Chapitre 13.1
Mes baskets crissèrent sur le sol en béton tandis que mes pas déterminés résonnaient dans le long couloir menant à la section des Phénomènes Paranormaux. Les deux agents bodybuildés qui s'occupaient depuis des années de la partie paranormale me suivaient de près, essayant tant bien que mal de soutenir mon rythme effréné. Je remarquai que ceux-ci s'échangeaient de temps en temps des regards perplexes. Ils semblaient étonnés par ma froideur et mon manque de courtoisie. Habituellement, j'étais timide, douce et d'une politesse irréprochable. Aujourd'hui, je m'étais contentée de leur adresser des regards sombres. Les événements de ces derniers jours m'avaient complètement chamboulées. Je n'étais pas sûre de paraître impassible face à Monsieur Reichd.
Jase avait décidé qu'il valait mieux que j'y aille seule, comme à mon habitude. Pourtant, cette fois-ci, j'aurais aimé son soutien. J'avais beau tenter de maîtriser la rage qui bouillonnait en moi, j'en étais incapable. Je ne pouvais pas faire face de manière impassible au commanditaire de l'assassinat de mes parents. Je déglutis bruyamment et serrai les dents. Il fallait que je me contrôle si je ne voulais pas que mes pouvoirs s'activent de manière intempestive. J'inspirai longuement, retins l'air quelques secondes dans mes poumons avant d'expirer bruyamment. Je devais rester calme et me contenter d'expliquer notre absence prolongée suite à notre mission concernant les Foxites. Mais j'étais dans un tel état d'anxiété et de colère que je doutais d'y arriver. Toutefois, peut-être cela jouera-t-il en ma faveur ? J'étais toujours stressée en voyant Monsieur Reichd. Je devais simplement tenter de paraître en colère contre moi-même et non contre lui.
Je soupirai en apercevant la porte menant à la salle de réunion. Le moindre faux-pas et c'était terminé. La BPP découvrirait la vérité et je n'osais même pas imaginer ce qu'il adviendrait de moi. Les battements de mon cœur s'accélérèrent. Je ne voulais pas finir en bête de laboratoire. Je savais mieux que quiconque le sort que l'on réservait aux nouvelles espèces extraterrestres. S'ils découvraient ma véritable nature, je ne sortirais pas vivante d'ici. Je déglutis difficilement, les mains tremblantes. Toutes ces émotions contradictoires – la peur, l'angoisse, le stress, la colère, l'appréhension, le dégoût – se bousculaient dans ma tête. J'avais reçu tant d'informations depuis mon réveil que j'avais atteint mes limites. La moindre étincelle suffirait pour que je parte en vrille. Et j'étais persuadée que Reichd saisirait l'occasion pour me faire cracher le morceau. Je serrai les poings. Tout allait se jouer maintenant et j'avais l'impression d'être une véritable bombe à retardement prête à exploser dans un bâtiment rempli de personnes conditionnées à éradiquer toutes autres races habitant notre planète. Dont moi, maintenant.
« Ça craint, pensai-je en grimaçant. »
En effet, tout craignait dans ma vie pour l'instant. Je repensai à la conversation que j'avais eue avec mes amis et mon frère tout à l'heure. J'étais désabusée, leurs révélations ne m'aidant en rien à rester calme.
« Ne pas y penser. »
J'essuyai comme à mon habitude mes mains moites sur mon pantalon en cuir noir, me changeant les idées, et ôtai mes lunettes de soleil. Les deux gardes étaient toujours sur mes talons et semblaient moins suspicieux en remarquant que j'avais repris mes vieilles habitudes. Toutefois, leurs regards en biais et leurs chuchotements incessants faisaient grimper mon inquiétude en flèche. Quelque chose ne tournait pas rond et mon instinct me soufflait que je n'étais pas ici pour une simple visite de courtoisie. Malheureusement, il était trop tard pour revenir en arrière.
