Chapitre 5.1
Kaden sourit face à mon air ahuri. Ma bouche était ouverte depuis si longtemps qu'un léger filet de bave aurait pu en sortir si je ne m'étais pas rapidement reprise. Je n'arrivais pas à croire que le jeune homme sombre et attirant que j'avais en face de moi occupait ses journées à embellir une ancienne manufacture pour en faire un refuge pour les personnes démunies. C'était surréaliste. Apparemment, ma première intuition était la bonne : Kaden était bien différent de ce qu'on disait de lui.
Je souris et pensai à toutes ces gens qui pourraient bénéficier de cet endroit. Malgré l'instauration du revenu universel en 2140, certaines personnes se trouvaient sans le minimum nécessaire pour vivre. Il y avait certaines conditions à remplir pour percevoir ce salaire mensuel et tout le monde n'y parvenait pas. Par exemple, les personnes qui dépensaient leur argent dans les nouvelles drogues ou qui l'utilisaient à des fins de trafics ou autres actions illégales se voyaient inscrites sur une liste noire. Ces délinquants n'avaient alors plus un seul revenu et ne trouvaient pas de travail, étant donné que pratiquement 85 % des emplois étaient occupés par des robots ou des intelligences artificielles et que ceux destinés aux humains concernaient des personnes extrêmement qualifiées.
Le projet de Kaden et de ses amis était donc noble, ce qui me surprit. J'avais encore du mal à savoir s'il me faisait marcher non. Mais plus je l'observais, plus j'étais convaincue qu'il disait vrai. Du moins, partiellement. Il avait hésité sur les mots qu'il avait choisis pour désigner ses amis, ce qui avait éveillé mes soupçons. Mais, dans tous les cas, je ne voyais pas ce qu'il y avait de mal à décorer l'intérieur d'un bâtiment bénévolement. Alors peu importe qui étaient ses soi-disant amis.
Je regardai Kaden et souris de plus belle. Je comprenais maintenant son mutisme lorsqu'il m'avait amené devant ce bâtiment délabré. Il avait eu l'air mal à l'aise, comme s'il hésitait encore à me dévoiler ce pan de sa vie. Cela atténua grandement ma colère, même si je me demandais quand même pourquoi il n'avait pas répondu à mes questions. Il aurait pu m'expliquer, mais il n'avait rien fait. Je m'étais certes un peu emportée. Mais j'avais tout de même attendu quinze minutes qu'il se décide enfin à me donner une explication sur ma présence dans cet endroit. J'avais manqué de sang-froid, et lui de courage. Mais je comprenais que dévoiler ce pan de sa personnalité devait être très difficile pour lui.
Mes yeux se baladèrent sur le plafond étoilé. Je n'en revenais pas de la beauté de ce lieu. Tout me semblait si paisible. On entendait çà et là des murmures étouffés, des bruits de soudure, des rires. Mais le calme régnait dans la pièce. Je me sentais bien. Distraite, je me mis à imaginer un instant ce qu'aurait pu être ma vie si je n'avais pas été Chasseuse. J'aurais grandi dans une belle famille, fréquenté les écoles les plus renommées du pays, trouvé un emploi bien rémunéré, même s'il y en avait peu, pour subvenir au besoin de ma propre famille. J'aurais pu fréquenter des garçons ; peut-être me serais-je mariée ? Je vivrais loin de l'agitation, des combats et des traques. Je n'aurais pas été témoin des horreurs que j'ai vues. Mais alors que j'imaginais cette vie parfaite, je ne pouvais m'empêcher de profondément aimer la vie que je menais. Seulement, j'aurais préféré être normale parfois. Mais la normalité m'aurait vite ennuyée. Au moins, en étant Chasseuse, j'étais spéciale et j'avais un but. Alors même si ma vie me semblait folle, je la préférais mille fois à une vie bien rangée où chaque foyer se ressemblait et où chaque famille suivait la masse sans se poser de question.
