Les quelques jours qui suivirent passèrent rapidement. N'ayant pas de buts réels, je vagabondais ci et là, laissant libre cours à mes interrogations et mes doutes. Alors que j'enchaînais mes séances d'entraînement avec Kaden, je remarquais aussi une certaine agitation au sein du Repaire. Même si la tension était quelque peu retombée depuis l'annonce de Kaden quant à la menace de la BPP, tout le monde restait sur ses gardes, prêt à s'enfuir ou à se battre à tout moment.

Les jours se ressemblaient. Je profitais de mes instants de temps libre pour prendre des nouvelles des autres. David et Grace travaillaient d'arrache-pied pour restaurer Glad-y tandis que Jackson et Jesse tentaient de récolter le plus d'informations possible sur les déplacements et les activités de la BPP. Pendant ce temps-là, Jase et Kaden commençaient à esquisser un plan pour démanteler la Brigade des Phénomènes Paranormaux. Et moi, je voletais d'un groupe à l'autre, m'informant sans réellement prendre de décisions. Je ne voulais surtout pas m'intéresser au plan de Jase et Kaden. Cela me paraissait tellement impossible... La BPP existait depuis le début des années 2000. Cela faisait maintenant 147 ans que le Gouvernement manipulait des humains génétiquement modifiés dans le but d'exterminer des aliens qui, pour la plupart, n'avaient rien fait de mal. Kaden pensait pouvoir faire exploser cette organisation de l'intérieur pour l'anéantir complètement. Mais même s'il était un des extraterrestres les plus puissants que nous connaissions, je doutais fortement de la faisabilité de son plan. Il y avait trop d'inconnues, notre couverture était grillée et nous savions désormais à quel point la BPP était sournoise. C'était beaucoup trop dangereux. J'avais envie de mettre fin à cette situation. J'avais envie de rétablir la vérité. Mais je n'étais plus certaine de vouloir me jeter corps et âme dans une dernière mission suicide.

Je passais également beaucoup de temps dans le salon rétro, affalée dans le divan, fixant les néons et les lampes en lévitation, comme s'ils pouvaient apporter des réponses à mes questions. Les révélations de Kaden et les souvenirs qu'il avait partagés avec moi me hantaient. Il avait vécu tant de choses par notre faute. Et même si je savais que je n'étais pas coupable, une part de moi ne cessait de le penser. J'avais été manipulée, certes. Mais cela n'excusait pas tout...

Plus je pensais au plan de Kaden, plus je me disais que ce n'était pas son combat. Ce n'était pas aux extraterrestres de se mettre en danger. Nous, Chasseurs et Protecteurs, étions responsables. C'était à nous de régler ce problème. Et plus les jours passaient, plus j'en étais persuadée. Petit à petit, le plan que j'avais laissé germer dans un coin de ma tête me paraissait être la seule solution. Je devais le faire. Pas eux.

D'un autre côté, en plus de la culpabilité, un sentiment de rage grandissait en moi. Je ne pouvais m'empêcher de penser à la BPP. Je me demandais comment j'avais pu être aussi aveugle pendant toutes ces années, alors que mes parents avaient déjà compris ce qu'il se passait depuis longtemps. Je me questionnais. Pourquoi n'avaient-ils pas laissé de message ? Ils auraient dû nous informer. Nous aurions pu changer le cours des choses depuis si longtemps... Il existait mille et une façons différentes de nous prévenir. Mais ils n'avaient rien fait. Était-ce pour nous protéger ?

Je pensais également souvent à l'ironie de la situation. La BPP voulait coloniser une planète alors que nous n'étions même pas capables de prendre soin de notre Terre. Qu'allait-il se passer par la suite ? Serions-nous obligés de trouver d'autres planètes qui pourraient nous accueillir ? Allions-nous réellement détruire chaque endroit où nous habiterions, le vidant de toutes substances, avant d'aller ailleurs ? Nous ne pourrions pas fuir éternellement. La BPP devrait se concentrer sur de nouvelles technologies pour sauver notre planète et non en détruire d'autres. L'espèce humaine était si égoïste...