Je m'apprêtai à pousser les grandes portes blanches qui menaient à la salle de réunion lorsque les gardes m'informèrent que je devais patienter quelques instants. Surprise, j'eus un soubresaut, mes muscles se contractant sous l'effet du stress. J'espérais que les gardes n'avaient pas remarqué mon trouble. Je fixai à nouveau les portes. Mon sixième sens s'affolait. Quelque chose allait arriver. Mais maintenant que j'étais là, devant la salle où Monsieur Reichd m'attendait, je ne pouvais pas faire marche arrière. J'attendis alors patiemment, tentant tant bien que mal de dissimuler ma terreur grandissante.
Je profitai de ce moment pour m'appuyer sur le mur et soupirer un bon coup, secouant mes membres pour chasser la tension qui animait mon corps. Alors que je patientais, mes pensées divaguèrent et je repassai en boucle la conversation que j'avais eue plus tôt avec mes amis. Et dire qu'ils étaient au courant depuis le début... La partie rationnelle en moi comprenait pourquoi mon frère avait agi de la sorte et je n'en voulais nullement à Jesse, Grace et Jackson. Mais je me sentais flouée. Et si mes amis n'en étaient pas ? Et s'ils se contentaient d'effectuer leur boulot ? Je me sentais si proche d'eux, j'étais tellement fière d'avoir noué des contacts par moi-même avec des personnes normales. Mais non, Jase était encore derrière tout ça. Je serrai les poings. Pour une fois, je pensais que je menais ma vie seule, que j'effectuais mes propres choix. Mais mon frère était toujours derrière moi. Jackson, Jesse et Grace avaient eu une mission : me protéger. Nous n'étions pas devenus amis par hasard. Tout était prévu. La colère monta à nouveau en moi, ce qui n'était pas idéal en ce moment. Je ricanai intérieurement. À quel moment avais-je pu croire que mon frère me laisserait faire quelque chose sans s'assurer que je ne courais aucun risque ?
Je secouai la tête. Je devais voir le positif et laisser la rancœur de côté. Jase avait eu peur. Il voulait me protéger. Cela partait d'une bonne intention. Il savait à quel point c'était important pour moi d'aller à la fac pour me changer les idées. Il m'avait caché tout ça pour que je profite pleinement de mes amis et pour que je puisse réellement penser à autre chose. Mais j'avais beau me dire cela, ça me faisait quand même mal.
Lorsque ma mission d'infiltration à l'université du Wisconsin s'était terminée, Jase avait contacté Jesse, Jackson et Grace et leur avait tout révélé : notre condition, notre histoire, la peur qu'il ressentait en me laissant vivre une vie de jeune adulte normale, nos nouvelles missions, son besoin de me protéger... À ce moment-là, je connaissais déjà mes amis depuis quelques mois. Nous n'étions pas aussi proches, mais nous discutions de temps en temps. Cette pensée me rassura. Jase était intervenu après et non avant que je ne les rencontre. Mais quand j'avais vu mes amis et mon frère dans la voiture, leur complicité, j'avais ressenti un pincement au cœur. Au fond, c'était Jase qui s'était lié d'amitié avec eux, pas moi.
Je secouai la tête, tentant de reprendre mes esprits. J'avais l'impression que mon monde s'écroulait. Ma vie entière avait été créée de toute pièce. Jesse, Jackson et Grace étaient non pas des amis, mais des Protecteurs. Ces derniers étaient des personnes qui avaient été un jour confrontées à des événements paranormaux et que la BPP avait recruté pour qu'ils puissent nous aider. Je secouai la tête. J'étais partagée. Si mes amis avaient accepté d'être mes Protecteurs et de me protéger, c'était parce qu'ils tenaient à moi. Mais d'un autre côté, on les payait grassement pour ça. Rien ne me disait qu'ils étaient réellement attachés à moi. Leur motivation pouvait être double. Je savais que je ne devais pas leur en vouloir, mais je ne pouvais m'y résoudre. Je ne pouvais m'empêcher de penser que tous les moments que j'avais vécus avec eux étaient faux. Pourtant, ils m'avaient assuré que leurs sentiments à mon égard étaient réels. Mais rien ne m'assurait qu'ils ne cherchaient pas uniquement un bon poste au sein de la BPP. Pour eux, être Protecteur d'un Chasseur était une opportunité à ne pas louper.