Je portai à nouveau mon attention sur Kaden, qui m'observait, paisible. Sa beauté hors du commun me frappa encore. À chaque fois que je m'attardais sur son visage, je tentais de graver dans ma mémoire ses yeux noisette aux éclats dorés, ses cheveux soyeux et désordonnés, sa mâchoire carrée et puissante, son aura animale, rassurante, enivrante... Son regard particulier capta le mien et je lui souris, mes joues rosissant légèrement. Je lui dis à quel point ce salon rétro était magnifique avec les néons collés au mur et les centaines de lampes LED en apesanteur, oscillant entre le plafond et le dessus de nos têtes. La féérie de cet univers unique me transportait et j'avais envie de visiter le bâtiment tout entier pour y découvrir toutes les pièces. Kaden remarqua mon agitation et, comme s'il lisait dans mes pensées, me promit que je pourrai voir les autres endroits, mais un autre jour, lorsque tout sera prêt. Il m'invita même à contribuer à leur aménagement, si je le souhaitais. J'eus envie de hocher la tête immédiatement, emportée par cette magnifique idée, mais me retins, n'oubliant pas dans un coin de ma mémoire que j'avais toujours une mission à mener. Je lui promis donc d'y réfléchir.
Alors que nous discutions tranquillement de tout et de rien, quelqu'un vint timidement trouver Kaden pour lui annoncer qu'il terminerait une pièce demain car il lui manquait certains matériaux. Je lui souris, enthousiasmée à l'idée qu'un si jeune garçon puisse consacrer son temps à ce superbe projet. Mais je fus vite refroidie lorsque je remarquai qu'il me dévisageait étrangement, presque avec peur. Kaden le remercia, le faisant sursauter, et il fila rapidement dans les couloirs, sans demander son reste. Je fronçai les sourcils, perplexe. Je n'avais pas l'impression d'être la bienvenue ici, ce qui éveilla à nouveau mes soupçons. Pourquoi un jeune adulte populaire et apparemment riche – étant donné que cet ancien bâtiment lui appartenait, de ce qu'il m'avait confié – s'amuserait-il à aménager un immeuble décrépit pour les sans-abris ? Pourquoi toutes les personnes présentes dans ce bâtiment me dévisageaient ? On aurait dit qu'elles savaient ce que j'étais et qu'elles en avaient peur... Mais comment serait-ce seulement possible ? Personne ne savait que j'étais une Chasseuse, ici. J'étais un peu sceptique face à cette histoire de sans-abris et de bénévoles, mais une certaine curiosité se mêlait également au tourbillon d'émotions qui m'envahissait à chaque fois que j'étais à proximité de Kaden, brouillant mes idées. Et si cet endroit cachait autre chose ?
Je fixai pendant un petit moment mes mains, un peu timide, puis me lançai de manière hasardeuse :
« Ce que tu fais ici, pour les démunis, hésitai-je, tentant de savoir s'il me disait la vérité ou non, est très courageux. Pourquoi ne le dis-tu pas aux autres ? Pourquoi as-tu à la fac une... Pourquoi dit-on de toi que tu... »
Je n'arrivais pas à formuler ma phrase sans paraître brusque ou méprisante.
« Pourquoi dit-on que je suis un mauvais garçon ? devina-t-il, un sourire charmeur se dessinant sur son visage. Un bad boy qui adore jouer avec les filles ? dit-il en ricanant. »
J'acquiesçai en rougissant et il sourit, croisant ses bras derrière sa tête pour fixer le plafond féérique. Sa posture nonchalante m'arracha un rire et je me mis moi aussi à fixer ce magnifique spectacle hypnotisant. Le noir profond du plafond se mélangeait de temps à autre à des notes tantôt plus claires, tantôt plus foncées, me donnant l'impression d'être à une centaine de kilomètres au-dessus de la planète Terre. La peinture se mouvait, comme vivante.
La voix rauque et agréable de Kaden me tira de ma rêverie et je fixai à nouveau mon attention sur son doux visage, sans empêcher mes yeux de descendre sur ses muscles bien dessinés à travers son t-shirt.
« Vas-y, pose ta question.
– Alors, pourquoi dit-on tout ça de toi ? lui demandai-je à nouveau, attendant impatiemment sa réponse. »
Je remarquai qu'il n'était pas très loquace lorsqu'il s'agissait de sa vie privée ou des choses qui lui tenaient à cœur. Il prenait toujours le temps de trouver la bonne formulation, pesant chacun de ses mots. Encore un indice qui me permit de mieux comprendre son mutisme de tout à l'heure.
