Chapitre 3.3
Je tapai nerveusement du pied, ce qui ne m'arrivait jamais. Depuis peu, de nouveaux sentiments m'animaient et je ne savais pas encore comment les interpréter. Était-ce de l'angoisse ? De l'appréhension ? De l'attirance ? Je secouai la tête et essuyai mes mains sur mon jeans délavé, signe de ma nervosité, tout en fixant mes vieilles chaussures. Après les cours, j'étais rentrée à la maison, surexcitée, pour troquer ma jupe contre un vêtement plus confortable. J'avais besoin de me sentir à l'aise. J'étais déjà assez nerveuse comme cela.
Alors que j'étais assise devant la SkyStation, je me demandai pourquoi j'avais accepté la proposition de Kaden. J'en avais envie, certes. Mais au fond de moi, je savais que je n'aurais pas dû. À quoi bon espérer avoir une vie normale quand on ne le pouvait pas vraiment ? En plus, ça me détournait de ma mission. Et puis, je n'étais pas encore certaine de pouvoir avoir entièrement confiance en Kaden. Que savais-je réellement de lui à part ce que les autres en disaient ? Mais, au fond, qu'est-ce qui me disait que ces histoires étaient vraies ? Au vu de l'indifférence ouvertement affichée par Kaden envers la pom-pom-girl tout à l'heure sur le temps de midi, je ne pouvais pas croire un seul instant ce que Jackson m'avait dit de lui. Il n'avait pas l'air de se taper toutes les filles de l'université. Mais en même temps, ses airs sombres de bad boy déclenchaient toutes mes alarmes. Kaden avait l'air de savoir s'y prendre avec les filles. Ce qui n'était pas un bon signe.
J'arrangeai rapidement mes cheveux, le vent s'amusant à me décoiffer, et remis de l'ordre dans mes pensées. J'avais fait un choix. Débile, certes. Mais je l'avais fait. Et je devais l'assumer. Alors, je tentai de relativiser. Ce n'était qu'un simple rendez-vous, après tout. Mais ce n'était pas mon genre de me laisser aller et de m'amuser sans penser aux conséquences. J'avais une mission à mener et cette journée à l'université ne m'avait rien appris de nouveau. J'aurais mieux fait de rester à la maison pour avancer avec Jase sur notre dossier. Je remis une énième fois mes cheveux en place et expirai doucement, tentant de chercher une explication rationnelle à mon comportement. Mais je n'en trouvai pas. Du moins, aucune qui me réconforta. Le fait était là : ce garçon me plaisait. Quelque chose d'étrange, voire de quasi surnaturel, m'attirait à lui. Et au fond de moi, j'avais envie de découvrir ce dont il s'agissait.
Alors que je patientais, je me rappelai que je n'avais pas croisé Jase en rentrant et, le connaissant, il devait sûrement m'attendre. Pour éviter qu'il ne s'inquiète inutilement, je lui envoyai un message pour lui expliquer que j'arriverai un peu plus tard que prévu, sans entrer dans les détails du pourquoi et du comment. Cela m'était complètement sorti de la tête tout à l'heure mais je me souvenais maintenant que nous avions prévu une réunion fin d'après-midi pour que l'on prépare notre chasse du week-end. Je soupirai. Comment avais-je pu oublier ça ? Après avoir épluché à nouveau notre dossier, nous avions remarqué qu'un indice présent sur la scène de crime qui paraissait pourtant insignifiant était peut-être la clé pour mener à bien notre mission. En effet, les vêtements de la victime présentaient des traces de boue qui s'avérait, après analyse, provenir des rives d'un lac non loin d'ici. Je doutais qu'on y trouve le fameux Teria, mais j'étais persuadée que l'on tomberait sur le Globalt responsable de ce crime infâme. Ainsi, nous pourrions enfin l'éliminer. À cette idée, mon cœur se remplit de joie. Ce que cet être avait fait subir à cette pauvre femme était inacceptable.
