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20 octobre - PREMIER TATOUAGE


Lol ne serais-je pas encore en retard hum ? :3


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Né d'une famille de nécromanciens, ma lignée était reconnaissable par le tatouage qui arborait ma peau dès mes premiers jours et grandissait les années passantes. J'étais né avec un dessin à l'encre noire représentant une carte de jeu vide qui s'était remplie les années suivantes du sigle de la vie et celui de la destinée.

Au fil du temps d'autres cartes s'étaient incrustées sur mon épiderme et portaient tantôt des dessins témoins de ma vie et de ses épisodes marquants, tantôt des défis à relever, des images prémonitoires ou des morceaux de destin éparpillés.

Il n'y avait aucune règle, cette marque évoluait irrégulièrement sur ma peau, puisant son encre dans les péripéties de ma vie.

Ma sœur avait l'habitude de reproduire à la peinture, sur mon mur les inscriptions qui naissaient sur ma peau pour que je puisse les consulter et les analyser à mes heures perdues. En début de chaque mois, elle observait scrupuleusement mon dos à la recherche des moindres détails qui s'étaient ajoutés au tableau. Si bien que du haut de mes 26 ans aujourd'hui, je contemplais chaque matin un total de six cartes pleinement remplies et les contours d'une septième affleurant tout juste ma chair.

- Pryam nous sommes le premier du mois, laisse-moi voir si de nouveaux indices se sont dessinés.

Je hochais la tête silencieusement et retirais mon t-shirt, découvrant sous ses doigts délicats, la peau de mon dos. Je les sentis parcourir les lignes et les angles des cartes précédentes puis s'aventurer sur la dernière d'entre elles. Ma sœur inspira, pensive, en effleurant les traits d'une nouvelle esquisse.

- On dirait deux silhouettes, deux silhouettes enlacées.
- La représentation de personnages est rare, et il n'y en a jamais eu plus d'un sur une même carte, soufflais-je intrigué.
- Pryam... je crois que l'une de ces silhouettes est la tienne.
- Pardon ?

Je me levais précipitamment et me plaçais dos au miroir de ma chambre. Je me luxais presque le cou pour inspecter la nouvelle illustration. Il est vrai, la silhouette de droite semblait imiter les courbes de mon visage. Le degré de détail était tel que je pouvais apercevoir sur le dos de celle-ci une miniature du tatouage que j'observais simultanément.

- Cette personne prendra sans aucun doute une place importante dans ta vie. Puisses-tu croiser sa route rapidement. 

Je ne répondis rien. Je n'étais pas certain de vouloir rencontrer un individu dont l'apparition avait déclenché, pour la première fois, l'inscription de mon propre visage sur ma peau. 

La deuxième silhouette, agenrée, tatouée sur ma peau, était dotée de bien peu de détails pour m'aider à la retrouver au milieu de cette société foisonnante. Pas de couleurs, un corps de trois-quarts dont je percevais davantage le dos que le visage, un corps enlacé à celui qui semblait être le mien et déformait donc certainement ses proportions, j'abandonnais bien vite mon analyse, quelque peu frustré.
Il ne me restait plus qu'à attendre que cette mystérieuse personne ne me tombe dessus comme chaque événement avant elle l'avait fait.

Je n'attendis pas bien longtemps.

Deux jours plus tard, alors que la pluie m'avait pris par surprise et que je courais sous les cordes d'eau à la recherche d'un abri, je percutais de plein fouet un homme légèrement plus grand que moi dont les yeux sans blanc semblaient recouverts d'une épaisse matière noire. 

- Excusez-moi ! Est-ce que vous allez bien ? Lui demandais-je en l'aidant à se relever.

Nos mains se tenant toujours, mon interlocuteur laissa planer un silence surpris.

- Vous n'avez pas peur de moi ?

Je taisais volontairement toute explications sur mes origines et les habitudes plus que sinistres de ma famille et lui sourit.

