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Je nage vers une surface éblouissante qui semble s'éloigner un peu plus chaque seconde qui me sépare de la rive. Les courants chauds puis froids me tirent vers des profondeurs dont je ne connais ni les sons, ni les odeurs, ni les couleurs.

Je me suis simplement penché au-dessus du bord, pensant attraper cette fleur qui flottait sereinement sur l'eau. Elle était là, à portée de main, je n'ai fait que tendre le bras, effleurer la surface, humidifier le bout de mes doigts, mais le charme s'est brisé. La fleur, simple illusion s'est changée en nébuleuse de sel et d'écume et l'océan déchaîné m'a avalé.

L'air a-t-il simplement eu le temps de se frayer un chemin jusqu'à mes poumons avant que le poids accablant des flots ne me submerge ? J'en doute. 

Je peine à nager, à garder les yeux ouverts, même à penser ou me débattre contre les algues qui s'enroulent autour de mes chevilles et de mes jambes. Les abîmes veulent me garder tout entier, à elles seules, prisonnier d'un environnement glacé et inhospitalier.

Mes paupières sont lourdes et l'eau s'écrase sur mes cils qui papillonnent pour rester entrouvert.

C'est à tâtons que je sens dans le creux de ma main un objet solide et plus froid encore que la manière aqueuse qui m'engloutit. Je glisse mes doigts le long de l'objet que je ne distingue pas. Je frôle des ornements de métal montés sur une tige tubulaire lisse qui s'achève sur une pièce crénelée et presque tranchante.

C'est une clé. 

Je m'en saisis lorsque mon cœur palpite et que l'eau se fraye un chemin dans ma gorge et mes poumons. Son passage brûle l'intérieur de mon corps, mais je me résous à tourner cette clé dans le vide et le noir.

Et comme si ce geste instinctif avait appelé une serrure à s'édifier d'elle-même, la clé sembla engrener l'espace des rêves et enfermer celui des cauchemars.

Un souffle d'air inespéré oxygéna mon cœur et j'ouvris les yeux. Une bulle transparente flottait autour de mon visage. Une bulle hors de la vraisemblance du temps et hors de l'exactitude du monde dans laquelle je respirais et dans laquelle les profondeurs de l'océan se paraient d'un arc-en-ciel.

Des bancs de poissons multicolores, aux écailles éclatantes nageaient dans toutes les directions dans une effervescence de bulles et de couleurs. Les algues qui tantôt avaient essayé de m'ancrer au fond des mers dansaient désormais au rythme des ressacs et du chant des sirènes.

M'avait-on déjà raconté les splendeurs sous-marines ?

La faune aquatique avait pris possession des ruines de la cité engloutie de Baïa.
Les murènes rouges régnaient sur les colonnes ioniques, les espadons joutaient au centre d'un amphithéâtre elliptique dont seules quelques arches tenaient encore fièrement debout. Les sculptures antiques avaient revêtu des habits de mousse et de coraux, demeure des crustacés et d'autres créatures énigmatiques.

Au milieu de ce palais antique, disparu sous les eaux, je nageai en prince, démuni de toute richesse et peut-être de toute vie, mais fortuné d'émerveillement.

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