Je massai mes tempes pour chasser le mal de tête qui commençait à poindre le bout de son nez. Je règlerai ces problèmes ce soir. Ou peut-être demain, ou après-demain. Ou bien jamais. J'avais espoir que le temps arrangerait les choses. Mais je savais qu'une discussion était inévitable. J'étais trop blessée que pour laisser cette rancœur s'atténuer et agir comme si de rien n'était. La preuve : Grace m'avait suppliée de les écouter avant que je parte, mais j'avais refusé d'entendre un mot de plus venant de leur part. Et je le regrettais amèrement. J'aurais dû les laisser s'expliquer. Étant donné que mon frère les avait envoyés chercher nos affaires dans notre villa pour les amener au Repaire, je ne risquais pas d'avoir le temps pour une conversation à cœur ouvert de sitôt. Et si mon entrevue avec Reichd tournait mal, je n'en aurais plus jamais l'occasion. Je déglutis. J'avais l'impression que cela faisait des heures que j'attendais, seule, dans cet immense couloir.
Soudain, la porte de la salle de réunion s'ouvrit. Mon cœur cessa de battre et j'attendis, pantelante, qu'on me demande d'entrer. Il était temps pour moi de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour convaincre la BPP. Mon cerveau fonctionnait à plein régime. Qu'allais-je bien pouvoir dire à Monsieur Reichd pour le persuader que nous étions toujours de son côté ? Ce dernier m'intima d'entrer dans la salle d'un blanc éclatant. Il me toisa longuement, son regard me parcourant de la tête au pied. Je me ressaisis rapidement et me positionnai dans une posture plus désinvolte. J'inspirai profondément, ne sachant pas à quoi m'attendre. Et s'il me posait des questions sur le Teria, réussirai-je à mentir ? Je ne pouvais pas révéler la véritable identité de Kaden. Il en était hors de question. Avant ma transformation, avant ma rencontre avec lui, je l'aurais fait sans hésiter. Mais je n'étais plus sous l'influence de la BPP. Depuis ma dernière entrevue avec Monsieur Reichd, j'avais commencé à avoir des doutes. Maintenant que mes suppositions étaient confirmées, il m'était inimaginable de livrer un seul alien de plus à la BPP.
Je frottai mes mains moites sur mon pantalon, attendant qu'on m'invite à m'asseoir. Reichd m'attendait, debout, près de sa chaise, ses yeux perçants me fixant froidement. Il se situait en bout de table, comme la dernière fois. Je me dirigeai à la place opposée et enlevai prestement mon manteau de manière réfléchie et contrôlée. Je le posai sur le dossier de ma chaise et attendis.
« Mademoiselle Clark ! s'exclama soudainement Monsieur Reichd. »
Il contourna la table, se posta devant moi et me serra fermement la main. Un sourire carnassier se dessina sur son visage et j'eus un mauvais pressentiment. Je pouvais voir danser dans ses yeux la rage et la colère. Il était au courant de quelque chose. Un instant de malaise s'ensuivit et il fixa étrangement ma main droite portant une mitaine. Je tressaillis. Il releva ses petits yeux de fouine vers moi en fronçant les sourcils. Il l'avait senti. Je lâchai enfin sa main, de plus en plus mal à l'aise, et il me fit signe de m'asseoir, tout en fixant ma main. Je la cachai rapidement sous la table, embarrassée. Je ne pouvais pas lui montrer ma Marque sans qu'il ne se pose encore plus de questions. Le problème n'était pas qu'il voie mes nouveaux dessins. Là où cela pouvait devenir compliqué, c'était s'il remarquait les nouvelles teintes vertes qui parcouraient mes symboles.
Après de longues secondes, il brisa le silence :
« C'est un plaisir de vous voir à nouveau, avec de bonnes nouvelles, j'espère.
— Bien entendu, Monsieur Reichd. »
Pourquoi avais-je dit cela ? Je n'en avais aucune idée. De bonnes nouvelles, je n'en avais pas. Pas pour lui en tout cas. Je croisai mes mains sur la table, tentant de paraître sûre de moi.
