2. La Fédération Nationale des Travailleurs (partie 3)
Barne n'eut qu'un souvenir très confus du chemin du retour. Il avait pris le bus, il en était à peu près certain, mais tout le reste était flou. Sa vie avait pris un tour aussi inattendu que brutal. Pourquoi ? Pour une stupide insulte lancée par un patron un peu autoritaire.
« Traîne-savate »... Pourquoi avait-il fallu qu'il en fasse un tel flan ? Surtout, pourquoi n'avait-il jamais été capable de dire « non » à cette Carmalière, tout simplement ? Il en avait eu envie, pourtant, à chaque fois que les plans de la magicienne devenaient un peu plus délirants. Mais non. Jusqu'au bout, Barne avait accepté. Tacitement, parfois. En grognant un peu. Sauf qu'il avait été, dans les grandes lignes, _consentant_. Il ne se l'expliquait pas.
Quel traîne-savate, se dit-il... Il avait la sensation d'avoir été happé, comme une marionnette, par les événements. Incapable d'inverser la tendance, il s'était résigné à suivre Carmalière dans cette mission dont les tenants et les aboutissants lui semblaient de plus en plus flous.
— Eh bien, fit son miroir lorsqu'il entra dans la salle de bain pour prendre une douche bien méritée, on rentre tard ce soir ! Ne me dis pas que tu as fini par remplacer Mélindel ?
— Ça te regarde, la vitre ?
— Oooh, mais c'est qu'il répond, l'effronté.
Les habits de Barne atterrirent dans la corbeille à linge sale. Il ouvrit le robinet et lorsque l'eau commença à chauffer, il entra dans sa cabine de douche.
— Alors ? reprit le miroir.
— Alors quoi ?
— Tu veux pas me répondre ?
— Faudrait savoir, je croyais que j'étais effronté. Tu préfères que je te réponde alors ?
— Oh ça va, petit malin. Tu peux m'dire, non ? On est quand même pratiquement des colocataires. Ça crée des liens.
Barne éclata d'un rire à moitié forcé. Intérieurement, il était plutôt horrifié : bon sang, il a raison, se disait-il. Ma relation sociale actuelle la plus sérieuse, c'est le miroir de ma salle de bain. Eh merde.
— Si tu veux tout savoir, je pars à l'aventure !
— À l'aventure, toi ? Tu vas sortir les poubelles, c'est ça ?
— Pas du tout. Je vais poursuivre mon patron en justice. Pour ça, je pars à la recherche d'un ancien document juridique.
— Ouais, bah j'étais pas loin...
— N'empêche que je suis dans une _compagnie_, maintenant. Eh ouais. Y'a un magicien, une fée, une elfe...
— Sans blague ? Encore une elfe ? Mélindel ne t'as pas suffi ?
— Tu peux te moquer, n'empêche que moi, je fréquente des gens en dehors de l'appartement.
C'était un coup bas, il le savait. Le pauvre miroir n'avait pas la moindre occasion de parler à qui que ce soit, sauf lorsque Barne recevait des invités. Ce qui n'était à peu de chose près jamais arrivé depuis que son ex-femme était partie.
Pourtant, quelque part, se passer les nerfs sur cet objet insignifiant avait revigoré Barne. Au fond, peu importait la mission. Pour la première fois depuis longtemps, il allait _vivre_ quelque chose. Sortir.
Et, il se sentit ridicule en ayant cette pensée d'adolescent attardé mais... il avait de nouveaux _amis_.
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