Une pression sur ma poitrine me sortit de mon sommeil profond et réparateur. Cela faisait longtemps que je n'avais pas dormi aussi bien. Avant, avec les missions, les traques, les dossiers à analyser, les questions, les mystères, j'avais l'habitude de dormir peu, voire pas du tout. Je n'étais pas insomniaque, loin de là. Mais je ne prenais jamais le temps de me reposer. J'avais toujours quelque chose à faire. Ici, avec Kaden, j'avais enfin pris du temps pour moi.

Je m'étirai délicatement, ressentant les bienfaits d'une bonne nuit de sommeil salvatrice. Dormir autant m'avait fait un bien fou. Je regrettais toutes ces nuits où je m'étais contentée de me reposer quelques heures, enfoncée dans un sommeil agité. Je prenais maintenant conscience de la fatigue accumulée au cours de ces dernières années. J'avais envie de rester ici, dans cette chambre, sous cette couette, pour l'éternité.

Je baissai doucement la tête et vis Kaden, à moitié allongé sur moi. Dans cette position, la bouche légèrement entrouverte, il paraissait enfin serein. Ses traits durs étaient détendus et son souffle régulier m'apaisait. Je ne pus m'empêcher de passer une main dans ses cheveux en bataille. Il semblait si calme, contrairement au Kaden préoccupé et toujours sur ses gardes que j'avais connu jusqu'ici. Je souris, caressant sa joue ornée d'une barbe de quelques jours. Mes doigts glissèrent sur sa peau lisse, le chatouillant au passage. Il gigota quelque peu dans son sommeil en fronçant les sourcils. Je ris et sa tête suivit les soubresauts de ma poitrine, ce qui le fit grogner de mécontentement. Il ouvrit faiblement les yeux et m'observa longuement avant que ses lèvres ne s'étirent en un lent sourire. Il se redressa, frottant ses yeux au passage, et s'allongea sur le côté près de moi, ses doigts jouant sur mes côtes dénudées. Je fermai les yeux, appréciant son toucher délicat. Je me souvenais de ses mains sur mon corps, de sa bouche sur la mienne, de cette sensation d'être entière. C'était définitivement la plus belle nuit de mon existence.

J'ouvris finalement les yeux et tournai la tête sur le côté pour mieux l'observer. Sa joue était marquée par les draps et ses petits yeux tentaient désespérément de percer les brumes du sommeil. Je ne pus m'empêcher de rire devant son air ensommeillé et insouciant.

« Arrête de te moquer de moi dès le matin. C'est agaçant, marmonna-t-il, plongeant sa tête sous les grands coussins, son bras entourant ma taille. »

Je ris de plus belle. Je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse être aussi susceptible dès le matin. Je soulevai les coussins sous lesquels il s'était réfugié et embrassai délicatement sa joue. Il ne pipa mot. Je décidai alors de me lever et le poussai doucement pour pouvoir m'extirper de la chaleur des draps fins et soyeux. Un bruit sourd ainsi qu'un petit cri de surprise me fit tourner brusquement la tête. J'écarquillai les yeux en voyant Kaden à terre, les quatre fers en l'air. Il grommela et se frotta le haut du crâne, mécontent. Je pinçai mes lèvres, me retenant de rire, mais, en voyant son regard noir et sa mine renfrognée, je ne pus m'empêcher d'exploser. Je venais de l'éjecter hors du lit en bonne et due forme. Kaden se leva aussitôt et fit rouler ses épaules en grommelant. Je parvins enfin à me calmer et m'excusai, la mine contrite. Je n'avais pas encore appris à contrôler mes nouvelles capacités. Ma force, mes sens, ma vitesse... Tout me dépassait pour l'instant. J'observai mes mains. Je l'avais pourtant à peine touché...

Je lui lançai un énième regard désolé et m'enroulai dans les draps pour cacher ma nudité, me dirigeant vers la salle de bain pour me préparer. Tandis que je contournai le lit, j'aperçus Kaden, toujours debout, mais le visage fermé et les traits tirés. Il ne semblait pas être du matin. Ou alors, il n'aimait pas vraiment se faire propulser hors de son lit sans raison, ce que je pouvais comprendre. Je mordis ma lèvre inférieure pour effacer le sourire qui se dessinait sur mon visage et tentai de m'échapper rapidement. Je courus sur la pointe des pieds, faisant attention à ne pas emmêler mes jambes dans les draps. Je ne souhaitais pas non plus me retrouver à terre.

Si Kaden avait été un humain, j'aurais largement eu le temps d'atteindre la porte. Mais il ne l'était pas. En l'espace de quelques secondes, Kaden se retrouva en face de moi et je me cognai contre son torse dur, un cri de surprise m'échappant. Cela devenait une habitude avec lui.

« Tu triches ! m'exclamai-je en me frottant le nez, mon cœur battant la chamade.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il en haussant légèrement les épaules sur un ton espiègle.

— Bien sûr que si, le contredis-je. Tu viens d'utiliser ta super vitesse. C'est n'est pas juste ! ajoutai-je, une moue boudeuse sur le visage. »

Il rit et m'entoura de ses bras musclés alors que je tentais de fuir vers la salle de bain. Je me débattis doucement, essayant d'échapper à ses mains chatouilleuses. Je m'esclaffai, me tortillant dans tous les sens. Son rire rauque se répercuta dans ma poitrine. Je tentai encore une fois de me défaire de son emprise, mais je riais tant que cela m'était impossible. Je repris mon souffle difficilement. S'il continuait, j'allais m'étouffer.