- Vos yeux m'ont laissé un temps sans voix, mais il en faut plus pour m'effrayer.
- Je vais bien ne vous en faites pas, répondit l'inconnu en retirant sa main que je tenais jusqu'ici. Je ferais mieux de continuer mon chemin, je suis attendu.

Il me tendit une carte que je récupérais par réflexe et il inclina légèrement la tête par courtoisie avant de tourner les talons et de poursuivre son chemin sous la pluie. Nous étions tous les deux désormais trempés jusqu'aux os et je culpabilisais un peu d'avoir abîmé le beau costume qu'il portait.

Je me dépêchais de rentrer et pris seulement le temps d'observer la carte, une fois douché et sec. Je fus surpris de n'y voir aucune inscription. La carte était totalement noire. Son recto comme son verso étaient dénués de toute information.
Étrange... Qu'avait donc en tête cet étranger et me donnant une carte vierge ? 

Je m'installais dos à mon miroir et relevais mon t-shirt. Mon cœur sembla se figer lorsque j'aperçus sur ma peau, la présente carte que je tenais dans les mains, coincée entre les doigts de la deuxième silhouette. Sur le tatouage, cependant, étaient inscrits quelques mots trop minuscules pour que je puisse les déchiffrer.

Impatient, j'attendis donc ma sœur jusqu'au soir.

- Lewyla ! Quelque chose est apparu, m'écriais-je dès son entrée dans la maison.
- S'est-il passé quelque chose de notable aujourd'hui ?
- J'ai rencontré un homme aux yeux monochrome qui m'a donné une carte vierge. Les informations censées y être inscrites semblent l'avoir été dans ma peau plutôt que sur le papier.
- Étrange, fais-moi voir ça.

Elle prit une loupe dans la commode de l'entrée et s'appliqua à écrire sur une page de son carnet, les lettres et les mots qu'elle décryptait ou traduisait.

- C'est une langue ancienne, peu utilisée de nos jours. Il y a une adresse qui n'existe pas sur la cartographie actuelle de la ville. Il faudrait regarder une version antérieure et les superposer. Il y a également un nom et un prénom.
- Dis-moi.
- Adam Ellingsen. Il n'est pas d'ici.
- Adam... Murmurai-je.

Par des moyens qui m'étaient inconnus et par un réseau bien plus développé que le mien, ma sœur se procura une carte ancienne, jaunie par le temps, précieusement roulée et préservée dans un long tube de bois finement travaillé.

- Pourquoi l'étui est-il tant ouvragé ?
- C'est une cartographie réalisée par la troisième génération de nécromanciens, elle y relate les activités des défunts plutôt que celle des vivants. Elle rassemble les lieux de forte affluence d'esprits et leurs errances ainsi que les endroits imprégnés de chamanisme et d'exorcisme.

Hochant la tête, je superposais une carte actuelle et nous eûmes besoin d'une dizaine de minutes pour repérer l'adresse donnée.

- Une ancienne morgue, pointa Lewyla.
- Et une entreprise de pompes funèbres aujourd'hui, ajoutais-je.
- Cet inconnu a indéniablement un lien avec les défunts.
- Se pourrait-il qu'il soit nécromancien lui aussi ?
- Non. Chaque génération de nécromanciens est minutieusement recensée, ce nom n'apparait sur aucune lignée. Tu comptes te rendre à cette adresse ?
- Oui dès demain.
- Sois prudent, tu n'as pas encore développé tes aptitudes de spiritisme. Si cet homme possède de quelconques pouvoirs, tu ne pourras pas te défendre. 

Je soupirais, habitué à ce discours. Ma sœur avait quelques prédispositions pour la nécromancie depuis ses quinze ans, mais rien ne s'était encore déclenché chez moi et ma famille s'inquiétait que je ne rejoigne jamais officiellement la lignée familiale. Mon père m'avait enseigné la théorie, ma mère m'avait expliqué que nos pouvoirs naissaient naturellement après mon premier contact avec un esprit.

