Le clair de lune baignait de lumière la place principale de Nageperle. Des croassements rythmaient la nuit bien avancée, tandis que Bhohort essayait de se retourner dans la minuscule cage où il était enfermé depuis l'après midi. Il grogna quand il s'érafla le bras contre les bambous mal coupés.

L'Alliance avait récupéré les cages primaires des Hozens pour enfermer les prisonniers que certains Héros pouvaient ramener. Mais il n'avait jamais pensé qu'il serait l'un d'entre eux.

Il s'assit enfin quand il se trouva bien installé. Il lui manquait plus que des chaines et on aurait pu le présenter comme une bête de foire à Sombrelune. Ce pendant il n'était pas seul. Une autre cage était à proximité.

- Cesses de râler...

A coté de lui, Seline était dans le même état que lui. L'amiral lui avait donné la même punition, quoique plus allégée. Elle réussit à négocier en craquant en pleurs devant tout le monde, jurant devant la sainte Lumière qu'elle n'avait jamais souhaité sa mort. L'Amiral fut plus à même de l'écouter, et promis une peine moindre par rapport à Bhohort.

- C'est toi qui a commencé, c'est moi qui me retrouve enfermer pour quatre jours...Tu ne vas pas te plaindre, tu échoppes que d'une nuit. Les charmes féminins sont définitivement plus convainquant que la vérité.

Seline se retourna en grognant

- La vérité? Et quand vas tu lui dire la vérité à cet homme que tu as embrassé, que dis je... embarrassé? Il a le droit de savoir!

- Savoir quoi?

Bhohort et Seline  tournèrent immédiatement vers celui qui venait de leur dire cela. Idill se tenait devant eux. La lune se reflétaient sur ses cheveux roux détachés, lui donnant un air mystique.

Bien vite, il avança dans la direction de Seline, portant jusqu'à sa cage une gamelle pleine de ragout, qu'il déposa précautionneusement devant elle.

- Tenez, mademoiselle, je pense que cela vous fera du bien.

Seline ne dit rien, et bascula la tête en avant pour cacher la rougeur qu'avaient pris ses joues si soudainement. Puis du bout des lèvres , elle le remercia. Elle attrapa l'assiette d'une extension de bras, pour la ramener à elle.

Idill se releva, et lui sourit.

Quant à Bhohort, il venait enfin de comprendre pourquoi "sa sœur" l'avait provoqué. Elle s'était apparemment entichée du jeune guerrier. L'instit animal avait plus ou moins pris le dessus. Déjà que leurs relations étaient chaotiques,  si en plus un homme se mettait sur leurs chemins...

 Seline entama son diner tardif, tandis qu'Idill s'approcha de la cage du chevalier.

- Êtes vous calmé? demanda le guerrier légèrement empourpré.

- Je suis en ne peu plus calme... Je transpire la sérénité, cela ne se voit pas? tenta Bhohort un brin moqueur.

Mais cela eut l'effet inverse. Idill fronça des sourcils, puis recula de deux pas. La rougeur sur son  visage s'était estompée, et il était visiblement contrarié. Il avait encore dans sa main une autre gamelle, qu'il plaqua contre lui.

- Il me semble que les chevaliers de la mort ne mange pas...dit Idill d' un ton peu aimable.

Bhohort sentit qu'il ne fallait pas qu'il fasse un autre faux pas avec le guerrier. Il était là pour eux, il ne fallait pas le faire partir en courant.

- Oui, mais cela ne nous empêche pas de manger juste pour le plaisir, gouter les plats, l'odeur qui monte jusqu'au nez... et je sens que le ragout doit être délicieux ... répondit il

Idill regarda le plat, puis un petit sourire se dessina. Il se tourna vers Seline lui demandant si c'était bon. Elle acquiesça de la tête, affirmant les propos d'Idill.

- Alors si Seline dit que c'est bon... Je...Veux... Bien ... Gouter...

Bhohort détacha chacun de ses mots pour insister sur le fait qu'il mangerait le plat.

Idill s'approcha de nouveau de sa cage, pris une certaine distance et posa la gamelle avant de se relever. Alors que Bhohort pris le plat, il entendit d'une voix basse :

- C'est... moi qui l'ait cuisiné. Bon appétit.

Bhohort releva les yeux vers le guerrier, et cette fois, il lui sourit véritablement. Avoir un plat confectionné par Idill lui mettait du baume au cœur. Il empoigna la cuillère qu'il trempa allégrement dans l'assiette.

Alors que les deux prisonniers mangèrent en silence, Idill s'installa sur un tronc posé comme un banc. Il regarda sans rien dire la fratrie, et ses lèvres bougèrent inconsciemment. 

- Pourquoi une telle rancœur entre frère et sœur ?

Seline s'arrêta net de manger à la question, Bhohort ne fit pas de cas, mais il répondit sèchement :

- Cette femme n'est pas ma sœur.

- Bhohort! s'écria Seline, visiblement vexé.

Le worgen posa ses yeux sur la jeune femme, et grogna, avant de reprendre.

