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6. Un dimanche chez l'ogre (partie 2)

Barne n'était pas à proprement parler un « manuel ». C'était même tout le contraire : il se voyait comme un employé de bureau typique, et c'était là la plus honnête des considérations qu'il pouvait avoir sur lui-même. Bien plus habitué à manipuler un clavier qu'un marteau ou qu'un sécateur, Barne n'était objectivement pas un bricoleur du dimanche. Ni même un bricoleur d'un quelconque autre jour de la semaine, d'ailleurs. En ajoutant à cela sa main qui était tout sauf verte, il était évident que Barne avait à peu près autant de prédisposition pour le jardinage que pour le syndicalisme.

Pourtant, ce fut avec un certain plaisir qu'il passa plusieurs heures aux côtés de l'ogre Zarfolk, à retourner la terre, tailler des branches et récolter des légumes et des fruits mûrs. Il savait que c'était un cliché, mais il vérifia l'adage prétendant que les travaux manuels permettent de se vider la tête.

Les groseilliers foisonnaient de fruits d'un rouge éclatant et Barne comprit assez vite que tout ce que Zarfolk leur avait servi jusqu'à présent était issu de son jardin, y compris le fameux vin de groseille de la veille. L'ogre semblait s'être organisé une sorte d'ermitage improvisé en pleine ville, avec un niveau d'autosuffisance impressionnant.

Ils parlèrent peu mais Barne sentit qu'il ne dérangeait pas Zarfolk le moins du monde. L'ogre lui faisait l'effet de ces personnes qui haïssent les foules mais sont les meilleurs camarades en comité réduit. En l'absence de l'exubérant Carmalière, Zarfolk donnait l'impression d'être paisible, beaucoup moins sur la défensive. Certes, il restait un ogre et donc une créature relativement inquiétante du point de vue de Barne, mais manifestait une humeur tout à fait amicale.

Vers le milieu de l'après-midi, ils firent une pause bien méritée. Barne avait l'impression d'avoir déplacé une montagne et était proprement lessivé, ce qui fit rire l'ogre de bon cœur.

— T'avais de l'ardeur à la tâche, pélo, mais bêcher la terre, c'est pas dans tes habitudes. J'me trompe ?

— Nan, souffla Barne en s'affalant dans une des chaises de jardins que Zarfolk avait disposées à l'ombre d'un arbre. J'ai assez d'ampoules pour illuminer tout le jardin.

— Haha ! Allez, bois un coup d'pomme, tu l'as bien mérité.

Il déboucha une bouteille en verre sans étiquette.

— C'est sans alcool j'espère ? Sinon, là, je crois que ça va m'achever.

— Mais non, c'est juste du jus de pomme ! Au pire, s'il a tourné au cidre, tu survivras.

Ils trinquèrent et Barne but d'une traite son verre. Le jus de pomme, comme tout ce qu'il avait goûté jusqu'à présent, était délicieux. Des voix émanaient faiblement de l'intérieur de la maison, par les fenêtres ouvertes. Carmalière et les autres étaient sans aucun doute toujours plongés dans leurs plans pour l'Épée des Serfs.

— Foutu Carmalière, grommela l'ogre qui avait retrouvé son air renfrogné. Un bon esprit mais bon sang, en huit cents ans, on aurait pu espérer qu'iel finisse par acquérir une certaine sagesse...

— Vous n'avez pas peur que quelqu'un entende, depuis la rue ?

— Pas trop de risque. Cette impasse est pratiquement toujours déserte. De toute façon, derrière le muret, un passant entendrait que dalle à part des voix lointaines. Aucune chance qu'on y distingue quoi que ce soit d'intelligible, je peux te le garantir.

Barne se dit qu'il avait sans doute raison. Même eux, qui étaient dans l'enceinte de la propriété et non loin de la fenêtre ouverte de la salle à manger, ne pouvaient distinguer le moindre mot.

Ils restèrent silencieux un instant. Zarfolk semblait continuer à maudire Carmalière dans sa tête malgré tout et Barne se demandait si la conversation était toujours ouverte.

— Monsieur Zarfolk ? tenta-t-il timidement après quelques minutes.

— Juste Zarfolk, pélo.

— Zarfolk... qu'est-ce que vous pensez du plan de Carmalière ? Je veux dire, en oubliant, eh bien... qu'il s'agit de Carmalière.

— Tu veux dire, si je mets de côté mes a priori sur le gus ? Eh bien... C'est une noble quête, j'en doute pas. J'ai des doutes sur la capacité de Carmalière à être à la hauteur de cette noblesse, c'est tout.

— Mais est-ce vous pensez que...

Barne s'interrompit. Il ne savait pas trop s'il devait poser la question mais Zarfolk sembla deviner la suite.

— Que tu devrais le suivre ? Mon gars, n'importe qui avec les pieds suffisamment sur terre pour y garder ceux de ce doux dingue de magos ne sera pas de trop. Les demoiselles sont de bonnes âmes ; je connais pas l'nabot, mais il m'a l'air droit dans ses pompes ; quant à toi, tu me sembles être un bon gars. Ouaip, nul doute que t'aurais ta place parmi eux.

Barne eut un sourire. Il lui semblait si rare qu'on lui parle ainsi, sans sous-entendu, en le considérant comme un égal. Pour la deuxième fois de la journée ! Cette fois, c'était un ogre qui lui parlait, un grand ogre fort, indépendant et avec un caractère bien trempé : une personne qui aurait eu toutes les raisons d'être condescendant avec Barne qui était l'exact opposé. Zarfolk semblait être de ceux qui ont tellement souffert du regard des autres qu'ils ont appris à toujours adopter une attitude bienveillante envers leurs prochains. Surtout envers les plus faibles.

— Quant à savoir si tu _devrais_ les suivre, poursuivit l'ogre, si ce serait _dans ton intérêt_... Honnêtement, même si j'avais la réponse, je ne sais pas si je te la donnerais. Il arrive un moment où tu dois faire tes choix et où personne d'autre ne peut – ou ne doit – les faire pour toi.

Il se leva en emportant la bouteille qu'ils avaient vidée au fil de la conversation.

— En tout cas, rappelle-toi que c'est ta décision et uniquement la tienne. Te laisse pas avoir par les beaux discours de Carmalière. Agis en connaissance de cause, t'es le seul maître de ton destin. Tu sais, si jamais tu décides de ne pas les suivre et que tu te retrouves juste abandonné à la recherche d'une planque... eh bah, tu seras le bienvenu ici.

L'ogre inclina doucement la tête vers Barne puis tourna le dos et se dirigea vers la petite cabane en bois accolée à la maison et dans laquelle Barne l'avait vu ranger ses outils – et ses bouteilles.

Vivre en ermite avec un ogre anarchiste et autarcique... Barne se dit que l'idée était cocasse, voire ridicule. Pourtant, la vie était paisible ici. Loin du bruit, du métro, de la foule, de son boulot, de ses horaires... En paix, enfin, à l'écart du système. Malgré le système, _à côté_ du système.

Oui, mais après ? Vivre ici ? Et ensuite ? Mourir ? Ou alors, partir à l'aventure ? Peut-être mourir aussi ? Plus jeune, mais en participant à un dessein qui le dépasserait ? Barne repensait aux images de ses ancêtres qu'il avait cherchées sur Internet quelques jours plus tôt. En posant sa tête sur le dossier de la chaise du jardin, assommé par les efforts de la journée, il céda de manière fulgurante à la sieste dominicale. Il se prit à rêver que, peut-être, la grande gloire de la lignée des Mustii ne s'était pas encore tout à fait éteinte...

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