Seulement voilà, mes parents, ma sœur, mes cousins, tous m'avaient emmené avec eux sur des scènes d'exorcisme ou de chamanisme, pour assister à des prises de contact, des conversations avec les défunts, ou bien leur passage vers l'après, mais jamais aucun soupçon de nécromancie s'était développé chez moi. Je ne pouvais, par conséquent participer à aucune mission donnée à notre famille et étais réduit à regarder de loin mes paires effectuer le travail en simple spectateur.

Mais ce n'est pas inquiet que je me rendis à l'adresse décryptée le lendemain matin. J'étais plutôt intrigué voire excité d'en découvrir un peu plus à propos de cet homme. Je frappais à la porte bien avant l'heure d'ouverture des magasins. La boutique était sombre, éteinte et vide. Une affiche sur la vitre indiquait que le lieu n'ouvrait qu'à onze heures et il était à peine neuf heures du matin. 

J'appuyais sur la sonnette plusieurs fois avant qu'un passant ne s'approche de moi.

- Jeune homme si vous cherchez le propriétaire de l'endroit, il ne descendra pas avant dix heures et demi, son appartement est juste au-dessus, au sixième étage.

Je levais les yeux, observant la façade de l'immeuble et plus particulièrement les fenêtres du sixième étage. Des rideaux opaques étaient tirés et je ne pu deviner ce qui se trouvait derrière. Aussi, je n'hésitais pas un instant de plus avant de m'avancer vers le portail principal de l'édifice. Aucune étiquette sur l'interphone n'annonçait le prénom Adam ou le nom Ellingsen. Alors poussé par une simple intuition, je pressais le seul bouton innomé. 

Seul le silence me répondit et je retentais la manipulation.
Cette fois chevrotante me répondit :

- Aucun locataire ne vit à cet étage, vous faites erreur.

Le concierge, pensais-je déçu.

- Un passant m'a dit que le propriétaire du magasin de pompes funèbres vivait l'étage au-dessus, expliquais-je.

Mais la voix s'était éteinte et je me retrouvais de nouveau face à ma propre frustration.
Au même instant, une femme sortait avec son chien et je bloquais le portail juste avant qu'il ne claque derrière elle. Je m'infiltrais dans la cour de l'immeuble où un chat de gouttière me toisait vilement. 

Arrivé devant la dernière porte qui me séparait des étages, je sonnais au hasard à un nom qui m'était inconnu, prétextant le remplacement des moquettes de l'escalier pour que le locataire m'ouvre sans se poser de question.

Une fois à l'intérieur, je grimpais les marches quatre à quatre jusqu'au sixième étage désirant en avoir le cœur net.

Dans le couloir des cinq premiers étages, des lampes chaudes et jaunes illuminait une tapisserie bourgeoise et une moquette que malheureusement, je ne remplacerais pas aujourd'hui comme promis à cet inconnu qui m'avait ouvert la porte. Cependant, au fil de mon ascension, la luminosité semblait décroitre, comme si les ampoules s'étaient accordées pour faiblir conjointement et plonger le sixième étage dans une pénombre peu rassurante.

L'étage était sous les toits et le couloir ne menait qu'à une unique porte de bois, affublée d'une poignée de fer vieillit. Je m'en approchais, légèrement surpris par le cocktail d'appréhension et d'enthousiasme qui naissait au fond de ma poitrine.

Je frappais contre le pan de bois et attendis.
Rien.

Je frappais une deuxième fois.
Toujours rien. 

L'étage était-il véritablement inhabité ?

- Il y a quelqu'un ? Adam Ellingsen, vous m'avez donné une carte bien étrange.

Une fois de plus, l'écho de ma propre voix fut ma seule compagnie.
Nous étions-nous trompés sur l'adresse ? Avait-on mal superposé les cartes ?
Seul avec ma déconfiture, je rebroussais chemin contrarié. 

Mais arrivé au sommet de la première marche d'escalier, j'entendis un long et distinct grincement résonner dans mon dos.

Je tournais vivement les yeux et vis que la porte était entrebâillée. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et je m'y précipitais par peur qu'elle ne se referme dans un claquement froid avant que je ne réussisse à l'atteindre.
Mais heureusement, mes doigts se posèrent sur la poignée sans que cet interstice ne se comble. Je poussais la porte prudemment. 