- C'est la fille d'une putain...

- Nous avons le même père!

- Un père qui ne prends pas soin de ses enfants, n'est pas un vrai père!! (hurla soudainement Bhohort). Nous n'avons été que des pions pour lui !! Il n'a même pas hésiter à trahir sa propre femme, pour aller fricoter ailleurs, et faire des gosses derrière son dos! Il n'a pas hésiter pas à m'imposer une femme comme fiancé pour se rapprocher de la royauté! Une fiancé qui n'a plus voulu de moi quand je suis revenu! Seline! J'ai mes propres douleurs!

- Comme j'ai les miennes abrutis! réplique la druidesse maintenant en colère.

Idill prit entre deux feux, se recroquevilla sur le banc, se maudissant au passage d'avoir posé la question.

- Qu'est ce que tu crois que j'ai ressenti quand tu m'as mordu! Tout cela pour te venger de notre père!

- Et moi! qu'est que tu crois que j'ai ressenti quand celui en qui j'avais toute confiance, m'a jeté en pâture aux worgens originelles! Tout cela pour que j'ai la force de ces bêtes! Il a détruit ma vie, cracha Bhohort.

Alors Seline se tut. Bouche bée d'apprendre une telle chose.

- Notre père a gâché nos vies respectives...( continua Bhohort plus doucement). Je n'ai jamais demandé à être né dans cette famille...Portant des lettres de noblesse qui ne sont finalement que du vent. Sais tu pourquoi petit homme je suis un worgen?

Idill se figea au nouveau surnom de Bhohot. Il secoua la tête négativement.

- Tout cela parce que mon père trouva l'idée lumineuse de faire de son ainée un worgen. Il avait l'intention de faire de moi une arme. Il était de connivence avec celui dont le malheur est arrivé en Gilnéas. Le Mage Arugal, l'avait mis dans la confidence  d'un plan , une armée composée que de worgens. Mais cela a dérapé... Quand j'ai été mordu, lors d'une chasse, j'ai été emmené loin des miens, et on m'a fait passé pour mort auprès de ma mère. Pendant des mois, j'ai été l'esclave de ce mage, faisant des expériences à tour de bras sur tous les porteurs de la malédiction. Et puis un jour, sans savoir pourquoi, son pouvoir a faibli. Quelques uns d'entre nous, moi compris, avons retrouvé un semblant d'humanité...Nous avons fuit, et je suis revenu sur nos terres, et j'ai juré de me venger de mon père. Alors quand j'ai appris que Seline n'était d'autre qu'une bâtarde de mon père, j'ai sauté sur l'occasion.

- Et tu t'es vengé sur moi! Moi qui n'avais rien demandé!  Tu m'as transformé... lâcha Seline, qui partit en sanglot.

Idill se leva, et s'accrocha aux barreaux de la cage de la druidesse.

 - Mademoiselle, je suis sur que maintenant, il le regrette... n'est ce pas que vous regrettez Monsieur Bhohort?

Bhohort écarquilla ses yeux blanc brillant puis il ferma les yeux et revit la tragédie.

Je vous en supplie! Laissez la tranquille, elle ne vous a rien fait. Vous êtes un modèle pour elle!  Ne lui infligez pas cette malédiction!

Il tenait dans ses bras, sa cadette, évanouie, et sa mère non loin d'eux, qui craignait pour la vie de sa fille.

Dans ce cou tendu en sacrifice à la bête qu'il était, il mordit. Il pouvait même encore ressentir le gout du sang de Seline, coulant le long de son épaule .

Ainsi Bhohort scella le destin de sa sœur, devant sa mère sanglotante, mais aussi devant sa propre mère, qui était arrivé en catastrophe, pour essayer de l'arrêter. Sa mère qui comprit ce jour là, la traitrise de son mari et celle qu'elle considéré comme son amie, la mère de Seline.

- Je n'avais plus toute ma tête, j'étais aveuglé par la vengeance... et le chagrin.

Il releva la tête.

- Nous sommes les dommages collatéraux d'une malédiction qui n'aurait jamais dû nous toucher. A cause de l'égoïsme de mon père, nous avons tout perdu, et le nom des  LLoyd devrait être enterrer à jamais.

Il vit le regard d' Idill, trahissant de la pitié. Ce fut trop pour lui. Il se tourna volontairement des plus jeunes pour ne plus avoir à faire à eux. Il avait besoin d'être seul. Comme il avait toujours été finalement. Après quelques secondes de silence, il entendit alors des pas s'éloignant des cages et ceci :

- Je ne voulais pas ressasser votre passé, je ne voulais pas rouvrir les blessures de famille. S'il vous plait, ne me détestez pas.

Bhohort grogna en guise de réponse, puis murmura :

- Idill, tu es loin de connaitre mon passé, et il vaut mieux pour toi que tu n'en saches pas plus.

Mais le guerrier n'entendit les dernières paroles prononcés par le chevalier .

Dans le ciel la lune continuait sa course frénétique, et les grenouilles continuèrent leur concert sans se préoccuper du sort des humains sur cette terre.