« Parce que si j'étais honnête avec les autres, et avec moi-même, et que je leur disais que j'aide ceux qui n'ont plus d'endroits où vivre, ils se moqueraient de moi. J'en ai déjà fait l'expérience ailleurs, ajouta-t-il dans un souffle, le regard triste. Et franchement, ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas que je considère que mon image est si importante que ça, me dit-il devant ma mine sceptique. Je considère que les gens n'ont tout simplement pas besoin de le savoir. C'est ma vie. Et puis, comme ça, personne ne peut m'atteindre car ils ne savent pas qui je suis réellement. Ils ne savent pas ce qui me tient à cœur. »
Ses dernières paroles me touchèrent. Je comprenais d'autant plus son besoin de se cacher, de s'évader. Après tout, j'étais bien une Chasseuse qui allait à la fac pour se faire des amis et avoir une vie un tant soit peu normale l'espace d'un instant. Moi aussi, je me cachais derrière quelqu'un que je n'étais pas réellement. Je jouais un rôle. Kaden et moi n'étions pas si différents que cela, finalement.
« Je comprends pourquoi tu fais ça, déclarai-je après quelques minutes. Mais tu pourrais être un simple étudiant et t'évader ici quand tu en as besoin. Tu n'es pas obligé de t'appliquer à te faire une si mauvaise réputation. »
Il tourna sa tête vers moi, surpris par mes paroles.
« Attends, m'interrompit-il. Que t'a-t-on dit de moi exactement ? Je sais que les autres me prennent pour un gros dur mais, de là à parler d'une si mauvaise réputation... On me fait passer pour un tueur en série, c'est ça ? demanda-t-il, mi-outré, mi-rieur.
— Non, pas du tout, dis-je en riant. Si je parle d'une si mauvaise réputation, commençai-je doucement, c'est parce qu'on m'a dit que tu n'étais pas très fréquentable.
— C'est-à-dire ? me demanda-t-il, perplexe.
— Eh bien, tu vois ? répondis-je, tâchant d'être suffisamment éloquente pour qu'il comprenne ce que je cherchais à exprimer sans avoir à le dire. Apparemment, tu aimes bien... Enfin... »
Je m'étranglai et devins rouge pivoine. Je ne savais pas pourquoi je voulais avoir son avis sur la question. Je m'étais moi-même empêtrée dans un bourbier dont j'avais bien du mal à m'extirper. Pourquoi avoir parlé d'une « si mauvaise réputation » ? Kaden avait raison. On le faisait passer pour un bad boy briseur de cœur, pas pour un meurtrier. Je me raclai la gorge, me sentant ridicule. Mais une partie de moi voulait savoir maintenant qu'un sentiment si étrange faisait rage en moi.
« Ce qu'on t'a dit est si grave que cela ? me questionna-t-il, de plus en plus perplexe face à mon comportement.
— Non, non, tentai-je à nouveau de le rassurer. Mais ce n'est pas très glorieux, je trouve, précisai-je. Disons qu'on s'amuse à dire que tu... Bien, tu sais, avec les filles. À droite, à gauche... Ne me regarde pas comme ça ! l'intimai-je en voyant un grand sourire se dessiner sur son visage. »
Un long silence se fit, semblant s'étirer à l'infini. Après quelques instants, Kaden se mordit la lèvre et ses yeux devinrent humides. Allait-il pleurer ? Soudain, il éclata de rire. Des larmes coulèrent sur ses joues et il s'affala sur le divan, n'arrivant plus à reprendre son souffle. Son rire me sembla si sincère qu'il m'emporta. Je me mis également à m'esclaffer, ne sachant pas trop pourquoi. Le rire rauque de Kaden était contagieux. Après quelques minutes, il se reprit. Il me regarda droit dans les yeux, son visage se faisant le plus sérieux possible.
« Non, je n'ai pas de relations sexuelles avec toutes les filles du campus, si c'est ça que tu voulais dire. Ça, c'est ce que les gens racontent. Si ça peut te rassurer, s'empressa-t-il de rajouter en me regardant d'un air moqueur.
— Ok, soufflai-je, ne voulant pas montrer la joie que je sentais grandir en moi. »
Car effectivement, ses paroles m'avaient rassurées alors qu'elles n'auraient pas dû. Mon esprit me hurlait d'arrêter de m'attacher à cet homme qui ne faisait pas partie de mon monde. Mais mon cœur m'assurait que Kaden était important et que quelque chose de puissant nous unissait. Je me contentai alors de sourire gentiment et de hocher la tête en signe d'assentiment.