L'appartement était plongé dans le noir complet mais je n'étais pas particulièrement anxieux, j'avais l'habitude de ce genre d'ambiance obscure.

- Il y a quelqu'un ? Je doute que la porte ne se soit ouverte d'elle-même.

Une bougie s'alluma soudain au centre de la salle qui me faisait face, m'arrachant un hoquet de surprise. Dans le halo de lumière tout juste généré, se découpait une partie du visage de l'homme que j'avais bousculé la veille.

- C'est une véritable énigme, ou une chasse aux trésors que vous avez mis en place, il est bien difficile de vous approcher, commentais-je.

Il ne disait rien, s'approchant lentement de moi, la bougie se consumant dans ses doigts.

- Vous allez vous brûler, soufflais-je plus bas alors qu'il se trouvait désormais à quelques pas de moi.

Il ne s'arrêta que lorsque son regard surplomba le mien et je dus lever les yeux pour le regarder et retrouver ses pupilles si étrangement et entièrement noires. Il était si proche que la flamme, en proie à ma respiration, vacillait faiblement. Les premières gouttes de cire chaude coulèrent sur ses doigts pâles, mais je ne vis aucune réaction trahir son visage.

- Hum... je suis venu parce que vous m'avez laissé votre carte, dis-je mal à l'aise pour combler ce silence gênant.
- Tu es étrange.

Mon regard s'illumina en entendant de nouveau le timbre grave de sa voix. 

- Habituellement, personne ne se souvient de moi.
- Vous avez pourtant une apparence qui marque les esprits.
- Mon empreinte sur cette terre est telle un mirage, je suis trop léger dans l'esprit des gens pour que des souvenirs de moi se forment dans leur esprit préoccupé.
- Est-ce pour cela que le concierge m'a assuré que personne ne vivait au sixième étage ?
- Oui.
- Pourtant un homme dans la rue m'a indiqué votre appartement, répliquais-je.
- Il n'était plus fait de chair et d'os.

Mes yeux s'écarquillèrent en essayant de me remémorer la scène. Effectivement, les contours de cet homme étaient flous et ses pieds s'étaient confondus dans une brume claire qui brouillait ses traits.

- Un esprit, constatais-je.
- Oui.
- Et vous ?
- Je suis entre les deux. Je vis dans ce corps qui n'est pas le mien.
- Je vois.

L'un de ses sourcils se leva. Il était visiblement étonné par mon calme et mon détachement pour une conversation dont le sujet principal était, grossièrement appelé : les fantômes.

- Tu es nécromancien ?
- Bingo !
- Voilà pourquoi je n'ai pas quitté ta mémoire.
- Va-t-on rester à se parler dans le noir jusqu'à ce que la bougie complète ne fonde sur vos mains ?
L'homme baissa les yeux constatant la matière chaude et durcie sur sa peau et sur le sol. Il souffla sur la flamme et l'obscurité nous avala.

- Tout compte fait, je n'aurai pas dû me plaindre de la bougie, bougonnais-je.

Je jurais entendre un semblant de rire avant que les lustres de l'appartement ne s'éclairent enfin au-dessus de nos têtes, découvrant un appartement, pour le moins...vide.
L'appartement en lui-même était joli, ancien, décoré de papier peint, de boiseries et de lustres en cuivre mais l'intégralité des meubles se résumait à un matelas une chaise près de la fenêtre et une plante en pot. Il n'avait ni vaisselle, ni réserve de nourriture, ni table, ni dressing. Et maintenant que j'y pensais, il portait le même costume que la dernière fois où nous nous étions croisés.

- Vous mangez dehors ?
- Je ne mange pas.

Je haussais un sourcil.

- Ce corps n'a-t-il pas besoin de nutriments ?
- Non, ce corps ne vit plus, je l'anime seulement, c'est tout comme un pantin de cire. Et vue ma condition, ni l'enveloppe ni moi avons besoin ni de manger, ni de dormir, ni de boire.