Et parmi toutes ces interrogations, je pensais également aux extraterrestres qui étaient bloqués sur Terre, sans aucun moyen de contacter leurs proches. Cela devait être affreux d'atterrir en milieu hostile, de devoir se cacher pour survivre. Je n'arrivais pas à croire que la BPP savait pertinemment que notre planète était un piège. Nos satellites envoyaient des ondes qui perturbaient la plupart des objets non identifiés, provoquant leur crash et obligeant leurs occupants à rester coincés sur Terre. La BPP le savait et elle ne faisait rien. Cela faisait-il partie de leurs plans ? Souhaitaient-ils attirer le plus d'espèces possibles sur Terre afin de les étudier et de trouver la planète idéale pour l'espèce humaine ?

Toutefois, ce sentiment de culpabilité et de rage s'estompait parfois. En réalité, je ne regrettais pas d'avoir tué. Je ne regrettais pas d'avoir fait ce que je devais faire en tant que Chasseuse. Je ne pouvais pas me blâmer alors que je n'étais au courant de rien. En réalité, si je me sentais coupable, c'était parce que je regrettais ce que j'avais fait par après, alors que je commençais à avoir des doutes. Au plus profond de moi, je savais ce qui se tramait, mais je n'avais pas voulu le comprendre. Et c'était pour cela que je m'en voulais.

Lorsque je n'étais pas assise dans le salon à laisser libre cours à mes pensées, je me défoulais dans la salle d'entraînement située à l'étage du dessous. Cette immense pièce me rappelait sans cesse notre ancienne villa, même si cette salle-ci était plus grande, mieux équipée et surtout plus adéquate pour apprendre à maîtriser mes nouveaux pouvoirs. Avec l'aide de Kaden, je m'évertuais à activer la partie Teria qui sommeillait en moi. Ma force, ma vitesse et mes sens étaient décuplés. Je commençais à utiliser mes dons naturellement, sans m'en rendre compte. J'étais capable d'entendre des conversations et de sentir des odeurs à des dizaine mètres à la ronde. Ma vue s'était affinée et je percevais maintenant des détails qui étaient invisibles pour la plupart des humains. J'arrivais également à faire léviter des objets légers sans aucun effort, mais il m'était encore difficile de les déplacer. Aujourd'hui, j'avais couru presque aussi vite que Kaden. C'était d'ailleurs une sensation étrange de courir à cette vitesse folle. J'avais la sensation de voler. Le décor filait à toute allure. Pourtant, je percevais chaque détail.

David, qui ne ratait pas une seule de mes séances d'entraînement, ne manquait pas de me rappeler la lenteur à laquelle j'apprenais à me contrôler. Selon ses dires, même un enfant se débrouillerait mieux que moi. Cet homme m'horripilait et me révoltait au plus haut point. Je ne pensais pas pouvoir un jour autant haïr une personne. Je ne comprenais pas le plaisir qu'il éprouvait à venir m'observer pendant des heures pour finalement se moquer de mon incapacité. C'était malsain.

Mais d'un autre côté, je lui étais un peu reconnaissante. Juste un peu. C'était grâce à lui que j'avais su faire léviter mon premier objet de mon plein gré. La plupart du temps, lorsque cela arrivait, c'était par accident. Ici, j'avais été tellement en colère que mes émotions avaient pris le dessus et qu'un vase avait percuté son horrible tête blonde. J'avais visualisé le moment où l'objet se briserait en mille morceaux sous l'impact et j'en avais éprouvé une grande satisfaction.

En regardant le plafond étoilé du salon, je me souvins de ce que m'avait expliqué Kaden lors d'une de nos séances d'entraînement :

« Tu ne dois pas vouloir pousser l'objet. Tu dois le pousser réellement. Penser ne suffit pas, tu dois agir. »

Je l'avais regardé, les yeux ronds.

« Comment veux-tu ? Je ne peux pas toucher l'objet. C'est le principe même de la télékinésie, avais-je répondu sarcastiquement. »

Il avait ri tout en faisant voleter la pomme que je devais manipuler. Il l'avait rangée comme, dans le frigo, tout cela en se dirigeant vers moi et en me parlant par l'intermédiaire de notre lien. J'étais estomaquée par la facilité avec laquelle il utilisait ses dons. Cela paraissait si naturel. J'espérais qu'un jour, ça le serait aussi pour moi.