Ensuite, nous ne nous dîmes plus rien. Sa main se posa sur la mienne et nous observâmes la voûte étoilée qui dansait sous nos yeux. Son pouce caressait délicatement le haut de ma main, me faisant frémir de plaisir. J'aurais aimé qu'il soit plus près encore. J'étais tant chamboulée par toutes ces émotions que je n'avais jamais ressenties auparavant. Même pas pour un Chasseur. À moins que Kaden n'en soit un. Il faudrait que je mène discrètement mes recherches à ce sujet, d'ailleurs.
Une main sur mon bras me tira de mes pensées. Kaden s'approcha doucement de moi, d'une façon souple et contrôlée. Sa main remonta vers mon épaule, laissant une traînée de frissons agréables derrière elle. Mon bas-ventre se contracta et mes lèvres s'entrouvrirent. Je voulais qu'il m'embrasse. Il s'approcha de moi si lentement que je le vécus comme un supplice. Une fois ses lèvres à quelques centimètres de miennes, alors que nos souffles se mélangeaient, mon holophone vibra, brisant la magie de l'instant. Je repris mes esprits et m'excusai maladroitement, me levant en bousculant la table basse, rouge comme une tomate. Je réajustai mon t-shirt et m'éventai à l'aide de ma main. Diable qu'il faisait soudainement chaud ici ! Quelqu'un avait-il allumé un radiateur ? Kaden se replaça correctement sur le divan et passa une main dans ses cheveux en me souriant gentiment. Je me confondis en excuses, expliquant que mon frère m'appelait et que je devais absolument décrocher.
Je sortis de la pièce afin d'avoir un peu de tranquillité – et surtout pour éviter que Jase ne voit Kaden — et activai la communication audiovisuelle. Mais ce fut trop tard. Mon frère avait déjà raccroché. Je découvris alors d'un œil effrayé qu'il avait déjà tenté de me joindre des dizaines de fois. Je fermai les yeux et basculai ma tête en arrière. Il allait me tuer, j'en étais persuadée. Aujourd'hui serait le dernier jour que je vivais sur Terre. Je ne savais pas ce qu'il me voulait, mais c'était manifestement urgent. Et le connaissant, il était sûrement déjà en route, persuadé que quelque chose de grave m'était arrivé. Je lui envoyai donc un message pour le rassurer, lui disant que je le rappellerai dans quelques minutes, espérant qu'il le voie à temps. Je n'avais clairement pas envie que mon frère débarque ici comme une furie.
Je soupirai. Si je partais maintenant, j'aurais peut-être le temps de rejoindre la SkyStation. J'y serai plus tranquille pour discuter avec lui. Et puis, surtout, il ne fallait pas qu'il voie Kaden. Je fourrai à la hâte le petit écran plat et transparent dans la poche arrière de mon jeans délavé tout en me dirigeant vers le salon rétro où se trouvait toujours Kaden. Ce dernier me dévisageait étrangement. Je bafouillai quelques excuses maladroites, me rapprochant de lui. J'avais envie de rester, de passer plus de temps ici. Malheureusement, je ne pouvais pas. Un énorme fossé séparait nos deux mondes et j'avais des responsabilités à remplir en tant que Chasseuse.
Je me dirigeai doucement vers la porte étant donné que Kaden ne se décidait pas à me raccompagner après que je lui ai expliqué la raison de mon départ précipité. Mais avant que je ne quitte la pièce et que je ne m'enfonce dans le dédale de couloirs, il m'attrapa encore une fois le bras. Ce geste commençait à me paraître familier et son toucher ne me dérangeait plus. Mais maintenant que nous avions failli nous embrasser, je n'osais plus croiser son regard. J'en avais eu envie, du plus profond de mon être. Mais cela me mettait mal à l'aise. J'avais peur qu'il aborde ce sujet car je ne saurais tout simplement pas quoi répondre. Je posai donc mon regard partout, sauf sur lui, voulant éviter à tout prix cette discussion qui semblait pourtant sur le point d'arriver. Je décidai alors de fixer le divan qui se situait à l'autre bout de la pièce, le trouvant tout à coup bien intéressant. Sombre, élégant, il s'accordait tout à fait avec le style de la pièce. Ceux qui travaillaient ici avaient du goût !