Quelle triste vie, pensais-je. 

- Pourquoi occupez-vous ce corps ?
- D'autres esprits errants m'ont expliqué que c'est parce que je n'arrive pas à passer dans l'après.
- Savez-vous pourquoi vous n'y arrivez pas ?

Son regard s'était perdu sur les rainures du parquet tandis que lui se perdait dans ses pensées.

- Adam ?

Il releva les yeux, frissonnant à l'entente de son prénom et je décidais de laisser tomber les honorifiques pour tisser un lien de confiance avec cet esprit visiblement très seul.

- Sais-tu pourquoi tu n'y arrives pas ?
- Je ne suis pas sûr... Les causes sont diverses et variées. Certains esprits ne passent pas dans l'après parce qu'ils n'ont pas pu dire au revoir à leurs proches, parce qu'ils ont commis des actes qu'ils regrettent, parce qu'ils n'acceptent pas leur mort ou parce que leur vie à manquer de quelque chose.
- Quoi comme quelque chose ?
- Du respect, de la considération, de l'attention, de tolérance... d'amour ?
- Où te situes-tu ?

Il plongea la matière noire de ses yeux dans mon regard et je n'y distinguais aucune lueur aucune émotion. Ses yeux étaient totalement inexpressifs et peut-être qu'à cet instant, je le regrettais.

- Je n'ai jamais été désiré, aimé, choyé.

Je m'en doutais. Il n'avait pas prononcé le mot amour en dernier par coïncidence. Et une seule image tourbillonnait dans mon esprit, celle de ce tatouage incrusté dans ma peau qui représentait nos deux silhouettes enlacées. Était-ce une image prémonitoire ? Une sorte de mission qui m'était confiée ? Ou bien était-ce la matérialité d'un intérêt, d'un désir, d'un élan de tendresse envers lui qui naissait au fond de moi ?

- Ressens-tu des choses ? Des sensations, des sentiments, des peurs ?
- Oui, enfin, ce corps les ressent et par assimilation, je crois que les discerne et les vit aussi.
- Bien, répondis-je seulement en m'avançant vers lui et en le tirant contre moi.

Adam se figea dans mes bras.

- Que fais-tu ?
- Je te transmets de la chaleur et de la tendresse. 

En prononçant cette phrase, je m'amusais de cette explication si pragmatique et technique qui estompait presque toute l'ingénuité et la spontanéité du geste. Mais ce n'était pas grave, les sensations étaient bien présentes.

- Adam, je peux peut-être t'aider.
- Comment ?
- Je n'ai pas encore mes habilités de nécromancien mais je peux essayer de combler ce qui t'empêche de quitter cette réalité en paix. Je reviendrais te voir !

Il fronça les sourcils alors que j'éloignais nos deux corps.

- Tu pars ?
- Je travaille figures-toi, je dois y aller.
- Attends !
- Quoi ?
- Ton nom ? Quel est ton nom ?
- Pryam, dis-je en souriant.

Je le saluais rapidement et quittais l'appartement.

À compter de ce jour, chaque matin avant d'aller travailler, je me rendais chez Adam pour passer du temps avec lui. Il nous en fallait peu pour partager l'attention que nous avions tous deux à offrir. Une discussion, une promenade, une étreinte, parfois il m'accompagnait boire un café et me demandais de lui conter les sensations que me procurait la boisson. Nous avions même fait une traversé en bateau sur le fleuve de la ville. 

J'étais conscient que ce jeu était dangereux et que je serais le seul d'entre nous deux à m'en mordre les doigts, mais il m'était insupportable d'imaginer toutes ses âmes en peine qui erraient parmi les humains sans pouvoir s'en approcher, leur parler, les toucher. Ils étaient là, oubliés, coincés entre deux mondes pour l'éternité, condamnés à devenir fous, fous de solitude.

Je ne pouvais ignorer les sentiments qui naissaient timidement entre nous et qui seraient la clé de sa délivrance. Il fallait un signe tangible que je retardais. Des mots significatifs, un baiser, une nuit de caresse, une preuve d'amour que je refusais, au fond de moi, de lui offrir trop rapidement.