Un léger signal sonore me tira de ma rêverie. Jase avait répondu à mon message, me signalant qu'il n'était pas entièrement rassuré à l'idée que je traîne dehors seule mais il ne me reprocha rien. Il avait de bonnes nouvelles à m'annoncer et cela lui permit de ne pas s'attarder sur le fait que je jouais à l'étudiante normale alors que je ne l'étais pas. Je souris lorsqu'il m'apprit que la traque était prête pour le soir-même. Enfin, un peu d'action ! Alors, tant que je rentrais avant la nuit tombée, mon frère n'accordait pas beaucoup d'importance à ce que je faisais. Si j'avais été seule, j'aurais bondi de joie. Mais vu que la rue était plutôt fréquentée, je me retins, hurlant intérieurement. Nous allions chasser cette nuit ! Cela me laissait quelques heures pour passer du bon temps avec Kaden avant de vaquer à mes occupations. Rentrer maintenant ne servait à rien vu que la plupart des extraterrestres ne supportaient pas la lumière du jour et agissaient la nuit.
Je fixai ma montre, impatiente à présent de rentrer. Kaden était en retard, et je détestais ça. J'observai la foule, cherchant désespérément deux yeux noisette. Mon agitation augmentait de plus en plus et j'appréhendais énormément ce moment. Qu'allait-il me dire ? Qu'allions-nous faire ?
Un SkyTrain passa au-dessus de ma tête et une bourrasque souleva à nouveau mes cheveux. Je replaçai mes cheveux blonds derrière mes oreilles et décidai de me diriger vers l'ascenseur qui menait à la plateforme surélevée. Peut-être m'attendait-il en haut ? Je me décalai du rail en apesanteur, ne me sentant pas très à l'aise en dessous, et pris l'ascenseur somptueux pour monter jusqu'à la station. Un wagon démarra en suivant les rails à travers le ciel et j'observai ce magnifique spectacle. On aurait dit que le train glissait gracieusement dans le ciel, sans un bruit.
Une fois arrivée à l'intérieur, je payai mon e-ticket auprès du robot qui servait de personnel aux guichets et patientai au milieu du grand hall, cherchant en vain celui qui tourmentait mes pensées jours et nuits. Pour me distraire et calmer mon petit cœur qui s'affolait, j'observai l'endroit. Le bâtiment était haut et lumineux. Les énormes fenêtres agrandissaient l'endroit et nous laissaient entrevoir une bonne partie de la ville qui s'étalaient en contrebas. Quelques mètres plus bas, cela grouillait de monde. Beaucoup de personnes se pressaient pour entrer et sortir de l'ascenseur et cette soudaine cohue me rendit nerveuse. Mes instincts de Chasseuse reprirent le dessus et je portai la main à mon collier. La pierre froide pendait mollement à mon cou, signe qu'il n'y avait aucun danger, ce qui me rassura quelque peu. Mais pas complètement. De plus en plus, j'avais comme l'impression que Kaden ne viendrait pas.
Un agent sous forme d'hologramme vint me voir pour me demander si je me sentais bien, vu que j'étais restée plantée comme un piquet au milieu du hall. Je me contentai d'un petit hochement de tête et m'éloignai gentiment, ne voulant pas attirer l'attention. Je cherchai à nouveau Kaden du regard mais ne le vis pas. Sans que je sache pourquoi, un pincement me comprima le cœur. Et s'il ne venait vraiment pas ? Je grimaçai. Ces sentiments étranges m'agaçaient quelque peu. D'autant plus que je n'arrivais pas à mettre un nom dessus. Je frottai distraitement le haut de ma poitrine, comme pour oublier cette sensation de trou béant, et redressai la tête, analysant rapidement l'endroit qui était soudain désert. Je décidai de m'asseoir sur un siège et patientai calmement en jouant sur mon holophone, me contentant d'imiter la plupart des passagers afin de paraître « normale ». Je n'étais venue qu'une fois dans la SkyStation et je n'avais jamais pris une navette. Je profitai donc de cet instant de solitude pour détailler chaque mur afin de graver cette image dans un coin de ma mémoire. En soi, la gare était banale avec ses guichets informatiques, son panneau d'affichage en apesanteur et le continuel brouhaha des passants pressés. Les murs étaient en briques sombres, ce qui rendait le lieu froid et impersonnel. Je frissonnai lorsque les portes des quais s'ouvrirent afin de laisser entrer les passagers dans la navette qui venaient d'arriver, amenant avec eux un vent glacial. Ayant fini mon inspection des lieux, je me concentrai à nouveau sur mon holophone.