Mais plus je fixais le divan, plus je me rendis compte qu'il se trouvait bien loin de la porte. Je penchai ma tête sur le côté, perplexe. Kaden se trouvait sur ce fauteuil exactement une fraction de seconde plus tôt. Or, environ cinq mètres le séparaient du fauteuil à présent. Je clignai des yeux. À moins que je ne perde à nouveau la tête, Kaden y était assis, j'en étais certaine. Et maintenant, il se tenait près de la porte, devant moi. Comment avait-il pu se déplacer aussi vite ? Je plissai les yeux et le détaillai minutieusement. Pendant tout ce temps, il suivit mon regard. Je touchai distraitement la poche de ma veste contenant mon collier et constatai qu'il était froid. Je me frappai mentalement. J'étais stupide. Si Kaden était un alien, ma Marque se serait illuminée comme une véritable boule disco depuis bien longtemps.
Mes yeux croisèrent finalement son regard. Maintenant, j'en étais sûre : Kaden était un Chasseur. Il n'y avait pas d'autres explications possibles. Je levai un sourcil, d'un signe interrogateur, attendant qu'il clarifie la situation. J'attendis plusieurs minutes, mais il ne dit rien. Je ricanai nerveusement : la communication ne devait certainement pas être son point fort. Un spasme nerveux fit tressauter un muscle sur le haut de sa mâchoire tandis que je m'éloignai légèrement de lui. Il s'apprêtait à ouvrir la bouche lorsqu'une une vague de chaleur me frappa, me coupant du monde extérieur. Je secouai la tête, mes sens tout à fait embrouillés. Que se passait-il ? Mon cœur s'accéléra et ma tête se mit à tourner. Quelque chose n'allait pas et, pour la première fois de ma vie, ça me terrifiait. Mes sens de Chasseuse se mirent en alerte. Pourtant, j'étais avec Kaden, personne d'autre ne se trouvait dans la pièce, mon collier était froid et ma Marque n'avait pas réagi. Je me sentis nauséeuse. Kaden me demanda si j'allais bien, mais je fus incapable de répondre quoique ce soit. Je déglutis difficilement et fermai les yeux. Je devenais dingue.
J'expirai un bon coup et ouvris les yeux. Le visage de Kaden se trouvait tout près du mien, sa main caressant délicatement ma joue. Il me demanda à nouveau si j'allais bien et je hochai la tête, prétextant un petit malaise. Je vis à son regard qu'il ne me croyait pas. Mais pourtant, il me lâcha et s'éloigna de moi. Une fois sûr que je n'allais pas m'effondrer sur le sol, il attrapa ma main et me guida vers la sortie, comme s'il avait compris. On ne parla pas du baiser, ni de la scène du divan. On ne parla pas du tout, d'ailleurs.
Plus on se dirigeait vers la sortie, mieux je me sentais. Je ne cherchai pas d'explications logiques à ce qu'il venait de se passer. J'avais bien compris qu'avec Kaden, ça ne servait à rien. Ce qui nous unissait était surnaturel, ce qui confirma mon hypothèse principale. Il était un Chasseur, c'était indéniable. J'aurais aimé lui demander, là, maintenant, des explications. Mais j'avais une traque à mener, une tonne de travail à effectuer et un Teria à trouver. Là, tout de suite, je n'avais pas de temps pour ça.
Une fois sur le seuil, Kaden me demanda à nouveau, comme si de rien était, si je voulais l'aider dans les jours qui suivaient à rénover le bâtiment. Je me dandinai sur place, indécise.
« Cette année, l'hiver est un peu en retard, mais les températures commenceront sûrement à chuter vers la fin de ce mois-ci. J'ai passé toutes mes vacances à retaper le bâtiment, mais nous n'aurons jamais fini avant la fin du mois. Nous ne sommes pas assez nombreux. Toute aide serait la bienvenue, expliqua-t-il pour me convaincre.
— Mais que veux-tu que je fasse ? répondis-je, surprise qu'il me parle de cela après ce qu'il venait de se passer. Je n'ai aucune expérience niveau bricolage, peinture ou que sais-je, rétorquai-je, tentant de me sortir de cette situation délicate. J'aimerais changer la météo pour toi afin que tu aies plus de temps, mais ce n'est pas en mon pouvoir, rajoutai-je sur le ton de la plaisanterie pour détendre l'atmosphère. »
Il rit suite à ma dernière remarque et se gratta l'arrière du crâne, nerveusement. Il haussa les épaules et me fixa, une lueur espiègle dans le regard.