« Nous avons démantelé un réseau de Foxites, il y a quelques jours de cela, dis-je d'un ton placide.
— Encore ces sales bêtes ! s'exclama-t-il. Heureusement que nous avons mis nos deux meilleurs Chasseurs sur cette mission. J'espère qu'ils ont été mis hors d'état de nuire.
— Oui, bien entendu, répondis-je, toujours aussi calmement. »
Un silence pesant s'installa alors que Monsieur Reichd semblait réfléchir longuement. J'attendais le moment où il me demanderait où nous avions disparu ces cinq derniers jours, ce que nous faisions, pourquoi nous ne nous trouvions pas dans notre villa. Le bourdonnement des ordinateurs augmenta mon anxiété. Mes sens étaient si aiguisés que j'avais envie de me frapper la tête sur la table. J'entendais même d'ici la respiration et les battements de cœur du directeur de la BPP. Je tentai de garder mon calme et de paraître sûre de moi. Je me mordis la lèvre inférieure, stressée, avant de sourire en repensant à mon baiser échangé avec Kaden quelques heures plus tôt. Si doux, mais violent à la fois. Je touchai mes lèvres du bout des doigts, oubliant totalement où je me trouvais. Mon cœur se serra en pensant à lui. La distance m'était insupportable et ma peau me démangeait. Je me sentais à l'étroit dans mon corps, comme incomplète.
« Mademoiselle Clark ? m'interpella Monsieur Reichd, ayant remarqué mon état second. Vous allez bien ?
— Oui, oui, affirmai-je en me ressaisissant rapidement. »
Je repris une certaine contenance, me redressant sur ma chaise. J'affichai un air neutre, attendant la suite des évènements. Mais en même temps, tous mes signaux d'alerte étaient au rouge. Quelque chose n'allait pas. Reichd ne m'avait demandé aucune explication alors que Jase savait pertinemment que la BPP nous recherchait. Ils avaient même fouillé notre maison. Pourquoi ne m'en parlait-il pas ? Je tâtai le petit couteau en pierre rare qui était caché sous ma manche, attaché à mon poignet. Nous étions en principe obligés d'abandonner toutes nos armes à l'entrée du bâtiment, ce que j'avais toujours fait jusque-là. Je ne voyais pas pourquoi j'aurais dû me sentir menacée à l'endroit où j'avais grandi. Mais maintenant, tout était remis en cause. Mes muscles se bandèrent et tous mes sens s'exacerbèrent. J'étais prête à bondir s'il le fallait.
« Et pour le Teria ? Des nouvelles ? me demanda-t-il enfin en fixant ses ongles de manière nonchalante.
— Eh bien... Non, dis-je en pesant chacun de mes mots pour les rendre plus réalistes. Cet alien est de loin le plus intelligent et le plus puissant que je n'aie jamais rencontré. Aucun de nos appareils technologiques n'a su le trouver, ni le localiser.
— Ah, vous l'avez donc rencontré. Tout ceci est bien fort embêtant, rétorqua-t-il en me sondant de ses yeux cruels.
— C'était une expression, balbutiai-je. Si j'avais été en contact avec lui, il serait déjà ici. »
Il semblait sceptique face à mes explications.
« Je comprends l'importance de cette mission, Monsieur. Mais rien ne presse, si ?
— Pardon ? »
Monsieur Reichd se leva brusquement de sa chaise et claqua ses mains sur la table blanche. Les ondes se répercutèrent sur les murs dénudés, amplifiant sa colère. Ses yeux me lancèrent des éclairs et je tremblai comme une feuille. Il était terrorisant. Je balbutiai des excuses minables, ne sachant pas quoi dire d'autre. Je tentai de me justifier en expliquant que mon état de fatigue et d'épuisement extrême, qui était tout à fait visible vu mes traits tirés, était dû à la traque de ce Teria qui demeurait introuvable. J'inventai même que Jase n'avait pas pu se présenter à cette réunion car il suivait une nouvelle piste qui nous menait à l'autre bout de l'État, ce qui était faux, bien entendu. J'expliquai aussi que nous avions poursuivi une trace durant cinq jours, ne donnant aucune nouvelle, car cette dernière était non concluante. Nous avions honte, répétai-je plusieurs fois, m'embrouillant et me trahissant de la sorte. J'avouai difficilement que nous avions eu du mal avec les Foxites et que nous avions failli y rester. Mon état de panique était tel que cela devait jouer en ma faveur, mais mes explications étaient tant dénuées de sens que je vis à l'expression de Monsieur Reichd qu'il avait compris que je mentais.