Soudain, une sensation de chaleur intense me fit lever le nez de mon écran, tous mes sens en alerte. La pierre de mon collier brûlait à nouveau ma peau et une plainte s'échappa de ma bouche, attirant un regard suspect du jeune homme qui se trouvait face à moi. Je lui souris de manière crispée et m'empressai de décoller la pierre de ma poitrine, soufflant de soulagement en sentant la douleur diminuer. Un petit coup d'œil discret vers mon décolleté m'apprit que ma peau avait légèrement rosi à l'endroit précis où se tenait le médaillon. Super... Normalement, ça ne devrait pas arriver, même si j'étais encerclée par une horde d'aliens sanguinaires. Mon collier n'était pas censé me brûler la peau. Inspectant les alentours sans rien voir d'anormal, je me demandai sérieusement si le bijou que je tenais maladroitement à l'écart de ma peau meurtrie n'était pas dysfonctionnel étant donné qu'il n'arrêtait pas de s'activer sans qu'aucun extraterrestre ne soit à proximité. Alors que je frottai ma peau douloureuse, je me souvins que j'avais fait tomber plusieurs fois mon collier lors de nos entraînements. J'oubliais souvent de l'enlever en revenant des cours. Peut-être s'était-il détérioré ?
Malgré mes doutes, je décidai tout de même de prêter attention à ceux qui m'entouraient, afin de confirmer ma théorie. Je fis discrètement descendre la lame qui était toujours cachée dans ma manche et me levai, aux aguets. Je balayai la foule du regard, tentant de trouver un comportement suspect. Mes yeux de lynx s'arrêtèrent sur chaque personne et emmagasinèrent les données. Mon regard se posa alors sur un jeune homme. Il semblait stressé, mais je remarquai vite à ses ongles rongés qu'il n'y avait rien d'anormal à cela. Je continuai donc mon analyse lorsque deux mains puissantes se posèrent sur mes épaules. Je me retournai, bandant mes muscles, prête à planter ma lame dans le corps de ce monstre, lorsque je croisai le visage doux et brute à la fois de Kaden. Je me repris à la dernière seconde et soupirai de soulagement, me sentant idiote d'avoir réagi comme ça. Je plaçai une mèche blonde derrière mon oreille et rangeai ma lame immédiatement, espérant qu'il n'ait rien vu.
Kaden parut surpris mais n'ajouta rien de plus. Je lui expliquai que j'étais un peu nerveuse et que je ne l'avais pas entendu s'approcher, espérant me tirer d'affaires ainsi. Ce qui sembla fonctionner. N'ayant nullement vu mon arme et acceptant mon excuse bidon, Kaden me sourit et prit ma main pour m'emmener dans la navette qui venait tout juste d'arriver, sans dire un mot de plus. Malgré tout, je restais perturbée. Mon collier était à présent froid et j'étais certaine qu'aucune présence extraterrestre ne se trouvait dans la SkyStation. Mais le fait que j'aie failli agresser un innocent me remua. Je ne pouvais pas continuer comme ça. Dès que je rentrerai, il faudra que je fasse analyser mon collier par Glad-y, notre intelligence artificielle, afin de m'assurer que ce collier était effectivement défaillant. J'en étais persuadée, mais je voulais en être sûre à cent-pour-cent.
Je jetai un dernier coup d'œil à la gare, m'assurant que tout danger était bien écarté. Mon cœur battait encore vite et mon souffle était saccadé. Kaden se retourna en fronçant les sourcils, remarquant mon état, et me demanda si j'allais bien. Je lui souris timidement, signalant par là-même que tout se déroulait pour le mieux, et il continua d'avancer, me guidant à travers la foule rugissante. Décidée à reprendre le contrôle de mes émotions – et à ne pas passer pour une fille bizarre, je tentai de cacher mon trouble en me concentrant sur nos mains liées. Cette sensation était étrange mais agréable. Son geste avait été si naturel que je n'avais pas eu le temps d'ajouter quoique ce soit. Je souris. Ma main semblait si petite dans la sienne. Je rougis en sentais une bouffée de chaleur s'emparer de moi et le suivis, montant à bord de ce train volant et oubliant immédiatement la brûlure qu'avait provoqué mon collier quelques instants plus tôt.