« Non, bien sûr que non. Personne ne peut changer la météo, déclara-t-il en riant. »
Je fronçai les sourcils à nouveau. Quelque chose dans son rire sonnait faux. Que me cachait-il ? Il était clair que quelques extraterrestres étaient capables d'altérer la météo s'ils le souhaitaient ou le faisaient inconsciemment en usant simplement de leurs pouvoirs, perturbant les ondes dans l'atmosphère. Mais ça, seul un Chasseur pouvait le savoir. Kaden croisa les mains derrière son dos et baissa la tête. Il était aussi mal à l'aise que moi.
« Tu oublies la nouvelle invention que deux jeunes Britanniques ont récemment mise au point, ajoutai-je pour rattraper la situation. Ils sont capables d'amener la pluie dans toute l'Afrique du Sud grâce à une petite boîte en métal. Ils ont même prévu de réhabiliter les zones désertiques d'ici 2152. L'Afrique tout entière serait à nouveau habitable, m'exclamai-je de bon cœur. »
Kaden se contenta de sourire et de hocher la tête. Il attendait une réponse de ma part, mais je ne savais toujours pas si je devais dire oui ou non. Alors, je lui racontais n'importe quoi.
« Écoute, commença-t-il doucement, ayant compris mon manège, j'aimerais juste que tu m'aides de temps en temps pour que le refuge soit prêt à temps. Tu passes quand cela t'arrange. Il y aura toujours quelque chose de simple à faire pour toi.
— Parce que tu estimes que je ne peux pas effectuer de tâches complexes ?
— Ce sont tes dires, pas les miens, dit-il en levant les mains en signe de rédemption. Mais si tu sais manier une disqueuse à ondes rétro-projetées, alors tu me seras d'une grande aide. Mais, bizarrement, déclara-t-il en riant, j'en doute fortement. »
Je ris et fixai mes baskets. S'il savait... Je manie des armes bien plus dangereuses que des bombes nucléaires.
« Non, bien sûr que non. Peindre à l'ancienne et utiliser quelques gadgets seront déjà un bien grand défi pour moi ! répondis-je sans réelle conviction. »
Kaden croisa les bras sur son torse, attendant ma réponse.
« Je vais y réfléchir, je te le promets, concédai-je au bout d'un temps. Mais mon frère m'attend. Je suis désolée, je dois vraiment y aller. »
Je jetai un rapide coup d'œil à ma montre intégrée. Les quelques minutes que j'avais promises à Jase avant de le rappeler s'étaient écoulées. Cela ne m'étonnerait pas qu'il m'ait déjà localisée et qu'il soit en route pour venir me chercher, s'imaginant sûrement mille scénarios catastrophes.
Une nouvelle vibration me fit écarquiller les yeux. En parlant du loup... Jase m'appelait à nouveau. J'espérai qu'il était toujours à la maison ou qu'il m'attendait bien sagement au coin de la rue. S'il me voyait avec Kaden, j'étais fichue. Ce dernier fit un pas vers moi, hésitant, mais se résigna finalement et m'offrit un simple signe de la main en guise d'adieu.
« On se voit lundi à la fac, de toute façon. Tu me diras à ce moment-là quand tu es disponible.
— Oui, bien sûr, dis-je en souriant. »
Je me dandinai sur place. Je ne voulais pas partir. Mais je le devais. J'aimerais qu'il m'embrasse. Mais non, il ne valait mieux pas.
Je m'apprêtai à partir lorsque je me retournai brusquement et l'interpellai :
« Kaden ?
— Lili ? dit-il, les yeux pétillants d'espoir. »
Son ton trahissait son amusement et je ne pus m'empêcher de sourire également.
« Merci de m'avoir emmenée ici. »
Je franchis la distance qui nous séparait et lui embrassai tendrement la joue. Kaden parut surpris, puis il m'enlaça, son nez chatouillant mon cou. Je le remerciai encore une fois puis m'en allai, un grand sourire dessiné sur mon visage. Pour rien au monde, je ne l'enlèverais.
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Voici le début du cinquième chapitre.
J'espère que vous aimez bien ce petit rapprochement entre Lili et Kaden, et je vous promets, pour ceux qui attendent de l'action, qu'il y en aura dans les prochains chapitres !
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LosUnivers
Publié le 29 octobre 2017 / Modifié le 09 août 2021
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