensation, ce mélange de colère et de quelque chose d’autre que je ne voulais pas nommer.
— C’est ça, va jouer ailleurs, Tian, grognai-je en détournant les yeux.
Tian éclata de rire à nouveau, recula d’un pas, et fit une révérence exagérée.
— Comme vous voudrez, Votre Altesse, dit-il en se redressant. Mais rappelez-vous, la poussière... ça peut être utile. Parfois, elle cache ce que les autres n’arrivent pas à voir.
Avant que je ne puisse répondre, il s’approcha rapidement, plus proche que jamais. Mon cœur rata un battement, et avant que je comprenne ce qui se passait, il posa un baiser léger sur ma joue.
— À bientôt, Princesse, murmura-t-il avec ce sourire insolent, juste à côté de mon oreille.
Je restai figée, stupéfaite et outrée. Mes joues brûlaient, non pas à cause du geste en lui-même, mais de l’audace de cet idiot. Avant que je ne puisse réagir ou lui balancer un coup, il s’éloigna d’un pas nonchalant, ses mains dans le dos, comme si de rien n’était.
— Tian ! Espèce de... d’imbécile ! criai-je, mes poings serrés à m’en faire mal.
Il se contenta de lever la main en signe d’au revoir sans se retourner. Je le regardai disparaître au coin d’un mur, la rage bouillonnant en moi. Il avait osé. Il avait osé !
Je passai une main sur ma joue, comme pour effacer son geste, mais cela ne servit à rien. Le souvenir restait là, ancré dans ma tête. Ce n’était pas un simple baiser, c’était une déclaration de guerre. Et je comptais bien riposter.
•••••••••
Sur le terrain d'entraînement, Li Shuang observait de loin sa fille, un léger sourire aux lèvres. À ses côtés, Li Mei apparut, son port toujours aussi noble malgré la simplicité de sa tenue. Elle s'approcha, curieuse.
— Li Shuang ! Alors, comment ça se passe pour Xiao ? demanda-t-elle en croisant les bras, le regard fixé sur l'arène.
Li Shuang laissa échapper un léger rire. — Elle vient de rencontrer un adversaire à sa taille. Tian va lui apprendre un grand nombre de choses... à commencer par la patience.
Li Mei haussa un sourcil amusé et se glissa derrière lui pour enlacer son cou, posant son menton sur son épaule. — Moi, je ne m’inquiète pas pour elle. Tu sais, j’ai l’impression de me voir en elle. C’est tellement drôle !
Li Shuang lui jeta un coup d’œil en coin, un sourire narquois aux lèvres. — Tian va lui faire ravaler sa fierté en moins de deux. Comme j’ai pu le faire avec toi, à l’époque.
Li Mei se redressa légèrement, une lueur de défi dans les yeux. — Oh ? Tu veux affronter ma fierté d’autrefois, Shuang ? lança-t-elle en éclatant de rire.
Il secoua doucement la tête. — J’ai passé l’âge pour ça.
— Vieillard va ! répliqua-t-elle avec une pointe de moquerie affectueuse, en lui donnant une tape sur l’épaule.
Il se tourna vers elle, l’air faussement vexé. — Vieillard, hein ? Pourtant, je me souviens encore très bien de la fois où c’est toi qui m’as supplié d’arrêter, après notre dernier duel.
Elle ouvrit grand les yeux, feignant l’indignation. — Supplié ?! Tu rêves, Li Shuang. Je t’ai laissé gagner, c’est tout.
— Bien sûr, bien sûr, répondit-il avec un sourire taquin.
Li Mei éclata de rire, se rapprochant pour déposer un léger baiser sur sa joue. — Garde tes illusions, empereur. Mais garde aussi un œil sur Xiao. Elle va te surprendre. Je le sens.
Li Shuang hocha la tête, son regard se posant à nouveau sur sa fille dans l’arène, où Tian esquivait avec aisance les assauts maladroits mais passionnés de Xiao. — Oui, elle va nous surprendre tous les deux. Et peut-être plus encore.
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