Durant le trajet, nous parlâmes de tout et de rien, même s'il restait très mystérieux et évasif lorsque je commençais à aborder sa vie privée. Il était plutôt gentil, en fait. Il se trouvait même à des kilomètres de l'image que l'on m'avait dépeinte de lui, remplie de clichés et de détails exagérés. Là, seule avec lui, je le découvrais tout autrement. Il me raconta pourquoi il avait choisi la faculté de lettres et je l'écoutai attentivement, heureuse d'en apprendre un peu plus sur lui. Dans son regard brillait l'intelligence et le calme. Pendant que je l'écoutais parler, sa voix rauque m'apaisant, je contemplai la ville qui défilait à l'extérieur. Lorsqu'il eut terminé, je lui demandai, curieuse :
« Où va-t-on, au fait ? Tu ne m'as rien dit jusqu'ici.
— C'est une surprise. Mais je suis sûr que tu vas l'adorer, rajouta-t-il en me faisant un clin d'œil. »
En temps normal, cette réponse m'aurait énervée. Et en temps normal, je n'aurais certainement pas suivi un inconnu je-ne-sais-où, surtout après l'événement dans la SkyStation concernant mon collier. Mais avec Kaden, rien n'était normal. À la place, un lent sourire se peignit sur mon visage et une vague de chaleur me submergea, me faisant fondre de l'intérieur et faisant rosier mes joues. Je n'avais jamais autant rougi de toute ma vie. C'était la première fois que je ressentais ce genre de choses pour quelqu'un et je ne savais pas du tout comment réagir. Alors, je laissais mon cœur parler. Avec Kaden, tout était si étrange. Mais quelque chose m'attirait chez lui et j'avais à présent l'impression de le connaître assez que pour lui faire confiance.
Pourtant, en même temps, la peur grandit un peu plus dans mon esprit. Car même si ce sentiment étrange m'attirait à lui, je ne pouvais m'empêcher de penser que j'avais rencontré Kaden il y a peu de temps. Comment pouvais-je être sûre de ne pas me méprendre sur ses intentions ? Allait-il me ridiculiser ? Me prenait-il pour une fille facile ? Était-il un dangereux psychopathe ? Des images plus horribles les unes que les autres défilèrent devant mes yeux sans que je puisse les contrôler. Au fond de moi se déroulait un véritable combat intérieur.
J'étais encore perdue dans mes pensées quand une main puissante se posa sur mon épaule. Je croisai alors son regard et tous mes doutes s'envolèrent. Je ne savais pas si ce garçon était quelqu'un de bien, mais dans tous les cas, je me sentais en confiance avec lui. Comme si rien ne pouvait m'arriver. Alors Chasseuse ou pas, je ne pouvais nier ce que je ressentais à présent pour lui.
Arrivés au terminus, il me fit descendre de la SkyStation et m'emmena à travers les rues. Je le suivis, sûre de moi, laissant mes doutes et mes peurs de côté et laissant la joie et l'excitation m'envahir. Je profitai du trajet pour détailler son dos puissant et ses cheveux en bataille qui voletaient au gré du vent.
Mais alors que j'étais perdue dans ma contemplation, il s'arrêta brusquement et déclara, fier de lui au vu du sourire qu'il arborait sur ses lèvres :
« Voilà, nous y sommes ! »
Je regardai le bâtiment derrière lui et fronçai les sourcils. Kaden venait-il réellement de me conduire devant un immeuble abandonné ?
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Merci à toi, petit lecteur qui me lit ! N'hésite pas à me faire part de tes impressions dans les commentaires, ça me fait toujours plaisir :D.
Cette troisième partie clôture donc le chapitre 3.
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LosUnivers
Publié le 18 octobre 2017 / Modifié le 03 août 2021
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