« Notre planète se meurt, Mademoiselle Clark. Les scientifiques estiment que nous devons commencer à trouver des solutions dès maintenant, me coupa-t-il. Et vous osez vous plaindre de votre fatigue ? Nous n'avions jamais dit que votre travail était facile... Alors arrêtez de me présenter des excuses idiotes.
— Oui, Monsieur. Je comprends, Monsieur, balbutiai-je à nouveau. Mon frère et moi faisons tout notre possible pour retrouver cet alien.
— Manifestement, tout votre possible n'est pas suffisant, me coupa-t-il.
— Nous ne sommes pas fiers de nos échecs cuisants, vous savez. Peut-être devrions-nous obtenir de l'aide ? Nous sommes deux sur cette mission et...
— Mais vous êtes les deux meilleurs Chasseurs du pays, m'interrompit-il encore une fois, hors de lui. Vous auriez dû trouver cette aberration de la nature depuis bien longtemps. »
Je ne pus m'empêcher de tiquer en l'entendant comparer Kaden à une aberration. Mon visage fermé et mes mains crispées sur la table me trahirent. Le sourire de Monsieur Reichd se fit carnassier et il se dirigea vers moi, comme une panthère prête à bondir sur sa proie. Je déglutis. J'étais entrée dans son jeu. Je m'étais trahie du début à la fin. Il n'avait jamais eu de doutes sur nous. Il savait depuis le début que nous n'étions plus de son côté. Reichd sourit étrangement et s'assit prestement en appui sur le bord de la table. Il m'avait encore une fois manipulée. Je grognai. Ma poigne se fit plus ferme et je serrai les dents. Il avança son visage vers moi et plissa les yeux, moqueur.
« Vos intentions auraient-elles changées, Mademoiselle Clark ? me demanda-t-il d'un sourire malsain.
— Pardon ? répliquai-je le plus naturellement possible, essayant de paraître offusquée. Non, je...
— Vous m'avez très bien entendue. Vous savez de quoi je parle. Vous semblez peu impliquée dans vos recherches, me coupa-t-il.
— Non, bien sûr que non. Je vous le garantis, balbutiai-je. »
J'essayais de jouer la comédie comme je le pouvais, mais cela semblait insuffisant. J'étais cuite. Il m'avait percée à jour. Je ne faisais que m'enfoncer encore et encore. Ce manipulateur savait qu'il m'avait eue dès l'instant où il avait mentionné le Teria. Et maintenant, il profitait de cette percée pour me réduire complètement en cendres. Je sentais la lame attachée à mon poignet devenir de plus en plus lourde. Je devinais que je ne ressortirais pas d'ici sans séquelle.
« Ce Teria est extrêmement puissant, dis-je après un petit instant, tentant de le rassurer. Je vous demande uniquement quelques semaines de plus.
— Impossible. »
Son ton était froid, catégorique. Son visage se ferma brusquement et il me tourna le dos, regardant les différents écrans translucides disposés sur un des murs. La représentation holographique de la Terre tournait devant son visage dur tandis que des petits points s'approchaient de l'atmosphère. J'en déduisis que ces derniers n'étaient autre que des vaisseaux extraterrestres arrivant sur notre planète. Un tas d'autres données s'affichèrent sur les multiples écrans qui couvraient l'entièreté du mur. Je reconnus sans problème X-Teria, cette planète bleue si belle, si attirante. Je pensai alors à Kaden et à tout ce qu'il avait dû abandonner en venant ici.
« Trois semaines, décréta-t-il, impassible, en observant les différentes données qui ne cessaient de varier sur un des écrans inférieurs.
— Un mois, quémandai-je.