Une fois cette preuve donnée, une fois nos sentiments manifestes et réciproques, il disparaîtrait vers l'après où je n'avais aucun accès et lui n'en aurait plus vers le présent. J'avais peut-être un peu peur de perdre cette nouvelle présence réconfortante à mes côtés. 

Je calmais ma conscience en me disant que son errance était sans doute moins désagréable maintenant qu'il pouvait parler à quelqu'un, être reconnu, et être remémoré.

Au début du mois suivant, comme à son habitude Lewyla demanda à examiner mon dos.

- Ce n'est pas la peine.
- Pryam, répondit-elle d'une voix plus autoritaire.
- Pas aujourd'hui, je n'ai pas envie.
- Pryam ! Depuis quelques semaines tu disparais chaque matin bien avant le début de ton activité. Me penses-tu idiote ? Depuis que tu t'es rendu chez cet étranger, tu es différent !
- Ça ne te regarde pas Lewyla !
- Je suis persuadée que ce que tu nous caches doit entraîner des répercussions sur ton tatouage. Des indices sur lui, sur toi, sur vous et sur ce que le destin a décidé pour vous.

Elle agrippa mon poignet avec force et tenta d'attraper le bord de mon t-shirt mais je la repoussais. Énervée, elle usa de sa nécromancie pour m'immobiliser et mon cœur se gonfla de panique. 

- Je sais déjà ce qui est inscrit sur ma peau ! Criais-je à travers la salle, une pointe de douleur dans la voix.

La percevant, elle délia mon corps et rappela sa magie.
Elle attendit patiemment que je complète mon explication.
Ma gorge serrée rendit la tâche complexe.

- Il va disparaitre.
- C'est un esprit, souffla-t-elle.

Je hochais simplement la tête.

- Qu'est-ce qui est inscrit sur ta peau ?

Je ne répondis pas.

- Pryam...Dis-moi.
- Un baiser, un baiser lui ouvrira le chemin de son passage vers l'après.
- Tu ne peux pas le garder égoïstement sur cette terre Pryam.
- Je sais.
- Et il sera sans aucun doute le déclencheur de tes pouvoirs.
- Je me fiche de mes pouvoirs !
- Pryam ! N'oublie pas ce que tu es ! Qui tu es !

Je baissais les yeux, vaincu. Ma nature, ma famille, mon histoire en témoignaient. J'existais pour établir ce lien avec les esprits et les guider. Je n'avais ni le droit de décevoir ma lignée, ni de refuser cet héritage, encore moins d'instrumentaliser un esprit.

- Pryam, il est temps que tu lui dises au revoir. Que tu le laisses partir.

Qu'il était difficile de l'admettre. 

Pourtant, le lendemain, je me rendais chez Adam d'un pas plus lent qu'à mon habitude. Traînant les pieds dans la poussière, je descendais la rue avec appréhension. N'ayant pas fermé un œil de la nuit, j'avais longuement, très longuement réfléchi aux derniers mots de Lewyla. 

Toute la nuit à vrai dire. 

Aussi, j'étais resté presque dix minutes devant sa porte sans oser la pousser.
Jusqu'à ce que lui-même, certainement inquiet de ne pas me voir arriver, ouvre la porte à ma place. 

- Pryam, pourquoi n'entres-tu pas ?

Je l'avais regardé tristement et avais souri en caressant la main qu'il me tendait. Il l'avait prise et m'avait tiré doucement à l'intérieur de l'appartement. 

Comme à notre habitude, nous nous étions assis sur le matelas où il ne dormait jamais, il m'avait préparé une tasse de thé et me regardait la boire, une certaine chaleur au creux du ventre. Puis nous commencions à discuter jusqu'à onze heures du matin, heure à laquelle je quittais son habitation.