Et peut-être que ça commençait à le devenir. Depuis quelques jours, mon lien avec Kaden s'était renforcé et tout semblait beaucoup plus simple avec lui. Je savais comment interpréter ses sentiments très facilement et agir en conséquence. Tout cela avait enclenché le développement rapide de ma Marque qui occupait maintenant tout mon bras et se prolongeait dans mon dos. Une magnifique rose aux reflets verdâtres se nichait entre mes seins et des sigles étranges recouvraient mes omoplates. Kaden m'avait affirmé que notre lien s'était totalement mis en place et que c'était pour cela que mes dons se développaient plus vite. Nous ne faisions plus qu'un. J'étais en permanence connectée à lui, et lui à moi.

Toujours allongée sur le divan, je pensai à ce que Kaden m'avait dit ce matin lors de notre séance d'entraînement. Alors que j'avais essayé encore une fois de déplacer la pomme qui se tenait sur une petite table, Kaden m'avait interrompue. Il m'avait pris la main en douceur et de fines lignes vertes et brillantes avaient parcouru mon avant-bras. La réaction de ma Marque à son toucher me fascinait.

« Tu as la théorie, mais pas le ressenti, avait-il dit. Tu penses qu'en donnant l'ordre à l'objet de bouger, il bougera. Mais la télékinésie ne fonctionne pas comme ça. C'est beaucoup plus complexe.

— Si c'est le cas, tous les films que j'ai vus à la télé ne m'ont rien appris, avais-je rétorqué, le faisant éclater de rire.

— En même temps, si on devait se fier à vos représentations stupides du surnaturel, on ne s'en sortirait pas. Est-ce que j'ai l'air d'être vert et d'avoir de grands yeux noirs sur une toute petite tête ? »

Je n'avais pas répondu à sa remarque, mais j'avais intérieurement explosé de rire, ce qui ne lui avait pas échappé. Oui, il était vert sous sa forme originelle. Peut-être pas le même vert qu'on avait tendance à associer aux extraterrestres, mais il l'était tout de même. Et en y réfléchissant bien, ses yeux étaient grands et noirs. Ils ne l'étaient pas au point de prendre la quasi-totalité de l'espace de son visage, mais, tout de même, ils étaient plus grands que la moyenne. Plus je le regardais, plus les ressemblances semblaient flagrantes et je n'avais pas pu m'empêcher de rire. S'il avait été grand et filiforme, il aurait ressemblé au stéréotype de l'alien vu par les humains.

« Quand tu auras fini de te moquer de moi, on pourra reprendre, avait-il grommelé. »

J'avais alors arrêté de rire, mais un grand sourire dévorait mon visage. Malgré tout, il reprit ses explications :

« Tu dois ressentir cette force en toi. Si tu ne la sens pas, tu ne pourras rien faire. Tu dois la sentir frémir au fond de toi. Imagine de longs fils encerclant cette pomme et la déplaçant. Ce pouvoir fait partie de toi. Tu ne peux pas lui demander de jaillir de nulle part et de déplacer un objet. Ça fait partie de toi, me répéta-t-il. C'est à toi de le déplacer. »

Il avait tendu mon bras et s'était tenu derrière moi. Alors que son odeur et sa présence me perturbaient, il avait murmuré au creux de mon oreille :

« Ferme les yeux et concentre-toi. »

Je m'étais exécutée, plaçant ma main vers la pomme. J'avais fait le vide au fond de moi, cherchant la source d'énergie qui y crépitait. J'avais alors eu le sentiment que mon bras s'allongeait. J'avais senti mes doigts enserrer la pomme, la soulever et l'amener devant moi en la faisant tournoyer doucement. C'était seulement lorsque j'avais senti le sourire de Kaden contre ma nuque et lorsqu'il avait passé ses mains autour de ma taille, que j'avais ouvert les yeux. La pomme se dressait fièrement devant moi. 

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Le contrecoup est enfin arrivé...Lili commencent à se poser des tas de questions.

J'avais envie de vous raconter les événements autrement que par dialogues (mise à part la fin). J'espère que cette forme vous aura plu. 

Lili est maintenant presque devenue une machine de guerre (ou pas, laissez-lui le temps ^^) ! 

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LosUnivers

Publié le 28 mars 2018 / Modifié le 23 août 2022