— Pas plus. »
Je soufflai. Avais-je réussi à la convaincre ? C'était à ne rien comprendre. Je sentais qu'il connaissait la vérité. Pourtant, je me détendis. Il suffisait que j'accepte et que je parte et rien n'arriverait. Toutefois, avant cela, je voulais avoir le cœur net.
« Pourquoi voulez-vous absolument vous dépêcher ? demandai-je d'un ton froid, ma haine envers cet homme étant si grande qu'il fallait que je la lui crache au visage. »
Il se retourna vers moi et me toisa de façon étrange. Je compris à ce moment que l'expression « Tourner sa langue sept fois dans sa bouche » n'avait pas été inventée pour rien.
« Que voulez-vous vraiment faire de ce Teria ? ne pus-je m'empêcher de demander, signant définitivement mon arrêt de mort.
— Depuis quand les conditions d'un extraterrestre vous intéresse-t-elle ? cracha-t-il, furieux. »
Je m'enfonçai dans mon siège. J'étais fichue. Je serrai de toutes mes forces la pauvre table blanche pour éviter de me laisser emporter par mes sentiments. Une démonstration de pouvoir inattendue était une des dernières choses dont j'avais besoin.
« Je cherche simplement à m'informer sur mon contrat. »
Il grogna et parut hésiter. Finalement, à mon plus grand étonnement, il décida de me dire la vérité. Cet homme était-il bipolaire ou se jouait-il simplement de moi ? Il me regarda de ses petits yeux de fouine et m'annonça d'une voix monotone :
« Nous voulons coloniser leur planète. Mais ça, vous le saviez déjà, non ? »
Son ton paraissait si détaché qu'il me glaça le sang. Il analysa ma réaction, puis, voyant que je ne montrais pas une seule once de tristesse ou de peine, il continua :
« Il nous faut ce Teria pour l'analyser. Nous devons nous préparer à une guerre. »
Je hochai la tête, ne sachant pas quoi faire d'autre, et alors que je m'attendais à ce que des tonnes de gardes me tombent dessus, la porte s'ouvrit doucement, laissant place au long couloir interminable qui menait à la sortie. Surprise, j'eus du mal à me lever. Je regardai une dernière fois Monsieur Reichd et, voyant qu'il était déjà concentré sur autre chose, je me relevai d'un bond. Je remis mes lunettes de soleil ainsi que mon manteau et repartis dans le couloir d'un pas assuré. Je ne comprenais pas ce qu'il venait de se passer. Il semblait avoir des doutes. J'étais même persuadée qu'il était au courant de tout. Alors pourquoi me laissait-il partir ainsi ? Peut-être que mon manque de réaction lors de sa dernière tirade l'avait convaincu que j'étais toujours de son côté ? Je secouai la tête. Ma priorité était de sortir de ce bâtiment de malheur. Je ne savais pas pourquoi il m'avait laissée m'enfuir alors qu'il paraissait si sûr que je lui cachais quelque chose, mais ce n'était pas maintenant que je devais y penser.
Après de longues minutes, je fus enfin dehors, un souffle chaud s'écrasant sur mon visage. Je soupirai et respirai enfin. Je me dirigeai, tremblante, vers la voiture, les rayons du soleil caressant ma peau. Jase m'attendait, nonchalamment appuyé sur la portière côté conducteur. Une fois que je fus dans l'habitacle, mon frère démarra en trombe. J'étais un peu plus sereine maintenant que cette entrevue était passée, aussi bizarre fut-elle. Malheureusement, avant de partir, je n'avais pas remarqué que la table que j'avais compressée de toutes mes forces était complètement déformée et fissurée, chose qu'un simple Chasseur n'aurait jamais réussi à faire.
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J'espère que cette partie vous a plu !
> Jesse, Jackson et Grace, des Protecteurs ?
> Monsieur Reichd est-il au courant de la véritable nature de Lili ?
> Comment s'en est sortie notre fabuleuse Chasseuse lors de son entrevue avec le directeur de la BPP ?
> X-Teria est-elle réellement menacée ?
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LosUnivers
Publié le 21 janvier 2018 / Modifié le 12 septembre 2021
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