Mais ce jour-là, je ne touchais pas la tasse fumante et ne cherchais pas un sujet de conversation.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu ne te sens pas bien ?
- Adam...
- Oui ?
- J'aimerais te montrer autre chose aujourd'hui.
- Quoi donc ?
- Ce n'est pas quelque chose qui se traduit par des mots mais si ça ne te plait pas, tu peux utiliser les mots pour me le dire.
- De quoi parles-tu Pryam ?
- Donne-moi ta main.

Il me la tendit de nouveau et j'attrapais ses doigts sur lesquels je vins déposer mes lèvres. Doucement, lentement, je couvrais son poignet puis son bras de baisers délicats, le sentant frissonner sous mon toucher inhabituel.

- Pryam... ce n'est pas mon corps.
- Je sais. Mais les sensations qui lui parviennent t'atteignent aussi.

Voyant que je soulevais sa manche pour explorer les hauteurs de son bras, il m'arrêta d'un geste muet, retira sa veste puis déboutonna sa chemise qu'il ôta sans timidité. 

Je regardais ce corps qu'il habitait, pâle, froid, sans odeur, sans sueur, sans fluides mais je l'imaginais comme celui d'Adam que je souhaitais prendre dans mes bras sans plus le lâcher.

- Montre-moi davantage, murmura-t-il au creux de mon oreille, s'étant rapproché tout près de moi. 

J'embrassais alors sa joue, son front puis sa gorge, laissant mes doigts parcourir son corps en fermant les yeux. Je n'irais pas plus loin que des baisers et des caresses. En aucun cas je ne voulais mêler la luxure et l'amour même si ces deux entités coexistaient, même si j'aurais aimé ne faire qu'un avec cet esprit que je chérissais tant.

- Puis-je voir ce tatouage dont tu m'as tant parlé ?

Je me crispais, mon cœur se faisant douloureux et lourd à porter mais acceptait.
Si cette matinée était la dernière, je voudrais lui montrer cette part si importante de moi. 

Ainsi, je retirais à mon tour mes premiers vêtements, m'allongeant sur le ventre pour lui laisser le loisir de contempler ce mystérieux dessin. Il s'aventura sur les traits d'encre, frôlant ma peau dans une caresse délicieuse et je fermais les yeux, appréciant simplement son toucher, bien que glacial.

- Quelle estampe magnifique, chuchota-t-il.

Ses doigts, cependant, cessèrent leur course sur la dernière carte et un long souffle s'échappa d'entre ses lèvres qu'il vient déposer à son tour sur mon dos, là où étaient inscrites nos deux silhouettes s'embrassant.

- Je comprends mieux, dit-il. Pourquoi tes yeux sont si tristes aujourd'hui, ajouta Adam d'une voix tendre.

Je plongeais mon visage dans l'oreiller que je pressais dans mes bras, étouffant ma peine et cachant mon regard rougit par l'émotion.

- Pardonne-moi Pryam, peut-être aurait-il fallu que je ne te donne pas cette carte ce jour-là.

Je me relevais d'un bond.

- Non ! Je ne regrette pas de t'avoir rencontré Adam !

Il sourit. 

- Vraiment ?
- Bien sûr...

Ma voix n'était plus qu'un gémissement plaintif.

- Embrasse-moi Pryam. Peint la réalité des mêmes lignes que ce dessin inscrit sur ta peau.
- Tu disparaîtras...
- N'est-ce pas l'ordre des choses ?

Ah... ce même regard désolé que celui de Lewyla.
Qu'il était difficile de l'admettre.

Adam entrelaça nos doigts pour m'encourager.


- Merci de m'avoir aidé.

Je serrais la mâchoire, sentant un dernier discours que je me refusais d'accepter.

- Et de m'avoir montré ces sentiments qui m'étaient inconnus. Si j'avais été humain, j'aurais juré t'aimer Pryam.

Je pris son visage entre mes mains qui s'étaient mises à trembler et il ferma les paupières, n'effaçant jamais ce léger sourire qui embellissait son visage depuis que nous nous étions rencontrés.

- Adieu Pryam.

Lorsque le tatouage prit vie et que la septième carte s'acheva,
Adam disparu. 


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