Kaden poursuivit ses assauts, un sourire éclatant sur son visage. Je l'observai, les yeux pétillants de malice. Je l'avais bien mérité. Après tout, je l'avais expulsé de son lit dès le réveil. Toutefois, s'il avait le droit d'utiliser ses pouvoirs, je pouvais en faire de même. Joueuse, je tentai de me concentrer. Je ne savais pas exactement de quoi j'étais capable, mais je ne perdais rien à essayer. Je fermai les yeux, faisant abstraction de ses mains parcourant mon corps, et laissai cette nouvelle énergie qui courait en moi m'envahir. Il suffisait que je bouge suffisamment vite que pour me retrouver devant la porte de la salle de bain, l'ouvrir un souriant et m'y enfermer pour ne plus être embêtée. Je fis le vide dans ma tête. Après quelques instants, je sentis l'air bourdonner autour de moi. Une rafale souleva mes cheveux et, lorsque j'ouvris à nouveau les yeux, je faisais face au dos de Kaden qui, incrédule, fixait ses bras désormais vides. Il se retourna et ses yeux s'écarquillèrent. Je lui tirai la langue, n'ayant aucune idée de la manière dont je m'étais téléportée jusque-là.

« J'ai gagné ! »

Je m'apprêtai à ouvrir la porte, souriant jusqu'aux oreilles, lorsqu'un sentiment étrange me comprima la poitrine. Je me retournai, sachant pertinemment que cela venait de Kaden. Je fronçai les sourcils en remarquant qu'il ne souriait plus. Il semblait perdu dans ses pensées.

« Kaden, ça va ? lui demandai-je, inquiète. »

Soudain, il revint à lui et me sourit timidement. Ses traits se détendirent et ses yeux noisette pétillèrent de malice.

« Oui, bien sûr que ça va. Je ne pourrais pas aller mieux. »

Je pénétrai dans la salle de bain et voulus fermer la porte derrière moi, ayant besoin d'un peu d'intimité, mais il la bloqua avec son pied. Je le regardai, songeuse. Il plaqua son bras sur la porte en bois pour que je l'ouvre un peu plus, ce que je fis. Fini de joueur. J'avais beau avoir eu de la chance en me téléportant, je ne faisais clairement pas le poids contre un Teria. Il entra dans la pièce, s'assit sur le petit muret où trônaient quelques affaires et m'observa longuement. Je ris nerveusement. Il n'allait pas rester-là et me regarder prendre ma douche, tout de même ?

Je me dirigeai vers lui et lui fis un petit signe pour qu'il quitte la pièce et me laisse seule. Mais il refusa. Je rougis. Était-il sérieux ? Je me dandinai sur place, mal à l'aise face à son regard émerveillé. Je ne pouvais pas lui en vouloir de rester là. Après tout, il m'avait vue nue quelques heures plus tôt. Cela n'empêchait pas un sentiment de malaise de grandir en moi. Je n'avais pas l'habitude de ce genre de choses. Et tout s'était déroulé si vite...

Kaden finit par se lever, attirant mon attention, et attrapa mon poignet pour révéler mon bras droit. Il observa ma Marque et la caressa du bout des doigts avant de m'embrasser dans le creux du cou. Je frissonnai et fermai les yeux. Il attrapa mon menton et déposa ses lèvres charnues sur les miennes en une lente caresse, faisant s'envoler tous mes doutes. Il se détacha de moi et me regarda si intensément que j'en eus le souffle coupé.

« Tu es belle Lili, me dit-il en caressant distraitement mon tatouage, ce qui me fit frissonner. Peu importe ce que tu as fait avant, je te vois comme tu es. »

Je hochai la tête, surprise par ses propos. Je ne lui avais pas fait part de mes doutes, mais il semblait l'avoir compris de lui-même. Depuis qu'il m'avait expliqué la vérité, je ne pouvais m'empêcher de me sentir coupable. Tous ces extraterrestres que j'avais tués... Et même si je me répétais encore et encore que je n'étais pas responsable, que j'avais été endoctrinée par la BPP, ce sentiment de dégoût envers moi-même et ma nature persistait.

« Tu es quelqu'un de bien, Lili, ajouta-t-il face à mon mutisme. Peu de gens auraient osé faire ce que tu as fait. Tu n'es plus sous leur influence. Tu t'es détachée de la BPP. Tu as un frère extraordinaire qui s'occupe de toi, des amis qui t'ont protégée, et, maintenant, tu m'as moi. Je m'en fous de savoir ce que ces connards de la BPP t'ont obligé à faire. Mais jamais, je ne serais dégoûté par toi. »

Son discours me laissa sans voix. Je ne m'attendais pas à ça. Il me fixait si intensément qu'il me déstabilisa. Doucement, mes doutes, mes peurs, mes appréhensions s'évanouirent. Ses mots m'avaient touchée en plein cœur. Des larmes dévalèrent mes joues sous le coup de l'émotion. Malgré tout, je souris. Je l'avais lui, désormais. J'étais consciente de l'amour et de la fierté que je pouvais lire dans ses yeux, de son pouce effleurant ma joue, de sa main dans le creux de mes reins, me pressant contre lui pour me rassurer et appuyer ses propos.

Alors que je pensais qu'il ne pouvait rien dire de plus beau, il me souffla trois petits mots :

« Je t'aime. »

Et ces trois petits mots suffirent à me faire sentir mieux.

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Voici la dernière partie qui se concentre essentiellement sur le couple fraîchement formé de Kaden et Lili. Dans les prochains segments, il y aura beaucoup plus d'actions et d'explications.

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Publié le 26 février 2018 / Modifié le 17 août 2022